Graz (AT) - Energy Cities

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Graz (AT) - Energy Cities
ADEME/Energie-Cités
Politiques d'apaisement du trafic
Apaisement du
trafic
2002-2003
Graz
(AT)
Les « zones 30 » font assurément partie des outils privilégiés d’une politique visant - au travers de la modération de la
vitesse en ville - à redéfinir les priorités en termes de déplacements. Elles permettent en effet de concilier sécurité,
circulation et vie locale dans tous les quartiers où l’habitat, les activités, la vie sociale dominent. Elles accroissent la
sécurité des différents usagers. Mais ce n’est pas tout. Elles améliorent également la qualité de vie, souhaitée par une
part grandissante de nos concitoyens, par un meilleur partage de la voirie entre ces mêmes usagers et redistribuent les
cartes quant à l'utilisation du réseau viaire et aux priorités modales. Elles participent d'une maîtrise des consommations
énergétiques et des émissions polluantes et de gaz à effet de serre au niveau urbain. Mais elles contrarient aussi les
habitudes… A Graz , une véritable politique de développement des « zones 30 » a vu le jour. Qu’en est-il exactement ?
Quels enseignements peut-on tirer et quelles perspectives peut-on dégager à la lumière de cette expérience ?
ASPECTS GENERAUX
Graz, capitale de la région Styrie, est la deuxième
ville la plus peuplée d’Autriche avec 241 530
habitants et une agglomération qui en comprend
371 139. Elle représente un pont entre les pays de
l’Union européenne et les pays des Balkans et de
l’Europe centrale (Slovénie, Croatie, Hongrie,
Slovaquie).
La ville est dominée par une économie de tradition
industrielle, notamment la construction mécanique
et métallique. Aujourd'hui, le secteur touristique
prend aussi de l'importance, autour des activités
culturelles notamment. Graz est pour 2003 la
« Ville européenne de la culture ».
Depuis juin 2000, la vieille ville fait aussi
officiellement partie du patrimoine mondial de
l’UNESCO. Ses universités réputées accueillent
43 000 étudiants. L’attrait des régions alpines et
viticoles environnantes, entre autres, donne à Graz
une qualité de vie exceptionnelle.
CONTEXTE
Après la deuxième Guerre Mondiale, la politique des transports de Graz s'orienta fortement, comme ailleurs
en Europe, vers la promotion des déplacements automobiles et le développement du réseau routier. Face à
l'augmentation fulgurante du nombre de voitures, deux problèmes récurrents apparurent : la congestion du
trafic et la pollution de l'air. Le problème de la pollution atmosphérique devint particulièrement épineux étant
donné la situation géographique de Graz. Située dans un bassin entouré aux trois quarts par des massifs
montagneux, les gaz d'échappement se retrouvent piégés au dessus de la ville et, comme dans beaucoup
d'autres agglomérations similaires, une inversion thermique de l'atmosphère peut se produire. Cette pollution
a des conséquences négatives sur la santé des gens, bien sûr, mais aussi sur l'attrait touristique de la ville.
Dans ces conditions, les préoccupations environnementales des années 1970 ont rencontré un important
succès. La situation dans laquelle se trouvait la ville incita quelques élus municipaux à tourner le dos au
« tout voiture », avec le soutien de groupes d'habitants actifs ainsi que celui des étudiants.
Les premières tentatives de promotion d'une mobilité plus « douce » eurent lieu entre 1977 et 1985. Une
étape postérieure importante fut la mis en place, entre 1988 et 1991, du « Plan de transport multimodal de
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l'est de Graz » (« VÜP »). Le Plan incluait une analyse de la situation actuelle et proposait des analyses
prospectives de l'évolution de la ville selon trois scénarios :
« Tendance », où l'infrastructure routière devait s'adapter aux besoins du trafic,
« Tout voiture », où le trafic automobile était particulièrement adapté,
« Mobilité douce », où la marche, le vélo, les transports publics faisaient l'objet d'une constante
promotion.
