olivier messiaen - Médiathèque de la Cité de la musique

Transcription

olivier messiaen - Médiathèque de la Cité de la musique
François Gautier
président
Brigitte Marger
directeur général
sommaire
clefs d’écoute
conférence - jeudi 3 décembre à 15h
page 4
hommage à Olivier Messiaen
colloque - vendredi 4 décembre à 9h30 et 14h
page 4
Des canyons aux étoiles, le monde d’Olivier Messiaen
film - vendredi 4 décembre à 20h
page 4
récital de piano
samedi 5 décembre à 20h
page 5
concert à deux orchestres
jeudi 10 décembre à 20h
page 14
Messiaen et l’esprit « haïku »
texte de Hans Zender
page 19
biographie d’Olivier Messiaen
page 30
biographies des artistes
page 31
hommage à Olivier Messiaen
Le 10 décembre 1998, Olivier Messiaen aurait fêté ses 90 ans. C’est pourquoi la
cité de la musique, l’Ensemble Intercontemporain et le Conservatoire de
Paris ont choisi cette date pour lui rendre hommage.
Autour de ce concert se sont greffés plusieurs manifestations destinées à donner
une idée plus large des différents aspects de son activité artistique : un colloque
organisé par le Conservatoire de Paris (autour de sa musique pour claviers), la projection du documentaire d’Olivier Mille (Des Canyons aux étoiles) et un récital de
piano (l’intégrale des Vingt Regards de L’Enfant Jésus par Pierre-Laurent Aimard).
La cité de la musique a souhaité aussi proposer, en première édition française, la
traduction de l’article de Hans Zender qui analyse les Sept Haïkaï et qui commente également les principes fondateurs du style d’Olivier Messiaen en en montrant toute la modernité.
jeudi
3 décembre - 15h
salle des colloques
conférence
clefs d’écoute
Autour des Sept Haïkaï
par Alain Poirier en introduction à l’œuvre d’Olivier
Messiaen donnée en concert le jeudi 10 décembre
hommage à Olivier Messiaen
vendredi
4 décembre - 9h30 et 14h
amphithéâtre du musée
Les claviers dans la musique d’Olivier Messiaen colloque
spécificités de l’écriture pour clavier
Claude Samuel, président de séance
avec la participation de :
Alain Louvier, Alain Mabit, Valérie HartmannClaverie, Pierre-Albert Castanet, Olivier Latry,
professeurs au Conservatoire de Paris
Michelle Biget-Mainfroy, professeur à l’Université
de Tours
Véronique Pélissero, piano
vendredi
4 décembre - 20h
amphithéâtre du musée
Des canyons aux étoiles,
le monde d’Olivier Messiaen
cinéma au musée
série documentaire en trois parties d’Olivier Mille
France, 1997, 156 mn, coul. ; production Artline
Films, Imalyre, INA Entreprise, CNSMDP, CNC,
Procirep, C9 Télévision, Muzzik.
1er épisode : la foi
2e épisode : la nature et les oiseaux
3e épisode : les rythmes, les couleurs, l’enseignement
Ce film restitue, en trois épisodes, l’univers d’Olivier
Messiaen. De très nombreuses archives, filmées entre
1964 et 1987, privilégient sa propre parole, comme si
ces trois films constituaient un vaste autoportrait. De
larges extraits de ses œuvres illustrent ses propos.
Enfin, de nombreux musiciens viennent témoigner de
son influence et donner un éclairage critique sur sa
place dans la création musicale du XXe siècle.
samedi
5 décembre - 20h
salle des concerts
concert
récital de piano
Olivier Messiaen
Vingt Regards sur l’Enfant Jésus
I - Regard du Père
II - Regard de l’étoile
III - L’échange
IV - Regard de la Vierge
V - Regard du Fils sur le Fils
VI - Par Lui tout a été fait
VII - Regard de la Croix
VIII - Regard des hauteurs
IX - Regard du Temps
X - Regard de l’Esprit de joie
entracte
XI - Première communion de la Vierge
XII - La parole toute puissante
XIII - Noël
XIV - Regard des Anges
XV - Le baiser de l’Enfant-Jésus
XVI - Regard des prophètes, des bergers et des Mages
XVII - Regard du silence
XVIII - Regard de l’Onction terrible
XIX - Je dors, mais mon cœur veille
XX - Regard de l’Eglise d’amour
Pierre-Laurent Aimard, piano
durée du concert : 2 heures
hommage à Olivier Messiaen
I - Regard du Père
Phrase complète sur le Thème de Dieu.
Et Dieu dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai
pris toutes mes complaisances... »
II - Regard de l’étoile
Thème de l’Etoile et de la Croix.
Choc de la grâce... l’étoile luit naïvement, surmontée
d’une croix...
III - L’échange
Descente en gerbe, montée en spirale ; terrible commerce humano-divin ; Dieu se fait homme pour nous
rendre dieux...
Dieu, c’est le trait en tierces alternées : ce qui ne
bouge pas, ce qui est tout petit. L’homme, ce sont
les autres fragments qui grandissent, grandissent et
deviennent énormes, selon un procédé de développement que j’appelle : « agrandissement asymétrique ».
IV - Regard de la Vierge
Innocence et tendresse... la femme de la Pureté, la
femme du Magnificat, la Vierge regarde son Enfant...
J’ai voulu exprimer la pureté en musique : il y fallait
une certaine force - et surtout beaucoup de naïveté,
de tendresse puérile.
V - Regard du Fils
sur le Fils
Mystère, rais de lumière dans la nuit - réfraction de
la joie, les oiseaux du silence - la personne du Verbe
dans une nature humaine - mariage des natures
humaine et divine en Jésus-Christ...
Il s’agit évidemment du Fils-Verbe regardant le Filsenfant-Jésus. Trois sonorités, trois modes, trois
rythmes, trois musiques superposées. « Thème de
Dieu » et canon rythmique par ajout du point. La joie
est symbolisée par des chants d’oiseaux.
VI - Par Lui tout a été fait
Foisonnement des espaces et durées ; galaxies, photons, spirales contraires, foudres inverses ; par « lui »
(le Verbe) tout a été fait... à un moment, la création
nous ouvre l’ombre lumineuse de sa Voix...
C’est une fugue. Le sujet n’y est jamais présenté de
la même façon : dès la seconde entrée il est changé
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hommage à Olivier Messiaen
de rythme et de registres. Remarquez le divertissement où la voix supérieure traite le sujet en rythme
non rétrogradable éliminé à droite et à gauche, où la
basse fortissimo répète un fragment du sujet en agrandissement asymétrique. Milieu sur des valeurs très
brèves et très longues (l’infiniment petit, l’infiniment
grand). Reprise de la fugue rétrogradée, à l’écrevisse.
Strette mystérieuse. Thème de Dieu fortissimo : présence victorieuse, la face de Dieu derrière la flamme
et le bouillonnement. La création reprend et chante le
thème de Dieu en canon d’accords.
VII - Regard de la Croix
Thème de l’étoile et de la Croix.
La Croix lui dit : tu seras prêtre dans mes bras...
VIII - Regard des hauteurs Gloire dans les hauteurs... les hauteurs descendent sur
la crèche comme un chant d’alouette...
Chants d’oiseaux : rossignol, merle, fauvette, pinson,
chardonneret, bouscarle, cini, et surtout l’alouette.
IX - Regard du Temps
Mystère de la plénitude des temps ; le Temps voit
naître en lui Celui qui est éternel...
Thème court, froid, étrange, comme les têtes en œuf
de Chirico ; canon rythmique.
X - Regard de l’Esprit
de joie
Danse véhémente, ton ivre des cors, transport du
Saint-Esprit... la joie d’amour du Dieu bienheureux
dans l’âme de Jésus-Christ...
J’ai toujours été très frappé par ce fait que Dieu est
heureux - et que cette joie ineffable et continue habitait l’âme du Christ. Joie qui est pour moi un transport,
une ivresse, dans le sens le plus fou du terme.
Forme : Danse orientale dans l’extrême-grave, en
neumes inégaux, comme du plain-chant. 1er développement sur « thème de joie ». Agrandissement asymétrique. Sorte d’air de chasse en 3 variations. 2e
développement sur « thème de joie » et « thème de
Dieu ». Reprise de la danse orientale, extrême-aigu et
extrême-grave ensemble. Coda sur « thème de joie ».
notes de programme | 7
hommage à Olivier Messiaen
XI - Première communion Un tableau où la Vierge est représentée à genoux,
de la Vierge
repliée sur elle-même dans la nuit - une auréole lumineuse surplombe ses entrailles. Les yeux fermés, elle
adore le fruit caché en elle. Ceci se passe entre
l’Annonciation et la Nativité : c’est la première et la
plus grande de toutes les communions.
