THESE DIPLOME D`ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE
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THESE DIPLOME D`ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE
Année 2015 THESE pour le DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Qualification en : MEDECINE GENERALE Par Anne-Lucie CHAUDET LEJEUNE Née le 03/11/1985 LE MANS Présentée et soutenue publiquement le : 13/10/2015 ATTITUDES ET REPRESENTATIONS DE FEMMES D'ORIGINE IMMIGREE DE LA REGION MANCELLE CONCERNANT LE DEPISTAGE DU CANCER DU COL DE L'UTERUS Président : Monsieur le Professeur HUEZ Jean-François Directeur : Madame le Professeur BARON Céline 1 SERMENT D’HIPPOCRATE « Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux ,individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu (e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré (e) et méprisé(e) si j’y manque ». 2 LISTE DES ENSEIGNANTS DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE D’ANGERS Doyen Pr. RICHARD Vice doyen recherche Pr. PROCACCIO Vice doyen pédagogie Pr. COUTANT Doyens Honoraires : Pr. EMILE, Pr. REBEL, Pr. RENIER, Pr. SAINT-ANDRÉ Professeur Émérite : Pr. Gilles GUY, Pr. Jean-Pierre ARNAUD Professeurs Honoraires : Pr. ACHARD, Pr. ALLAIN, Pr. ALQUIER, Pr. BASLÉ, Pr. BIGORGNE, Pr. BOASSON, Pr. BOYER, Pr. BREGEON, Pr. CARBONNELLE, Pr. CARON-POITREAU, Pr. M. CAVELLAT, Pr. COUPRIS, Pr. DAUVER, Pr. DELHUMEAU, Pr. DENIS, Pr. DUBIN, Pr. EMILE, Pr. FOURNIÉ, Pr. FRANÇOIS, Pr. FRESSINAUD, Pr. GESLIN, Pr. GINIÈS, Pr. GROSIEUX, Pr. GUY, Pr. HUREZ, Pr. JALLET, Pr. LARGET-PIET, Pr. LARRA, Pr. LE JEUNE, Pr. LIMAL, Pr. MARCAIS, Pr. PARÉ, Pr. PENNEAU, Pr. PENNEAU-FONTBONNE, Pr. PIDHORZ, Pr. POUPLARD, Pr. RACINEUX, Pr. REBEL, Pr. RENIER, Pr. RONCERAY, Pr. SIMARD, Pr. SORET, Pr. TADEI, Pr. TRUELLE, Pr. TUCHAIS, Pr. VERRET, Pr. WARTEL PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS ABRAHAM Pierre Physiologie ASFAR Pierre Réanimation AUBÉ Christophe Radiologie et imagerie médicale AUDRAN Maurice Rhumatologie AZZOUZI Abdel-Rahmène Urologie BARON Céline Médecine générale BARTHELAIX Annick Biologie cellulaire BATAILLE François-Régis Hématologie ; Transfusion BAUFRETON Christophe Chirurgie thoracique et cardiovasculaire BEAUCHET Olivier Gériatrie et biologie du vieillissement BEYDON Laurent Anesthésiologie-réanimation BIZOT Pascal Chirurgie orthopédique et traumatologique BONNEAU Dominique Génétique BOUCHARA Jean-Philippe Parasitologie et mycologie CALÈS Paul Gastroentérologie ; hépatologie CAMPONE Mario Cancérologie ; radiothérapie 3 CAROLI-BOSC François-Xavier Gastroentérologie ; hépatologie CHABASSE Dominique Parasitologie et mycologie CHAPPARD Daniel Cytologie et histologie COUTANT Régis Pédiatrie COUTURIER Olivier Biophysique et Médecine nucléaire CUSTAUD Marc-Antoine Physiologie DARSONVAL Vincent Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique de BRUX Jean-Louis Chirurgie thoracique et cardiovasculaire DESCAMPS Philippe Gynécologie-obstétrique DIQUET Bertrand Pharmacologie DUVERGER Philippe Pédopsychiatrie ENON Bernard Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire FANELLO Serge Épidémiologie, économie de la santé et prévention FOURNIER Henri-Dominique Anatomie FURBER Alain Cardiologie GAGNADOUX Frédéric Pneumologie GARNIER François Médecine générale GARRÉ Jean-Bernard Psychiatrie d’adultes GOHIER Bénédicte Psychiatrie GRANRY Jean-Claude Anesthésiologie-réanimation GUARDIOLA Philippe Hématologie ; transfusion HAMY Antoine Chirurgie générale HUEZ Jean-François Médecine générale HUNAULT-BERGER Mathilde Hématologie ; transfusion IFRAH Norbert Hématologie ; transfusion JEANNIN Pascale Immunologie JOLY-GUILLOU Marie-Laure Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière LACCOURREYE Laurent Oto-rhino-laryngologie LASOCKI Sigismond Anesthésiologie-réanimation LAUMONIER Frédéric Chirurgie infantile LEFTHÉRIOTIS Georges Physiologie LEGRAND Erick Rhumatologie LERMITE Emilie Chirurgie générale LEROLLE Nicolas Réanimation 4 LUNEL-FABIANI Françoise Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière MALTHIÉRY Yves Biochimie et biologie moléculaire MARTIN Ludovic Dermato-vénéréologie MENEI Philippe Neurochirurgie MERCAT Alain Réanimation MERCIER Philippe Anatomie MILEA Dan Ophtalmologie NGUYEN Sylvie Pédiatrie PELLIER Isabelle Pédiatrie PICHARD Eric Maladies infectieuses ; maladies tropicales PICQUET Jean Chirurgie vasculaire ; médecine vasculaire PODEVIN Guillaume Chirurgie infantile PROCACCIO Vincent Génétique PRUNIER Fabrice Cardiologie REYNIER Pascal Biochimie et biologie moléculaire RICHARD Isabelle Médecine physique et de réadaptation RODIEN Patrice Endocrinologie et maladies métaboliques ROHMER Vincent Endocrinologie et maladies métaboliques ROQUELAURE Yves Médecine et santé au travail ROUGÉ-MAILLART Clotilde Médecine légale et droit de la santé ROUSSEAU Audrey Anatomie et cytologie pathologiques ROUSSEAU Pascal Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ROUSSELET Marie-Christine Anatomie et cytologie pathologiques ROY Pierre-Marie Thérapeutique SAINT-ANDRÉ Jean-Paul Anatomie et cytologie pathologiques SENTILHES Loïc Gynécologie-obstétrique SUBRA Jean-François Néphrologie URBAN Thierry Pneumologie VERNY Christophe Neurologie WILLOTEAUX Serge Radiologie et imagerie médicale ZAHAR Jean-Ralph Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière ZANDECKI Marc Hématologie ; transfusion 5 MAÎTRES DE CONFÉRENCES ANNAIX Claude Biophysique et médecine nucléaire ANNWEILER Cédric Gériatrie et biologie du vieillissement AUGUSTO Jean-François Néphrologie BEAUVILLAIN Céline Immunologie BELIZNA Cristina Médecine interne BELLANGER William Médecine générale BLANCHET Odile Hématologie ; transfusion BOURSIER Jérôme Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie BRIET Marie Pharmacologie CAILLIEZ Éric Médecine générale CAPITAIN Olivier Cancérologie ; radiothérapie CASSEREAU Julien Neurologie CHEVAILLER Alain Immunologie CHEVALIER Sylvie Biologie cellulaire CONNAN Laurent Médecine générale CRONIER Patrick Chirurgie orthopédique et traumatologique de CASABIANCA Catherine Médecine générale DINOMAIS Mickaël Médecine physique et de réadaptation DUCANCELLE Alexandra Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière DUCLUZEAU Pierre-Henri Nutrition FERRE Marc Biologie moléculaire FORTRAT Jacques-Olivier Physiologie HINDRE François Biophysique JEANGUILLAUME Christian Biophysique et médecine nucléaire JOUSSET-THULLIER Nathalie Médecine légale et droit de la santé KEMPF Marie Bactériologie-virologie ; Hygiène hospitalière LACOEUILLE Franck Biophysique et médecine nucléaire LETOURNEL Franck Biologie cellulaire MARCHAND-LIBOUBAN Hélène Histologie MAY-PANLOUP Pascale Biologie et médecine du développement et de la reproduction MESLIER Nicole Physiologie MOUILLIE Jean-Marc Philosophie 6 PAPON Xavier Anatomie PASCO-PAPON Anne Radiologie et Imagerie médicale PENCHAUD Anne-Laurence Sociologie PIHET Marc Parasitologie et mycologie PRUNIER Delphine Biochimie et biologie moléculaire PUISSANT Hugues Génétique SIMARD Gilles Biochimie et biologie moléculaire TANGUY-SCHMIDT Aline Hématologie ; transfusion TURCANT Alain Pharmacologie 7 COMPOSITION DU JURY Président du jury : Monsieur le Professeur HUEZ Jean-François Directeur de thèse : Madame le Professeur BARON Céline Membres du jury : Madame le Professeur BARON Céline Monsieur le Professeur SENTILHES Loïc Monsieur le Docteur LACOMERE Jean-Luc 8 Remerciements A ma directrice de thèse, Madame le Professeur BARON. Merci pour vos conseils constructifs dans la réalisation de ce travail. Au Président du Jury, Monsieur le Professeur HUEZ. Merci d’avoir accepté de présider ce jury. A Monsieur le Professeur SENTILHES et Monsieur le Docteur LACOMERE. Merci de participer à l’évaluation de ce travail. A toutes les personnes qui ont permis la réalisation de cette étude. A mon mari et mon fils, A mes parents, A toute la smala qui s’agrandit, A ma belle famille. 