Get Happi L`amour du risque en question

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Get Happi L`amour du risque en question
Le RESAH vend l’achat innovant
A propos de l’auteur
M. Jean­Marc Binot
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Convaincu que l’acheteur doit s’emparer du sujet innovation, le RESAH, pilote de plusieurs projets
nationaux ou européens en cours (Happi, Terrisanté), veut inciter ses pairs à le suivre sur un chemin
que peu de personnes publiques ont pour l’instant emprunté.
L’acheteur, détecteur d’innovation et initiateur du changement, Dominique Legouge, le patron du RESAH, y croit dur
comme fer. « Il a un rôle important à jouer dans ce domaine. Il ne peut pas se contenter d’être passif, il doit aller
chercher l’innovation ou la susciter », a­t­il déclaré en ouverture des 2èmes rencontres européennes de l’achat public
d’innovation en santé qu’il organisait, et qui se tenaient à Paris le 9 septembre. Selon lui, l’acheteur est la bonne
porte d’entrée pour sélectionner la valeur ajoutée d’une nouvelle solution et évaluer son potentiel. D’autant qu’il a un
atout dans la manche : lorsqu’il est fin connaisseur de l’offre, il est capable de diffuser l’innovation en respectant le
rythme de développement et de production des industriels. De toute façon « il n’a plus d’excuses », a insisté
Dominique Legouge, car, côté procédures, la boîte à outils existe avec le partenariat d’innovation qui s’ajoute au PCP existant (1). Le RESAH a joint le
geste à la parole. Il participe par exemple activement à Terrisanté, un des pilotes du programme national «
Territoire de soins numériques », qui doit, si tout se passe bien, déboucher en Ile­de­France sur une plate­
forme interopérable où patients et acteurs du parcours de santé (médecins libéraux, hôpitaux, centres
municipaux de santé, PMI…) pourront plus facilement échanger informations et données (résultats des
examens, prescriptions, gestion des rendez­vous médicaux). Et un partenariat d’innovation concernant la
L'acheteur ne peut pas se
contenter d’être passif, il doit
aller chercher l’innovation ou
la susciter
télémédecine est dans les tuyaux. Le RESAH fait feu de tout bois puisqu’il est également membre de
plusieurs associations de soutien à l’innovation comme France Silver Eco, Silver Valley ou Inspire (International Network Supporting Procurement of
Innovation via Resources and Education), réseau européen d’évangélisation des masses. Car, pour le directeur du RESAH, il faut aller plus loin et être
capable d’apprendre à travailler groupé au­delà des frontières pour aller dénicher des pépites.
Get Happi
Le projet Happi semble lui donne raison. Sept centrales, dont l’une ­ l’EHPPA ­ paneuropéenne, ont réuni leurs forces pour
identifier des innovations dans le secteur du bien vieillir. Après avoir créé un « show­room » en ligne permettant à des
entreprises originaires de 13 pays de déposer 150 solutions, et réalisé un « sourcing à l’échelle européenne », selon l’expression
même d’Alexandra Donny, secrétaire générale du RESAH, des comités d’experts ont filtré les solutions les plus utiles. Les
centrales ont ensuite mis en commun leurs besoins et retenu un premier sujet
d’appel d’offres, en rédigeant un cahier des charges en trois langues (français,
italien et anglais). Au final, trois PME, dont deux françaises, ont décroché le
Un sourcing à l’échelle
européenne
cocotier au printemps avec des produits liés à la marche des seniors (détection
des chutes, rééducation…). « Ces solutions vont être diffusables dans l’ensemble des pays européens sans remise en concurrence », a promis Alexandra
Donny. Mais on peut se demander si l’hyperactivité du RESAH n’est pas, pour l’instant, l’arbre qui cache la forêt dans le pays de la commande publique.
Le partenariat d’innovation n’est évidemment pas le seul marqueur de l’appétence des acheteurs pour la recherche de solutions originales et efficaces, et le
pouvoir adjudicateur peut, entre autres, arrêter de rédiger des cahiers des charges complètement cadenassés ou accepter les variantes, de façon à inciter
les entreprises à sortir des sentiers battus. Toutefois, le gouvernement, en s’empressant de transposer par anticipation le partenariat d’innovation en
septembre 2014, pensait donner des idées aux personnes publiques. Un an après, ceux qui ont franchi le Rubicon se comptent sur les doigts de la main. «
Il y a quelques procédures en cours, comme le CNRS, et des intentions de ministères », a indiqué Frédérique Cousin, responsable de la
professionnalisation des achats des établissements publics de l’Etat au SAE.
L’amour du risque en question
« C’est ennuyeux », a admis Jean­Lou Blachier, le Médiateur des marchés publics, qui a remis, en mai dernier, un rapport sur l’achat innovant dans le
secteur de la santé, suite aux témoignages de plusieurs entreprises qui n’arrivaient pas à vendre leurs dispositifs aux hôpitaux hexagonaux. Il n’est pas le
seul à observer le phénomène. Nathalie Desnoyer, de Paris Region Entreprises (agence régionale de développement) a cité le cas d’une entreprise qui
avait réussi à démontrer l’efficacité d’un nouveau système de communication sans fil pour les urgences à l’étranger, sans pour autant s’implanter en
France… Certes, l’Etat s’est fixé un objectif ­ 2% du volume d’achat à l’horizon 2020 ­ mais le dépistage de l’innovation n’est pas encore entré dans les
têtes. Les demandes d’information (ou RFI en anglais) chargés de sonder les entreprises pour imaginer les besoins de demain restent l’apanage d’une
poignée d’happy few comme le ministère de la Défense ou celui de l’Intérieur, qui vient de recourir à la technique pour son futur réseau régalien de
communication. Quant aux structures qui ont créé un poste spécialisé d’acheteur chargé de l’innovation, à l’instar du département de l’Ardèche, elles
demeurent l’exception. Jean­Lou Blachier avance une explication : les acheteurs n’aiment pas trop le risque. « Quand il est excessif, ils préfèrent attendre
et voir qui fera le premier pas. » « En Allemagne, les prix sont plus bas mais les établissements de santé
n’hésitent pas à investir rapidement dans l’innovation. Ils sont plus réactifs. Chez nous, le principe de
précaution l’emporte », estime Catherine Jerosme, présidente du groupe « réglementation des marchés » du
Chez nous, le principe de
précaution l’emporte
SNITEM (syndicat des entreprises du secteur des dispositifs médicaux). Côté opérateurs économiques, on
laisse entendre qu’il y a un décalage entre le discours politique et la réalité. « Il y a un vrai problème d’information et de visibilité. Les entreprises ne savent
pas qui contacter, elles ont du mal à décrypter les besoins et elles ne savent pas comment les achats sont programmés », constate Nathalie Desnoyer qui
émet plusieurs idées : lancer une plate­forme dédiée aux entreprises innovantes pour contacter plus facilement les acheteurs hospitaliers, ouvrir un guichet
unique dans les établissements pour les orienter, les accompagner, voire les aider à répondre aux appels d’offres, ou encore mieux encadrer les
expérimentations. « Je connais une entreprise dont la solution fait l’objet d’un test clinique qui a deux ans de retard… »