la campagne electorale - La Cour Constitutionnelle du Bénin

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la campagne electorale - La Cour Constitutionnelle du Bénin
LA CAMPAGNE ELECTORALE
INTRODUCTION
L’article 47 de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013
portant code électoral en République du Bénin, définit la
campagne électorale comme « l’ensemble des opérations de
propagande précédant une élection et visant à amener les électeurs
à soutenir les candidats en compétition ». C’est une période durant
laquelle les candidats à une élection font connaître leur
programme politique aux électeurs dont ils sollicitent le suffrage.
Elle est obligatoire pour tout candidat à une élection1. Ainsi, tout
événement susceptible d’empêcher son déroulement est interdit.
Par exemple, aux termes de l’article 59 alinéa 2 du code électoral,
« toutes les manifestations culturelles traditionnelles publiques ou
toutes autres manifestations susceptibles de restreindre les libertés
individuelles sont interdites pendant la période allant de
l’ouverture officielle de la campagne électorale au jour du vote sous
peine de sanctions… ». De la même manière, « nul n’a le droit
d’empêcher de faire campagne ou d’intimider de quelque manière
que ce soit, un candidat ou un groupe de candidats faisant
campagne … sur le territoire de sa circonscription électorale »
(article 57 du code électoral). Une telle imposition peut aisément
s’expliquer dans un régime démocratique qui est celui auquel le
peuple béninois a affirmé son attachement depuis 1990 à travers
sa Constitution. En effet, dans un tel régime où la souveraineté
appartient au peuple, il est normal que le peuple appelé à
désigner ses représentants pour l’exercice de la souveraineté dont
il est investi, puisse opérer un choix éclairé. Or, il est évident qu’il
ne saurait le faire s’il n’a pas connaissance des différents
programmes politiques que lui proposent les candidats. Les
opérations de propagandes préélectorales sont donc menées à
cette fin. Elles se déroulent sous forme de réunions électorales, de
manifestations et rassemblements électoraux, de distribution de
bulletins, circulaires ou autres documents de propagande, de
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Article 47 in fine du code électoral.
pratiques publicitaires, d’émissions radio ou télé à des fins de
propagande … Au vu de l’importance de ces activités, la
campagne électorale est soumise à une règlementation stricte. Il
s’agit notamment des articles 47 à 67 de la loi n° 2013-06 du 25
novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin.
Mais « les dispositions des lois et règlements en matière de presse
et de communication audiovisuelle en vigueur en République du
Bénin relatives à la propagande électorale » sont également
applicables (article 143 alinéa 2 du code électoral). Il en est de
même de la loi sur les réunions et manifestations publiques qui
s’appliquent aux manifestations et rassemblements électoraux
sous réserve des dispositions contraires du code électoral (article
59 du code électoral).
La règlementation touche aussi bien les actes préparatoires
à la campagne électorale (I) que sa mise en œuvre proprement
dite (II).
I-Les actes préalables aux opérations de propagande
Il s’agit de l’ouverture de la campagne (A) et de son
financement (B).
A- L’ouverture de la campagne électorale
Aux termes de l’article 53 du code électoral : « La campagne
électorale est déclarée ouverte par décision de la commission
électorale nationale autonome (CENA) ». C’est donc la CENA et elle
seule qui peut officiellement déclarer ouverte la campagne. Elle
doit le faire dans la période indiquée par les textes.
« Cette période court de la date de publication par la
Commission électorale nationale autonome (CENA) des listes de
candidats retenus et s’achève à la clôture du scrutin » (article 48
alinéa 2). Elle est prévue pour durer 15 jours sauf dérogation
prévue par la loi (article 53 alinéa1 du code électoral). Elle doit
donc débuter seize jours avant la date programmée pour le
scrutin puisqu’elle doit nécessairement s’achever « la veille du
scrutin à 00 heure, soit vingt-quatre (24) heures avant le jour du
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scrutin » (article 53 alinéa 2 du code électoral). Ce délai est de
rigueur et en aucun cas, « nul ne peut, par quelque moyen ou sous
quelque forme que ce soit, faire campagne électorale en dehors de
la période prévue… » (article 54 du code électoral). En
conséquence, « les affiches électorales et autres moyens de
propagande doivent être retirés concurremment par la Commission
électorale nationale autonome (CENA) et les autorités communales
et locales, un (01) jour franc avant le début du scrutin, sous peine
des sanctions… » (article 67 du code électoral).