Thème de Dieu, volutes douces, en stalactites, en
embrassement intérieur. Rappel du thème de « la
Vierge et l’Enfant » de ma « Nativité ». Magnificat plus
enthousiaste. Accords spéciaux et valeurs de 2 en 2
dont les pulsations graves représentent les battements du cœur de l’Enfant dans le sein de sa mère.
Evanouissement du thème de Dieu.
Après l’Annonciation, Marie adore Jésus en elle...
mon Dieu, mon fils, mon Magnificat ! - mon amour
sans bruit de paroles...
XII - La parole toute
puissante
Monodie avec percussion grave.
Cet enfant est le Verbe qui soutient toutes choses
par la puissance de sa parole...
XIII - Noël
Carillon - les cloches de Noël disent avec nous les
doux noms de Jésus, Marie, Joseph...
XIV - Regard des Anges
Scintillements, percussions ; souffle puissant dans
d’immenses trombones ; tes serviteurs sont des
flammes de feu... - puis le chant des oiseaux qui avale
du bleu, - et la stupeur des anges s’agrandit : - car ce
n’est pas à eux mais à la race humaine que Dieu s’est
uni...
Dans les trois premières strophes : flamboiement,
canon rythmique et fractionnement du thème d’accords. 4e strophe : chants d’oiseaux. 5e strophe : la
stupeur des anges s’agrandit.
XV - Le baiser
de l’Enfant-Jésus
A chaque communion, l’Enfant-Jésus dort avec nous
près de la porte ; puis il l’ouvre sur le jardin et se précipite à toute lumière pour nous embrasser...
Thème de Dieu en berceuse. Le sommeil - le jardin les bras tendus vers l’amour - le baiser - l’ombre du
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hommage à Olivier Messiaen
baiser. Une gravure m’a inspiré, qui représente
l’Enfant-Jésus quittant les bras de sa Mère pour
embrasser la petite sœur Thérèse. Tout ceci est symbole de la communion, de l’amour divin. Il faut aimer
pour aimer ce sujet et cette musique qui voudraient
être tendres comme le cœur du ciel, et il n’y a rien
d’autre.
XVI - Regard des
prophètes, des bergers
et des Mages
Musique exotique - tam-tams et hautbois, concert
énorme et nasillard...
XVII - Regard du silence
Silence dans la main, arc-en-ciel renversé... chaque
silence de la crèche révèle musiques et couleurs qui
sont les mystères de Jésus-Christ...
Polymodalité, canon rythmique par ajout du point,
accords spéciaux, « thème d’accords ». Tout le morceau est très ouvragé comme écriture de piano. FIn :
accords alternés, musique multicolore et impalpable,
en confettis, en pierreries légères, en reflets entrechoqués.
XVIII - Regard de l’Onction Le Verbe assume une certaine nature humaine ; choix
terrible
de la chair de Jésus par la Majesté épouvantable...
Une vieille tapisserie représente le Verbe de Dieu en
lutte sous les traits du Christ à cheval : on ne voit que
ses deux mains sur la garde de l’épée qu’il brandit
au milieu des éclairs. Cette image m’a influencé.
- Dans l’Introduction et la Coda, valeurs progressivement ralenties superposées aux valeurs progressivement accélérées et inversement.
XIX - Je dors, mais mon Poème d’amour, dialogue d’amour mystique. Les
cœur veille
silences y jouent un grand rôle.
Ce n’est pas d’un ange l’archet qui sourit, - c’est
Jésus dormant qui nous aime dans son Dimanche
et nous donne l’oubli...
XX - Regard de l’Eglise La grâce nous fait aimer Dieu comme Dieu s’aime ;
d’amour
après les gerbes de nuit, les spirales d’angoisse, voici
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hommage à Olivier Messiaen
les cloches, la gloire et le baiser d’amour... toute la
passion de nos bras autour de l’Invisible...
Forme (le développement y précède l’exposition) :
Développement : 1er thème en rythme non rétrogradable, amplifié à droite et à gauche ; il est coupé par
des traits de piano en gerbes contraires. Trois appels
du « thème de Dieu » séparés par des agrandissements asymétriques. Développement du 3e thème
mélodique. 1er thème avec gerbes, nouvel agrandissement asymétrique. Sonnerie de cloches formant
pédale de dominante et rappelant les accords des
pièces précédentes.
Exposition : Phrase complète sur le « thème de Dieu »,
en fanfare, en gloire. Longue coda sur le « thème de
Dieu » - triomphe d’amour et de joie, larmes de joie.
Olivier Messiaen
10 | cité de la musique
hommage à Olivier Messiaen
Olivier Messiaen
Vingt Regards sur
l’Enfant Jésus
effectif : piano solo ; composition : à Paris entre le 23 mars
et le 8 septembre 1944 ; création : le 26 mars 1945 par
Yvonne Loriod à la salle Gaveau ; éditeur : Durand ; l’œuvre
est dédiée à Yvonne Loriod.
« Vous savez que j'ai beaucoup écrit pour le piano, et
pas seulement pour le piano seul (...). Mais il y a évidemment une distance énorme entre les Préludes de
1929 et les Vingt Regards sur l'Enfant Jésus qui sont
de 1944 » (O. Messiaen dans Musique et couleur,
nouveaux entretiens avec C. Samuel). Cette distance
dont parle Messiaen et qui sépare sa première œuvre
importante, composée à l'âge de vingt ans, du grand
cycle pianistique de la maturité, est la conséquence
logique de quinze années d'évolution, mais aussi le
fruit d'une rencontre : celle avec Yvonne Loriod.
Pianiste aux qualités exceptionnelles, Yvonne Loriod
allait ouvrir au compositeur tout un champ de possibilités instrumentales et musicales nouvelles.
Outre l'emploi des accords en grappes inspirés des
mixtures d'orgues qui figurent déjà dans les
Préludes, les Vingt Regards recèlent de nombreuses innovations pianistiques : « des traits en
mouvement contraire, les deux mains arpégeant
violemment l'une contre l'autre avec de petits croisements », la technique « en retournement » qui
« consiste à mettre la main à plat en attaquant les
quatre doigts supérieurs avec le pouce couché
comme pivot », ou encore la combinaison de « l'accelerando avec le rallentando ». (op. cit.)
Mais « le piano, qui semble a priori un instrument
dénué de timbres, est, précisément par son manque
de personnalité, un instrument propice à la recherche
des timbres, car le timbre ne vient pas de l'instrument
mais de l'exécutant » (op. cit.). C'est ainsi que la partition des Vingt Regards fourmille d'indications instrumentales faisant référence aux percussions (cloches,
carillons, tam-tam, xylophone, tambours), mais aussi
aux vents (hautbois, trombones).
Quant au chatoiement sonore propre à la musique
de Messiaen, il tient surtout au langage harmonique
notes de programme | 11
hommage à Olivier Messiaen
du compositeur fondé sur sa théorie du « son-couleur ». Cette théorie consiste à associer chaque
complexe de sons à une couleur bien définie selon
le principe de la synesthésie [association spontanée
par correspondance de sensations appartenant à
des domaines différents]. Tout comme la lumière
colorée des vitraux, l'enchaînement de ces complexes de sons doit engendrer l'éblouissement et
donner ainsi accès au sacré, ouvrir « une percée
vers l'au-delà, vers l'invisible et vers l'indicible » (O.
Messiaen, Conférence de Notre-Dame).
« mettre en lumière les
vérités de la foi
catholique »
12 | cité de la musique
Tels vingt vitraux, les Vingt Regards illustrent la
« contemplation de l'Enfant-Dieu de la crèche » et les
« Regards qui se posent sur lui : depuis le Regard
indicible de Dieu le Père jusqu'au Regard multiple de
l'Eglise d'amour, en passant par le Regard inouï de
l'Esprit de joie, par le Regard si tendre de la Vierge,
puis des Anges, des Mages et des créatures immatérielles ou symboliques (le Temps, les Hauteurs, le
Silence, l'Etoile, la Croix) ».
Les sources d'inspiration de Messiaen sont autant
les textes religieux comme ceux de Saint Thomas
d'Aquin, Dom Columbia Marmion (Le Christ dans ses
Mystères) ou Maurice Toesca (Les Douze Regards),
que les chants d'oiseaux, les stalactites, les galaxies,
les photons...
