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Soigner les troubles mentaux de la personne âgée :
combat d’avant-garde ou cause perdue ?
ATELIER-DÉBAT AUTOUR DES PROFESSEURS H. LÔO, A.-S. RIGAUD, B. DUBOIS et du Dr T. GALLARDA
ANIMÉ PAR S. AURENCHE (1)
Sophie Aurenche
Politique
Soigner les troubles mentaux de la personne âgée :
combat d’avant-garde… ou cause perdue ? Pourquoi
avoir choisi cette question d’actualité qui nous concerne
tous au plan politique, individuel, familial ou médical ?
C’est toute la question des plans : le plan santé mentale, le plan Alzheimer.
Médicale
Thierry Gallarda
Avant de répondre, je voudrais dire que l’on m’a souvent
renvoyé le fait qu’il fallait être « original » pour s’intéresser
à la personne âgée, lorsque l’on est psychiatre. On sait
bien que la psychiatrie s’est longtemps désintéressée des
troubles mentaux de la personne âgée.
Cette question reflète assez bien mon propre questionnement sur cette thématique et mon implication dans la
mise en place des Journées du vieillissement. Je vous propose plusieurs perspectives avant de débattre :
Les origines et le début de la vie, la procréation, suscitent des débats scientifiques et médicaux passionnés.
Face aux problématiques du vieillissement, la position est
beaucoup plus ambivalente et complexe avec un tabou
autour de la mort et une évacuation de la question de la
mort dans la culture médicale moderne.
Psychiatriques
Le contexte épidémiologique est alarmant : vieillissement de la population, prévalence élevée des troubles
mentaux de la personne âgée (dépression, suicide,
anxiété), mais aussi de la maladie d’Alzheimer :
800 000 cas d’Alzheimer, dont 160 000 nouveaux cas par
an.
Pourquoi les psychiatres sont-ils restés autant en retrait
des problématiques liées au vieillissement ? Comment
pourrait-on améliorer leurs rapports avec les neurologues
ou les gériatres, déjà très impliqués dans ces problématiques ? Car on sait combien les dimensions psychologique et psychothérapique sont essentielles dans l’aide aux
patients et aux aidants. Par rapport à ce qui a été mis en
place dans la psychiatrie par tranches d’âge et en particulier dans la genèse de la pédopsychiatrie, on peut imaginer que la psychiatrie du sujet âgé devra s’inspirer de
ces modèles.
Sociétale
Commerciale
De par le vieillissement des sociétés occidentales
actuelles, la place de la personne âgée est évidemment
cruciale, parfois difficile à tenir.
C’est la place primordiale de l’industrie pharmaceutique. On a vu comment une initiative, une impulsion peut
naître partiellement d’objectifs commerciaux et les tensions, les freins causés par des perspectives plus politiques ou socioéconomiques.
Démographiques et épidémiologiques
(1) Journaliste médicale à France 2 et RTL.
Rewriter I. Fabre.
S 656
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 656-63, cahier 5
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 656-63, cahier 5
Soigner les troubles mentaux de la personne âgée : combat d’avant-garde ou cause perdue ?
Personnelle
Mon intérêt pour les troubles mentaux de la personne
âgée répond à des questionnements personnels.
Locale
L’objectif est de mettre en place rapidement une structure spécifique d’évaluation des troubles du comportement, avec des possibilités d’imagerie et de collaborations
avec les neurologues des hôpitaux Sainte-Anne et PitiéSalpêtrière, ainsi qu’avec les sites proches de gériatrie
(Broca).
Enfin, une implication des psychiatres paraît nécessaire dans l’apprentissage et l’enseignement des spécificités de la psychiatrie gériatrique.
Pour conclure, je voudrais vous lire cette citation de
Simone de Beauvoir :
« Les vieillards sont-ils des hommes ? À voir la manière
dont notre société les traite, il est permis d’en douter. Elle
admet qu’ils n’ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes
droits que les autres membres de la collectivité,
puisqu’elle leur refuse le minimum que ceux-ci jugent
nécessaire. Elle les condamne délibérément à la misère,
aux taudis, aux infirmités, à la solitude, au désespoir. Pour
apaiser sa conscience, ses idéologues ont forgé des
mythes d’ailleurs contradictoires, qui incitent l’adulte à voir
dans le vieillard non pas son semblable, mais un autre. Il
est le sage vénérable qui domine ce monde terrestre, il
est un vieux fou qui radote et extravague. Qu’on le situe
au-dessus ou en dessous de notre espèce, en tout cas,
on l’en exile. Mais plutôt que de déguiser la réalité, on
estime encore préférable de radicalement l’ignorer. La
vieillesse est un secret honteux et un sujet interdit. Quand
j’ai dit que j’y consacrais un livre, on s’est le plus souvent
exclamé : « Quelle idée, c’est triste, c’est morbide ! ».