Les conclusions de cette analyse mirent en lumière la nécessité de renoncer à une approche unilatérale de
la mobilité centrée sur la voiture et proposèrent une nouvelle stratégie. A partir des années suivantes, et
jusqu'au début des années 1990, les nouvelles possibilités de déplacement transformèrent le paysage de la
ville. Les transports publics furent améliorés avec la construction d'une nouvelle ligne de tram vers le sudouest de Graz, la mise en place d'un véritable « pôle transport » sur la Jakominiplatz, et la rénovation de la
gare principale. Les pistes cyclables et les zones piétonnes furent aussi considérablement étendues
(aujourd'hui un pont réservé aux piétons et aux vélos traverse même la rivière Mur).
Dans ce contexte, deux initiatives complémentaires méritent d'être signalées :
« De l'espace pour les humains », qui fut mise en place très tôt au centre ville de Graz, avant même
l'élaboration du VÜP. Le but était de récupérer et réaménager des espaces publics pour les piétons
afin de rendre la ville plus attractive et diminuer les effets du trafic automobile. Cette initiative repose
sur l'idée de simples zones piétonnes davantage que sur des espaces de shopping et de commerce.
La première étape a consisté à définir, dès 1986, une zone piétonne intégrale dans la vielle ville
ainsi que dans le quartier de Murvorstadt. Jusqu'en 1994, des travaux ont aussi été conduits dans
plusieurs autres rues et places situées en dehors de ces zones afin de les rendre plus attractives
pour les piétons.
« La vaste zone 30 », qui fut une mesure très remarquée en Autriche et à l'étranger. Graz a été la
première ville en Europe à mettre en place une zone 30 sur l'ensemble de son centre ville. Elle fut
ensuite très vite suivie par de nombreuses autres villes plus petites. Cette mesure est aujourd'hui
profondément enracinée dans la politique de déplacements de la ville initiée il y a un peu plus de dix
ans.
EXPERIENCE DE GRAZ
Planification
Les élections municipales de 1988 aboutirent à une situation singulière : le parti du peuple (ÖVP) et le parti
socialiste (SPÖ) durent partager la direction de la ville afin d'obtenir une majorité au Conseil municipal. Le
candidat de l'ÖVP, ancien Premier Adjoint au Maire lors de la mandature précédente, avait basé toute sa
campagne sur l'instauration d'une zone 30. Malgré les réserves des médias et d'un bon nombre d'élus, il pu
obtenir un nouveau mandat en s'associant au maire socialiste sortant. Disposant d'une coalition majoritaire
au sein du Conseil municipal et d'une position forte au sein des services municipaux intéressés (il dirigeait
les services de l'urbanisme et de la voirie), il put décider l'instauration de mesures d'apaisement du trafic.
La poursuite de cette politique de zones 30 différenciées, initiée auparavant, rendait cependant chaque fois
plus évidente les défauts de cette logique : coût des réaménagements élevés (rétrécissements de voies,
etc.), durée importante, iniquité (certains quartiers bénéficiaient des mesures et pas d'autres). Aussi, le
Premier Adjoint saisit-il l'idée d'un expert en transport qui suggéra la mise en place d'une seule et vaste zone
30 à Graz.
Dans l'élaboration de ce projet, un outil fut mis en place qui prouva son efficacité : les « cercles de
discussion ». Ils réunissaient les décideurs et experts clés des différents thèmes liés au projet : le Premier
Adjoint au Maire, un représentant du parti majoritaire au Conseil municipal, les responsables des services de
l'urbanisme et de la voirie, un représentant de la Police et de la Sécurité routière, des experts en transport,
un expert en marketing, un infographiste, un juriste et un théologien.
Ces cercles de discussion devinrent l'outil principal d'élaboration du projet de vaste zone 30. Tous les
problèmes qui risquaient d'être rencontrés furent abordés progressivement, qu'ils soient techniques ou
sociaux. Etant donné l'absence de précédent, il s'agissait de lever le doute sur la réussite d'une vaste zone
30 qui ne comportait pas de mesures physiques limitant la vitesse. Parmi les sujets importants qui furent
abordés, citons :
le vide juridique en matière de zone 30 (Cf. ci-dessous),
l'acceptation du projet par le public,
le problème du contrôle de la vitesse par la police,
les divers impacts du projet (économiques, sociaux, environnementaux, etc.).