« En dehors des thèmes particuliers à chacune des
vingt pièces, quatre thèmes cycliques circulent à
travers l'œuvre ». Le « thème de Dieu » se trouve
essentiellement dans les trois pièces dédiées aux
trois personnes de la Sainte Trinité (I, V, X) et le
« thème de l'amour mystique » dans les Regards VI,
XIX et XX. « L'Etoile et la Croix ont le même thème
parce que l'une ouvre et l'autre ferme la période terrestre de Jésus ». Quant au « thème d'accords », il
circule d'une pièce à l'autre, fractionné ou concentré, et perpétuellement varié.
« Le cycle est ordonné selon les contrastes de
tempo, d'intensité, de couleur, et aussi par des rai-
hommage à Olivier Messiaen
sons symboliques ». Ainsi sont distribués de cinq en
cinq les Regards qui traitent de la Divinité. Les deux
pièces qui parlent de la Création portent les numéros VI et XII - multiple de six, chiffre de la Création
quand sept est le chiffre parfait pour la Croix « rétablissant l'ordre troublé par le péché », et neuf celui
de la maternité pour « le Temps qui a vu naître en lui
celui qui est Eternel ».
Par son rythme, notamment les formules non rétrogradables et le charme qu'elles dégagent - celui des
impossibilités si cher au compositeur - la musique
de Messiaen nous envoûte et nous fait pénétrer
dans un imaginaire riche et puissant, dans un univers aussi merveilleux que poétique. « J'ai cherché
ici un langage d'amour mystique, à la fois varié,
puissant, et tendre, parfois brutal, aux ordonnances
multicolores » écrivait-il à la fin de la préface des
Vingt Regards.
David d'Hermy
notes de programme | 13
jeudi
10 décembre - 20h
salle des concerts
concert
Olivier Messiaen
Hymne (*)
durée : 12 minutes
Sept Haïkaï, esquisses japonaises (**)
Introduction, Le parc de Nara et les lanternes de pierre,
Yamanaka-cadenza, Gagaku, Miyajima et le torii dans la
mer, Les oiseaux de Karuizawa, Coda
durée : 19 minutes
entracte
Et exspecto resurrectionem mortuorum (**)
1. Des profondeurs de l'abîme, je crie vers toi, Seigneur :
Seigneur, Ecoute ma voix ! (Psaume 130, v. 1 et 2)
2. Le Christ, ressuscité des morts, ne meurt plus ; la mort
n'a plus sur lui d'empire (Saint Paul, Epître aux Romains,
chap. 6, v. 9)
3. L'heure vient où les morts entendront la voix du Fils
de Dieu (Evangile selon Saint Jean, chap. 5, v. 25)
4. Ils ressusciteront, glorieux, avec un nom nouveau dans le concert joyeux des Etoiles et les acclamations
des fils du ciel (Saint Paul, 1ère Epître aux Corinthiens,
chap. 15, v. 43 - Apocalypse de Saint Jean, chap. 2, v. 17
- Livre de Job, chap. 38, v. 7)
5. Et j'entendis la voix d'une foule immense... (Apocalypse
de Saint Jean, chap. 19, v. 6)
durée : 33 minutes
Hans Zender, direction
Dimitri Vassilakis, piano
Orchestre du Conservatoire de Paris (*)
Ensemble Intercontemporain (**)
coproduction cité de la musique,
Ensemble Intercontemporain et Conservatoire de Paris
répétition publique des Sept Haïkaï le mardi 8 décembre à 15h30
hommage à Olivier Messiaen
Olivier Messsiaen
Hymne
composition : à Paris en 1932 (avec le titre Hymne au Saint
Sacrement), avant d’être reconstituée vers 1947 (avec le titre
Hymne) ; création : le 13 mars 1933 à Paris au Théâtre des
Champs-Elysées sous la direction de Walther Straram ; effectif : 3 flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes en si b, 1
clarinette basse en si b, 3 bassons ; 4 cors en fa, 3 trompettes en ut, 3 trombones ; timbales ; percussions (triangle,
cymbale suspendue, grosse caisse) ; violons 1, violons 2,
altos, violoncelles, contrebasses ; éditeur : Broude Brothers.
Composé en 1932 à Paris, Hymne au Saint
Sacrement fut créé dès l'année suivante au Théâtre
des Champs-Elysées sous la direction de Walther
Straram. Mais, Messiaen, qui n'était pas entièrement
satisfait de sa partition, n'en autorisa pas l'édition
immédiate, et, le manuscrit ayant disparu pendant la
guerre, le compositeur dut le reconstituer de mémoire.
La seconde version, simplement rebaptisée Hymne,
fit ainsi l'objet d'une nouvelle création en 1947 à New
York sous la direction de Léopold Stokowski, puis en
1958 à Paris avec Igor Markévitch.
La structure formelle d'Hymne, qui oscille entre plusieurs tempi, est assez complexe, mais on peut l'appréhender comme un grand mouvement
symphonique conçu selon l'alternance de deux idées
exposées, développées, puis réexposées, et finissant sur une coda éclatante.
Au premier thème introduit par tout l'orchestre - selon
l'expression du compositeur - « en coup de vent »,
vertical, homorythmique et fortissimo, s'oppose,
presque lente et aux seules cordes en sourdine, une
ample mélodie « expressive et poétique » soutenue par
des trémolos. Si Messiaen a écrit pour la plupart de
ses œuvres de longues préfaces explicatives, il n'a
laissé que quelques lignes, néanmoins significatives,
concernant l'esthétique d'Hymne : « Comme mes
Préludes pour piano écrits en 1929, cette œuvre se
caractérise surtout par ses effets de couleur. [...] La
musique y mélange l'or et le brun à l'orange rayé de
rouge, puis l'orange et le blanc laiteux au vert et à
l'or. Un grand crescendo part sur des bleus violets
et verts, et s'élève jusqu'au rouge et or de la fanfare
notes de programme | 15
hommage à Olivier Messiaen
terminale des trompettes, qui magnifie l'élément
lyrique. » (in Hommage à Olivier Messiaen, Claude
Samuel, La recherche artistique).
Sept Haïkaï, esquisses composition : 1962 ; création : le 30 octobre 1963 à Paris au
Théâtre de l’Odéon à l’occasion d’un concert du Domaine
japonaises
musical (piano solo : Yvonne Loriod ; direction : Pierre Boulez) ;
effectif : piano solo ; 1 petite flûte, 1 flûte, 2 hautbois, 1 cor
anglais, 1 petite clarinette en mi b, 2 clarinettes en si bémol,
1 clarinette basse en si bémol, 2 bassons ; 1 trompette en ut,
1 trombone ténor ; xylophone, marimba ; percussions ; 8
violons ; éditeur : Alphonse Leduc ; l’œuvre est dédiée « à
Yvonne Loriod, à Pierre Boulez, à Madame Fumi Yamaguchi,
à Seiji Ozawa, à Yoritsuné Matsudaïra, à Sadao Bekku et
Mitsuaki Hayama, à l'ornithologue Hoshino, aux paysages,
aux musiques, et à tous les oiseaux du Japon ».
Comme les sept épisodes de Chronochromie (195960), les Sept Haïkaï composent un cycle indissoluble
de petites pièces brèves. Le titre - le Haïkaï est un
court poème japonais de trois vers - fait davantage
allusion à leur brièveté qu'une quelconque référence
poétique précise. Ainsi, pour Messiaen, « les Sept
Haïkaï résultent du coup de foudre [qu'il a] ressenti
pour le Japon quand [il y a] accompli une tournée de
concerts avec Yvonne Loriod ».
L'effectif instrumental, qui n'est pas sans rappeler
ceux de Chronochromie ou des Couleurs de la Cité
céleste (1963), met plus particulièrement l'accent sur
la combinaison piano-vents-percussions, le piano
solo jouant un rôle véritablement concertant dans les
numéros 3 et 6. L'orchestre entier intervient dans les
pièces 1, 5 et 7, et les violons sont absents dans les
numéros 3 et 6.
Encadré d'une introduction et d'une coda, le cycle
s'articule autour du mouvement lent central, Gagaku.
Les autres pièces sont regroupées par paires (1 et
7 ; 2 et 5 ; 3 et 6) dans un souci de symétrie rigoureuse concernant à la fois le tempo, la métrique, le
nombre de mesures, ou encore l'écriture, comme
dans la Coda qui est l'exact rétrograde de
l'Introduction.
16 | cité de la musique
hommage à Olivier Messiaen
Une impression poétique s'ajoute à ces données
musicales abstraites pour compléter leur association.
Ainsi, Le parc de Nara et les lanternes de pierre (n°2)
et Miyajima et le torii dans la mer (n°5) évoquent, dans
des superpositions de couleurs harmoniques indiquées précisément sur la partition, les paysages bigarrés du Japon.