9 Table des matières Introduction…………………………………………......................................................12 Méthode…………………………………………………………………………………...15 A-Mode de recrutement…………………………………………………………………........15 B-Population………………………………………………………………………………….15 C-Guide d’entretien…………………………………………………………………………..15 D-Conditions de recueil………………………………………………………………………16 E-Méthode de retranscription et d’analyse…………………………………………………...16 F-Aspects éthiques…………………………………………………………………………....16 Résultats…………………………………………………………………………………..11 A-Données générales sur les entretiens………………………………………………….........11 B-Description de l’échantillon………………………………………………………………..11 C-Guide d’entretien (Annexe1 CD-Rom) D-Analyse…………………………………………………………………………………….12 1-La prévention: une notion parfois nouvelle et questionnée………………………………...19 1-1- Le dépistage du cancer du col de l’utérus dans le pays d’origine: une pratique peu connue des femmes, rarement proposée et confiée à des spécialistes 1-2-Un dépistage jugé non pertinent en l’absence de symptômes 1-3-Un dépistage qui vient heurter l’habitude de soins dirigés 2-Une pratique de dépistage qui s’intègre difficilement à l’histoire de la patiente et/ou à sa culture ………………………………………………………………………………………...22 2-1-Un dépistage qui n’est pas une priorité 2-2-Un dépistage influencé par l’expérience personnelle ou transmise du vécu de l’examen gynécologique 2-3-Un dépistage marqué par le tabou de l’intime et la culture 2-4-Un dépistage freiné par la barrière de la langue 2-5-Un geste plutôt réservé aux femmes mariées 2-6-Le dépistage en rupture avec l’idée d’un destin et de l’ “histoire naturelle” 2-7-Un geste mieux accepté si c’est un médecin femme mais non rejeté pour des raisons religieuses si c’est un homme 3-Un geste accepté à condition d’être expliqué et accompagné……………………………...26 3-1-Un besoin d’explications et d’informations sur les modes d’accès au dépistage dans un système de santé méconnu 3-2-Une attente d’information rassurante et adaptée à leur niveau de connaissance 3-3-Le frottis, une opportunité à saisir pour garantir sa santé 3-4-Le frottis, un geste banal pour les femmes ayant eu un suivi de grossesse 3-5-Le frottis, un conseil prodigué par l’entourage 10 4- Un dépistage d’une maladie nommée « cancer » qui a des représentations limitant le dépistage……............................................................................................................................31 4-1-Un cancer perçu comme incurable qui fait peur 4-2-Un cancer parfois attribué à des comportements ou à des évènements de vie qui mettent en doute l’intérêt du dépistage 4-3-Un cancer évalué comme rare dans le pays d’origine qui remet en cause l’utilité du dépistage 5-Propositions des enquêtées pour améliorer le dépistage………………………………..….32 5-1-Une priorité: contourner l’obstacle linguistique 5-2-Des supports adaptés au niveau de compréhension 5-3-Des émissions télévisuelles proposées pour leur accessibilité au plus grand nombre 5-4-Des formats d’information facilitant la confiance et l’expression 5-5-L’amélioration d’informations “en ligne” et l’utilisation des réseaux sociaux Discussion A-Discussion sur la méthodologie……………………………………………………………35 1-Biais de sélection de l’échantillon………………………………………………….35 2-Biais d’intervention lié à l’enquêteur……………………………………………….35 3-Biais liés à la méthode d’analyse…………………………………………………...35 B-Discussion sur les résultats………………………………………………………………...36 1-Validité interne de l’étude…………………………………………………………..36 2-Validité externe de l’étude………………………………………………………….36 a-Comparaison des résultats à la Littérature………………………………….36 b-Eléments de la Littérature complétant l’étude……………………………...37 c-Discussion sur les propositions des participantes…………………………..38 Conclusion……………………………………………………………………………….40 Bibliographie……………………………………………………………………………37 Annexes (cf CD-Rom) Annexe 1 Guide d’entretien Annexe 2 Verbatims, Grille d’analyse Annexe 3 Lettre d’information aux patientes et aux recruteurs 11 Introduction Les médecins généralistes sont en première ligne du dépistage du cancer du col de l’utérus, une maladie qui a touché près de 3000 femmes en France en 2011. Près de 1000 femmes en meurent chaque année [1]. Le dépistage du cancer du col par le frottis cervico-utérin (FCU) préviendrait 90 % des cancers du col utérin à condition qu’il soit réalisé chez toutes les femmes de 25 à 65 ans et qu’un suivi adéquat des lésions détectées soit proposé [2]. Actuellement, 40% des femmes sont dépistées trop fréquemment et 50% le sont trop peu souvent. Parmi elles, les femmes d’origine immigrée représentent une population où il est nécessaire d’adapter le dépistage [2]. Les programmes régionaux d’intégration des populations immigrées visent à faire émerger la connaissance des situations sociales, familiales, du parcours de vie des femmes immigrées pour mettre en place des campagnes de prévention de santé adaptées à leurs réalités. En effet, les freins d’ordre culturel et économique sont plus importants chez les femmes d’origine migrante et/ou en situation de précarité1 [3]. Un immigré des pays tiers2 a 77 % de risque d'être en sous-emploi3 par rapport à un Français de parents nés français. Les femmes immigrées sont deux fois plus touchées que leurs homologues masculins. Elles sont donc directement exposées à la précarité [4]. Le Plan cancer 2009-2013 avait notamment pour objectif de réduire les inégalités sociales d’accès au dépistage en renforçant les actions auprès des femmes à risque et des femmes en situation de précarité. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, les inégalités sociales en santé sont liées à différents déterminants que sont, entre autres, le niveau de revenu, le réseau de soutien social, l’emploi, le niveau d’étude, les services de santé et la culture. 1 Absence d'une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. Les situations de précarité économique et sociale sont diverses et souvent cumulatives. Elles sont liées en grande partie à la dégradation du marché de l'emploi 2 Pays ou territoires hors de l’Union européenne 3 Avoir un contrat précaire, être à temps partiel sans l’avoir choisi ou être considéré comme inactif alors que l'on souhaite travailler Breem.Y, Sous emploi et précarité chez les immigrés, Infos migrations n°17, Décembre 2010 12 Une étude de 2010 en Ile de France montre que l’origine migratoire est un facteur d’inégalité important concernant le recours au moins une fois dans sa vie au dépistage du cancer du col. Le risque de ne jamais en avoir bénéficié est 4 fois plus élevé chez les femmes immigrées [5]. Le risque de mourir d’un cancer du col de l’utérus est presque dix fois plus élevé en Afrique subsaharienne qu’en Amérique du Nord [6]. Cette différence est liée à l’absence de dépistage de masse et de vaccination anti-papillomavirus (HPV) dans les pays subsahariens, mais également à l’absence de service de détection par manque de personnel qualifié ou de traitement [7]. 83% des nouveaux cas de cancer du col de l’utérus surviennent dans les pays en voie de développement4. C’est la deuxième cause de mortalité par cancer chez la femme dans ces pays, et la première chez la femme africaine [8]. Les femmes immigrées5 en France, pour la plupart issues de pays en voie de développement [9], font partie de la population cible où il est nécessaire de renforcer les actions en faveur du dépistage [3]. La prise en compte des spécificités socioculturelles en matière de santé est une dimension qui se développe dans le monde, en Europe et en France. Le dépistage du cancer du col de l’utérus, mené à l’aide de méthodes adaptées à une population cible, est une pratique qui se développe aux Etats-Unis notamment pour accroître la participation des femmes hispaniques. Elles sont contactées en espagnol par téléphone pour leur proposer d’être dépistées. En Europe, le projet Migrant-Friendly Hospital vise à prendre en compte les spécificités socioculturelles des patients migrants dans les pratiques de soins. Ce programme regroupe 4 Pays qui a enclenché un processus, sur les plans économique et social, pour relever le niveau de vie de ses habitants, en tentant de mettre fin, notamment, au faible développement de son industrie, à l'insuffisance de sa production agricole, au déséquilibre entre la rapidité de sa croissance démographique et l'augmentation de son revenu national. 5 Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration en 1991, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et entrée en France en cette qualité en vue de s’établir sur le territoire français de façon durable. 13 différents hôpitaux dans 12 pays de l’Union Européenne. En France, l’hôpital Avicenne à Bobigny en fait partie. Une étude auprès de la population immigrée en région Provence-Alpes-Côte d’Azur sur les représentations et les pratiques en matière de dépistage des cancers met en évidence l’importance de la relation de l’individu à la maladie, modelée par ses références culturelles, sa religion, son histoire personnelle, son niveau de connaissances [10]. Dans les Pays de la Loire, la population immigrée représente 3,2 % de la population régionale en 2011. Cette proportion croît régulièrement de 4,5% en moyenne par année. 