Addictions - Revue Médicale Suisse
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nouveautés en médecine 2012 Addictions Rev Med Suisse 2013 ; 9 : 8-11 J. Besson J. Grivel A. Tomei I. Gothuey M. Andronicos H. Babel S. Nunweiler Addiction What’s new in addiction medicine in 2012 ? The news are presented according three axes : first, in the field of neuroscience, the process of extinction of addiction memories. Then in the clinical field, a reflexion is reported on how to treat addiction in psychiatric hospitals. At last, in the area of teaching, an e-learning development with a virtual patient shows a great interest in addiction psychiatry. Les nouveautés en médecine 2012 pour les dépendances sont présentées sur trois axes d’actualité : tout d’abord dans le champ des neurosciences avec les travaux sur les processus d’extinction de la mémoire addictive. Puis dans le champ clinique avec une réflexion sur le traitement des addictions à l’hôpital psychiatrique. Enfin, dans le domaine de l’enseignement, un développement d’e-learning avec un patient virtuel présente un grand intérêt en psychiatrie de l’addiction. introduction La médecine et la psychiatrie de l’addiction se développent rapidement sur deux fronts : premièrement, les neurosciences apportent régulièrement leur lot de nouvelles connaissances explicatives des mécanismes de l’addiction. Récemment, les travaux montrant l’importance des mémoires addictives ont exacerbé l’intérêt pour les recherches permettant de modifier la mémoire lors des processus de reconsolidation. De nouvel les perspectives de traitement non pharmacologique comme l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) s’inscri vent dans cette perspective prometteuse. Deuxièmement, sur le terrain, on observe de plus en plus l’intrication de ta bleaux psychiatriques avec addiction rendant les prises en charge toujours plus ardues et complexes, notamment lors des hospitalisations en psychiatrie. Cette complexité doit être prise en compte dans les plans de santé mentale dont se dotent la plupart des cantons. Enfin, parallèlement à ces développements scientifiques et cliniques, on assiste à une pénurie de person nel formé en addictologie, dont les médecins. Dans ce contexte, la formation à distance avec l’e-learning constitue une ressource précieuse, notamment pour les régions périphériques. L’élaboration des patients virtuels contribue à un ensei gnement efficace orienté vers les solutions et la diffusion des bonnes pratiques cliniques. 1. manipuler la mémoire pour prévenir la rechute J. Grivel et A. Tomei Dans une étude publiée dans la revue Science,1 des chercheurs décrivent une nouvelle procédure comportementale, non pharmacologique, qui réduit l’envie irrépressible de consommer (craving) chez des héroïnomanes, et qui pourrait améliorer la prévention de la rechute. Cette nouvelle procédure consiste à mani puler la mémoire associative des toxicomanes en utilisant le processus d’extinction 2 dans ce que l’on appelle la fenêtre de reconsolidation de la mémoire.3-5 Le processus d’extinction consiste à exposer de façon répétée la personne toxicomane à la substance et aux indices qui y sont liés (par exemple : du matériel d’injection) sans qu’elle puisse y répondre en consommant. L’idée est d’affaiblir les associa tions entre les indices et les effets de la substance. La procédure d’extinction a une certaine efficacité en milieu clinique, cependant un fort risque de rechute survient lorsque les personnes toxicomanes sont à nouveau exposées à la subs 8 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 9 janvier 2013 08_11_36863.indd 1 21.12.12 14:34 tance et aux indices associés dans leur environnement.6 La nouvelle procédure proposée par Xue et coll. pourrait rendre ce traitement plus efficace en combinant la procé dure d’extinction avec la manipulation d’un processus ap pelé reconsolidation de la mémoire dans lequel les souvenirs, une fois récupérés de la mémoire à long terme, sont réac tivés. Dans ce processus, l’information réactivée est tempo rairement rendue instable et sujette à modification, ce qui permet au souvenir d’être actualisé. C’est