« Les oiseaux qui chantent dans Yamanaka-cadenza
(n°3) ont été entendus en forêt, près du lac Yamanaka,
au pied du mont Fuji. Ce sont à peu près les mêmes
oiseaux que dans la sixième pièce, Les oiseaux de
Karuizawa ». Messiaen donne d’ailleurs en préface
une liste des vingt-cinq oiseaux du Japon dont il a
retranscrit les chants dans ces deux pièces. Celles-ci
sont construites selon une alternance de tutti d'orchestre et de cadences pour piano solo, exactement
comme dans les Oiseaux exotiques pour piano solo
et petit orchestre composés en 1955.
Le quatrième mouvement, Gagaku, « hiératique, statique, à la fois religieux et nostalgique ; mouvement
lent, implacable » est une interprétation de la musique
noble du Japon du VIIe siècle, qui se pratique encore
à la cour impériale. Planant au-dessus du hichiriki sorte de hautbois japonais remplacé ici par un alliage
trompette-hautbois-cor anglais, les huit violons, jouant
près du chevalet sans vibrato, imitent la sonorité aigre
et acide des harmonies du shô (orgue à bouche).
Et exspecto resurrectio- composition : à Petichet en 1964 (commande d’André
Malraux, ministre de la Culture) ; création : le 7 mai 1965 à
nem mortuorum
la Sainte-Chapelle de Paris par le Domaine Musical sous la
direction de Serge Baudo et en présence d’André Malraux ;
seconde exécution le 20 juin 1965 en la Cathédrale NotreDame de Chartres sous la direction de Serge Baudo et en
présence du Général De Gaulle, Président de la République ;
troisième exécution le 12 janvier 1996 à l’Odéon-Théâtre
de France dans les concerts du Domaine musical, avec
l’Orchestre du Domaine musical et les Percussions de
Strasbourg sous la direction de Pierre Boulez ; effectif : 2
petites flûtes, 3 flûtes, 3 hautbois, 1 cor anglais, 1 petite
clarinette en mi b, 3 clarinettes en si b, 1 clarinette basse
en si b, 3 bassons, 1 contrebasson ; 1 petite trompette en
notes de programme | 17
hommage à Olivier Messiaen
ré, 3 trompettes en ut, 6 cors en fa, 3 trombones, 1 trombone basse, 1 tuba en ut, 1 saxhorn basse en si b ; percussions (3 jeux de cencerros, 1 jeu de cloches, 6 gongs, 3
tam-tams) ; éditeur : Alphonse Leduc ; Et j'attends la résurrection des morts est dédié à la mémoire des victimes des
deux guerres mondiales ; chacune des cinq parties de
l'œuvre s'appuie sur des citations extraites de l'Ecriture
Sainte, relatives à la résurrection des morts, du Christ et à la
vie des Corps glorieux qui suivra la résurrection.
A l'origine œuvre de circonstance, donnée en privé
lors des deux premières auditions, Et exspecto resurrectionem mortuorum est devenu rapidement après
sa création publique, en 1966, l'une des compositions les plus importantes du catalogue de Messiaen.
Comme Hector Berlioz pour son Te Deum et son
Requiem, Messiaen a choisi l'instrumentation de son
œuvre en fonction de sa vocation à la fois religieuse et
spectaculaire : « Sa composition instrumentale la destine à de vastes espaces : églises, cathédrales, et
même le plein-air et la haute montagne... ». Constitué
de trois ensembles de bois, de cuivres et de percussions métalliques, l'orchestre favorise les effets de
résonance et renforce l'idée d'un rituel sacré dans
certains alliages de timbres, qui ne sont pas sans
rappeler les mixtures d'orgues qu'affectionnait le titulaire des orgues de la Trinité. C'est dans un même
esprit de persuasion et de grandeur que Messiaen a
conçu sa partition comme une fresque monumentale, hiératique, aux formes évidentes et dans un langage extrêmement dépouillé (thèmes souvent en
unisson d'orchestre, homorythmiques, répétitifs, oscillant sur des intervalles caractéristiques, etc.). De la
première partie qui commence dans l'extrême grave
de l'orchestre au choral final lumineux et majestueux,
Et exspecto resurrectionem mortuorum se veut le
symbole de l'espérance et de la foi en la vie éternelle.
Eurydice Jousse
18 | cité de la musique
hommage à Olivier Messiaen
par Hans Zender
Messiaen et l’esprit « haïku »
pour Yvonne Loriod
Depuis que je connais les Sept Haïkaï - c’est, de
toutes les œuvres de Messiaen, celle que je préfère je me suis demandé en quoi consistait, pour le compositeur, leur analogie formelle avec cette forme de
poésie japonaise.
Superficiellement, bien sûr, cette série de petites pièces
de caractères - dont l’unité est créée par la répétition
finale de la première phrase - correspond formellement au cas de ces poèmes japonais enchaînés que
l’on appelait, dans des temps anciens, haïkaï ou renga,
suites lâches de brefs poèmes pleins d’esprit et parfois d’humour. Le premier poème de la série, nommé
hokku, avait une place à part ; c’est lui qui donnait au
cycle son atmosphère, qui définissait ses images poétiques. Il avait toujours dix-sept syllabes, réparties en
trois lignes de cinq, sept et cinq syllabes. Plus tard,
ce concentré poétique devint autonome, et on le
nomma haïku. Il devint et resta la forme poétique la
plus populaire et la plus prisée au Japon. Au cours
de sa longue histoire, le haïku s’imprégna de plus en
plus de l’influence du zen. Le zen éduque l’esprit à se
concentrer sur le présent du vécu immédiat ; la forme
instantanée du haïku - qui correspond au temps d’une
expiration - se prêtait merveilleusement à réaliser, dans
l’art poétique, l’essence même du zen.
Trouvons-nous, chez Messiaen, une quelconque analogie formelle avec cette répartition en cinq-septcinq ? Non. Avec la structure syntaxique ou
sémantique, par exemple à travers une hiérarchisation
analogue des événements sonores ? Non. L’analogie
serait-elle cachée dans un domaine bien plus fondamental de la pensée de Messiaen ? Et que pourrait
être alors ce domaine, si ce n’est celui de la structure du temps ?
Je lis dans La Théorie du Beau au Japon, ce livre
extraordinaire d’Izutsu, les remarques suivantes :
« L’auteur de waka (le waka est un précurseur du hokku
devenu haïku) semble aller à l’encontre de la nature
notes de programme | 19
hommage à Olivier Messiaen
profonde de la parole ; car il essaie, à l’aide de mots,
de créer un champ synchrone, une extension spatiale. Au lieu d’une succession temporelle de mots,
au sein de laquelle chaque mot progresse en effaçant
pour ainsi dire ce qui le précède, le waka veut créer une
vision globale, panoramique, où les mots utilisés sont
à considérer tous simultanément. » Un trait typique
de la structuration du temps chez Messiaen - et cela
est vrai de ses premières œuvres jusqu’aux dernières
- est dans la continuité et l’autonomie de chacune des
entités temporelles émergeant au sein d’une forme.
Contrairement à ce qui se passe dans la tradition beethovénienne, ces entités ne se fondent pas les unes
dans les autres, ne s’influencent pas mutuellement,
ne proviennent pas de la même racine, mais semblent
se côtoyer sans former d’unité. Et pourtant, on aurait
du mal à trouver d’autres musiques capables de donner - qui plus est sur des laps de temps souvent très
longs - une telle impression d’unité.
l’électronique
20 | cité de la musique
Dans les années soixante-dix, j’avais demandé un jour
à Messiaen quelle était selon lui, pour un jeune compositeur d’aujourd’hui, la source d’expérience la plus
importante. A mon étonnement, il répondit :
« L’électronique ». « C’est vous qui dites cela, vous
qui n’avez jamais publié une seule œuvre de ce
genre ? » répliquai-je. « Je ne parle pas de la production de musique électronique, mais de deux procédés fondamentaux pour la composition et que l’on
peut apprendre de l’électronique : le montage et la
superposition - c’est-à-dire une nouvelle conception du
temps musical. » La superposition d’entités complexes
est le principe structurel des Sept Haïkaï. Nous y trouvons jusqu'à sept strates autonomes et simultanées.
Par « autonome », j’entends « qui existe indépendamment », que ce soit sur le plan de l’instrumentation,
de l’harmonie (qui, et c’est un point essentiel, est
modale), et des cellules rythmiques, et ce en l’absence
de toute superstructure qui permettrait - en tant que
préstabilisation harmonique, comme dans les œuvres
hommage à Olivier Messiaen
classiques de Boulez et de Stockhausen - de mettre
ces strates en relation les unes avec les autres. Avec
ce genre de superposition, me demandais-je en
ouvrant pour la première fois la partition, quelle identité formelle peut-on encore percevoir ? L’étonnant
est que l’œuvre est superbe à l’audition, et qu’elle se
livre à l’auditeur comme un déroulement ordonné.