63 % des immigrés de la région appartiennent à la classe d'âge des 20 à 55 ans. Les communes de Nantes, Saint-Nazaire, Angers, Cholet et Le Mans regroupent 45 % des immigrés de la région, dont plus de la moitié sont originaires du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne [11]. La Sarthe accueille 15 % de la population immigrée des Pays de la Loire, essentiellement dans les pôles urbains et leur périphérie. Notre étude se situe dans la Sarthe, dans une ville de taille moyenne, Le Mans (140 000 habitants), et dans deux de ses communes périphériques, Allonnes (11 000 habitants) et Coulaines (7500 habitants). Dans ce contexte d’accueil de population immigrée, l’amélioration de la qualité des soins nous amène à nous interroger sur la participation des femmes au dépistage du cancer du col de l’utérus. Ainsi l’étude des attitudes6 et des représentations7 concernant le frottis cervico-utérin chez des femmes immigrées de la région mancelle permettra d’explorer les leviers ou au contraire, les freins à la prévention dans cette population. 6 Elle exprime un positionnement, une orientation générale, positive ou négative par rapport à l'objet de la représentation. 7 Ce sont des systèmes de références qui permettent d’interpréter ce qui nous arrive, voire de donner un sens à l’inattendu. Elles servent à classer les circonstances, les phénomènes, les individus auxquels nous avons à faire. En matière de santé, ce sont les idées ou théories que les personnes entretiennent sur les maladies, leurs causes, plus ou moins éloignées des connaissances médicales. “Les représentations de la santé et du corps différent de celles des médecins. Les représentations, leur évolution et leur fonction adaptative ont un impact sur les comportements. Ces représentations peuvent rester cachées si le médecin n’arrive pas à dire « ici on peut tout dire même les choses du village. Nous connaissons ces choses –là » (Tobie Nathan). A.Begue-Simon, “Approche socio-anthropologique et cancer” 14 Méthode Il s’agissait d’une étude qualitative par entretiens individuels semi-dirigés. A-Mode de recrutement La saturation théorique des données a permis d’apprécier le nombre d’entretiens nécessaires. 16 femmes d’origine immigrée, âgées de 25 à 65 ans, volontaires pour cette étude ont participé. Elles ont été recrutées au sein de différentes structures: cabinet de Médecine Générale, cabinet de sage femme libérale, antenne de Protection Maternelle et Infantile (PMI), associations de femmes immigrées. Après information orale du thème de l’étude et demande de consentement des femmes, le recrutement a été fait par des professionnels de santé (médecins, sages femmes, puéricultrices) ou par des animateurs en santé travaillant pour des associations de femmes. B-Population Il s’agissait d’un échantillonnage raisonné en variation maximale sur les variables suivantes : âge, profession, niveau variable en français, situation maritale, nombre d’enfants, moyen de contraception, niveau d’étude, type de couverture sociale, langue maternelle, nombre d’années vécues en France, âge à l’ arrivée en France, vivant au Mans, à Coulaines ou Allonnes. C-Guide d’entretien Il a été élaboré à l’aide d’hypothèses et de constats issus de la littérature dans le domaine de la Médecine [12], de la Santé Publique [13], de la Sociologie [14], des Sciences Humaines [15], de l’Anthropologie [16]. Le guide d’entretien était organisé sur quatre axes d’exploration : l’information et la réception de l’information de la proposition de frottis, le recueil de l’ expérience personnelle, l’influence de l’origine étrangère sur l’attitude de la patiente, et enfin les propositions de la participante pour améliorer le dépistage du cancer du col de l’utérus. 15 Il y a eu un entretien préalable pour tester les questions et la compréhension de la première participante. D-Conditions de recueil Le jour de l’entretien a été fixé en tenant compte des disponibilités de la patiente. Les entretiens été réalisés dans un local attenant au cabinet du professionnel de santé que la patiente avait l’habitude de consulter. Les entretiens ont été menés par le même enquêteur et enregistrés intégralement avec enregistreur numérique, après consentement de la patiente. E-Méthode de retranscription et d'analyse Les informations brutes recueillies ont été transcrites intégralement sous Word pour constituer le corpus du verbatim. Le discours hors contexte et hors sujet, n’a pas été retranscrit. Ensuite, une grille d'analyse a été construite avec différents thèmes et sous-thèmes avec le choix d'un codage ouvert ; approche inductive de généralisation et d’abstraction des données. Le codage ouvert a permis de repérer les sous-thèmes qui ont été comparés puis regroupés en thèmes plus généraux. L’analyse des thèmes émergeant du verbatim a permis d’en faire une lecture compréhensive. Une triangulation a été faite avec la Directrice de thèse pour la partie analyse et interprétation afin de limiter les biais et améliorer la compréhension des entretiens. F-Aspects éthiques L’avis du Comité d'Ethique a été sollicité pour cette étude qui concernait l'intimité des patientes. Les caractéristiques de la population étudiée composée de femmes d'origine immigrée imposaient les règles de précautions évitant toute stigmatisation. 16 Résultats A- Données générales sur les entretiens Les entretiens ont été menés pour la plupart dans un cabinet vacant attenant au cabinet du professionnel de santé recruteur. Ils ont duré en moyenne cinquante minutes. B-Description de l’échantillon L’échantillon était constitué de 16 femmes de 27 à 62 ans, pour la plupart issues de quartiers populaires. 17 Tableau: Caractéristiques de la population étudiée Variables Age (années) Nombre Variables Niveau d’étude Nombre 27-45 12 Supérieur 9 46-62 4 Secondaire 3 Primaire ou inférieur Professions Cadres et professions intellectuelles supérieures Employées Sans activité professionnelle Retraitée Couverture maladie 4 4 7 1 Situation maritale Mariée Divorcée Concubinage Célibataire 12 1 AME 7 1 Sécurité sociale seule 2 Sécurité sociale+complémentaire 6 Maroc-Algérie Tchétchénie-Ouzbékistan 4 3 1 Iran-Irak 2 2 Vietnam 1 Roumanie 2 Pas d'enfant 3 3 et plus CMU Pays d’origine Nombre d’enfants Entre 1 et 2 4 9 4 Afrique de l’Ouest (Mali, Madagascar, Congo, Côte d’Ivoire) 4 Age à l’ arrivée en France (années) 10 à 20 2 21 à 30 Moyen de contraception 10 Aucun 9 31 à 40 3 Implant 1 > 40 1 Stérilet 2 Nombre d’années vécues en France Pilule 2 0-5 3 Préservatif 1 6-15 9 Ménopause 1 > 15 4 18 D-Analyse 1-La prévention: une notion parfois nouvelle et questionnée 1-1- Le dépistage du cancer du col de l’utérus : une pratique peu connue des femmes, rarement proposée et confiée à des spécialistes dans le pays d’origine Elles découvrent un système de santé différent qui propose des dépistages alors qu’elles ont l’habitude que la demande de soins soit à leur initiative. “Mais, chez nous, en Ouzbékistan, on ne fait pas le frottis. Il faut que la personne demande.” Entretien G Il n’y a pas ou peu de propositions par les professionnels de santé d’un dépistage systématique. “Dans mes amies au Maroc, personne l’a fait. Parce que là-bas, elles reçoivent pas de courriers, de conseils comme ça (...) C’est rare qu’on parle de faire des analyses, du dépistage. On n’ a pas l’habitude. “ Entretien D “En Afrique, on n’a pas l’habitude de se faire dépister, pas l’habitude de faire des visites.” Entretien E “Mais qui m’en parlerait? en Irak, il faut être atteint d’un cancer pour aller voir un cancérologue. Y a pas de campagne d’information sur la santé.” Entretien H L’existence du dépistage du cancer du col de l’utérus leur était jusque là inconnu. “Avant d’arriver en France, j’en n’avais pas entendu parler.” Entretien F “Non, j’en n’ai pas entendu parler. J’ai entendu parler que du sein au Congo.” Entretien E “Les médecins généralistes, ils ne font pas beaucoup d’examens gynécos parce que tout simplement l’accès aux spécialistes est beaucoup plus facile. Quand elles arrivent en France, elles ne savent pas que ça existe.” Entretien A Quand elles le connaissent, le dépistage est organisé différemment et leur repère de suivi est perturbé. “Il y a des centres de dépistage du cancer du col et du sein dans mon pays (Maroc), ils sont rares et c’est pour les femmes de 30 à 49ans. Moi, j’ai 27 ans, je n’y suis jamais allée.” Entretien D Il existe parfois des centres spécialisés dans les cancers féminins dans le pays d’origine. Ces lieux sont des endroits de référence qui délivrent informations et prise en charge des cancers. Cette unité de lieu est facilement identifiée. En revanche, en France, le dépistage étant proposé dans une grande variété de lieux (cabinet du médecin généraliste, de la sage-femme, centre IRSA, service médical d’universités, centre 19 de planification, laboratoires d’analyses médicales…), cela ne facilite pas la lisibilité du dépistage du cancer du col de l’utérus. Leurs références dans le suivi gynécologique n’identifient pas le médecin généraliste comme le professionnel habilité dans ce domaine. “Si on a un problème gynécologique, on va voir le gynécologue. Là-bas y a beaucoup de spécialistes. Mais y a pas de suivi. (...) Ce n’est qu’ici que j’ai vu que si on a un problème gynécologique on peut aller voir le médecin généraliste.