FICHE DE LECTURE Réduire les consommations énergétiques

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FICHE DE LECTURE Réduire les consommations énergétiques
Institut National des Sciences
Appliquées de Strasbourg
GENIE CLIMATIQUE ET ENERGETIQUE
FICHE DE LECTURE
Réduire les consommations énergétiques, tester une
énergie alternative – Agriculture durable
Projet de Fin d’Etudes réalisé au Ctifl
Par Emilie AUGER
Tuteur INSA : Rahal BOUSSEHAIN
Tutrice entreprise : Ariane GRISEY
SEPTEMBRE
2013
Institut National des Sciences
Appliquées de Strasbourg
La gestion climatique représente le second poste en termes de coût après la main
d’œuvre en serres maraichères chauffées. Le chauffage est par conséquent pour les
serristes une préoccupation majeure qui s’est accentuée avec la hausse des prix des
combustibles. Il devient alors nécessaire de développer une serre plus performante et
autonome en énergie.
Cette étude s’inscrit dans la continuité du projet serre capteur d’énergie mené par le Ctifl de
Balandran qui a pour objectif principal de réduire les consommations énergétiques d’une
serre maraichère chauffée. Plusieurs solutions sont alors testées : réduire les déperditions
thermiques grâce à une couverture plastique F-Clean® double paroi, améliorer la gestion de
l’hygrométrie dans la serre par différents procédés, développer une serre qui utilise l’énergie
électrique et qui utilise le stockage de la chaleur en aquifère. Mon étude se porte
principalement sur les performances énergétiques et les économies réalisables par de
nouveaux outils de chauffage et/ou de déshumidification et sur la conduite à tenir afin de
valoriser au mieux ces nouveaux équipements.
Le projet Serre capteur d’énergie
Le projet serre capteur d’énergie a duré 5 ans et s’est terminé le 4 mars 2012. Il a été
labellisé par le PEIFL (Pôle Européen d’Innovation Fruits et Légumes) et a été retenu pour
un financement de 1,2M€ par le Fond de Compétitivité des Entreprises de la Direction
Générale des Entreprises en mars 2007. Le montant total du projet est de 5,4M€ réparti
entre 10 partenaires.
Figure 1 : Schéma du Site Expérimental "Projet Serre Capteur"
La serre expérimentale du centre de Balandran, construite pour le projet, se compose de 3
modules de 1000 m² chacun :
- Un module multi chapelle « Serre F-Clean® » en double paroi plastique, destiné à
tester un nouveau matériau de paroi remplaçant le verre.
- Un module multi chapelle « Serre Témoin » en verre, qui sert de référence aux
différentes expérimentations.
- Un module multi chapelle « Serre Capteur » en verre, qui permet de tester différents
modes de chauffage, refroidissement, déshumidification, stockage d’énergie et
équipé d’échangeurs thermiques air / eau.
Etudiante : AUGER Emilie
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Serre F-Clean®
Ce compartiment permet de tester un nouveau matériau de couverture des serres
(placé en paroi et en toiture), le plastique double paroi F-Clean®. Ce matériau a une
meilleure transmission lumineuse et une meilleure isolation thermique qu’une serre verre.
Cette serre est également plus étanche qu’une serre classique. On a décidé d’y installer un
déshumidificateur industriel pour améliorer la gestion de l’hygrométrie.
Dans un premier temps, je me suis intéressée à la déshumidification de cette serre
en double paroi plastique. De manière classique, une serre est déshumidifiée par le
chauffage des tubes et par l’aération. L’intérêt de gérer l’hygrométrie de la serre à l’aide d’un
déshumidificateur industriel est que l’on peut garder la serre fermée plus longtemps et, ainsi,
avoir une concentration de CO2 plus élevée à l’intérieur de la serre. Ceci est favorable à la
photosynthèse. Pour ne pas gaspiller de CO2, on en injecte seulement lorsque la serre est
fermée. Le fait de gérer l’hygrométrie de la serre autrement présente aussi un intérêt
financier étant donné que le chauffage et l’aération représentent environ 20% de la facture
énergétique.
Grâce à des sondes de température et d’hygrométrie placées au soufflage et à l’aspiration
du groupe de déshumidification j’ai pu estimer les différentes puissances mises en jeu. La
puissance calorifique fournie à la serre par le groupe est de 10,4 kW et la puissance
électrique absorbée est de 3,3 kW soit 0,07 kWh.m-2. Le groupe en fonctionnement contribue
donc légèrement au chauffage de la serre. En moyenne, la consommation électrique totale
dans une serre est estimée à 9 kWh.m-2. Pour quantifier l’efficacité du groupe, on a calculé
deux ratios. Un ratio de déshumidification égal à 2,12 obtenu en divisant la puissance latente
par la puissance électrique et le coefficient de performance chaud égal à 3,61 représentant
le rapport entre la puissance calorifique fournie à la serre et la puissance absorbée par le
groupe. Ces résultats sont cohérents pour ce type de machine.