Cela tient-il du hasard ? Ou faut-il l’attribuer, sans analyse possible, au « génie » de Messiaen ?
l’identité formelle
Il est bien impossible, c’est un fait, de comprendre le
noyau de ce phénomène selon les stratégies formelles
classiques de la logique musicale européenne, même
dans son expression la plus pertinente, la pensée de
Pierre Boulez. En 1973, celui-ci décrivait la musique
de son professeur de la façon suivante : « Si on le
compare à un autre « enseignant » d’une importance
capitale, Schönberg, on s’aperçoit vite que les points
de vue de Messiaen bien qu’insistant sur certains
aspects de la réflexion musicale sont loin de présenter la cohérence, l’homogénéité qu’on pourrait
attendre. Sa position théorique, si tant est qu’elle
existe, n’est pas le résultat d’une réflexion déterminante sur l’évolution historique du langage musical
et sur les conséquences qu’on peut en tirer. Elle est
plutôt le fruit d’un éclectisme sévère. » [texte d’une
émission de Barry Gavin diffusée à la B.B.C. le 13
mai 1973, cité dans Pierre Boulez, Points de repère,
Paris : Christian Bourgois, 1981, p.324]
Boulez a montré ailleurs plus de compréhension en
décrivant les rapports étroits entre sa propre pensée
et celle de Messiaen au cours des années cinquante :
la fascination du nombre, de la perfection d’une rationalité se pilotant elle-même (les jeunes compositeurs
d’aujourd’hui éprouvent la même fascination pour la
complexité et la rapidité croissantes de l’ordinateur).
A cette époque, Messiaen, plus rapide que quiconque
dans l’extension et la radicalisation des procédés de
la musique sérielle, était déjà parvenu à une pensée
« en réseau » qui définissait chaque point indépennotes de programme | 21
hommage à Olivier Messiaen
damment de son contexte linéaire. Mais il lui était
impossible, arrivé à ce point de son évolution, de
rejoindre le sillage de l’avant-garde de l’époque, dont
le but (tout à fait dans la ligne de l’école de Vienne) ne
pouvait être que la mise en place d’une systématique
musicale cohérente et close. Messiaen, au contraire,
cherchait justement une voie qui évitât ces conséquences ; cette voie, il la découvrit, et c’est ce qui
fait aujourd’hui son actualité.
chants d’oiseaux
22 | cité de la musique
Au bout de quelques années d’expérimentation, la
pensée « close » que nous venons de décrire semble
être apparue à Messiaen comme une prison. Il a
raconté comment - c’était quelque part au milieu de sa
vie - le chant des oiseaux s’était révélé à lui comme une
source possible d’inspiration ; cette découverte fut
pour lui une délivrance inouïe. Essayons de comprendre un peu plus en profondeur cet instant dans
l’évolution d’un grand homme et jetons tout d’abord un
coup d’œil sur la première grande œuvre écrite par
Messiaen après sa rupture - implicite - avec l’Ecole
de Darmstadt : le Catalogue d’oiseaux. Lorsqu’on
regarde sans a priori le Catalogue, on est d’abord
extrêmement surpris de constater que chacune des
entités, parfaitement distinctes musicalement, qui
composent cette œuvre gigantesque (elle dure presque
trois heures), porte un nom. Messiaen avait étudié et
transcrit pour le piano, noté sur deux à dix voix, le
chant de nombreuses espèces d’oiseaux ; chacune de
ces espèces donne son nom à la partie qui lui est
consacrée ; d’autres séquences ont pour titre le milieu
naturel de ces oiseaux, son « habitat » : désert, montagne, falaises, la mer, la rivière ou encore tout simplement « la nuit ». Ce qui semble témoigner, à
première vue, d’une puérilité étonnante ou tout au
moins d’un maniérisme étrange de la part de l’auteur,
se révèle pourtant, si l’on considère de plus près les différences de style et d’écriture, un coup de génie :
cette conception permet à Messiaen de confronter,
comme par « co-incidence », deux formes musicales
hommage à Olivier Messiaen
construites sur des normes esthétiques totalement
différentes. Le reflet des saules et des peupliers sur
l’eau, les Alpes du Dauphiné, les falaises des Dolomites
et leurs découpes fantastiques, la nuit : tout cela prend
forme dans un langage musical qui relève complètement de l’univers structurel et abstrait des débuts de
la musique sérielle ; les chants d’oiseaux, au contraire,
avec leur conception harmonique irisante et parfois
« tonalisante », avec leur temporalité répétitive, font
preuve d’une facture absolument différente ; vouloir
la décrire au moyen de critères formels traditionnels
mènerait à une impasse, et serait même, à moins de
penser de façon très superficielle, impossible. Ce que
Messiaen fait ici va infiniment plus loin que l’utilisation,
dans une sorte de forme rondo libre, des principes de
la répétition et de la variation. Messiaen confère à chacune de ses musiques d’oiseaux un principe évolutif
différent ; certains oiseaux répètent leurs chants avec
une parfaite exactitude, d’autres les amplifient ou les
abrègent selon des règles qui peuvent différer énormément, d’autres encore y ajoutent des mélodies analogues ou nouvelles... Ces principes constitutifs d’ordre
individuel sont si précis qu’on n’aurait aucun mal à les
entrer comme programmes dans un ordinateur. Ils
présentent les formes - dans leurs diverses phases
de développement et leurs divers degrés de complexité - comme porteuses d’un potentiel de croissance quasi organique : comme des formes qui
« poussent ». Les structures de type falaise ou mer,
ponctuelles, leur font face comme « anorganiques ».
une « mosaïque chaotique » Mais ce serait encore trop peu que de constater que
Messiaen, dans le Catalogue d’oiseaux, trouve les
moyens musicaux adéquats pour figurer des êtres
organiques dans le paysage, au sein de leur milieu
naturel. Il faut prendre les choses dans l’autre sens
et dire que Messiaen donne sa réponse personnelle
de compositeur à la situation de son époque en identifiant l’Ecole de Darmstadt comme voie « anorganique » de la musique actuelle et en lui opposant sa
notes de programme | 23
hommage à Olivier Messiaen
conception nouvelle d’une musique « organique »,
pour donner de ces deux extrêmes une synthèse formelle tout à fait innovatrice. Afin de réaliser cette
conception le plus plastiquement possible, il a recours,
en poète de la musique, à des chants d’oiseaux et à
des paysages. Mais cette conception formelle est
également complètement novatrice sur un autre plan :
Messiaen est le premier, ici, à mettre en place des
concepts formels d’ensemble qui ne sont ni basés
sur une symétrie comme la forme sonate, les formes
du baroque etc, ni ouvertes et asymétriques, sans
entités répétées, comme c’est le cas de la musique
sérielle. On aimerait parler de mosaïque chaotique ; le
nombre de répétitions, pour chaque entité, varie d’une
ou deux fois à un nombre très élevé, ce qui donne
l’impression globale d’une extrême diversité. Il faut
ajouter qu’émergent quelquefois, vers la fin d’un morceau, de nouveaux éléments formels qui évitent à la
forme de se refermer sur elle-même dans une symétrie : on est ainsi parvenu à définir une position
médiane entre forme « ouverte » et forme « fermée ».
la double temporalité
24 | cité de la musique
Messiaen ressentait manifestement les chants d’oiseaux comme l’intrusion spontanée de la nature
vivante dans la sphère de l’esprit constructif, parfaitement conscient de lui-même. J’ai eu l’occasion de
lui demander un jour quel grand compositeur européen était le plus important pour lui. Je fus une fois de
plus surpris par sa réponse : « Wagner - à cause de
ses Leitmotive, qui sont si proches de la nature ». La
nature - cela signifie pour Messiaen non seulement
le plaisir sensuel de l’écoute, mais aussi le plaisir du
chaos. Désormais, dans sa musique, les zones de
chaos que représentent les chants d’oiseaux vont
constamment se confronter avec des parties composées de façon clairement systématique ; le
Catalogue d’oiseaux n’est que le début de cette évolution. On a l’impression que Messiaen, comme le
fera plus tard un scientifique comme Ilya Prigogine,
commence à penser au sein de deux temporalités
hommage à Olivier Messiaen
différentes : l’une clairement cernable et répondant
aux systèmes simples de la physique classique, l’autre
non-linéaire et liée avec la situation « interne » des
structures temporelles : il devient possible de reconnaître l’âge d’un système et de percevoir ensemble
des systèmes d’âges différents ; autrement dit : on
observe des systèmes dans leur croissance. Pour le
musicien, cette forme de pensée ne signifie pas seulement utiliser divers degrés de complexité structurelle à l’intérieur d’une forme, mais aussi relier des
structures d’âges historiques différents. Dans le
monde où nous nous trouvons chez Messiaen à partir de 1955 environ, qui n’est effectivement plus un
monde homogène, nous trouvons comme éléments
de son langage musical une foule de « musiques »
qui n’ont pas de dénominateur commun esthétique à commencer par les chants d’oiseaux imités de la
nature, mais aussi les rythmes de l’Inde et de la Grèce
antique, le choral grégorien, les réminiscences de
Debussy et de Liszt, les techniques rythmiques très
complexes héritées de Stravinsky et jusqu’aux
constructions sérielles des années cinquante.
la théorie du chaos
Seule la théorie du chaos, qui vit le jour bien après
les œuvres majeures de Messiaen, offre une pensée
suffisamment complexe pour livrer des modèles analytiques capables de décrire à peu près ce qui se
passe dans ces nouvelles configurations formelles.