un peu comme lorsque vous ouvrez un document sur votre ordinateur, que vous faites quelques changements et que vous le ré enregistrez en écrasant l’ancienne version. Bien que la mé moire ait été précédemment consolidée, lorsqu’un souve nir est réactivé, il entre dans un état instable dans lequel de nouvelles informations peuvent être insérées, avant que le souvenir ne soit reconsolidé dans sa forme actualisée. Les scientifiques1 ont travaillé avec des anciens héroï nomanes (présentant toujours un craving) qu’ils ont répartis aléatoirement en trois groupes expérimentaux. Le premier groupe visionnait une vidéo décrivant une scène de con sommation d’héroïne qui réactivait leurs associations mné siques et ainsi «ouvrait la fenêtre» de reconsolidation de leur mémoire. Les participants attendaient dix minutes, puis procédaient à une séance de 60 minutes d’extinction durant lesquelles ils interagissaient avec des indices de la consommation d’héroïne (images, vidéos et manipulation d’héroïne factice). Le deuxième groupe visionnait la même vidéo, mais attendait six heures avant de procéder à l’ex tinction. Enfin, le troisième groupe (contrôle) visionnait une vidéo «neutre» d’une scène de nature ne rappelant pas de souvenir de consommation d’héroïne, puis procédait à l’extinction après une pause de dix minutes. Des mesures de craving et de réactivité physiologique étaient récoltées 1, 30, et 180 jours après la phase d’extinc tion. Les résultats montrent d’une part que les niveaux de craving et de réactivité physiologique étaient significative ment plus faibles chez les participants dont l’extinction des associations à l’héroïne était intervenue dix minutes après l’ouverture de la fenêtre de reconsolidation que chez les participants des deux autres groupes. D’autre part, les effets observés s’étaient maintenus jusqu’à la dernière mesure, soit 180 jours après la procédure d’extinction. Cette recherche montre que la mémoire peut être modi fiée de façon plus durable par une procédure d’extinction si les souvenirs ont été réactivés auparavant, et si elle inter vient dans une fenêtre temporelle précise. Cette procédure constitue une piste non pharmacologique complémentaire aux traitements de l’addiction existants et est également utilisable dans d’autres troubles psychiatriques tels que le stress post-traumatique ou la phobie.7 2. troubles concomitants : quels t raitements à l’hôpital psychiatrique ? I. Gothuey Introduction Depuis plusieurs années, dans le secteur psychiatrique de l’Est vaudois, un peu moins d’une admission sur deux en milieu psychiatrique hospitalier aigu souffre d’un co diagnostic d’abus ou de dépendance à une substance psy chotrope associé à la phase aiguë de la maladie psychique. Constats Loin d’être isolé, ce phénomène de la cooccurrence de problématiques d’abus ou de dépendance aux substances psychotropes et d’un trouble psychique est fréquente (15% de prévalence dans la population générale, 80% dans les services spécialisés).1 L’hôpital psychiatrique peut être con sidéré comme un lieu spécialisé à l’égard de la maladie mentale, il n’est donc guère étonnant d’y retrouver ces pro blématiques. Rappelons aussi que les abus de substances sont très fréquents parmi les patients présentant des pathologies psychiatriques 2 et que l’incidence des symptômes psy chiatriques chez les toxicodépendants est particulièrement élevée, supérieure à 80% (troubles de la personnalité, trou bles affectifs, troubles anxieux). Enfin, les personnes dé pendantes d’alcool et de drogues sont susceptibles de développer, voire d’aggraver, une symptomatologie psy chiatrique parfois aiguë et bruyante. On le voit, ces deux problématiques sont ainsi souvent intriquées et interagis sent mutuellement l’une sur l’autre.3 Troubles concomitants : quels traitements à l’hôpital psychiatrique ? Le sous-groupe des personnes qui souffrent de troubles dit «concomitants» (troubles psychotiques et addiction), attire particulièrement l’attention : parce qu’elles mettent à mal les stratégies de soins, que ce soit dans le champ de l’addiction ou dans celui de la maladie mentale. Caractère peu efficace des méthodes