L’ouverture de la campagne électorale par la CENA est l’acte
officiel qui lance les opérations de propagande électorale. Mais
avant, il est nécessaire de mobiliser le financement. Ce
financement est également soumis à une réglementation stricte.
B- Le financement de la campagne électorale
Il est soumis aux exigences des articles 107 à 114 du code
électoral. Aux termes de l’article 107 en son alinéa 7, « les
dépenses engagées par les candidats, les partis ou alliances de
partis politiques durant la campagne électorale sont à leur
charge ». Cependant, des remboursements peuvent leur être
effectués par l’Etat suivant des critères et des modalités bien
précis. Ces critères varient en fonction du type d’élection dont il
s’agit. C’est ainsi que pour les élections législatives et locales, un
forfait dont le minimum ne saurait être inférieur à cinq millions
(5 000 000) de francs dans le cadre des élections législatives est
alloué aux candidats qui, seulement, ont été élus (article 113
alinéas 1 et 2).
Par contre, pour l’élection présidentielle, le remboursement
est acquis pour tous les candidats ayant obtenu au moins 10%
des suffrages exprimés. Le minimum remboursable est ici fixé à
500 000 000 de francs (article 113 alinéa 3 du code électoral).
Les remboursements doivent s’effectuer dans un certain
délai. Pour les élections législatives, ils doivent intervenir au plus
tard six (06) mois après la date du scrutin (article 385 alinéa 3 du
code électoral). Pour tous les autres types d’élection, aucun
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remboursement ne peut rester ineffectif avant le 31 décembre de
l’année des élections (article 113 alinéa 4 du code électoral).
Par ailleurs, des limites sont fixées pour les dépenses
relatives à la campagne électorale. Cette limitation s’impose « à
tout parti politique ou à tout individu prenant part aux élections du
Président de la République, des membres de l’Assemblée
Nationale, des membres des conseils communaux ou municipaux et
des membres des conseils de village ou de quartier de ville », que
les dépenses soient engagées par eux-mêmes ou par des tierces
personnes (article 110 du code électoral), et se présente comme
suit :
- cinq cent mille (500 000) francs par candidat pour
l’élection des membres des conseils de village ou de
quartier de ville ;
- un million cinq cent mille (1 500 000) de francs par
candidat pour les élections communales ou municipales ;
- quinze millions (15 000 000) de francs par candidat pour
les élections législatives ;
- deux milliards cinq cent millions (2 500 000 000) de
francs pour l’élection du Président de la République.
(article 110 du code électoral).
En conséquence, les candidats individuels régulièrement
inscrits ainsi que les partis politiques prenant part à quelque type
d’élections sont tenus d’établir un compte prévisionnel de
campagne précisant l’ensemble des ressources et des dépenses à
effectuer à déposer à la chambre des comptes de la Cour suprême
quarante (40) jours au moins avant la date des élections (article
111 du code électoral).
II-Les opérations de propagande proprement dites
Les actions à mettre en œuvre (A) ne peuvent être exécutées
que par certaines personnes déterminées (B).
A- Les actions de propagande
Durant la période de la campagne électorale, les candidats,
les partis politiques ainsi que les groupes ou alliances de partis
politiques sont autorisés à organiser des réunions électorales
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(article 55 du code électoral). « La réunion électorale est celle qui a
pour but, l’audition des candidats aux fonctions de Président de la
République, de député à l’Assemblée Nationale, de conseillers
communaux, ou de conseillers de village ou de quartier de ville, en
vue de la vulgarisation de leur programme politique ou de leur
projet de société » (article 56 du code électoral). Elles sont libres
mais ne peuvent se tenir sur les voies publiques. Elles sont aussi
interdites entre vingt-trois (23) heures et sept (07) heures (article
57 alinéa 1). Avant la tenue de toute réunion sur un lieu public,
une déclaration « doit être faite au maire ou au chef
d’arrondissement ou au chef de village ou de quartier de ville en
son cabinet ou en sa permanence ». La déclaration doit être faite
par écrit et être signifiée au cours des heures légales d’ouverture
des services administratifs au moins quatre (04) heures à l’avance
(article 57 du code).
Les candidats, partis politiques ou groupes ou alliances de
partis politiques sont également autorisés à utiliser pour la
campagne électorale, les médias d’Etat à savoir la radiodiffusion,
la télévision et la presse écrite (article 65 du code électoral). Ils y
sont autorisés pour présenter leur programme aux électeurs
« dans le respect des procédures et modalités déterminées par la
Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) »
(article 48 alinéa 3 du code électoral. Les règles de déontologie de
la presse s’imposent plus qu’ailleurs à la campagne médiatique.