Jetons encore un coup d’œil sur les Sept Haïkaï, et
considérons tout particulièrement les passages dans
lesquels se superposent quelquefois jusqu'à sept
structures musicales autonomes et indépendantes
les unes des autres. Comment décrire ce qui se vit
dans la perception de l’auditeur ?
La recherche sur le chaos n’analyse pas seulement
comment les systèmes, à partir de leurs phases
linéaires, évoluent vers des états chaotiques tout en
produisant des formes toujours nouvelles d’ordre,
mais aussi comment diverses sortes de systèmes clos
se meuvent « les uns à travers les autres » sans se
notes de programme | 25
hommage à Olivier Messiaen
blesser mutuellement. Les « turbulences » de Messiaen
sont tout aussi éloignées de l’ordre univoque des stratégies classiques que des hasards d’une conception
naïve de l’aléatoire. Elles représentent une hyperstructuration, c’est-à-dire qu’elles proposent à l’auditeur un excès d’ordre. Le résultat en est une
pluridimensionalité de la conscience auditive. (On voit
ici le lien avec la pensée de Bernd Alois Zimmermann
qui, dans ses collages, prolonge l’idée de la simultanéité du divers, la menant de la « pensée en strates
autonomes » (Messiaen) à la « citation de divers styles
historiques » - souvent, là aussi, dans la simultanéité.)
la stratégie du « montage » La « superposition » est l’une des deux nouvelles stratégies de la pensée de Messiaen. Pour étudier la
deuxième de ces stratégies - le « montage » - il suffit
de se pencher sur les Couleurs de la Cité Céleste,
composées à peu près en même temps que les Sept
Haïkaï. On trouve ici, sous forme de mosaïque, environ soixante montages faits sur environ vingt entités
musicales différentes - remarquons que la fréquence
d’apparition d’une entité donnée ne tourne pas,
comme on devrait s’y attendre, autour d’une moyenne
de trois, mais entre une et douze : une structure « dissipative » donc (pour reprendre le vocabulaire de la
recherche sur le chaos), bien éloignée de l’équilibre
entropique.
Messiaen a toujours beaucoup dérangé la « vieille »
avant-garde, celle des partisans de la pensée en systèmes clos. Je me souviens d’un concert donné dans
le cadre de l’Académie de Darmstadt, au début des
années cinquante ; Yvonne Loriod y jouait les Vingt
Regards devant un public de « spécialistes » aujourd’hui chargés d’ans et d’honneurs qui se tenaient les
côtes à chaque nouvel accord de fa dièse majeur. On
crut voir dans les structures hétéronomes de Messiaen
autant de signes de versatilité, de naïveté, d’éclectisme, sans du tout remarquer que la réalisation de
sa structuration du temps, fondamentalement nouvelle, n’était possible qu’à ce prix. C’est seulement
26 | cité de la musique
hommage à Olivier Messiaen
lorsque l’on commence par concevoir le noyau structurel lui-même comme une pluralité indivisible - et non
comme unité rationnelle comme le font la pensée
tonale et la pensée sérielle classique - qu’il devient
possible de faire sauter la « logique monovalente » de
la tradition occidentale. Et c’est justement ce qu’avait
fait Messiaen, en quoi on peut le comparer à Cage.
la constellation du haïku
Nous voici revenus au cœur de l’idée du haïku. Les
entités musicales constituent chez Messiaen non pas
une unité qui serait le fruit d’un travail dialectique mais
une constellation - tout comme les paroles, dans le
haïku, représentent un champ synchrone : « On peut
dire que dans un champ constitué de cette manière,
le temps s’arrête, ou même est aboli, au sens où les
significations de tous les mots sont présentes simultanément dans une seule et même sphère. » (Izutsu)
En cette fin de XXe siècle, Messiaen apparaît comme
le musicien qui non seulement a rompu la « domination de la musique allemande » (c’est-à-dire du principe dialectique, hegelien, de structuration) annoncée
par Schönberg, mais a ouvert la pensée musicale
européenne, menacée de perfection et de pétrification,
à une prise de conscience multiculturelle. Les champs
chaotiques auxquels donnent lieu, présents dans
presque toutes les dernières œuvres de Messiaen,
les chants d’oiseaux, viennent frapper, dans la spontanéité du hic et nunc, dans leur pluralité complexe et
non-analysable de phénomènes, contre les surfaces
longues de ses structures de progression linéaire qui
s’ordonnent en merveilleux phénomènes sonores :
tout l’ensemble de son œuvre, dans la deuxième moitié de sa vie, tient du haïku.
Dans les dernières œuvres de Messiaen, la constellation formée par les différentes entités structuratrices
devient de plus en plus polarité entre la sphère des
chants d’oiseaux et celle de surfaces sonores d’une
lenteur extrême, toujours plus étirées. Il est intéressant
de constater combien ces deux formes se construisent différemment : les chants d’oiseaux à partir de
notes de programme | 27
hommage à Olivier Messiaen
petites cellules musicales, qui s’agrandissent et se
transforment constamment et développent progressivement, par l’introduction d’autre types de cellules,
un répertoire de signes toujours plus vaste ; les « surfaces longues » à travers la présentation d’un matériau sonore restant identique à lui-même, presque
sans addition d’« information », qui par la répétition fréquente du même, par exemple dans une sphère
modifiée au niveau des timbres, amène progressivement l’auditeur à cerner, à percevoir comme unités,
comme « phrases », des séquences de plus en plus
longues. Ces séquences de structure et de progression linéaires perdent de plus en plus, dans le dernier Messiaen, leur caractère « anorganique » d’origine,
sans cependant devenir une image de croissance
biologique au même titre que les chants d’oiseaux.
C’est d’un état contemplatif qu’il faut parler ici, de la
représentation musicale d’une « vision » spirituelle.
« Nous sommes conçus de telle manière que nous
sommes capables de goûter intensément les
contrastes, mais peu les états » : ces mots de
Sigmund Freud sont intéressants pour les musiciens.
Après avoir entendu Messiaen, on a envie de corriger
Freud et de dire qu’il nous faut apprendre à goûter
les « états », mais que, lorsque cela nous est acquis,
nous goûtons encore plus intensément les contrastes.
Ainsi, dans les dernières œuvres, les deux piliers de la
musique de Messiaen semblent se construire et s’équilibrer l’un l’autre. « Le poète, maintenant son esprit à une
altitude contemplative, se tourne vers la réalité profane
de l’expérience. » C’est la définition que donne Basho,
éminent auteur de haïkaï, du travail poétique. A peu
près un an avant sa mort, je parlais à Messiaen du
contraste entre l’hyperrapidité des pulsations de sa
musique d’oiseaux et les indications de tempo extrêmement lentes de ses « surfaces infinies », tout aussi difficiles à réaliser pour l’interprète. « Oui, je sais, les gens
se plaignent de ce que je dépasse les mesures
humaines, mais peut-être que je ne compose pas du
tout pour les hommes, mais pour les anges. »
28 | cité de la musique
hommage à Olivier Messiaen
Si les chants d’oiseaux symbolisent la nature et les
« surfaces longues » l’esprit, ce que suggère Messiaen
à travers la dualité immédiate de leur représentation est
l’identité entre nature et esprit, vécue musicalement
dans le « temps aboli » qui naît de cette représentation.