C’est justement pourquoi j’ai écrit ces pages. J’ai voulu
décrire en vérité la condition de ces parias et la manière
dont ils la vivent. J’ai voulu faire entendre leur voix. On
sera obligé que ce soit une voix humaine. On comprendra
alors que leur malheureux sort dénonce l’échec de toute
notre civilisation. ». Citant Proust : « C’est avec des adolescents qui durent un assez grand nombre d’années que
la vie fait des vieillards ».
Sophie Aurenche
Professeur Lôo, je vous ai senti un peu pessimiste et
sembliez dire que les personnes âgées sont un peu les
laissés pour compte. Finalement, soigne-t-on aussi bien
que l’on devrait les troubles mentaux de la personne
âgée ?
Henri Lôo
Permettez-moi de répondre au Docteur Gallarda. Je
crois que l’on n’a pas le droit de dire qu’une cause est per-
due lorsque l’on est médecin ou thérapeute. Je ne crois
pas qu’une cause soit perdue. Je crois plutôt que c’est une
cause difficile, et ce pour deux raisons.
La sémiologie des troubles psychiatriques chez le sujet
âgé ne répond jamais à la description telle qu’on l’enseigne dans les facultés ou dans les livres. Il y a toujours un
mélange de symptômes et des masques trompeurs.
On peut multiplier les exemples d’atypicité avec des
intrications sémiologiques et nosographiques. Il n’y a pas
une dépression, une pathologie anxieuse, ni une pathologie du caractère, mais un ensemble de symptômes où
un seul domine, ce qui explique la difficulté à traiter. Quels
sont les symptômes cibles à traiter, là où beaucoup se
mélangent et parfois sont contradictoires ?
Ainsi, l’apathie s’accompagne parfois d’une anxiété flottante. Quel symptôme traiter ? Si l’on traite l’anxiété avec
un thymoleptique, anxiolytique ou neuroleptique atypique,
on risque d’aggraver l’apathie. La difficulté est donc de hiérarchiser les symptômes cibles à traiter. Dans certains
cas, on ne pourra peut-être même pas traiter.
Par ailleurs, les polymédications viennent compliquer
le tableau.
Sophie Aurenche
Docteur Gallarda, vous parliez de la pédopsychiatrie
comme d’une psychiatrie, où l’on a longtemps transposé
la psychiatrie adulte aux enfants.
Est-on en train d’éviter aux sujets âgés des notions de
la psychiatrie générale adulte, ou bien faut-il créer des
modèles spécifiques ?
A-t-on tendance à trop appliquer la psychiatrie adulte
à des personnes âgées qui finalement ne répondent pas
à beaucoup de ces critères ?
Thierry Gallarda
Effectivement, j’ai l’impression que la psychiatrie de
l’adulte d’âge moyen a extrapolé ses propres données à
la personne âgée. Il y a vraiment nécessité de définir précisément, d’enseigner et de faire de la recherche sur ces
tableaux complexes et spécifiques, rencontrés lors du
vieillissement, dès l’âge de 60 ans. L’enseignement de la
psychiatrie du sujet âgé a été largement délaissé en
France par les psychiatres.
Vincent Camus
Je voudrais apporter un complément à ce que vient de
dire le Docteur Gallarda.
Comme vous l’avez signalé, je pense que la spécificité
est clinique, mais elle l’est aussi dans les modèles explicatifs des troubles et dans les stratégies de traitements
mis en œuvre. Cette spécificité va jusque dans les modalités d’organisation du soin.
S 657
Table ronde
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On ne va pas forcément organiser le soin en psychiatrie
de la personne âgée sur le même modèle que celui de
l’adulte, pensé il y a une dizaine d’années, autour d’une
autre problématique psychiatrique, la psychose.
Ces spécificités sont donc multiples et portent sur plusieurs dimensions.
Sophie Aurenche
Daniel Sechter
Bruno Dubois
Le terme de spécificité me gêne. J’ai le sentiment que
ce terme insiste sur la complexité de la psychiatrie de
l’enfant et de l’adolescent où l’expression des troubles
n’est pas la même que celle de l’adulte jeune. De nombreuses interactions sont à prendre en compte, notamment avec l’entourage familial.
Chez le sujet âgé, on se retrouve un peu dans le même
schéma, avec une complexité et la nécessité de prise en
compte de tous les intervenants et aidants, en particulier.
Aussi, un enseignement de psychiatrie du sujet âgé par
un diplôme d’études spécialisées complémentaires
(DESC), me paraît très souhaitable. Aller vers un enseignement exclusif me gênerait beaucoup. Il paraît au contraire important d’avoir une richesse d’échanges concernant la prise en compte et la prise en charge des patients
et leur entourage.