J’ai dans second temps, étudié la transmission lumineuse du matériau plastique
double paroi. Pour cela, j’ai relevé les données fournies par les pyranomètres (au pas de
temps de 5 minutes) disposés de manière symétrique dans la serre plastique et dans la
serre verre pendant deux mois (mars et avril 2013) afin de les comparer. J’en ai déduit une
transmission lumineuse de la serre plastique double paroi F-Clean® supérieure de 6,3% par
rapport à la serre verre.
Enfin, à partir des relevés des consommations totales toute énergie confondue des
deux serres, on a pu remarquer qu’une serre en matériau F-Clean® couplée à un
déshumidificateur industriel permet de réaliser 30% d’économie d’énergie (Tableau 1) et
30% d’économie financière par rapport à une serre verre classique (Tableau 2).
La serre F-Clean®, est donc un outil intéressant pour économiser de l’énergie
cependant on peut se poser des questions sur la durée de vie de ce plastique. Il n’est garanti
que dix ans par le fournisseur. Ce type de matériau peut être déchiré facilement, cela peut
poser des problèmes de vol, par exemple, pour les serristes. Le retour sur investissement du
déshumidificateur est de 5 ans.
Etudiante : AUGER Emilie
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Serre Capteur d’énergie
Ce compartiment est en verre, il permet de tester un nouveau système de chauffage
et de refroidissement en proposant un système entièrement électrique, à partir d’échangeurs
thermiques et d’une pompe à chaleur, permettant de stocker l’excédent d’énergie dans des
ballons ou dans un aquifère.
Concernant la gestion de l’hygrométrie dans cette serre, on a décidé de comparer les
deux manières d’abaisser la teneur en eau de la serre, la déshumidification double batterie
(passage d’eau froide et chaude dans les échangeurs) et le free-cooling (prise d’air
extérieur) et d’en caractériser les performances énergétiques.
Je me suis intéressé aux temps de fonctionnement, aux puissances électriques
consommées, aux risques phytosanitaires et à l’activité des plantes en fonction du type de
déshumidification utilisée en étudiant six journées humides. Grâce à l’interface Let’s grow
reliée au logiciel de pilotage de la serre, Hoogendoorn, j’ai pu estimer le temps de
fonctionnement moyen de la déshumidification double batterie et du free-cooling. En
moyenne sur les 6 journées, la déshumidification double batterie fonctionne 11 heures et le
free-cooling 5,1 heures. On a calculé plusieurs grandeurs qui permettent d’évaluer les
risques phytosanitaires et de caractériser l’activité de la plante. La centrale de mesure
Agilent installée dans la serre nous permet de relever la température ϴ et l’humidité de l’air φ
ambiant au milieu de la culture ainsi que les températures de feuilles et de fruits pour un
intervalle de temps d’une minute. A partir de ces données, on calcule le déficit de pression
de vapeur (DPV) qui traduit l’activité de la plante chaque minute. La plante est active qu’en
présence de rayonnement, on regarde donc la valeur du DPV seulement en journée. Un
faible DPV traduit une faible transpiration de la plante et une ambiance chargée en eau. Cela
peut provoquer des maladies fongiques. Un fort DPV implique une forte transpiration de la
plante et un air ambiant sec. Le transfert de vapeur d’eau des feuilles vers l’air est appelé
évapotranspiration de la plante et peut entraîner une sécheresse de la plante. Pour la
tomate, le DPV idéal est compris entre 0,4 et 1 kPa. On constate que globalement à partir du
levé du soleil jusqu’à 17h la plante est suffisamment active grâce à notre pilotage climatique.
Parallèlement, on a calculé le déficit de saturation de la plante afin de vérifier que la plante
ne subisse pas de stress hydrique. Le déficit de saturation Dh exprimé en geau.kgas-1
représente la quantité d’eau que peut encore absorber l’air, à une température donnée, pour
atteindre la saturation. La plage de déficit de saturation la plus profitable à la plante est de 2
à 10 geau.kgas-1. Ce dernier peut réduire sérieusement la production ou encore provoquer un
éclatement des fruits qui seront alors prédisposés aux attaques de maladies s’il est trop
faible.