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Le problème du vide juridique entourant la zone 30 était important. En effet, la loi autrichienne établissait à
50 km/h la vitesse limite de circulation dans les zones construites et des limites inférieures s'appliquaient
seulement sur certaines voies par autorisation spéciale. Malgré les diverses recherches et analyses
demandées par le Premier Adjoint, la situation restait imprécise. On trouva la solution en instaurant une
période d'essai de deux ans (qui en outre présentait l'avantage d'être mieux acceptée par le public). Face au
succès rencontré par l'initiative localement mais aussi au niveau national, le Parlement en vint à réviser le
Code de la route et à y ajouter un nouveau paragraphe autorisant les zones 30 partout en Autriche.
Aménagements et mesures
Signalisation et différentiation du réseau routier
Le projet prévoyait la distinction de deux types de rues au centre ville : un vaste réseau majoritaire de rues à
30 km/h, et des rues prioritaires à 50 km/h. Cette tâche fut confiée à un organisme extérieur travaillant avec
le service de la voirie et dura plus d'un an. Chacune des quelque 1 600 rues de la ville fut examinée en
fonction de différents critères (largeur, fonction, etc.).
Au-delà de cette désignation, c'est aussi le marquage au sol et la signalisation
qu'il fallait adapter. La zone 30 de Graz n'a pas été établie, comme ailleurs,
avec la construction de dos-d'âne, ralentisseurs et autres chicanes. L'ensemble
de la ville étant concerné, ces mesures ne pouvaient être instaurées. Aussi, la
signalisation a joué un rôle important. A chaque entrée de la ville, des
panneaux ont été placés indiquant que toutes les rues sont à 30 hm/h, excepté
celles qui sont signalées à 50 km/h. Mais une fois en ville, ces panneaux
disparaissent. Etant donné que cette signalisation risquait d'être insuffisante
pour prévenir les non-résidents (touristes, etc.), de grands chiffres « 30 » ont
été marqués sur la chaussée à chaque passage d'une rue prioritaire à une rue
secondaire.
Panneau de signalisation
aux entrées de la ville
Communication et sensibilisation
Dès le début du projet, il était clair que des techniques de marketing allaient être nécessaires afin de
dépasser les oppositions au projet. Un expert en transport spécialisé dans le marketing a même été consulté
à diverses reprises et un infographiste a fait partie des cercles de discussion de façon permanente. Deux
cibles différentes ont été considérées dans la stratégie de communication : les élus et les habitants.
Le marketing au niveau politique
Le marketing au niveau politique était nécessaire puisque l'instauration de la zone 30 nécessitait différents
votes au Conseil municipal (pour le financement des analyses accompagnant le projet et la campagne de
sensibilisation du public ainsi que pour la mise en place d'une zone d'essai). Au début, les défenseurs du
projet durent faire face à une fronde importante au sein du Conseil municipal
et de la part de différents groupes d'intérêts comme la Chambre de
commerce ou le syndicat travailliste local. Aussi, tant le Maire que le Premier
Adjoint menèrent au sein de différents groupes d'intérêts et de leur propre
parti des actions d'information, de sensibilisation et d'explication, en
soulignant différents arguments en fonction public auquel ils s'adressaient.
Le Premier Adjoint a plutôt centré ses discours sur des arguments
techniques comme les accidents, le bruit, les émissions polluantes, etc. Le
Maire, quant à lui, souligna plutôt les avantages sociaux de la zone 30,
laquelle allait offrir de meilleures conditions de vie aux enfants, personnes
âgées et personnes handicapées. A certaines occasions, ils apparaissaient
même ensemble pour la tenue de leurs discours.
Le marketing au niveau du public
Marquage au sol à l'entrée
d'une route non prioritaire
L'acceptation du projet par la majorité de la population ne constituait pas un
pré-requis nécessaire à sa mise en oeuvre pratique. Mais elle pouvait le
renforcer et faciliter encore celle-ci. La forte personnalité du Premier Adjoint, sa capacité à utiliser la presse
et la télévision et sa détermination à réaliser le projet lui ont permis d'occuper une place médiatique
importante.