“ Entretien H Elles découvrent en France que le médecin généraliste a des compétences en matière de gynécologie et notamment en matière de dépistage du cancer du col. Ceci dit, quelques femmes ont l’idée que solliciter le spécialiste, “c’est mieux”. Le gynécologue est identifié comme celui qui traite les maladies gynécologiques, évalue et “valide” la fécondité d’une femme au cours d’un examen pré-nuptial, et assure le suivi de la grossesse. Il n’a pas de rôle préventif. Le gynécologue est l’unique référent en matière de gynécologie. Mais, compte tenu de son accessibilité difficile en France, le médecin généraliste peut devenir l’interlocuteur pour les questions de santé sexuelle de la femme. “Avez vous fait le frottis? Oui, je le fais, oui. Avec le médecin traitant, parce qu’ il n’y a pas beaucoup de gynécologue et Mme F. le fait très bien, donc voilà… “ Entretien C 1-2-Un dépistage jugé non pertinent en l’absence de symptômes La proposition de frottis a questionné leurs références en matière de santé car la démarche de consulter un médecin est liée à l’existence d’un ressenti, d’une possible maladie, de signes d’alerte. “Y a pas de prévention, c’est à dire qu’on va chez le médecin que si on est malade. “ Entretien H “Les centres de dépistage, c’est celles qui veulent qui y vont. Elles se présentent si elles ont des symptômes si elles se sentent pas bien, elles viennent se faire dépister. “ Entretien D “Elles se sentent en forme, donc elles pensent qu’il y a rien” Entretien C La notion de dépister une maladie en l’absence de symptômes est troublante, voire inimaginable, voire constitutive d’un effet magique. “Comment peut-on trouver une maladie qui n’existe pas encore?” Entretien H 20 La proposition du frottis est une pratique de soin qui demande une adaptation à une nouvelle culture de médicalisation puis une appropriation de cette prévention. “Accepter le dépistage c’est s’adapter à une culture européenne. Une société qui organise le dépistage de la population.”Entretien J La notion de prévention est pour certaines un concept nouveau: réaliser des examens pour découvrir les signes précoces d’une maladie à venir ne fait pas partie de leurs références en matière de santé. “Elles n’ont pas d’information sur ce sujet là. Elles se disent: “je ne sens rien, pourquoi je vais aller”, “je ne suis pas malade!” Entretien D “Les gens consultent que si y a un problème”. Entretien G “Si je sens rien, je crois pas que moi je l’ai.” Entretien E 1-3-Un dépistage qui vient heurter l’habitude de soins dirigés La relation médecin-patiente est différente dans le pays d’origine. Habituées à avoir des directives concernant leur santé, la seule proposition du frottis peut être insuffisante à la réalisation du dépistage. Cela vient heurter leurs habitudes de soins “dirigés”. L’adhésion au frottis nécessiterait, pour elles, que le professionnel donne du poids à cet examen, en tout cas que ce ne soit pas qu’une simple proposition. Laisser choisir la patiente, peut avoir des résultats émotionnels imprévus et la confronter à une décision qu’elle ne pourra prendre seule. “La plupart de mes copines disaient, c’est pas la peine d’y aller parce que c’est pas obligé.” Entretien D “ Mais si vous proposez, elles vont peut être refuser, alors que si c’est obligé, elles vont le faire. Elles ont été éduquées comme ça dans leurs familles. Les femmes Tchétchènes ou Ouzbèks, c’est un peu pareil. (...)Il faut donner des ordres. Quel serait le meilleur moyen d’améliorer le dépistage chez les femmes Ouzbèks? C’est de leur donner une ordonnance pour faire le frottis, en leur disant, “ça fait pas mal”, et c’est tout. “ Entretien G “A chaque rendez-vous, il faut proposer à chaque fois. Je pense pas qu’elles vont avoir peur, c’est rien!” Entretien E “Il faut leur faire peur, cette maladie là c’est grave! (...) C’est un cancer, ça peut s’aggraver! ça peut les inciter à faire le frottis.” Entretien H Le caractère obligatoire de l’examen pourrait parfois en faciliter l’adhésion. 21 2-Une pratique de dépistage qui s’intègre difficilement à l’histoire de la patiente et/ou à sa culture 2-1-Un dépistage qui n’est pas une priorité La priorité en matière de santé est donner à l’éventuelle maladie en cours, qui fait souffrir. Pour les femmes arrivés récemment en France, il y a d’abord nécessité de trouver un logement et un travail avant de s’occuper des questions de santé, et a fortiori de prévention. 2-2-Un dépistage influencé par l’expérience personnelle ou transmise du vécu de l’examen gynécologique Une expérience personnelle positive du frottis conforte et rassure par rapport à la réalité d’un geste méconnu et appréhendé. Si la réalisation du premier frottis est bien vécue, cela valide l’intérêt de l’examen et induit la nécessité d’en informer les proches, perçues comme manquant d’informations. Le bénéfice d’un geste bien vécu est donc double: pour la patiente elle-même mais aussi pour les femmes de son entourage. La transmission de l’information d’un dépistage au sein de la famille a un effet positif sur la patiente et est source de confiance pour la réalisation du geste. 2-3-Un dépistage freiné par la barrière de la langue L’impossibilité à comprendre et à s’exprimer en français empêche les patientes d’accéder à la connaissance du frottis, sa réalisation, son importance. L’incompréhension du geste conduit à une attitude d’évitement. 22 2-4-Un dépistage marqué par le tabou de l’intime et la culture Le manque d’informations sur le frottis peut s’expliquer par l’absence de dépistage dans le pays d’origine, le manque d’éducation à la santé, mais aussi par la dimension intime et taboue de cet examen. Le frottis est directement lié à la relation que chaque femme a avec sa sexualité. “Je pense que c’est un manque d’informations, tout simplement. (...)La sexualité et le sexe féminin est un peu tabou. J’en suis la preuve flagrante! Parce que quand je me suis mariée je connaissais pas du tout la pilule “ Entretien C Le col de l’utérus, contrairement au sein, perçu comme appareil nourricier, touche à l’appareil reproducteur. Plusieurs femmes rapportent, que l’utérus renvoie à l’idée d’une descendance et donc à l’honneur de la famille, mais il peut aussi être objet du déshonneur et de la honte dans le cas de relations hors mariage. Le frottis s’inscrit donc dans cette ambivalence de la fonction de l’utérus. L’utérus est une partie du corps qui est invisible, c’est un organe caché. Une pathologie de l’utérus peut être liée à une mauvaise conduite qui aurait été dissimulée, un fait inavouable. “Dans notre culture, on pense que la maladie du cancer du col, c’est la même que le SIDA. On pense que c’est très grave et qu’il n’y a pas de traitement. Si ça existe chez quelqu’un, on se dit, mais d’où c’est venu? Surtout si la femme est pas mariée et qu’elle est malade, on se dit: mais la maladie, elle arrive de quoi? Comment ça se fait qu’elle est malade de cet endroit là? Parce qu’on l’attrape avec des relations sexuelles, c’est ça. Y a d’autres manières? Chez nous, c’est la honte d’avoir un cancer du col. Si une femme a le cancer du col, elle va pas parler à d’autres gens, elle va pas le dire, elle va rester enfermée. “ Entretien D Le cancer du col a un statut différent des autres cancers, puisqu’il est parfois perçu comme une maladie honteuse. “ Le cancer du poumon par exemple c’est normal, ça arrive du tabac. Alors que le cancer du col, c’est pas pareil. On pense que la personne a mal agi. C’est pour ça que c’est mal vu.” Entretien D La religion est plusieurs fois évoquée comme étant un facteur influençant les comportements et rendant le thème de la sexualité difficile à aborder. “La sexualité en général, on n’en parle pas. Chez les musulmans, c’est tabou. Alors que l’Islam conseille les gens d’en parler…au moins pour protéger! mais c’est tabou, on n’en parle pas par pudeur.” Entretien C “Je pense que comme c’est un peu tabou, au niveau de notre religion, c’est pour ça .”Entretien D ““Oui, ça a été un tabou. Parce que l’éducation était plutôt centrée par l’éducation chrétienne. On ne parlait pas trop de ça, c’était quelque chose d’intime. Et du coup, voilà... C’était pas un sujet très abordé. C’était la génération de mes parents. “ Entretien A Il est également évoqué la dimension sacrée de la sexualité. 