Oui, je crois que si l’on arrive à la mise au point de médicaments ralentissent les processus de ces maladies, on
aura une avancée évidente.
Le troisième point « troubles mentaux », me paraît considérable. Le terme mental a l’avantage d’englober à la
fois la dimension cognitive, comportementale et psychique. Une partie du corps de la psychiatrie se rapproche
des neurosciences. Je crois qu’au contraire la segmentation n’est pas un danger et qu’il faut mettre à profit les outils
des neurosciences pour progresser. Cette partie est difficile.
Sophie Aurenche
Professeur Dubois, en tant que neurologue, quel point
de vue retenez-vous : combat d’avant-garde ou cause
perdue ?
Bruno Dubois
Je reprendrais assez bien à mon compte ce qu’a dit le
Professeur Lôo. C’est un combat d’aujourd’hui et je dirais
que c’est un combat difficile pour trois raisons.
Le premier enjeu est très certainement un choix politique que doivent opérer les pouvoirs publics. Bernard
Kouchner a bien posé le problème : « La France doit décider de ses choix prioritaires ».
Sommes-nous d’accord pour que la dimension économique n’entre pas en compte lorsqu’on aborde les problèmes de santé ? La notion d’équilibre financier ne peut
s’appliquer à un problème de santé publique.
Le deuxième enjeu est lié à l’insatisfaction face à l’offre
thérapeutique : on dispose de médicaments relativement
symptomatiques n’agissant que sur un sous-système.
Une mutation majeure de traitements symptomatiques
vers des traitements fondamentalement étio-pathogéniques, ralentissant les processus pathologiques, doit
s’opérer.
S 658
Avant d’aborder votre troisième point, il faut dire aussi
que la recherche sur les médicaments pour les personnes
âgées est compliquée aujourd’hui, comme pour les médicaments pédiatriques.
Sophie Aurenche
Professeur Rigaud, quel est votre point de vue
complémentaire ?
Anne-Sophie Rigaud
Je pense en effet que la question du soin des troubles
mentaux des personnes âgées est essentielle. Je suis
encore plus optimiste et peut-être naïve : le combat
engagé est bien avancé, toute personne veut vivre âgée
et en bonne santé. Je voudrais donner cinq points :
Le premier concerne les particularités cliniques des
troubles chez la personne âgée. C’est un domaine où la
pluridisciplinarité entre neurologue, gériatre et psychiatre
est essentielle. Les consultations mémoire développées
avec le plan Alzheimer, sur l’ensemble du territoire, sont
bien le lieu où la pluridisciplinarité s’exerce pour aider les
patients.
Le deuxième point est l’enseignement. Ces dernières
années, un travail manifeste sur l’enseignement s’est
organisé auprès des médecins dans les facultés. Gériatrie
et psychogériatrie sont enfin enseignées en neurologie. Il
y a depuis quelques années un DESC de Gériatrie avec
une forte participation psychiatrique. La formation des
médecins coordonnateurs d’EHPAD (établissement
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)
montre aussi une véritable source de dynamisme.
Le troisième point est la coordination, notamment dans
la région Ile-de-France, où un centre local d’investigation
et de coordination (CLIC) s’occupe de l’aspect médicosocial et par là même des troubles mentaux. Les centres
Mémoire de Ressources et de Recherches (CMRR), à
l’échelon régional, ont un rôle très fort au niveau des coordinations de consultations mémoire. En Île-de-France, se
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Soigner les troubles mentaux de la personne âgée : combat d’avant-garde ou cause perdue ?
constituent de nombreux réseaux Alzheimer où se réunissent les professionnels quel que soit leur domaine sur la
MA et l’ensemble des troubles mentaux, car les interférences sont grandes.
Le quatrième point concerne le domaine de la recherche. L’impulsion est majeure, grâce aux nouvelles molécules de l’industrie pharmaceutique, après deux ans de
déception avec les vaccins.
Par ailleurs, beaucoup d’appels d’offres émanant de la
Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales
d’Ile-de-France (DRASS-IF), portent sur le bien vieillir en
Europe et la géronto-technologie. Des réseaux Alzheimer
se sont constitués à l’échelle européenne, avec la volonté
d’uniformiser la prise en charge des patients souffrant de
MA.
Enfin, le dernier point est éthique. La recherche éthique,
très active, tant en Ile-de-France qu’au plan national, avec
le plan Alzheimer notamment, marque des avancées
majeures. Les programmes d’information intéressent le
public, mais il faut encore insister sur la prévention, stimuler le grand public vers le bien vieillir, en particulier dans
le domaine mental.