Ensuite, j’ai choisi d’approfondir l’étude du Free-cooling et de la déshumidification
double batterie en faisant un bilan thermodynamique entre l’entrée et la sortie des CTA pour
chacun de ces deux modes de fonctionnement. Pour cela, j’ai posé des sondes
d’hygrométrie et de température à l’entrée d’une des CTA dans la serre au niveau de
l’aspiration, dans le caisson d’une des CTA (là ou s’effectue le mélange avec l’air extérieur
dans le cas du Free-cooling) et dans les gaines de soufflage. J’ai choisi de faire l’étude sur
une journée défavorable du point de vue de l’humidité, soit une journée peu ensoleillée. J’en
ai déduit que la déshumidification double batterie est plus efficace pour abaisser la teneur en
eau à l’intérieur de la serre que le free-cooling cependant l’eau froide nécessaire à la
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déshumidification double batterie n’est disponible dans les ballons de stockage que durant 3
à 3h30. En effet, La déshumidification double batterie permet d'évacuer 8% de plus d'eau
(par rapport à l’humidité relative) que le free-cooling. Du point de vue de la consommation
d’énergie, la déshumidification double batterie consomme en moyenne trois fois plus
d'énergie électrique que le free-cooling. J’en ai conclu que sur une journée, la conduite
idéale à tenir serait d’utiliser la déshumidification par double batterie durant 3h au moment
de la journée où l’air de la serre est le plus humide (de 12h à 16h) et on pourrait utiliser le
free-cooling le reste de la journée et la nuit. Puisque la déshumidification par le free-cooling
est plus efficace lorsqu’elle est couplée au chauffage, on pourrait programmer une influence
dans le logiciel de pilotage de la serre qui permettrait d’activer le chauffage (eau chaude
dans les batteries chaudes des CTA) lorsque que le free-cooling fonctionne et que le déficit
de saturation atteint une valeur inférieure à une valeur consigne.
Suite au suivi des consommations d’énergie tout au long de la culture on a pu évaluer
l’économie d’énergie, égale à 43% (Tableau 1), pour une culture dans une serre Capteur
d’énergie comparé à une serre classique. Cette économie d’énergie est principalement due à
l’utilisation d’une PAC pour chauffer l’eau qui à un COP (Coefficient de Performance) plus
élevé que le rendement d’une chaudière au gaz naturel. En effet, la PAC à en moyenne un
COP de 3,5.
A la fin de la culture, on réalise une économie financière totale de 30% (Tableau 2) avec la
serre capteur d’énergie par rapport à une serre classique, bien que le prix du kWh électrique
soit plus élevé que celui du gaz naturel. Les années précédentes, cette économie a été
moindre puisqu’on a eu une consommation électrique très élevée à partir du mois de juin. Le
fait de changer de période de culture semble donc plus favorable à une installation d’une
serre type serre capteur d’énergie.
Une installation du type serre capteur d’énergie, permet donc de réaliser des
économies financières et énergétiques considérables. Cependant, il faut une très grande
quantité d’eau froide à envoyer dans les échangeurs (50 m3.h-1 pour 960 m² de culture sur le
site de balandran), cela peut poser problème aux serristes n’ayant pas d’eau à disposition.
On pourrait axer les prochaines années d’essais en utilisant des échangeurs plus
performants à l’intérieur des CTA.
Economies d’énergies réalisées
Le projet serre capteur d’énergie a permis de montrer aux serristes différentes manières
d’économiser de l’énergie. Les différentes améliorations testées sont répertoriées cidessous :
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Double écran
thermique
Déshumidificateur
industriel
Serre double
®
paroi F-Clean
Déshumidificateur
industriel + serre
double paroi
®
F-Clean
Echangeurs
thermiques air/eau
- 12 %*
- 15 %*
- 20 %*
- 20 à -30 %*
- 20 à - 45 %*
Figure 2 : Economies d'énergies réalisées dans le cadre du projet serre capteur d'énergie
Consommation totale d'énergie dans les trois serres [kWh.m-2]
Serre
capteur
Serre
témoin
Serre
F-Clean®
Ecart
capteur/témoin
Ecart FClean®/témoin
- 96%
- 34%
- 43%
- 30%
Consommation en gaz
naturel
Consommation électrique
13,6
313,2
208,0
170,9
8,6
18,6
Consommation totale
184,5
321,8
226,5
Tableau 1 : Consommations énergétiques totales des serres
-2
Consommation en gaz naturel [kWh.m ]
-2
Coût du gaz naturel [€.m ]
-2
Consommation électrique [kWh.m ]
-2
Coût de l'électricité [€.m ]
-2
Quantité de CO2 injectée [kg.m ]
-2
Coût du CO2 injecté [€.m ]
-2
Coût total [€.m ]
Ecart [%]
Serre
capteur
Serre
témoin
Serre
F-Clean®
13,6
289,8
203,7
0,47
12,89
9,00
156,4
8,2
17,5
8,36
0,45
0,93
5,13
7,88
10,81
0,51
9,34
- 30%
0
13,34
0
9,93
- 26 %
Tableau 2 : Coût total des dépenses énergétiques des trois serres
Coût total [€.m-2]
Rendement [kg.m-2]
Vente de tomates [€.m-2]
Gain [€.m-2]
Serre
capteur
9,34
16,84
16,84
7,50
Serre
témoin
13,34
13,99
13,99
0,65
Serre
F-Clean®
9,93
15,88
15,88
5,95
Tableau 3 : Gain économique des trois serres
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