traditionnelles de prise en charge des addictions, utilisation fréquente des services médicaux, psychiatriques et sociaux en urgence sans continuité, sui cidalité récurrente, instabilité sur le plan de l’hébergement, mauvaise compliance au traitement,4 incivilités, criminalité plus fréquente, mauvais pronostic de l’addiction sont rele vés comme caractéristiques de ce sous-groupe.5 La question des soins à offrir à ces populations fait l’objet de nombreuses controverses car très difficile à étudier. Les avis d’experts vont dans le sens de former le personnel de l’hôpital psychiatrique aux techniques de counseling visant à travailler la motivation au changement, d’organiser des hospitalisations de courte durée en milieu psychiatrique, centrées sur la gestion de la crise, les hospitalisations de longue durée n’ayant pas apporté d’amélioration de la si tuation. Il est également recommandé de se centrer sur la continuité des soins, avec des hospitalisations de jour et l’identification d’un soignant référent sur le long terme. Les aspects sociaux et de santé physique doivent être pris en compte, le traitement pharmacologique doit pouvoir être adapté au trouble psychique et à l’addiction. Enfin, et pro bablement plus difficile à faire admettre en milieu hospita lier psychiatrique, il est recommandé que l’arrêt des consom mations ne soit pas posé comme un objectif immédiat (harm reduction) du traitement hospitalier.6 Ces constats ont conduit une réflexion conjointe entre le Centre de soins régional pour patients dépendants et les équipes hospitalières psychiatriques de la Clinique de Nant, afin d’organiser un programme de soins susceptible Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 9 janvier 2013 08_11_36863.indd 2 9 21.12.12 14:34 d’aider véritablement ces patients. Ce programme com porte un volet thérapeutique, avec la constitution d’un groupe hebdomadaire de patients centré sur les problèmes d’addiction, mené par un thérapeute de l’ambulatoire ad dictologique et un soignant de l’hôpital psychiatrique. Le personnel hospitalier a été formé aux techniques motiva tionnelles. Un autre volet est celui de la réduction des ris ques, avec la formation d’un personnel hospitalier aux soins des abcès, la récupération du matériel d’injection et, a vu la pose d’un récupérateur de seringues usagées sur le site de l’hôpital. Il est de même admis que dans les locaux hospitaliers la consommation est interdite, mais que la question des sanctions en cas de consommation sur le site est écartée au profit de la mise en sens de la transgression et de la compréhension de la pathologie addictive. Enfin, les aspects répressifs ont été considérés également, avec la reprise des directives du médecin cantonal en cas de trafic de stupéfiants à plus large échelle sur le site hospitalier et la possibilité dans ce cas, de signalement aux forces de l’ordre. Conclusion Les résultats de ce programme feront l’objet d’études et de développements ultérieurs.7 Ce programme vise sur tout dans l’immédiat à permettre un véritable accueil à l’hôpital psychiatrique pour ces patients à la problémati que complexe. Nul doute que ceci passe aussi par l’amé lioration du sentiment de compétence du soignant face aux troubles concomitants. 3. patients virtuels : état des lieux dans le domaine des addictions en romandie M. Andronicos, H. Babel et S. Nunweiler Le concept de patient simulé a été initié dans les an nées 60 par Howard S. Barrows, neurologue américain, qui, pour améliorer les compétences cliniques de ses étudiants et les familiariser au dialogue avec les patients, a eu l’idée de faire appel à un acteur. C’est 30 ans plus tard que cette pratique est devenue la norme dans beaucoup de facultés de médecine outre-Atlantique, avant de s’imposer comme modèle d’évaluation des médecins en formation aux EtatsUnis.1 Les patients simulés en ligne (patients virtuels) et les offres e-learning ont naturellement fait leur apparition avec l’utilisation massive d’internet et des nouvelles technolo gies. En effet, le vecteur qu’est internet permet d’optimiser la mise en place de cet outil pédagogique par sa facilité de diffusion et