Marie-Pierre Pancrazi
Je voudrais souligner que la gérontopsychiatrie ou psychiatrie du sujet âgé, ne se réduit pas à la prise en charge
des démences, même si elle exige que les psychiatres du
sujet âgé aient une formation à la neurologie et la gériatrie.
L’enseignement doit aussi insister sur les aspects somatiques que les psychiatres de l’adulte jeune, appréhendent
mal parfois. Délires tardifs et psychoses vieillies, troubles
bipolaires vieillis et à début tardif, troubles anxieux, manifestations nécrotiques avec une coloration liée à l’âge, problématiques d’adaptation, crises suicidaires, états de
stress post-traumatique, exigent une compétence et donc
une formation théorique que nous n’avons pas pour l’instant.
La gérontopsychiatrie est aussi un accompagnement
psychothérapeutique sur plusieurs années. Le champ
d’action doit s’élargir vers une thérapie intégrant la rencontre du corps. La psychiatrie du sujet âgé est une spécialité à part entière de la psychiatrie, au même titre que
la pédopsychiatrie.
Il peut exister une psychiatrie s’intéressant aux modalités comportementales et à une relation d’aide particulière, ainsi qu’une neurologie sensibilisée aux aspects
psychiatriques, avec une clinique et des approches psychopathologique, pharmacologique et psychothérapeutique.
Thierry Gallarda
Je suis tout à fait d’accord. Le souci de pluridisciplinarité
des CMRR est omniprésent.
Il convient toutefois d’individualiser certaines spécificités de la psychiatrie du sujet âgé, notamment dans ses
aspects les plus sévères, qui nécessitent parfois des hospitalisations sous contrainte. Certains sujets âgés sont
hospitalisés dans des secteurs de psychiatrie parce qu’ils
nécessitent un environnement protégé et des thérapeutiques très spécifiques (électrochoc, stimulation magnétique, psychotropes nécessitant un haut niveau d’expertise
médicale).
Le champ de la psychogériatrie ramène à une appréhension psychologique de la relation médecin-malade
dans des situations gériatriques, souvent moins sévères
que celles rencontrées en psychiatrie. Un psychogériatre
ou celui qui a une formation de gériatre, pourra assumer
certaines situations spécifiques parce qu’il aura été formé
en psychothérapie (comportementale, psychanalytique,
familiale). La synergie entre les différentes spécialités est
fondamentale.
On parle effectivement des médicaments, inhibiteur de
l’acétylecholinestérase ou autres, mais de multiples
approches existent. Une réunion récente, animée par le
Professeur Jean-François Dartigues, portait sur les alternatives aux thérapeutiques psychotropes, anticholinestérasiques, surtout psychologiques chez les déments. Une
vingtaine de moyens psychothérapiques sont utilisables,
dont l’efficacité est à tester chez les patients ayant des
démences légères ou modérées. La question de l’alternative aux anticholinestérasiques ou aux psychotropes
est importante. Psychiatres, psychologues, psychothérapeutes, ont une place prépondérante à jouer.
Anne-Sophie Rigaud
Cet exemple est très illustratif, puisque pour cette étude
nationale, une décision ministérielle demande d’évaluer
différentes psychothérapies dans la MA et les démences
apparentées. En effet, l’une des critiques fréquentes de la
psychothérapie est qu’elle n’est pas toujours bien évaluée,
en particulier dans ce domaine.
Henri Lôo
Je dirais tout d’abord à Madame Rigaud qu’elle est non
seulement un grand gériatre, mais également une excellente psychothérapeute, car vous savez nous insuffler de
l’optimisme. Et je vous en remercie. Je reviens quand
même sur les difficultés liées au traitement :
– le médicament
Chacun de vous a bien signalé la difficulté chez le sujet
âgé où le métabolisme est très différent d’un sujet à un
autre, de connaître la dose.
– la psychothérapie
C’est vrai que le sujet qui vieillit est confronté à une blessure narcissique : il a le sentiment de sa détérioration et
de ses handicaps.
Je crois que le Professeur Camus a évoqué l’aspect plurifactoriel des troubles psychiatriques du sujet âgé. Il y a
autre chose qui est une réalité : ce sont les pertes, l’isolement, la solitude. Ni la psychothérapie, ni le médicament
ne vont combler véritablement cela.
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Table ronde
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Il faut réparer ces aléas existentiels, réaménager l’existence. La prise en charge est donc médicamenteuse,
psychothérapique individuelle, mais je crois qu’elle est
beaucoup aussi au niveau de l’aménagement de l’environnement.
Thierry Gallarda
Professeur Bruno Dubois
Docteur Maletaverne, gérontopsychiatre (Lyon)
Je voudrais rebondir sur l’intervention du Docteur Pancrazi. Je voudrais aller plus loin et apporter une réponse
à sa question.