23 “On n’en parle pas, on touche pas , le sexe est sacré dans la culture orientale.” Entretien I Il existe parfois une gène à parler des questions de la santé de la femme. Evoquer le frottis renvoie à l’image d’un examen gynécologique, une image qui met mal à l’aise. “J’ai jamais osé parlé de ça. On parle de tout mais pas d’examen. C’est plus difficile. “ Entretien G “Les parents ne parlent pas de “ces choses là” à leurs enfants”. Entretien H “En famille, non, on n’en parle pas mais entre femmes, oui, c’est normal, avec des copines aussi. (...)Ma soeur ça fait 10 ans qu’elle habite ici mais elle l’a jamais fait. Je vais lui dire d’aller le faire. “ Entretien D “Je peux en parler avec ma grande fille, mais pas avec les autres. Si il y a un problème, ma fille, elle m’en parle tout de suite. Parce que je connais pas mal de maladies, et je peux expliquer pourquoi ça, on cause et tout ça, on parle de tout, y a pas de choses secrètes entre nous.” Entretien G 2-5-Un geste plutôt réservé aux femmes mariées La réalisation du frottis n’est concevable qu’après le mariage. Le frottis s’inscrit dans l’histoire “d’être femme”, c’est-à-dire être mariée. Elles rappellent que dans leur pays d’origine, la sexualité débute après le mariage, avec un unique partenaire. La virginité avant le mariage est un code social encore très présent même s’ il existe des changements de mœurs. Le mariage marque donc l’entrée dans le suivi gynécologique. “En Irak, on va voir le gynécologue une fois qu’on est mariée. C’est ça qui fait qu’on est une femme. Chez nous la virginité est très précieuse. On doit pas aller voir le gynécologue avant d’être mariée(...). Ce serait mal vu je pense. (..) C’est dans les codes (...)” Entretien H La place du mari peut être déterminante, selon qu’il est opposé au geste, favorable ou ne prenant pas part aux questions de santé sexuelle de sa femme. La consultation du médecin traitant est vécue comme le lieu d’une certaine ouverture. La consultation n’est pas « identifiée » comme étant rattachée à un problème gynécologique. Pour les femmes non mariées, ceci constituerait un moyen plus facile d’exposer un problème gynécologique et donc d’entendre parler du frottis. Les femmes mariées, passé un certain âge, ne se sentent plus concernées par le frottis. “Pour les femmes un peu plus âgées, souvent elles se disent: “mmh, ça c’est pas la peine, je suis vieille, j’ai mon mari”...C’est aussi une question de génération.” Entretien A 24 2-6-Un dépistage en rupture avec l’idée d’un destin et de l’“histoire naturelle” Dépister, c’est aussi contredire le destin. C’est ne pas se résoudre à la fatalité. Le cancer est perçu comme une pathologie dont on ne guérit pas. Pour les femmes plus âgées, découvrir un cancer, c’est annoncer une mort prochaine. Il est préférable de vivre dans l’ignorance de ce diagnostic vécu comme effroyable. Le frottis suscite aussi de la peur qui peut s’expliquer par la crainte d’un examen qui “va chercher” le cancer et qui dans son insistance ou sa répétition pourrait finir par le trouver. Ce concept vient s’opposer à l’idée d’une “vie naturelle”, vient déranger le cours “normal” de l’existence, vient rompre un équilibre. Cet examen peut changer un destin, une fatalité. L’origine du cancer du col peut tenir du mystère, ou s’expliquer par une conception de la vie et du corps différente d’une approche rationnelle et anatomique. “Selon vous, quelles sont les causes d’un cancer de l’utérus? Moi, je dirais par manque d’hygiène… ou par fatalité (rires). La 1ère chose qui me vient à l’esprit, c’est peut être par manque d’hygiène, mais je sais aussi que le, comment dire, le sexe de la femme, se nettoie lui même par les pertes, je pense…” Entretien C Le cancer du col de l’utérus est perçu parfois comme invisible, et en cela, il a un statut différent des autres cancers, et notamment du cancer du sein. “C’est invisible… c’est pas comme une infection urinaire…(...)le cancer du sein, il y a des petites boules qui se forment, on les sent… “Entretien C Le cancer est déterminé par le destin, mais la fatalité n’est pas une fin en soi. “Mais la nouvelle génération qui a fait des études, notre génération, c’est différent. Mais nos parents, ils se disent je vois pas en quoi ça va changer que je le fasse ou que je le fasse pas. Si ça doit arriver, ça arrivera.” Entretien C “Les Arabes, d’une façon générale, s’inscrivent dans la fatalité, c’est écrit, donc ça doit arriver: mektoub, c’est le destin. Pourquoi aller changer le destin? Mais dans le Coran, même si c’est écrit, on peut changer le destin, Dieu dit: on peut changer son destin par des prières et des actes, on est pas obligé de subir la fatalité.” Entretien C La survenue d’un cancer peut être attribuée à un sort, à une punition suite à une mauvaise conduite. “Chez moi, tout ce qui est cancer, tout ce qui est maladie incurable, c’est un sort, c’est la fatalité, un destin tragique… Un sort… Oui, mais ça va dépendre de la population, des classes. C’est pas tout le monde qui va te dire que c’est une punition. Mais quand tu vas aller au village, c’est sûr, ils vont te dire c’est une punition, c’est un sort, c’est une tragédie, peut être parce que t’as été une femme infidèle…C’est une punition quoi.” Entretien P 25 2-7-Un geste mieux accepté si c’est un médecin femme mais non rejeté pour des raisons religieuses si c’est un homme Le fait que le professionnel de santé réalisant le dépistage soit un homme peut se révéler être un frein au dépistage. Cette réticence n’est pas toujours liée à un interdit religieux. Les raisons seraient propres à la patiente : sa pudeur, son histoire personnelle. “Quand je suis arrivée, mon 1er médecin traitant, c’était à la maison médicale là haut , et c’était un homme. Donc ça a un côté plus difficile à se laisser euh… Il me l’avait proposé, mais il avait compris que j’avais un peu d’appréhension et il m’avait demandé d’aller vers un médecin femme.” Entretien C “S’il y a pas de médecin femme dans sa ville, elle va pas le faire. C’est ça notre culture.” Entretien D Mais, la plupart du temps, la pratique du frottis s’envisage avec un médecin homme, vécu comme un scientifique qui a toute légitimité à pratiquer cet examen. “C’est un scientifique, il en a tellement vu que voilà. Mais la plupart des femmes sont gênées. Et c’est pas une histoire de religion. C’est une mentalité personnelle. C’est pas un code.” Entretien H «C’est pas parce qu’on est une femme voilée qu’on va forcément refuser d’être examinée par un homme. »Entretien P Quelques femmes évoquent le rôle du mari au sein du couple comme source de frein à la réalisation du frottis si le médecin est un homme. 3-Un geste accepté à condition d’être expliqué et accompagné 3-1-Un besoin d’explications et d’informations sur les modes d’accès au dépistage dans un système de santé méconnu Le frottis est vécu comme onéreux car l’examen est payant (28,40 euros). 8 Par référence à ce qu’elles ont connu dans leurs pays d’origine où tout acte médical a un coût, et a fortiori lorsqu’il s’agit d’un examen complémentaire, elles pensent qu’il en est de même en France. 8 La Sécurité Sociale prend en charge 70% de l’examen (sur la base du tarif conventionné), reste à charge 9,37 euros, remboursé par la complémentaire santé. Pour les bénéficiaires de l’AME et de la CMU-C, la Sécurité Sociale prend en charge l’intégralité du coût. 26 “Mais quand je dois payer, c’est ça qui freine.”Entretien E L’existence de cliniques privées dans le pays d’origine, qui pratiquent des actes médicaux très onéreux et inaccessibles à une majorité de la population, renforce cette idée d’un acte coûteux, surtout si le geste est réalisé en secteur libéral. La complexité du système de soin avec la réalisation d’une carte vitale, la déclaration d’un médecin traitant qui accepte une nouvelle patiente, la prise de rendez-vous, sont également un frein pour l’accès au frottis. 3-2-Une attente d’informations rassurantes et adaptées à leur niveau de connaissances Émissions de télé ou brochures alarmistes sur le cancer du col de l’utérus sont vécues comme effrayantes et entraînent un comportement d’évitement. “La première fois que j’en ai entendu parler, c’était à la télé. C’était un débat, une personne pour et une personne contre. C’est une émission qui a débuté sur une jeune fille qui avait contracté un cancer du col de l’utérus et elle était encore vierge je crois, et qui avait été vaccinée… je ne me souviens plus très bien..Bon, ça fait toujours un peu peur! Déjà qu’il y avait une polémique autour du vaccin de l’hépatite B, donc on se dit il y a encore une autre polémique. Donc on est toujours septique, on se dit voilà, bon, en fait on saura jamais la vérité! on sait pas si on est des cobayes ou si vraiment la médecine fait avancer les choses en fait! ça pose question! “ Entretien C Un lien direct avec un professionnel de santé semble plus apprécié et permet d’obtenir plus d’informations sur la réalisation pratique du geste et les questions que les femmes se posent: où, quand, qui, comment? La manière dont la patiente reçoit l’information peut influencer son attitude par rapport au dépistage. Les participantes déplorent toutes un manque d’éducation à la santé de la femme dans leur pays d’origine. “Au Maroc, y a des cours au collège sur le corps, la puberté du corps, tout ça, y a ça.