Hans Zender
(« Messiaen und das Haiku-Denken », Wir steigen niemals in
denselben Fluß, Verlag Herder, Freiburg im Breisgau, 1998, p.2333 ; traduction Hélène Chen-Ménissier © cité de la musique)
notes de programme | 29
hommage à Olivier Messiaen
Olivier Messiaen
est né en 1908 à Avignon. Après ses
études au Conservatoire de Paris
(1919-30) dans les classes de Paul
Dukas, de Maurice Emmanuel et de
Marcel Dupré, il est nommé titulaire
du grand orgue de la Trinité à Paris
en 1931. Il enseigne à partir de 1936
à l’Ecole normale de musique et à la
Schola cantorum. De cette période
datent les Offrandes oubliées pour
orchestre (1930), la Nativité du
Seigneur pour orgue (1936), Poème
pour Mi pour soprano et piano
(1936), etc. En 1940, il est fait prisonnier et compose durant sa captivité
en Allemagne le Quatuor pour la fin
du temps pour piano, violon, violoncelle et clarinette (1941). Libéré en
1942, il est nommé professeur au
Conservatoire de Paris. Parmi les
œuvres majeures des années quarante figurent Visions de l’Amem pour
deux pianos (1943), Vingt Regards
sur l’Enfant Jésus pour piano solo
(1944), Turangalïla-Symphonie (194648), et Cinq Rechants pour chœur
(1949). Plain-chant, rythmes grecs et
hindous, chants d’oiseaux, modalité
et permutations nourrissent son langage si personnel et lui inspirent des
œuvres aussi diverses que Réveil des
Oiseaux, Oiseaux exotiques,
Catalogue d’oiseaux,
Chronochromie, Sept Haï-Kaï,
Couleurs de la Cité céleste, Et exspecto resurrectionem morturorum,
Des canyons aux étoiles. Son opéra
Saint François d’Assise (1983) est
une sorte de synthèse de sa
30 | cité de la musique
démarche à la fois religieuse, ornithologique et ethnologique. Eclairs sur
l’Au-Delà est l’avant-dernière œuvre
du compositeur qui laisse à sa mort
le 27 avril 1992 une œuvre
inachevée : le Concert à Quatre, dont
l’orchestration fut terminée par les
soins d’Yvonne Loriod et qui a été
créé deux ans et demi après la mort
de Messiaen à l’Opéra Bastille.
hommage à Olivier Messiaen
biographies
Pierre-Laurent Aimard,
né à Lyon en 1957, il fait
ses études musicales au
Conservatoire de Paris où
il reçoit quatre premiers
prix. Elève d’Yvonne
Loriod, il vit dès l’âge de
douze ans dans l’entourage d’Olivier Messiaen
dont il deviendra l’un des
éminents spécialistes. Il
complète sa formation
musicale à Londres
auprès de l’élève de
Schnabel : Maria Curcio,
puis à Budapest où il ira
rechercher les précieux
conseils de György
Kurtág. Puis il suivra pendant quatre ans les
séminaires d’analyse
musicale sur la musique
de Pierre Boulez à l’Ircam.
Le premier prix du
concours Olivier Messiaen
marque, en 1973, le
début de sa carrière internationale. Il se produira
dès lors sur tous les
continents, sous la
baguette de chefs tels
que P. Boulez, S. Ozawa,
Z. Mehta, S. Celibidache,
C. von Dohnanyi, D.
Barenboim, Ch. Dutoit, P.
Eötvös, H. Zender, etc.
Sur l’invitation de Pierre
Boulez, il devient à l’âge
de 19 ans pianiste-soliste
de l’Ensemble
Intercontemporain. Au
sein de cet ensemble,
dont il sera membre pendant 18 ans, ou
indépendamment, PierreLaurent Aimard effectuera
de nombreuses créations
et jouera un rôle important dans l’interprétation
des musiques nouvelles ?
Boulez, dont il est proche
et qu’il joue fréquemment,
Stockhausen, Kurtág,
mais aussi les jeunes
George Benjamin et
Marco Stroppa font partie
des nombreux compositeurs avec lesquels il a
entretenu une relation privilégiée et dont il créera
des œuvres. Depuis le
milieu des années 1980,
une chance exceptionnelle lui a permis de
devenir très proche de
György Ligeti, au point de
le jouer de façon quasi
permanente, de créer et
de se voir dédicacer plusieurs de ses études pour
piano. Parallèlement à
ces activités, il se produit
comme soliste ou chambriste dans un répertoire
traditionnel très varié ; il a
été invité par les
orchestres de Chicago,
Cleveland, Boston, San
Francisco, Londres
(Philharmonia)
notes de programme | 31
hommage à Olivier Messiaen
Amsterdam
(Concertgebouw), SaintPetersbourg, Berlin,
Dresde, Hambourg
(NDR), Paris, et accueilli
par les festivals de
Salzbourg, Berlin (Berliner
Festwochen), Triennale de
Cologne, Lucerne,
Tanglewood, Festival
d’Automne à Paris.
Pierre-Laurent Aimard
considère comme indispensable de mener
parallèlement aux activités
de concertiste celles de
pédagogue : outre un
enseignement régulier au
Conservatoire de Paris, il
a été invité à donner des
Meisterkurse par des institutions comme la
Hochschule de Cologne,
le Conservatoire Royal de
La Haye, le Conservatoire
national supérieur de
Lyon, l’Académie de
Budapest, etc. En outre,
une présence active dans
les cours d’été l’a amené
à enseigner à Avignon
(Centre Acanthes), Kyoto,
Como et Szombathély.
Soucieux de la formation
du public, il réalise des
séries de concerts commentés où il présente
lui-même des œuvres du
XXe siècle afin de rendre
ces styles plus familiers à
32 | cité de la musique
l’auditeur. Ainsi, au cours
de la saison 1994-1995, il
a présenté à Lyon et à
Paris un panorama du
piano du XXe siècle
incluant 24 œuvres de
styles différents en huit
concerts-lectures. Il a
récemment donné une
série de six concertsconférences au Havre,
Lyon (Opéra) et Paris
(Radio-France) sur le
thème : « Le piano en
relations », présentant
des œuvres de J. S. Bach
à Marco Stroppa, du duo
piano-violon au concerto
pour piano avec
orchestre. Il continue en
outre d’enregistrer pour la
chaîne de télévision ARTE
une série d’exécutions
commentées filmées
consacrées à de grands
compositeurs contemporains - le premier numéro
de cette série, consacré à
Boulez, ayant été accueilli
avec grand succès.
Hans Zender
est né en 1936 à
Wiesbaden. Après des
études de composition,
de direction d’orchestre
et de piano à Francfort et
Fribourg, il devient chef
d’orchestre du Théâtre de
Fribourg. En 1963, il suit
une année d’étude à la
VIlla Massimo de Rome
avec Bernd Aloïs
Zimmermann et devient
ensuite chef d’orchestre à
l’Opéra de Bonn. De
1969 à 1972, il est directeur musical à Kiel. De
1971 à 1983, il est premier chef d’orchestre de
l’Orchestre Symphonique
de la Radio de la Sarre
avec lequel il fait des tournées dans le monde
entier. En 1984, il est
nommé directeur musical
de l’opéra de Hambourg,
fonction qu’il occupera
jusqu’en 1987. Depuis
1988, il est professeur de
composition à la
Musikhochschule de
Francfort. Hans Zender a
dirigé régulièrement l’orchestre Philharmonique
de Berlin et collaboré aux
Festivals de Bayreuth,
Salzbourg, Berlin et
Vienne. Parmi ses nombreuses compositions
notons, Litanei, pour trois
violoncelles ; Hölderlin
lesen I-III, pour quatuor à
cordes ; Zeitströme, pour
grand orchestre, Dialog
mit Haydn, pour deux pianos et trois groupes
d’orchestres, Canto I-VIII,
Muji No Kyo, pour voix et
instruments, Loshu I-VII,
hommage à Olivier Messiaen
pour ensemble et
Stephen Climax, opéra en
trois actes, Don Quijote
« 31 aventures du
théâtre », Shir-Hashirim,
en quatre parties, pour
solistes, chœur, orchestre
et électronique. Hans
Zender est membre de
l’Akademie der Künste de
Berlin et de la Bayerische
Akademie de Munich. Il
reçoit en 1977 le
Musikpreis de la ville de
Francfort et le
Goethepreis. Il est également l’auteur de Happy
New Ears et Wir steigen
niemals in denselben
Fluß. A partir de 1999, il
sera nommé co-directeur
et chef invité permanent
de l’Orchestre
Symphonique de la SWF.