Ce qu’elle nous dit, c’est que la psychogériatrie doit
aussi s’occuper des formes cliniques tardives des maladies psychiatriques. Mais, y a-t-il une psychogériatrie,
comme il y aurait aussi une cardiogériatrie ou une
néphrogériatrie ? La psychogériatrie doit-elle effectivement prendre en charge les formes cliniques de maladies
psychiatriques, dès lors qu’elles surviennent après
70 ans ? C’est une perspective que le Docteur Pancrazi
propose. En outre, je souhaiterais aller plus loin.
La démence, pathologie tardive, a dans sa présentation, des aspects psychiatriques qui ne sont pas toujours
abordés par les services de psychiatrie, car ceux-ci n’ont
généralement pas cette population. On pourrait aussi imaginer que les troubles psychocomportementaux liés à la
démence, soient réservés à la psychogériatrie. La question est intéressante.
Est-ce que la psychogériatrie, finalement, est une
extension de la psychiatrie générale, et à ce moment-là
on va vers des subdivisions telles que la cardiogériatrie,
la néphrogériatrie, l’endocrinogériatrie ? Pour chaque
pathologie existe la forme du sujet âgé : diabète, insuffisance rénale ou insuffisance cardiaque du sujet âgé, c’està-dire finalement ce que recouvre la gériatrie.
Une sous-spécialité n’est-elle pas en train de se dégager, la psychogériatrie, propre à des maladies du sujet
âgé, la démence et les troubles psychocomportementaux
qui la caractérisent et qui nécessitent une spécialité
particulière ?
Le Docteur Pancrazi l’a dit, il faut le redire. La maladie
d’Alzheimer est un des aspects, car la psychiatrie du sujet
âgé ne peut pas non plus se résumer aux maladies mentales
vieillies. Je veux dire par là que quand on vieillit, on risque
effectivement de décompenser des états pré-pathologiques. Il est normal, en effet, que l’on ait à s’occuper de pathologies qui reconvoquent en quelque sorte l’arrière-garde
dans la modernité. Il faut savoir que jusqu’à récemment, la
psychiatrie du sujet âgé était la pathologie d’involution.
Dire que chez le sujet âgé, en particulier le dément, il
existe une vie psychique, constitue un progrès inimaginable. À partir de là, tout redevient possible et on peut être
optimiste. Je pense en effet que lorsqu’on dit que la vie
psychique existe à la fin de la vie, cela veut dire que l’on
a tout à en apprendre, comme l’étude de la vie psychique
au début de la vie de l’enfant. C’est cela l’enjeu, je crois,
le pari que l’on peut faire.
Puisque l’on parle de médicaments, je pense qu’il faut
aussi reparler des apports de l’approche psychodynamique à la compréhension de la vie psychique du sujet en
général, et pas seulement du sujet âgé.
Henri Lôo
Je partage l’avis du Docteur Pancrazi : avec l’âge élevé,
apparaissent des troubles psychocomportementaux,
d’autres, survenus à un âge plus jeune, vont se modifier,
se renforcer ou se pérenniser à l’âge adulte. Est-ce que la
psychogériatrie ou la psychiatrie du sujet âgé est fondamentalement séparée de la psychiatrie d’adulte ou en estelle le prolongement ? Je crois que l’on est quand même
dans une trajectoire continue, avec des expressions particulières à connaître, différentes de celle de l’adulte. Mais,
je ne crois pas que l’on puisse séparer les deux.
Sophie Aurenche
Vous dites plutôt psychogériatrie que gérontopsychiatrie. On a l’impression que c’est la psychiatrie qui doit de
se rapprocher de la gériatrie ?
S 660
On dit les deux mais ces deux appellations recouvrent
des pratiques et des expertises qui ne sont pas, on l’a vu
strictement superposables.
Marie-Pierre Pancrazi
La sémantique est importante, c’est certain.
La psychogériatrie peut tout à fait être l’exercice de
gériatres ou d’équipes de gériatrie, confrontés aux troubles psychologiques et psychocomportementaux de la
démence notamment. Et là il est utile que des unités de
psychogériatrie existent.
Mais la psychiatrie du sujet âgé est bien plus large.
Depuis un an que j’exerce en pratique libérale dans ce
domaine, j’ai des grandes difficultés pour que ces patients
aient accès aux soins. Dois-je adresser mes patients en
psychiatrie adulte avec les psychotiques, les psychopathes, ou dois-je les envoyer en gériatrie, où l’on ne les veut
pas, dès lors qu’il y a peut-être un accès maniaque, des
troubles du comportement, un état de glissement ou un
risque suicidaire. Il y a un réel problème d’accès aux soins.