(...) Mais c’est plus technique, c’est vraiment scolaire, on rentre pas dans les détails.” Entretien C Elles rapportent toutes une ignorance ou une méconnaissance du frottis avant l’arrivée en France. “J’ai pas la connaissance de la maladie donc j’aurais pas aussi l’idée d’aller me faire dépister. On peut pas deviner. Pour les maladies, comme malaria, typhoïde, là, on connaît, on peut y aller. Comme le col, on n’en a jamais entendu parlé...” Entretien E “J’ai pensé que c’était un prélèvement de sang “ Entretien D 27 “Au début, j’avais pas vraiment compris en fait… on cherchait des mycoses?...non, je savais pas en fait…” Entretien B Pour les femmes qui ne sont pas allées à l’école, l’anatomie de l’appareil génital féminin est une notion abstraite. La représentation du col de l’utérus et de surcroît d’une maladie pouvant s’y développer est donc inconcevable. “Moi, je sais par exemple, dans ma famille, euh, je pense qu”il doit y en avoir du côté de ma mère, c’est à dire 4-5 qui ont fait le frottis, parce que y en a qui sont mariées avec des médecins, des directeurs de cabinet d’ingénieurs ou à la banque. Mais par exemple du côté de mon père, elles ont la plupart pas trop été à l’école. Je suis la 1ère à avoir eu le bac depuis des générations et des générations…! je suis la 1ère à avoir eu le bac! je suis certaine, du côté de mon père, aucune n’a jamais fait un frottis. C’est sûr! “ Entretien C Les femmes ne maîtrisant pas ou peu la lecture se trouvent en difficulté pour comprendre des brochures d’informations sur le cancer du col de l’utérus. Le dépistage motivé par leur seule initiative semble compromis. Il est rapporté une différence de niveau de connaissances sur la santé sexuelle entre les femmes issues de milieu rural et les femmes vivant en ville, qui impacte directement le rapport au frottis. “Et en campagne, je pense qu’elles connaissent moins cette maladie qu’en ville. “ Entretien A Les femmes qui ont fait des études ou qui travaillent dans le domaine de la santé ont plus de connaissance sur la maladie. “J’ai fait des études pour être médecin. Bon, je suis devenue infirmière (...) c’est quand on change souvent de partenaires qu’il y a des risques (...)“ Entretien G Mais elles déplorent tout de même leur manque de connaissances sur le cancer du col, ses facteurs de risque, les symptômes, l’évolution de la maladie, les traitements et les moyens de prévention. Cette méconnaissance est source d‘inquiétude et laisse place à l’imaginaire de la patiente qui peut envisager le pire. Toutes insistent donc sur l’importance d’informer les patientes sur le cancer du col de l’utérus. Le manque d’information est, selon elles, le principal frein au dépistage. “ Parce que si aujourd’hui, tout le monde était informé de la maladie, de la gravité de la maladie et que cela peut être dépisté en avant, je crois que tout le monde va courir pour le faire.” Entretien E Leurs propos révèlent que les médecins ne communiquent pas toujours clairement sur les objectifs du dépistage, la procédure elle-même et la signification des résultats. 28 Il est ainsi rapporté des expériences de prélèvements gynécologiques en France sans que la participante soit sûre qu’il s’agissait bien d’un frottis. “J’ai vu qu’il a prélevé le liquide au niveau du vagin et puis je l’ai vu mettre dans un bol, et il m’a dit c’est bon.” Entretien E Le frottis est parfois réalisé en début de grossesse ou après l’accouchement, sans que les patientes n’en aient perçu l’intérêt. “Avec la 1ère génération arrivée en France, avec nos mères, c’est beaucoup tabou, elles faisaient le dépistage parce qu’elles étaient tombées enceintes en France, donc forcément, il y avait un suivi.” Entretien C La méconnaissance du frottis peut durer plusieurs années après l’arrivée en France. “ Moi, ça fait même pas 15 jours que ce sujet m’intéresse, avant je savais pas que ça existait.” Entretien D “Moi, j’ai attendu 2008 pour le faire, et je suis arrivée en 2002.” Entretien G Une fois que la patiente a compris l’intérêt du dépistage, que son niveau de connaissances sur la réalisation de l’examen et les résultats attendus est suffisant, l’adhésion au frottis est facilitée. “Oui, quand je suis venue en France il y a 8 ans, je me suis faite dépistée puis ensuite régulièrement.” Entretien H “Et après, je l’ai fait régulièrement parce que c’est bien.” Entretien G “Mais comme ma gynécologue est partie en retraite en 2014; normalement je vais le faire cette année avec ma sage femme” Entretien F Etre bien informée, c’est pouvoir intégrer le dépistage dans la durée, en réalisant un frottis régulièrement. 3-3-Le frottis, une opportunité à saisir pour garantir sa santé La proposition de frottis est vécue comme une opportunité de prendre soin de sa santé. Malgré la méconnaissance de la notion de prévention, la proposition de dépistage est vécue positivement. C’est une “ chance”, un “plus”, facilement réalisable, et peu coûteux contrairement à ce qu’elles connaissent dans leurs pays d’origine. Le frottis est d’autant plus une opportunité à saisir qu’il existe des traitements en France, ce dont elles ne sont pas assurées dans leurs pays d’origine. 29 “Au niveau de l’Afrique c’est pas encore bien développé. (...)Quelque part on est rassurée parce qu’on est là aussi, en France, ou on a la chance d’avoir un traitement.” Entretien E 3-4-Le frottis, un geste banal pour les femmes ayant eu un suivi de grossesse L’acceptation du frottis semble corréler à l’antériorité d’un suivi gynécologique, notamment pour la grossesse. Il peut donc être un geste banal, qui ne pose pas questions. Il s’inscrit dans la continuité d’un examen gynécologique perçu comme routinier, habituel. “Moi, j’ai accepté, j’ai même pas réfléchi, comme pour le diabète il faut vérifier, il faut faire la prise de sang, pourquoi ne pas faire le frottis? “ Entretien G “Pour une femme, on a souvent l’habitude d’être examinée, comme pour la grossesse, d’être exposée. Moi je vois mal comment le dépistage du cancer du col puisse gêner. Cela ne change rien par rapport à d’ habitude. “ Entretien E “Et c’est pour ça en fait, automatiquement, que je me suis dit c’est pour me protéger donc direct j’ai accepté de le faire.” Entretien F Le frottis est mis en balance avec la vaccination vécue comme l’intrusion d’un corps étranger, contrairement au frottis qui est un “simple prélèvement, comme une prise de sang” et donc bénéficie d’un caractère banal. 3-5-Le frottis, un conseil prodigué par l’entourage La transmission de l’information au sein des familles est une valeur importante pour mieux sensibiliser au dépistage. Quand la patiente a fait l’expérience d’un frottis, elle juge important d’en informer ses proches. “J’ai pensé à ma mère, parce qu’elle est âgée et elle l’a jamais fait. Si ça se trouve elle a déjà quelque chose. Donc je l’ai poussée à le faire. Mais elle a refusé, parce qu’elle a dit “non, j’aime pas ça”. Elle a eu peur qu’on lui trouve quelque chose et qu’elle puisse pas guérir..” Entretien D “J’ai recommandé à une copine qui était ici, une colocataire (...) d’origine chinoise de le faire.” Entretien K “Je me souviens ma cousine, elle est décédée en 2000 à cause d’un cancer du col de l’utérus. Et on a parlé avec ma mère, mon père, notre famille… “ Entretien G 30 Les mères de jeunes filles sont particulièrement attachées à leur transmetttre l’information sur le dépistage du cancer du col de l’utérus. 4- Un dépistage d’une maladie nommée cancer qui a des représentations limitant le dépistage 4-1-Un cancer perçu comme incurable qui fait peur Le cancer est ressenti comme étant d’une gravité extrême. “C’est plus qu’une maladie. ” Entretien D “Le cancer, c’est pas une maladie, c’est quelque chose de pire!” Entretien G “De toute façon, le cancer, je crois qu’on l’a en nous tous, et ça tout le monde se dit c’est une fatalité. En tout cas, au Maroc, c’est comme ça. C’est une fatalité. C’est au petit bonheur la chance. On l’a je pense en nous, soit il se réveille, soit il se réveille pas...et puis, c’est un mot tabou aussi: c’est LE grand mot, quoi, c’est LE CANCER… c’est le mot tabou. Le cancer, on l’a, on l’a. C’est pas parce qu’on a fait quelque chose de mal et le cancer est le résultat de ça. Non, c’est vraiment la fatalité. Je pense que c’est une maladie qu’on ne contrôle pas. C’est pas comme le diabète ou comme l’obésité...C’est pas quelque chose qui en amont a des solutions.” Entretien C “ ça ronge le corps et l’esprit. “ Entretien C La peur du résultat est partagée par toutes. Le résultat est attendu comme une sanction: la découverte ou l’absence de cancer. « C’est bon ou c’est pas bon »Entretien E Ce résultat est vécu comme effroyable et la peur peut empêcher la participation au dépistage. “ D’abord, j’ai eu peur… peut être qu’on va me trouver quelque chose. “ Entretien D “Déjà, entendre le mot cancer, ça fait peur.” Entretien F “...d’entendre le mot cancer déjà, c’est déjà la peur. Après, on n’a pas le choix, vaut mieux se faire dépister avant pour avoir des traitements bien avant que de rester comme ça, dans la peur de laisser la maladie s’aggraver, si elle était là.” Entretien E “Le fait que ce soit un cancer de l’appareil génital, on a peur d’avoir une aspiration, de se faire retirer l’utérus. c’est la peur comme si on passait un examen”. Entretien H 31 En effet, la notion de lésion pré cancéreuse est inconnue. La peur du résultat serait sans doute moindre si elles avaient connaissance de la notion de dysplasie qui, dépistée tôt, peut être guérie et stopper l’évolution vers le cancer. 