Des emplacements spécifiques sont réservés pour des
affiches et lois électorales ainsi que pour des rassemblements à
caractère politique. Ces emplacements sont déterminés par arrêté
du maire de la commune en accord avec la Commission électorale
nationale autonome (CENA) (article 50 et 52 du code électoral).
En dehors de ces emplacements spéciaux déterminés, aucun
affichage relatif aux élections ne peut être apposé à aucun autre
endroit (article 50 alinéa 2 du code électoral).
Les candidats désireux d’exploiter les emplacements
destinés à recevoir les affiches sont tenus d’adresser une
demande au maire de la Commune soixante-douze (72) heures
avant l’ouverture de la campagne électorale (article 51 du code
électoral).
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Il importe ici d’indiquer que dans le processus de
déroulement des opérations de propagande électorale, le principe
d’égalité est de rigueur. Il est affirmé à plusieurs reprises. Ainsi
pour l’accès aux médias par exemple l’article 48 du code
électoral dispose : « En période électorale, les candidats ou listes
de candidats bénéficient d’un accès équitable aux organes de
communication audiovisuelle publics ou privés ». La haute Autorité
de l’audiovisuel et de la communication est chargée de veiller à
l’accès équitable des candidats et partis politiques aux médias
d’Etat. En outre, pour les affiches à des fins publicitaires, une
surface égale bien déterminée est attribuée à chaque candidat
dans l’emplacement réservé à cette fin (article 51 du code
électoral). Dès lors, il est interdit à chaque candidat de procéder à
un affichage dans l’emplacement attribué aux autres candidats
(article 49 dernier alinéa).
Il est également interdit à tout agent public, de distribuer au
cours de ses heures de service, des bulletins, circulaires ou
autres documents de propagande et de porter ou d’arborer des
emblèmes ou des signes distinctifs des candidats (article 61 du
code électoral). De même, « il est interdit de distribuer le jour du
scrutin, des bulletins, circulaires ou autres documents de
propagande et de porter ou d’arborer des emblèmes ou des signes
distinctifs des candidats sur les lieux de vote » (article 60 du code
électoral).
En outre, « les pratiques publicitaires à caractère commercial,
l’offre de tissus, de tee-shirts, de stylo, de porte-clefs, de calendrier
et autres objets utilitaires à l’effigie des candidats ou symbole des
partis ainsi que leur port et leur utilisation, les dons et libéralités ou
les faveurs administratives faits à un individu, à une commune ou
à une collectivité quelconque de citoyens à des fins de propagande
pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote sont et restent
interdits six mois avant tout scrutin et jusqu’à son terme ».
Dans la même logique, il est interdit d’utiliser les attributs,
biens ou moyens de l’Etat, d’une personne morale publique, des
institutions ou organismes publics aux mêmes fins six mois avant
tout scrutin.
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B- Les personnes autorisées
La campagne électorale est réservée exclusivement aux
politiques. En effet, aux termes de l’article 55 du code électoral,
« Les partis politiques reconnus conformément aux dispositions de
la charte des partis politiques, les groupes ou alliances de partis
politiques ainsi que les candidats régulièrement inscrits sont seuls
autorisés à organiser des réunions électorales ». « En cas de
nécessité, les candidats peuvent se faire représenter à ladite
réunion » (article 56 alinéa 2 du code électoral). Le politique,
candidat à l’élection, peut agir seul ou par l’intermédiaire de son
groupe politique constitué en un seul parti politique ou en
groupes ou alliances de partis politiques. Dès lors, le droit de faire
campagne est incompatible avec certaines fonctions. C’est ainsi
qu’ « il est interdit à tout préfet et toute autorité non élue de
l’administration territoriale, à tout chef de représentation
diplomatique et consulaire, à tout membre de la Commission
électorale nationale autonome (CENA), à tout le personnel électoral
en général de se prononcer publiquement d’une manière
quelconque sur la candidature, l’éligibilité et l’élection d’un citoyen
ou pour susciter ou soutenir sa candidature ou de s’impliquer dans
toute action ou initiative qui y concourt » (article 64 du code
électoral). De même, « les associations et les organisations non
gouvernementales légalement reconnues ne peuvent soutenir, ni
tenir des propos visant à ternir l’image des candidats ou des partis
politiques sous peine de déchéance de leur statut » et des
sanctions pénales prévues à l’article 114 alinéa 1er du code
électoral « contre les personnes physiques en charge des
associations ou organisations concernées » (article 66 du code
électoral).
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