Je suis d’accord avec le Professeur Lôo lorsqu’il affirme
la nécessité d’une vision sociale et politique. La difficulté
d’accès aux soins est non seulement liée aux carences
du dispositif de soins, mais aussi à l’isolement familial et
social.
Daniel Sechter
Les troubles mentaux de la personne âgée s’étendent
des troubles anxieux et dépressifs aux troubles psy-
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 656-63, cahier 5
Soigner les troubles mentaux de la personne âgée : combat d’avant-garde ou cause perdue ?
chocomportementaux. C’est pourquoi, plutôt que de
parler de psychogériatrie ou de gérontopsychiatrie, il me
paraît plus clair de retenir le terme de psychiatrie du sujet
âgé, parallèlement à la psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent.
Sophie Aurenche
Il y a visiblement unanimité sur cette formule.
Docteur Jaulin, psychiatre du sujet âgé (Nantes)
Je travaille en centre gériatrique et en centre mémoire
à Nantes.
Je suis tout à fait d’accord pour dire l’unité d’une discipline psychogériatrique ou gérontopsychiatrique qui participe au diagnostic et au traitement des maladies d’Alzheimer et démences apparentées, mais aussi au diagnostic
et au traitement des pathologies mentales du sujet âgé.
Il n’y a pas de difficulté à séparer psychiatrie et psychogériatrie. Je constate que dans le diagnostic et les soins
des démences et maladies apparentées, le psychiatre est
présent à tous les niveaux : diagnostic, prise en charge
de la décompensation des troubles du comportement,
aide à l’institutionnalisation et aux familles. Donc, on a
besoin de lui à différentes étapes lors de situations difficiles.
Le deuxième point est que la séparation est effectivement moins aisée pour les soins aux pathologies mentales
proprement dites, rendant la difficulté plus institutionnelle.
On peut difficilement travailler dans les deux champs, psychiatrique et psychogériatrique. En effet, soit l’on est psychiatre-gériatre à temps plein, et très vite, on est absorbé
par les malades d’Alzheimer, où le besoin est considérable, soit l’on est dans l’autre champ. Travailler dans les
deux champs est difficile.
Ce n’est pas tant un problème psychopathologique et
théorique qu’une question pratique en définitive. Je serai
moins optimiste, car force est de constater que l’on est très
vite absorbé par les difficultés.
À ces difficultés s’ajoute la situation démographique
préoccupante. Ainsi, les médecins généralistes renvoient
en psychiatrie des situations problématiques, telles que
celle-ci. Un couple suivi depuis des années, vieillit. Il vit
au quatrième étage sans ascenseur. L’un des conjoints a
une maladie d’Alzheimer débutante, l’autre est cardiaque,
conduit et s’épuise. Lui-même a quelques troubles cognitifs. On voit évoluer ces situations. Que va-t-il advenir
quand l’un chutera ? Cette question me laisse pessimiste.
Sophie Aurenche
On a l’impression que cette réflexion sur la gériatrie, a
déjà été faite en pédiatrie il y a quelques années. La
France est en retard par rapport aux autres pays européens.
Thierry Gallarda
Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue lyonnais.
La psychiatrie a longtemps été assimilée à la pathologie
déficitaire. Certains ont même parlé de défectologie.
L’idée d’élargir le champ des situations rencontrées
chez le sujet âgé en psychiatrie, est déjà une impulsion
importante. Lorsque l’on se réfère aux pratiques développées à l’étranger (Angleterre, Suisse, Espagne, Canada,
États-Unis), l’idée est d’élargir en France, l’enseignement
et les soins, de réfléchir sur les filières de soins et d’impulser des programmes de recherche destinés aux situations
cliniques spécifiquement rencontrées par le sujet âgé.
Docteur Maltaverne
La vérité est que nous sommes trop peu nombreux.
Restons réalistes. La démographie augmente, la pathologie augmente. Proportionnellement, les soignants diminuent. Il n’y a pas d’autre alternative que de travailler en
complémentarité entre neurologues, gériatres et psychiatres. Cette approche pluridisciplinaire est notre chance.
Pour reprendre ce que disait le Docteur Pancrazi, ce
travail en association implique de savoir ce dont on parle
dans chaque discipline. Il est très important qu’à côté
d’une gériatrie clairement identifiée, puisse exister maintenant une psychiatrie du sujet âgé. Je suis tout à fait
d’accord sur ce terme.
Sophie Aurenche
Je crois qu’il y a un diagnostic de maladie d’Alzheimer
toutes les quatre secondes dans le monde.
Sophie Aurenche
En tant que gériatre confronté à ces difficultés quotidiennes, je souhaiterais répondre au Docteur Pancrazi.