4-2-Un cancer parfois attribué à des comportements ou à des évènements de vie qui mettent en doute l’intérêt du dépistage L’hérédité, le stress, une mauvaise alimentation, ou encore avoir réalisé de nombreux avortements sont identifiés comme étant des causes éventuelles de cancer. 4-3-Un cancer évalué comme rare dans le pays d’origine qui remet en cause l’utilité du dépistage Le cancer du col de l’utérus est considéré comme une maladie rare dans leur pays d’origine. Elles se sentent donc moins concernées par le dépistage. “Mais dans mes amies au Maroc, personne l’a fait. Pourquoi? Elles pensent qu’elles sont pas concernées, ça les intéresse pas. Mais au Maroc, le cancer du col c’est rare, y a pas beaucoup de cas! Même mes soeurs ici en France l’ont pas fait. “ Entretien D Elles considèrent que le cancer est une maladie très répandue en France qui justifierait l’importance de la politique de prévention. “C’est rare d’entendre quelqu’un qui est mort d’un cancer ou atteint d’un cancer. Et quand je suis venue ici, j’ai entendu, et donc je me suis dit, ben, en France il y a beaucoup de cas de maladie de cancer. Nous, en Afrique, c’est rare, l’autre jour je me suis demandée pourquoi il y avait tant de cas en France, mortels, graves quoi.” Entretien E 5-Propositions des enquêtées pour améliorer le dépistage 5-1-Une priorité: contourner l’obstacle linguistique Informer la patiente dans sa langue d’origine est d’autant plus important qu’il s’agit de sa santé et qu’elle a besoin de comprendre l’enjeu de cet examen, en saisissant les termes compliqués. 32 “Donc, il vaut mieux leur parler en russe, parce qu’elles ont appris le russe. C’est pareil pour les Ukrainiens, les Arméniens, ils ont tous appris le russe. Parler dans la langue d’origine, ça peut aider. Parce que la plupart n’ont pas fait d’étude, donc elles ne comprennent pas. Entretien G “Son ancienne gynéco c’était une femme marocaine et puis dans sa langue, elle lui a expliqué les choses en arabe de but en blanc. Le déclic, c’était qu’on lui fasse comprendre.” Entretien C “ Il faudrait informer en arabe avec un langage facile.” Entretien D “Pour les gens qui ne parlent pas français, il y a un barrage. Si je vois un document en lingala (langue du Congo) , cela m’interpelle.” Entretien E Cette proposition de traduction est contestée. En effet, parler en français au cours d’une information au dépistage est un bon moyen de laisser la patiente s’approprier le vocabulaire. Lui parler uniquement dans sa langue, c’est la « mettre à l’écart », la déposséder de ce qui se passe. La langue française est la langue de communication, il est donc nécessaire de la maîtriser même si cela représente des difficultés. C’est un facteur d’intégration que d’essayer de s’approprier les termes en français. 5-2-Des supports adaptés au niveau de compréhension Le support écrit semble plus spontanément proposé par les femmes ayant fait des études, les autres privilégiant un support vidéo ou audio (télévision, radio, téléphone). Les informations simples et didactiques sont plébiscitées pour les rendre accessibles au plus grand nombre. 5-3-Des émissions télévisuelles proposées pour leur accessibilité au plus grand nombre Une émission de télévision sur le cancer du col de l’utérus est une proposition de support d’informations mise en avant. La télévision, présente dans la majorité des foyers, est perçue comme un bon moyen de délivrer une information claire et accessible à tous. “Le mieux, c’est peut être la télé. Les gens regardent beaucoup la télé. Il faudrait une longue émission qui dure 2 heures, pour bien expliquer.” Entretien D 33 5-4-Des formats d’informations facilitant la confiance et l’expression Le groupe peut permettre d’entendre et d’avoir des informations sans se sentir directement visé. Mais le colloque singulier peut aussi ouvrir la parole autour de questions d’interdits et de la santé sexuelle de la femme. 5-5-Amélioration des informations en ligne et utilisation des réseaux sociaux Chercher des informations sur internet est considéré comme courant. Mais quand il s’agit de sa santé, des informations validées par des organismes reconnus sont préférées aux discussions circulant sur les forums. Relayer l’information sur le frottis par les réseaux sociaux et notamment Facebook a été évoqué. “Par exemple à la télé en France, on parle beaucoup du cancer du sein, mais pas du cancer du col, c’est rare que j’ai vu des publicités là dessus ou des gens qui parlent de ce sujet. En fait, si on veut savoir quelque chose, on cherche sur internet. “ “Par téléphone, mais aussi par interne, le facebook, tout ça... il faut leur parler de la maladie.” Entretien E 34 Discussion A-Discussion sur la méthodologie 1-Biais de sélection de l’échantillon Plus de la moitié des participantes ont fait des études supérieures ce qui facilitait l’expression de leurs idées et témoignait d’un bon niveau de connaissances sur la santé. La plupart vivait en France depuis plus de 5 ans. Des participantes, arrivées plus récemment en France, auraient pu apporter d’autres informations sur leurs représentations du dépistage. La majorité des femmes interrogées sont originaires de pays en voie de développement. Parmi les femmes immigrées dans la population générale, il y a aussi des ressortissantes de pays développés qui n’ont pas été interrogées dans cette étude. Le biais de sélection a pu être limité en constituant un échantillon divers et de manière aléatoire (sélection de patientes par différents professionnels de santé qui ne se connaissaient pas). 2-Biais d’intervention lié à l’enquêteur Au cours des premiers entretiens, les interventions de l’enquêteur, notamment pour donner des précisions sur le dépistage du cancer du col de l’utérus, ont pu interférer sur le discours de la patiente en induisant une relation pédagogique. Dans ce cas, la patiente, a pu modifier un peu son discours sur son vécu réel du frottis pour éviter de montrer son ignorance. Pour limiter ce biais, il a été décidé de ne plus faire référence à l’aspect pratique de la réalisation du frottis afin de se focaliser entièrement sur la représentation et l’attitude de la patiente vis-àvis du dépistage. 3-Biais liés à la méthode d’analyse Dans cette étude, l’analyse des résultats a pu être influencée par les représentations de l’enquêteur. Ce biais a été limité par la triangulation avec la Directrice de Thèse. 35 B- Discussion sur les résultats 1-Validité interne de l’étude En constituant un échantillon de manière aléatoire et en sélectionnant des femmes aux caractéristiques différentes le risque d’un échantillon trop uniforme a été minimisé. Les entretiens ont été retranscrits minutieusement. Dans la partie « Méthode », le processus d’analyse a été décrit. La présentation adoptée permet au lecteur de distinguer les données du verbatim en italique de celles de l’interprétation. 2-Validité externe de l’étude a-Comparaison des résultats à la Littérature L’importance de la culture d’origine dans le dépistage du cancer du col de l’utérus est une notion retrouvée dans les études Sofres9 qui identifient les femmes “culturellement de valeurs traditionnelles” comme étant les plus difficiles à toucher pour le dépistage cervical. L’idée que le dépistage est plutôt réservé aux femmes mariées apparaît dans l’étude Szarewski et al. (2009) [17]. 28 femmes musulmanes vivant à Londres ont été interrogées à propos de l’auto-dépistage. Les femmes non mariées sont considérées comme inactives sexuellement, par interdit culturel et donc non concernées par le dépistage. Une barrière liée à la religion a été identifiée, ce qui est retrouvé dans une étude menée en Ile de France en 2005. Les femmes d’origine musulmane nées hors de France sont moins suivies sur le plan gynécologique que les autres [18]. Une autre notion est abordée dans notre étude : la réalisation d’un frottis par un médecin femme est préférée. En effet, d’après la Cochrane Collaboration de 2006, le taux d’adhésion au dépistage est multiplié par 2,5 si le professionnel est une femme. D’autre part, il était rapporté un faible niveau de connaissances sur le cancer du col de l’utérus et sur le rôle de l’HPV, comme ce qui a été relevé dans notre étude. 