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Au-delà de sa propre présence, c'est également l'élaboration d'une campagne de promotion qui a permis de
gagner l'adhésion d'une partie du public. Etant donné le caractère « diffus » et impersonnel du problème à
résoudre (la pollution atmosphérique et la congestion du trafic principalement), le but de la campagne était
de faire reconnaître l'existence du problème aux habitants. En outre, face à l'attachement général des
individus à leur véhicule, il a été nécessaire de faire appel à des arguments raisonnés et convaincants bâtis
sur des analyses solides. La campagne devait produire des changements de perception immédiats. Les
effets sur le long terme n'étaient pas recherchés car les mesures de réduction de la vitesse devaient
démontrer d'elles-mêmes leur pertinence. La campagne se déroula en deux phases :
une phase de « motivation », de janvier à mai 1992, destinée à sensibiliser les gens. Cette phase a
surtout servi à « diffuser » l'information (cartes, magazines, brochures adaptées aux différents
publics). Quatre discussions publiques ont aussi été tenues mais l'approche participative a été
limitée puisque le projet avait déjà été défini en amont au sein des cercles de discussion,
une phase « d'information », de mai à septembre 1992, destinée aux automobilistes afin de les
initier aux nouvelles règles de conduite.
EVALUATION ET PERSPECTIVES
La vaste zone 30 de Graz est aujourd'hui acceptée par tous les élus municipaux ainsi que par la population.
Selon la dernière enquête de 2002, 80% des habitants sont en faveur de la zone. Le projet a montré son
efficacité puisque le nombre d'accidents à Graz a diminué sur les rues à 30 km/h, passant de 2 500 en 1988
à environ 1 900 en 1996. La limite de vitesse s'applique également aux cyclistes. Ces derniers sont d'ailleurs
plus nombreux et subissent moins d'accidents. On est passé de moins de 100 000 vélos en 1988 à plus de
120 000 en 1999, pour un nombre total d'accidents d'environ 500 en 1991 (peu avant la mise en place de la
zone 30), et de moins de 400 en 1999. La zone 30, ainsi que les mesures qui l'ont accompagnée (zone
piétonne, trottoirs élargis, etc.) ont affaibli la position intimidante de la voiture. Les conflits se sont en fait
déplacés, ils concernent aujourd'hui les piétons (personnes âgées notamment) et les cyclistes, qui se
partagent l'espace libéré.
Le niveau de bruit a diminué avec la mise en place de la zone 30 jusqu'à un niveau situé entre 2 et 2,5 dB.
Si les objectifs en matière de mobilité sont toujours très nombreux, on constate cependant un déclin dans
leur mise en oeuvre et les travaux qui ont cours ne concernent que des projets de petite échelle. Parmi les
facteurs influençant ce déclin, on peut identifier :
une baisse de l'engagement politique due à la division des partis dans ce domaine depuis le décès
du Premier Adjoint,
une réorientation des financements vers les nouveaux centre culturels (Graz est pour 2003 la « Ville
européenne de la culture »),
un soutien accru de la population au projet de développement du périphérique intérieur,
la volonté de l'Union européenne de libéraliser le transport public, qui risque de remettre en cause la
tarification générale des transports publics.
POUR ALLER PLUS LOIN
City of Graz
Office for Urban Development
and Town Preservation
Gerhard Ablasser - Dipl.-Ing.
Europaplatz 20
AT–8020 Graz
Tel : +43 316 872 4203
Fax : +43 316 872 4209
E-mail : [email protected]
Universität für Bodenkultur Wien
Professor Reinhard Hössinger
Gregor Mendel Strasse 33
AT–1180 Wien
Tel : + 43 147 654 5343
E-mail : [email protected]
Cette fiche de cas a été réalisée par Energie-Cités grâce à la collaboration des responsables de
la Ville de Graz et de M. R. Hössinger du projet Guidemaps, ainsi qu' au soutien technique et
financier de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) – Délégation
Régionale Nord-Pas-de-Calais
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