C’est vrai que la psychiatrie du sujet âgé, pour nous gériatres, aujourd’hui, pose des difficultés institutionnelles :
absence de structures adéquates, insuffisance de personnel, épuisement des équipes, gestion des troubles comportementaux dans des unités non adaptées, notamment
pour les patients fugueurs. Nous nous adressons aux collègues psychiatres, afin de gérer au mieux ces situations.
Le débat actuel est plus un débat politique, dans le sens,
où n’avons pas assez de structures adéquates, adaptées
et pluridisciplinaires. C’est sur cela que l’on doit
aujourd’hui mener notre combat et travailler ensemble
dans la pluridisciplinarité pour le patient et pour le bien des
familles.
Sophie Aurenche
Le débat est parti de l’hôpital et se situe maintenant
dans les établissements, les institutions spécialisées, où
S 661
Table ronde
de nombreuses personnes âgées résident. Vous souhaitez réagir ?
Daniel Sechter
Oui, pour souligner que nous sommes tout à fait conscients des difficultés. Il est important que gériatres, neurologues, psychiatres et les différentes professions impliquées, sensibilisent et conseillent les politiques.
Les politiques, dans le cadre du plan psychiatrie et
santé mentale, ont clairement marqué un axe prenant en
compte cet aspect de la psychiatrie du sujet âgé. Oui, les
problèmes de démographie existent en psychiatrie, mais
l’augmentation du nombre de postes d’internes en psychiatrie (300), la possibilité d’aller vers des orientations
complémentaires en psychiatrie du sujet âgé, en terme de
soins, enseignement, et recherche, me rendent optimiste.
Sophie Aurenche
Certains parmi vous ont probablement des expériences
en institution ? A-t-on aujourd’hui à notre disposition suffisamment d’établissements spécifiques pour les personnes âgées ayant des troubles du comportement, déments
ou suicidaires ? Tous ne sont pas à l’hôpital. Ils y sont faute
de mieux.
Henri Lôo
Je crois que le Docteur Pancrazi a parfaitement décrit
la situation. Dès qu’un sujet âgé présente des troubles
psychiatriques, personne ne le veut parce qu’il est âgé et
qu’il a des troubles psychiatriques. Peu de structures prennent en charge ces patients, et souvent à contrecœur. Le
Docteur Pancrazi a dit quelque chose de très vrai : un sujet
âgé qui veut se suicider fait peur à tout le monde, mais
bien souvent tout le monde se retire.
J’ajouterai que dans les troubles psychiatriques du
sujet âgé, les manifestations phobiques, notamment la
crainte de la chute, sont importantes à considérer.
Anne-Sophie Rigaud
Je voudrais néanmoins revenir sur la réforme des
EHPAD. Un changement radical de la dynamique de ces
établissements s’est opéré, avec la formation des médecins coordonnateurs. Ces derniers ont une vocation
d’enseignement des médecins généralistes avec lesquels
ils travaillent en réseau. Les EHPAD seront capables de
prendre en charge les patients souffrant de troubles du
comportement dans le cadre de démences. Leur formation devient manifestement très satisfaisante dans ce
domaine-là.
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L’Encéphale, 2006 ; 32 : 656-63, cahier 5
Sophie Aurenche
Beaucoup de familles en désarroi errent pendant des
mois avant de trouver des places. Elles s’épuisent, stressent si elles ne sont pas aidées. C’est un incroyable parcours du combattant.
Anne-Sophie Rigaud
Le plan Alzheimer est là pour les aider : en augmentant
le nombre de consultations mémoire sur l’ensemble du territoire, permettre que les 800 000 patients souffrant de MA
et démences apparentées puissent accéder à des consultations mémoire.
Sophie Aurenche
Je suis de l’avis du Professeur Lôo, très souvent les personnes âgées ne sont admises qu’à contrecœur. On a
résolu ce problème dans le Var, en créant des pavillons
de personnes âgées. Une prise en charge de sujet âgé
doit se faire à part.
Je vous donne l’exemple très pratique du repas thérapeutique. La personne âgée mange beaucoup plus lentement qu’un sujet adulte. À Brest, ont été créés des
pavillons de personnes âgées, parce qu’on leur reprochait
que les repas prenaient trop de temps. Je pense que l’on
n’a pas assez parlé des capacités résiduelles de la personne âgée. La prise en charge du malade âgé reste difficile dans un pavillon d’adultes.
Henri Lôo
Quand j’étais président de la commission médicale de
l’hôpital Sainte-Anne, il y a vingt ans, j’ai proposé la création d’un pavillon pour sujets âgés, ayant des troubles psychiatriques. Je me suis heurté à une levée de bouclier syndical. On a une psychiatrie à deux vitesses : la psychiatrie
adulte et le mouroir. Depuis, on n’a jamais créé de pavillon
spécifique.