9 Sofres: Société française d’enquêtes par sondage 36 La représentation du cancer du col de l’utérus limite l’adhésion au dépistage alors que l’information ou l’expérience personnelle ou d’un proche favorisent l’acceptation du dépistage. Ces notions sont à prendre en compte car la communication d’informations par les autres, le processus d’inférence10 et l’expérience directe font évoluer une représentation profane du cancer [16]. Des facteurs limitant le dépistage, identiques à ceux mentionnés par les participantes de notre étude, sont relevés dans une étude américaine publiée en 2011 [19] sur les femmes immigrées Asiatiques résidant aux Etats-Unis : le manque de connaissances, la représentation du cancer du col, le fait de se considérer comme étant à faible risque d’avoir la maladie, le fait d’attribuer la bonne santé à la chance, considérer que l’absence de symptômes équivaut à l’absence de maladie, et attribuer différentes causes au cancer: le stress ou une mauvaise alimentation. D’autres barrières au dépistage relevées dans notre étude sont aussi retrouvées dans une étude sociologique menée en Suisse en 2010 [20] sous la forme d’un focus group regroupant des femmes Suisses et d’origine immigrée: le manque d’informations, la difficulté d’accès au gynécologue, la gène associée à l’examen gynécologique, le tabou de la sexualité, la barrière de la religion. Les difficultés de compréhension du fonctionnement du pays d'accueil abordées dans notre étude, et la priorité donnée à la résolution des difficultés d'ordre administratif, économique et social avant de prendre soin de sa santé est un constat de l’INPES11. Le système de soins paraît opaque aux primo-arrivants et la communication avec les professionnels de santé est rendue difficile par la confrontation de représentations et d'expressions différentes de la maladie [21]. b-Eléments de la Littérature complétant l’étude . D’autres facteurs influencent la réalisation du dépistage, comme l’évoque le Rapport final de la Ligue Suisse contre le Cancer [20]: les croyances du partenaire, les raisons liées à la situation de vie de la 10 11 Raisonnement déductif Institut National de la Prévention et d’Education à la Santé 37 femme: grossesses en cours, séparation, absence de vie sexuelle, des évènements de vie (divorce, chômage), le fait que le mot dépistage renvoie aussi bien au geste qu’à la politique de prévention (source de confusion). Ce rapport illustre également la situation particulière des migrantes en situation irrégulière, situation qui constitue une barrière supplémentaire dans l’accès aux soins en général, et au frottis en particulier. Il existe des particularités, dans la représentation du cancer du col de l’utérus, selon les origines ethniques, ce que nous n’avons pas exploré dans cette étude. Dans une revue de la littérature publiée en 2008, il apparaît que les Hispaniques pensent que l’accouchement, les menstruations, la sexualité et le stress ont un rôle dans la susceptibilité au cancer du col de l’utérus. Les Afro-Américaines considèrent que la difficulté d’accès aux soins est le principal obstacle au dépistage. Enfin, les immigrées Asiatiques mettent en avant la stigmatisation de l’individu par la communauté si le cancer du col de l’utérus était diagnostiqué [22]. c-Discussion sur les propositions des participantes Contourner l’obstacle linguistique est une priorité, en délivrant une information claire et adaptée. Parmi les projets de l’Institut National du Cancer, il est proposé la mise à disposition d’un support éducationnel ainsi que la diffusion de dépliants éducatifs sur l’appareil génital féminin en français et en langues étrangères dans un langage simple. Les participantes accordent une importance particulière au support vidéo pour diffuser l’information du dépistage, sous la forme d’ émissions de télévision. Deux méta-analyses publiées par la Cochrane Collaboration en 2002 et 2006 ont montré que les actions d’éducation avec un support vidéo ou en diaporama multipliaient par 4,6 le taux d’adhésion au dépistage du cancer du col. Par ailleurs, le programme OMNI/Rogers12 mené à Toronto en 2005 a ciblé les femmes d’origine persane, ukrainienne et punjabi pour les sensibiliser aux cancers féminins grâce à des messages vidéos de 10 minutes diffusés dans leur langue par des chaînes de télévision à caractère ethnique. Plus de 80% des femmes des communautés visées ont déclaré être davantage susceptibles de réaliser un frottis après avoir vu les messages vidéo [23]. 12 OMNI Television est un ensemble de chaînes de télévision multilingue et multiculturel gratuit, qui se donne pour mission de refléter la diversité culturelle canadienne en diffusant une programmation ethnoculturelle en plusieurs langues. 38 Dans les difficultés d’accès au dépistage, le coût semblait être un frein à la réalisation du frottis. Or les campagnes expérimentales de dépistage menées dans les quartiers Nord de Marseille entre 2001 et 2005 auprès des femmes migrantes et/ou en situation de précarité ont montré que la gratuité n’était pas suffisante pour augmenter la participation. Seulement 6,9% des femmes sur les 16638 femmes concernées en 2005, ont réalisé un frottis. Les femmes suggéraient que le dépistage du cancer du col de l’utérus devienne un dépistage organisé, comme pour le cancer du sein, ce dernier étant considéré comme mieux connu et donc mieux suivi. En effet, les résultats de la cohorte du programme Santé Inégalités Ruptures Sociales13 révèlent que le dépistage organisé du cancer du sein semble réduire les inégalités entre les femmes immigrées et les femmes nées de parents français. [24] Une meilleure information par entretien individuel ou collectif est une proposition des participantes de notre étude. L’Institut National du Cancer propose en effet de développer des actions de sensibilisation au niveau des associations et ONG qui interviennent plus spécifiquement auprès des populations précaires ou émigrées. L’objectif est de favoriser leur coordination avec les structures proposant des FCU et/ou les réseaux de médecins généralistes. 13 Programme de recherche pluridisciplinaire associant des chercheurs en épidémiologie, en santé publique, en sociologie, en démographie et en géographie. 39 Conclusion Le dépistage du cancer du col de l’utérus est une proposition mal connue par les femmes d’origine immigrée. La demande spontanée de frottis de leur part est donc moins évidente. Ce dépistage les questionne et vient parfois heurter leurs références en matière de santé. Néanmoins, elles sont désireuses de connaître le cancer du col de l’utérus et de comprendre l’intérêt du dépistage pour mieux y adhérer et pouvoir le conseiller à leurs proches. Contourner l’obstacle linguistique est une priorité pour délivrer une information adaptée au niveau de connaissance, facile à intégrer et ainsi favoriser l’acceptation du frottis. La représentation que les patientes d’origine immigrée ont du cancer du col de l’utérus influence leur attitude face au frottis. Cette maladie fait peur et est parfois attribuée à des comportements ou à des évènements de vie qui mettent en doute l’intérêt du dépistage. De nouveaux supports de diffusion tels que des émissions de télévision ou l’utilisation des réseaux sociaux permettraient par leur accessibilité au plus grand nombre une meilleure information. Développer les propositions d’échange sur les questions de santé de la femme au cours d’entretiens individuels ou collectifs encouragerait les femmes d’origine immigrée à s’exprimer et à interroger la pratique du frottis. Connaissant la patiente dans son environnement social, son histoire personnelle, son rapport à la santé et à la maladie, le médecin généraliste a une place singulière et peut adapter son discours à la patiente, en faisant d’un dépistage standard, une proposition sur-mesure bien acceptée. Les professionnels de santé sont en première ligne pour décoder ces systèmes d’interprétation14 qui sont déterminants dans l’acceptation de cet examen. 14 “Système qui organisent les pratiques sociales et symboliques. Ils renvoient non seulement à la maladie et à la médecine mais aussi au travail, à l’éducation, à la famille et permettent de dégager des logiques de vie ou du moins des sens donnés à la vie.” Janine Pierret, sociologue, Directrice de recherche au CNRS 40 Bibliographie [1] Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé. (page consultée le 04/10/2014) Baromètre cancer 2010, [en ligne]. http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1405.pdf [2] Haute Autorité de Santé. (page consultée le 04/10/14). 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