Vallée du Doux : une gestion collective et volontaire

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Vallée du Doux : une gestion collective et volontaire
« Vallée du Doux : une gestion collective et
volontaire des pompages en rivière »
Auteur : DAUPHINE LIBERE / CHAMBRE D’AGRICULTURE DE L’ARDECHE
Date de parution : 16 juillet 2010
Ce document est la propriété exclusive de la Chambres d'Agriculture de l’Ardèche.
Reproduction interdite sans accord préalable.
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Vallée du
Paru
dans
et volontaire des pompages en rivière
■ Gaec des Lilas à Arlebosc
de l’Ardèche
le 16/07/2010
témoignage
Des prélèvements raisonnés et nécessaires
Dans la vallée du Doux, la gestion des pompages en rivière est parfois problématique,
notamment en période de pénurie ou de crise. Pourtant, l’irrigation est indispensable pour
pérenniser les productions agricoles du secteur, comme en témoigne Yohann Palisse.
A
u Gaec des Lilas à Arlebosc,
dans la vallée du Doux, la problématique de la ressource en
eau est récurrente à chaque
fois qu’arrive la saison sèche. Eleveurs
de chèvres, Yohann Palisse et ses parents
cultivent également une dizaine d’hectares de fruitiers principalement en cerisiers, mais aussi en abricotiers et pêchers (1 ha). Des hectares de vergers
qu’il convient d’arroser régulièrement
pour assurer un revenu sur l’exploitation.
Mais voilà, chaque année, ils sont
confrontés au problème du débit d’étiage sur le Doux pour 6 hectares de leurs
terres1. « L’année dernière, dès la fin du
mois de juillet, nous avons été contraints
d’arrêter les prélèvements sur le Doux
pour cause de sécheresse. Malheureusement la saison des pêches n’avait pas
encore commencé et c’est toute notre production qui était menacée », explique Yohann Palisse. Participant à la gestion
collective des pompages sur le Doux et
respectant scrupuleusement les horaires
de pompage qui leur sont proposés en
début de campagne, une dérogation leur
a été accordée sur leur verger de pêchers, « nous permettant de conduire
notre production jusqu’au bout », consta-
te le jeune agriculteur.
Anticiper
Mais, malgré ces dérogations possibles, il n’en reste pas moins qu’en cas
de crise, et donc d’interdiction de pompage, les conséquences sont lourdes pour
l’ensemble de l’exploitation. « L’année
dernière, nous avons dû ensiler notre
maïs au 15 août, car nous ne pouvions
plus l’arroser. Heureusement, nous
avions semé une variété précoce, ce qui
nous a permis de limiter les dégâts », explique Yohann Palisse. Autre conséquence : les abricotiers et cerisiers, même
si la récolte était terminée, ont souffert
de cette sécheresse. « Le risque est que
certains arbres ne résistent pas à ce
manque d’eau et qu’ils produisent moins
de fruits l’année suivante ou de calibre
inférieur ». Cette année, ils ont voulu anticiper. C’est pourquoi ils ont fait le
choix de ne semer que deux hectares de
maïs (au lieu de trois les années précédentes), pour favoriser l’irrigation des
fruitiers, au risque de ne plus être autonome en ensilage. « Il faut dire aussi que
le dénivelé important des plantations et
la faible puissance de la pompe ne per-
mettent pas d’irriguer de grandes surfaces en même temps », constate le jeune agriculteur. Avec l’installation de Yohann l’année dernière, le Gaec cultive désormais trois hectares d’abricotiers « en
hauteur », sur un site moins gélif, « loin
du Doux », et sur lequel ils ont pu créer
un lac collinaire. Un ouvrage qui leur permettra d’assurer plus sereinement l’avenir de leur production, car la réserve en
eau constituée pendant l’hiver peut être
utilisée l’été sans grande contrainte.
Au Gaec des Lilas, on s’adapte, on anticipe, on s’organise, on gère collectivement… pour que l’eau du Doux, cette ressource indispensable au maintien
des productions agricoles du secteur,
soit le plus raisonnablement possible
utilisée. Mais aussi avec l’espoir qu’un
jour des solutions pérennes soient trouvées sur le territoire pour s’affranchir des
périodes de pénurie de la rivière.
C. Penet ■
1
A titre indicatif, ce sont 5 000 m3 d’eau
qui ont été pompés sur le Doux l’année dernière par le Gaec des lilas.
Point de vue
Philippe Costet, vice-président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche
■ Quels sont les enseignements à
tirer de l'expérience de gestion
collective des pompages sur la
vallée du Doux?
Tous les ans, dans la vallée du Doux,
les agriculteurs sont confrontés à la problématique du débit d'étiage. Il n'y a plus
assez d'eau dans la rivière pour que tous
les agriculteurs puissent prélever en même
temps, et il faut également prendre en
compte la problématique du partage avec
les autres utilisateurs. L'idée de la démarche proposée par la chambre d'agriculture, c'est que les agriculteurs puissent
gérer collectivement cette diminution de
la quantité d'eau disponible et que tous,
en amont comme en aval, puissent bénéficier d'une même quantité d'eau, même
en période de pénurie.
Grâce à cette approche collective et organisée, il a été possible en 2009, au moment de la période de crise et d'interdiction des prélèvements, d'aller vers une négociation pour obtenir, après expertise par
la police de l'eau, des dérogations au cas
par cas pour les productions pérennes.
■ D'une façon plus générale,
comment peut-on décrire la situation
de l'agriculture ardéchoise vis-àvis de l'eau?