Anne-Sophie Rigaud
Vous parlez des ressources résiduelles des personnes
âgées. Celles-ci sont très hétérogènes en fonction du
niveau des ressources. Des personnes âgées centenaires
ont des performances supérieures à des sujets jeunes de
20 ans. Quand vous dites personnes âgées, vous soustendez personnes âgées très malades, qui pour la plupart,
en institution, pour plus de 90 % d’entre eux, souffrent de
démences associées à des pathologies lourdes. La plupart des personnes âgées sont en bonne santé et vivent
chez elles.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 656-63, cahier 5
Soigner les troubles mentaux de la personne âgée : combat d’avant-garde ou cause perdue ?
Bruno Dubois
L’un des moyens de résoudre la décompensation est
d’anticiper au mieux ces décompensations. La mise en
place d’une consultation pluridisciplinaire, une fois tous les
6 mois, bien que lourde, est extrêmement rentable, avec
un psychologue, un médecin, un évaluateur des performances. Ces consultations longues durent plusieurs heures.
L’étude ELMA a suivi une cohorte de 50 patients
atteints de maladie d’Alzheimer. Après 5 ans, il n’y a pas
eu d’hospitalisation pour des troubles en rapport avec la
MA, car cela permet d’anticiper sur le coping : explication
des troubles, prévention, anticipation sur l’affectation de
moyens ou de formules qui vont pouvoir résoudre un problème. Ce sont des choses à mettre en place, nécessitant
en apparence quelques moyens, mais qui à l’arrivée sont
extrêmement rentables. Il faut peut-être se mobiliser
auprès des pouvoirs publics, pour valider ce genre
d’approche, parce que c’est l’alternative à l’hospitalisation, c’est l’alternative à la décompensation. C’est parce
que ces patients ne sont pas repérés, c’est parce que ces
problèmes ne sont pas anticipés que tout à coup, l’on voit
arriver des situations dramatiques où il n’y a pas de solution.
Docteur Pariel-Madjlessi
Je suis gériatre à l’hôpital Charles-Foix d’Ivry-surSeine, où je m’occupe de la consultation mémoire dans
le service du Professeur Joël Belmin. Il y a 10 ans, je travaillais en psychiatrie, en Ile-de-France, précisément sur
la typologie des personnes âgées en psychiatrie. J’étais
déjà gériatre, intéressée dans la création d’une unité psychogériatrique ou gérontopsychiatrique avec un psychiatre et un gériatre. Je n’ai pas trouvé de psychiatre à l’époque.
Je voudrais remercier le Docteur Gallarda, parce que
l’on parlait déjà de psychogériatrie il y a dix ans. C’est
l’hôpital Sainte-Anne, phare de la psychiatrie parisienne,
qui a permis aux gériatres de travailler en complémentarité.
Docteur Ardisson, psychiatre pour personnes âgées
(Nice)
mémoire, d’organiser des dispositifs de soutien à domicile
et de visite à domicile pour trouver des alternatives au passage en institution. Ce travail est un investissement qui
apporte qualité de vie et prévention pour la personne âgée
et son entourage.
Bruno Dubois
Un petit groupe de travail pourrait se constituer, afin de
réfléchir à des alternatives. Les pouvoirs publics, conscients de cette opportunité, ont déjà œuvré depuis quatre
ans. La présidente de la fédération nationale des CMRR,
le Professeur Florence Pasquier, pourrait d’ailleurs nous
aider à transmettre nos messages. Ce sont des moyens
que l’on pourrait donner à nos institutions, de renforcer les
consultations mémoire, dans un souci de pluridisciplinarité. Deux mille euros mensuels pour une personne sont
plus rentables qu’une journée d’hospitalisation.
Docteur Pariel-Madjlessi
La pluridisciplinarité, on peut déjà l’avoir. On est sur le
versant d’une consultation de l’Assistance Publique spécifique.
Docteur Epain, psychiatre (Lagny-sur-Marne)
Dans le même ordre d’idée que les consultations
mémoire, nous organisons, dans le service du Docteur
P. Frémont, des visites au domicile des sujets hospitalisés
pour la première fois pour décompensation psychiatrique
quelle que soit la pathologie. Parmi une cinquantaine de
patients, aucun n’a été réhospitalisé. L’investissement en
temps est important : 2 à 3 visites hebdomadaires à domicile, mais ce travail est rentable : 2 patients ont été hospitalisés en gériatrie, et non en psychiatrie.
Sophie Aurenche
Poser la question du soin des troubles mentaux de la
personne âgée était important. L’optimisme du combat
d’avant-garde l’emporte sur le pessimisme de la cause
perdue. C’est avec cet état d’esprit que nous concluons
ces quatrièmes Journées du Vieillissement.
Mon intervention va dans le sens de la remarque du Professeur Dubois, sur l’intérêt, à partir d’une consultation
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