Dimitri Vassilakis
Né en 1967, il commence
ses études musicales à
l'âge de 7 ans à Athènes,
sa ville natale, et les poursuit au Conservatoire de
Paris, auprès de Gérard
Frémy. Il obtient un premier prix de piano à
l'unanimité, ainsi que des
prix de musique de
chambre et d’accompagnement. Dimitri
Vassilakis se produit en
soliste en Europe (Festival
de Salzbourg, Mai
Florentin), Afrique du
Nord, Extrême-Orient,
Amérique. Il entre à
l'Ensemble
Intercontemporain en
1992. Son répertoire
comprend entre autres, le
Concerto pour piano de
György Ligeti, Oiseaux
exotiques et Un vitrail et
des oiseaux d’Olivier
Messiaen, Répons de
Pierre Boulez, La Partition
du ciel et de l’enfer de
Philippe Manoury,
Klavierstück IX de
Karlheinz Stockhausen. Il
crée Incises de Pierre
Boulez en 1995 et participe à la création de sur
Incises pour trois pianos,
trois percussions et trois
harpes de Pierre Boulez
en août 1998 à
Edimbourg.
Ensemble
Intercontemporain
Résident permanent à la
cité de la musique. Fondé
en 1976 par Pierre
Boulez, l’Ensemble
Intercontemporain est
conçu pour être un instrument original au service
de la musique du XXe
siècle. Formé de trente et
un solistes, il a pour directeur musical David
Robertson. Chargé d’assurer la diffusion de la
musique de notre temps,
l’Ensemble donne environ
soixante-dix concerts par
saison en France et à
l’étranger. En dehors des
concerts dirigés, les musiciens ont eux-mêmes pris
l’initiative de créer plusieurs formations de
musique de chambre
dont ils assurent la programmation. Riche de
plus de 1600 titres, son
répertoire reflète une politique active de création et
comprend également des
classiques de la première
moitié du XXe siècle ainsi
que les œuvres marquantes écrites depuis
1950. Il est également
actif dans le domaine de
la création faisant appel
aux sons de synthèse
grâce à ses relations privilégiées avec l’Institut de
Recherche et
Coordination Acoustique
Musique (Ircam). Depuis
son installation à la cité
de la musique, en 1995,
l’Ensemble a développé
son action de sensibilisation de tous les publics à
la création musicale en
proposant des ateliers,
des conférences et des
répétitions ouvertes au
notes de programme | 33
hommage à Olivier Messiaen
public. En liaison avec le
Conservatoire de Paris, la
cité de la musique ou
dans le cadre d’académies d’été, l’Ensemble
met en place des sessions de formation de
jeunes professionnels,
instrumentistes ou compositeurs, désireux
d’approfondir leur
connaissance des langages musicaux
contemporains.
Jean-Jacques Gaudon
musiciens supplémentaires
trombones
flûtes
Jérôme Naulais
Benny Sluchin
Stéphane Leclerc
Pascale Guidot
Agnès Weislinger
tuba
Gérard Buquet
hautbois
percussions
Corine Jobard
Christophe Grindel
Jean-Pierre Arnaud
Vincent Bauer
Michel Cerutti
Daniel Ciampolini
pianos/claviers
Sophie Cherrier
Emmanuelle Ophèle
Florent Boffard
Hidéki Nagano
Dimitri Vassilakis
hautbois
harpe
László Hadady
Didier Pateau
Frédérique Cambreling
flûtes
violon
Alain Damiens
André Trouttet
Jeanne-Marie Conquer
Hae Sun Kang
Maryvonne Le Dizès
clarinette basse
altos
Alain Billard
Christophe Desjardins
Odile Duhamel
clarinettes
clarinettes
Isabelle Duthoit
Yannick Herpin
bassons
Marc Trenel
Lionel Bord
cors
Stéphane Peter
Cyrille Grenot
Jérôme Rouillard
David Harnois
trompettes
bassons
Pascal Gallois
Paul Riveaux
trombones
violoncelles
Jean-Guihen Queyras
Pierre Strauch
cors
Jens McManama
Jean-Christophe Vervoitte
Bruno Tomba
Dominique Collin
Christophe Gervais
Jean-Pierre Moutot
tuba
contrebasse
Sébastien Rouillard
Frédéric Stochl
percussions
trompettes
Antoine Curé
34 | cité de la musique
Stéphane David
Gianny Pizzolato
hommage à Olivier Messiaen
Yannick Paget
violons
Jacques Ghestem
Hélène Houzel
Florence Berdat
Orchestre du
Conservatoire de Paris
La participation des étudiants du Conservatoire à
diverses manifestations
publiques fait partie intégrante de la scolarité. Il
est en effet nécessaire
qu'un instrumentiste
puisse au cours de ses
années d'apprentissage
pratiquer la musique
d'ensemble sous toutes
ses formes - de la
musique de chambre à
l'orchestre symphonique
en grande formation - et
acquérir l'expérience de la
scène. Les orchestres du
Conservatoire sont
constitués à partir d'un
« pool » de plus de 500
instrumentistes, qui se
réunissent en des formations variables, par session, selon le programme
et la démarche pédagogique retenus. Les sessions se déroulent sur des
périodes de deux à trois
semaines, en fonction de
la difficulté et de la longueur du programme. Les
principes de programmation des orchestres du
Conservatoire sont
simples : faire aborder aux
étudiants des chefsd'œuvre de périodes et
de styles variés, avec les
meilleurs spécialistes
actuels : pour la saison
1998/1999, Pascal
Rophé, Olivier Reboul,
Jens McManama, Jan
Talich, Jean Mouillère,
Johannes Leertouwer,
Jos van Veldhoven,
Renato Rivolta, Hans
Zender, Leon Fleisher,
Shlomo Mintz, David
Robertson et Janos Fürst.
Les étudiants auront ainsi
abordé des œuvres aussi
diverses et essentielles
que La Passion selon
Saint Matthieu de Bach,
la symphonie Jupiter de
Mozart, Pelléas et
Mélisande et La Mer de
Debussy, La Nuit transfigurée et Erwartung de
Schoenberg, la
Symphonie n°2
« Résurrection » de
Mahler, Hymne et Les
Offrandes oubliées de
Messiaen, Un Américain à
Paris de Gershwin,
Odhecaton de Maderna,
les Variations canoniques
sur un thème de
Schoenberg, A Carlo
Scarpa architetto de
Nono, Mémoire vive de
Hurel et Du lieu même qui
n’est qu’un rêve de
Durieux.
flûtes
Catherine Goodman
Ute Koch
Marie Leyval
hautbois
Nicolas Bens
Alexandre Gattet
Denis Simonnet
clarinettes
Elodie Chaillou
Gilad Harel
clarinette basse
Jean-Sébastien Court
bassons
Julien Hardy
Arnaud Lommis
Yannick Mariller
cors
Pierre-Yves Bens
Cédric Berger
David Defiez
Reynald Parent
trompettes
Jean-François Dewerdt
Marc Geujon
Vincent Mitterrand
notes de programme | 35
hommage à Olivier Messiaen
trombones
altos
Alexandre Chapelet
Nicolas Lapierre
Fumiko Aoki
Cyril Bouffies
Cécile Brossard
Jean-Christophe Garzia
Elodie Guillot
Stéphanie Lalizet
Dorothée Leclair
Lucia Peralta
Hélène Platone
Blandine Quincarlet
trombone basse
Laurent Père
percussions
Renaud Muzzolini
Yannick Paget
violons
Roland Arnassalon
Marina Chiche
Amaury Coeytaux
Sandrine Devot
Delphine Douillet
Virginie Dupont
Benjamin Fabre
Eliad Florea
Marie-Laure Goudenhooft
Jean-Christophe Grall
Karine Hayot
Harold Hirtz
Lyodoh Kaneko
Marc Lemaire
Jérôme Merlet
Claire Michelet
David Naulin
Marie Nonon
Axel Schacher
Karine Schaeffer
Naaman Sluchin
Julien Sol
Romuald Toigo
Diego Tosi
Vanessa Ugarte
Caroline Vernay
36 | cité de la musique
violoncelles
Stéphane Binet
Pablo De Naveran
Renaud Guieu
Maarten Jansen
Camilo Peralta
Aurélien Sabouret
Isabelle Saint-Yves
Sébastien Van Kuijk
contrebasses
Jean-Olivier Bacquet
Thomas Garoche
Frédéric Jaffre
Nicolas Lehembre
Jean-Baptiste Sagnier
Xavier Serri
technique
cité de la musique
salle des concerts
Christophe Gualde
régie générale
Jean-Marc Letang
régie plateau
Roland Picault
régie lumières
amphithéâtre du musée
Olivier Fioravanti
régie générale
Pierre Mondon
régie plateau
Jean-Laurent Parisot
régie lumières
Ensemble
Intercontemporain
Jean Radel
régie générale
Damien Rochette
Philippe Jacquin
régie plateau
Conservatoire
de Paris
Didier Belkacem
régie générale
Tony Scheveiler
régie plateau

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