de mise à jour, ainsi que par sa capacité de mise en réseau. Toutefois, à ce jour, l’offre de patients vir tuels reste faible dans le domaine des addictions tant au niveau national qu’international. En effet, la tendance ac tuelle est au développement de patients simulés soma tiques, dont l’objectif est de reproduire les réactions physi ques individuelles (avatar médical personnel). Les premières expériences auxquelles le CHUV a partici pé en matière de patients virtuels ont débuté avec la plateforme en ligne Form@tox (www2.unil.ch/formatox), mise en place avec le soutien du Campus virtuel en 2005. L’objectif de cet outil est de répondre aux besoins de formation en 10 médecine de l’addiction par l’intermédiaire de mises en situations cliniques, dans le but d’entraîner les compéten ces spécifiques à la prise en charge des personnes dépen dantes. Ce programme se compose de douze modules abordant des thématiques spécifiques, telles que la dé pendance à la cocaïne, au cannabis, à l’alcool, au tabac ou encore au jeu. Fort de cette expérience, le Service de psychiatrie com munautaire (CHUV) a décidé d’intégrer un patient virtuel dans son Certificate of Advanced Studies (CAS) «Jeu ex cessif : prévention, traitement et action communautaire» (www.formation-continue-unil-epfl.ch/jeu-excessif-cas). Ce patient virtuel se présente sous la forme d’entretiens à choix multiples où le participant endosse le rôle d’un soi gnant. Il permet d’optimiser les compétences acquises lors de la formation dans le dépistage, l’accueil, l’évaluation, l’orientation et l’accompagnement des personnes dépen dantes au jeu, par la mise en application de diverses tech niques de prise en charge. La progression de chaque ap prenant est suivie par un tuteur en ligne. Dans le cadre de la première édition de ce CAS, proposée entre 2009 et 2011, cet outil a été évalué positivement par les utilisateurs, tant pour sa facilité d’utilisation que pour la possibilité d’entraînement individuel qu’il offre. Si l’outil du patient virtuel a aujourd’hui fait ses preuves et est apprécié pour ses larges possibilités de diffusion et d’utilisation (patient infatigable, disponible à toute heure et résistant aux erreurs des apprenants), il reste encore peu répandu, notamment en raison du coût élevé et de l’im portance des ressources qu’il nécessite pour son dévelop pement.2 De plus, soulignons ici que le patient virtuel ne peut se suffire à lui-même mais qu’il doit être intégré dans un programme pédagogique solide si l’on souhaite en reti rer des bénéfices optimaux. Il convient donc de l’inscrire dans des formations accompagnées d’un système de tutorat personnalisé, que ce soit en ligne ou en face à face. Il peut également s’intégrer dans des environnements comme les Serious Games, offrant ainsi la possibilité de se familiari ser à la prise en charge d’un patient dans un contexte pro fessionnel quotidien avec ses différents aléas.3 Implications pratiques > La manipulation de la mémoire ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement des addictions > Le savoir-faire addictologique facilite les traitements à l’hôpital psychiatrique > Les patients virtuels contribuent à l’effort de formation dans les addictions Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 9 janvier 2013 08_11_36863.indd 3 21.12.12 14:34 Adresses Pr Jacques Besson Drs Jeremy Grivel, Alexander Tomei, Hugo Babel et Sophie Nunweiler Melina Andronicos, psychologue Service de psychiatrie communautaire Département de psychiatrie CHUV, Rue Saint-Martin 7 1003 Lausanne [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] [email protected] Dr Isabelle Gothuey Psychiatre-psychothérapeute Fondation de Nant 1804 Corsier-sur-Vevey [email protected] Bibliographie 1 1** Xue YX, Luo YX, Wu P, et al. 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In : Thomas Connolly, Mark Stansfield, Liz Boyle (Ed.), Games-based learning advancements for multi-sensory human computer interfaces : Techniques and effective practices, 2009:232-250. * à lire ** à lire absolument Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 9 janvier 2013 08_11_36863.indd 4 11 21.12.12 14:34