La situation ardéchoise est trés disparate. En bordure du département nous
avons le Rhône, ressource quasi pérenne,
mais pour lequel il est difficilement envisageable de transférer l’eau pour l'utiliser ailleurs. Nous avons par ailleurs trois
cours d'eau à débit soutenu ou partiellement soutenu: l'Ardèche, le Chassezac et
cessaires pour sécuriser une récolte. L’irrigation est en quelque sorte une réelle
assurance récolte.
l'Eyrieux. Le reste des cours d'eau voit leur
débit diminuer très fortement dès les premiers signes de sécheresse, dans des secteurs où en plus, les sols sont particulièrement séchants. Nous sommes de toute
façon dans une zone climatique de type
méditerranéen.
Pourtant, l'eau est absolument nécessaire aux agriculteurs ardéchois, que ce
soit pour leurs activités de productions végétales ou animales. L'expérience nous
montre que pour garantir la régularité et
la diversité des productions, pour dégager de la valeur ajoutée sur les exploitations, l'eau est indispensable.
Mais, il faut bien souligner que l’irrigation en Ardèche ce n'est pas pour produire plus, mais pour produire mieux. Il
faut que chaque exploitation puisse avoir
accès à un minimum d'eau, soit pour diversifier ses productions et répondre aux
besoins des marchés de proximité, par
exemple avec les fruits ou le
maraîchage, soit pour sécuriser l'alimentation des troupeaux. Ce que nous
demandons c'est que chaque exploitation
puisse irriguer le minimum d'hectares né-
■ Quelles peuvent être les pistes
pour arriver à cette irrigation
durable?
En Ardèche, la difficulté n'est pas la
quantité d'eau qui tombe sur l'année,
mais sa répartition. Il est donc indispensable qu'on encourage et accroisse
les possibilités de stockage de cette eau,
alors qu'aujourd'hui, plus on est dans une
zone de déficit estival, plus les contraintes
sur le stockage hivernal sont importantes.
Le stockage est pourtant nécessaires et le
président de la chambre d'agriculture rappelle souvent que, alors que les Pouvoirs
publics l'encouragent pour les particuliers,
on ne donne pas beaucoup de marge de
manœuvre aux agriculteurs dans ce domaine.
Il serait donc indispensable de lever les
freins d'abord réglementaires, mais aussi financiers, car créer des ouvrages de
stockage et des réseaux nécessaires à l'utilisation de cette eau coûte cher en raison
du relief.
Enfin, il ne faut pas oublier que, dès demain, la loi sur l'eau imposera la mise en
place d'un organisme unique de gestion
de l'utilisation de l'eau. Nous devons donc
poursuivre notre travail pour montrer que
l'agriculture ardéchoise utilise l'eau à
bon escient, dans un cadre concerté et respectueux de la ressource et de l’ensemble
des utlisateurs.
Propos recueillis par S. Sabot ■
En savoir + : contact chambre d’agriculture : 04 75 20 28 00
Les associés du Gaec des Lilas.
en pratique
Un calendrier
de pompage adapté
Comme chaque année
depuis 2006, la chambre
d’agriculture de l’Ardèche
propose aux irrigants
agricoles utilisant un
pompage dans le Doux ou
ses affluents une démarche
volontaire de gestion
« débitmétrique ».
I
l s’agit d’un calendrier de pompage adapté à la situation de l’exploitant (culture, équipement….)
et à la situation du cours d’eau. L’idée
est de répartir le plus régulièrement
possible les différents prélèvements sur
le Doux et de lisser les débits pompés
sur la semaine tout en prenant en compte les contraintes propres à chaque préleveur.
Comment ça marche ?
En début de campagne d’irrigation
(avril ou mai), les irrigants reçoivent
une proposition de calendrier de pompage. Ils peuvent demander des modifications ou s’il convient le retourner
directement à la chambre d’agriculture en l’ayant complété et signé. Ces documents sont ensuite examinés par les
services Police de l’Eau de la Direction
Départementale des Territoires pour
validation. Ils sont ensuite retournés
aux irrigants et mis en œuvre dès que
le Préfet instaure des restrictions de niveau « pénurie ».
Concrètement, l’agriculteur s’engage à respecter les calendriers définis
pour les niveaux « pénurie » et « pénurie sévère » et à fournir les relevés de
compteurs correspondants.
En cas de restrictions définies par arrêté préfectoral ou de renforcement de
ces restrictions, les agriculteurs engagés dans cette démarche en sont informés.
En fin de campagne, les agriculteurs
doivent retourner leur relevé de compteur.
A quoi ça sert ?
Pour les agriculteurs, cela peut permettre de coller un peu plus à leur réalité et à leurs contraintes : plutôt que
de se voir appliquer des restrictions
« standard » telles qu’elles sont définies dans les arrêtés sécheresse, ils peuvent proposer des restrictions un peu
plus adaptées à leur situation.
Pour la chambre d’agriculture, cette
démarche purement volontaire permet
de promouvoir les efforts faits par les
irrigants en matière de gestion responsable et concertée sur ce bassin versant très sensible. En 2009, cela a notamment permis de négocier des
dérogations à l’interdiction de pompages (niveau de crise) pour certains
des irrigants.
Laetitia Boffelli, chambre
d’agriculture ■
Est-ce que les agriculteurs adhérent à cette démarche ?
En 2009, cette démarche a concerné :
• 147 ha des surfaces irriguées par pompage sur 200 ha soit 73 %
• 26 exploitations sur 43 soit 60 %
• 33 points de pompages sur 50 soit 64 %
• Une capacité de pompage de 1 020 m3/h sur 1395 soit 71 %

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