Intoxication grave à l`acide valproïque : place du traitement

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Intoxication grave à l`acide valproïque : place du traitement
Réanimation (2010) 19, 587—592
MISE AU POINT
Intoxication grave à l’acide valproïque : place du
traitement antidotique et de l’épuration
extracorporelle
Severe valproic acid poisoning: Place of antidotal treatment and
extracorporeal removal techniques
J. Jezequel a,c,∗, N. Gauthier a, A. Alluin b, J.-L. Desmaretz b,
N. Guenault a, É. Desaintfuscien a, C. Canevet b, C. Bonenfant a
a
Service pharmacie, centre hospitalier d’Armentières, 112, rue Sadi-Carnot, 59421 Armentières, France
Service de réanimation, centre hospitalier d’Armentières, 112, rue Sadi-Carnot, 59421 Armentières, France
c
Service pharmacie, centre hospitalier Robert-Ballanger, boulevard Robert-Ballanger, 93600 Aulnay-Sous-Bois, France
b
Reçu le 10 février 2010 ; accepté le 13 juillet 2010
Disponible sur Internet le 5 août 2010
MOTS CLÉS
Acide valproïque ;
Intoxication ;
Épuration
extrarénale ;
l-carnitine ;
Antidote ;
Hémodialyse
∗
Résumé L’acide valproïque, antiépileptique largement prescrit, peut être à l’origine
d’intoxications graves. Après avoir décrit un cas d’intoxication sévère avec concentration plasmatique en acide valproïque à 1437 mg/L, nous nous proposons de faire une mise au point sur
la prise en charge de cette intoxication. Très peu de recommandations existent dans la littérature. Des publications mettent en avant les avantages d’une supplémentation en l-carnitine,
même si ses modalités d’administration restent discutées. Plusieurs observations plaident pour
l’intérêt de l’épuration extrarénale ; cependant, différentes techniques ont été utilisées, sans
qu’aucune n’ait apporté la preuve de sa supériorité. Ainsi, seules des études contrôlées randomisées pourraient permettre de valider l’efficacité des traitements antidotiques et d’épuration
dans l’intoxication par acide valproïque.
© 2010 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits
réservés.
Auteur correspondant. 91 bis, rue des Bourguignons, 92270 Bois-Colombes, France.
Adresse e-mail : [email protected] (J. Jezequel).
1624-0693/$ – see front matter © 2010 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2010.07.002
588
KEYWORDS
Valproic acid;
Poisoning;
Extracorporeal
removal
enhancement;
l-carnitine;
Antidote;
Hemodialysis
J. Jezequel et al.
Summary Valproic acid, a frequently prescribed antiepileptic drug, may be responsible of
severe poisonings. Following the description of a case of valproic acid poisoning resulting in a
peak plasma concentration of 1,437 mg/L, management of severe valproic acid intoxications
is reviewed. Definitive recommendations remain sparse. Several studies suggested the interest of l-carnitine; however, no consensus about its regimen exists. In addition, extracorporeal
techniques appeared in literature useful to enhance valproic acid elimination, although none
among these techniques was more effective. Thus, randomized controlled trials are warranted
to definitively assess the clinical interest of l-carnitine as well as extracorporeal drug removal
enhancement on the final poisoning outcome.
© 2010 Société de réanimation de langue française. Published by Elsevier Masson SAS. All rights
reserved.
Introduction
L’acide valproïque est un antiépileptique utilisé dans
le traitement des épilepsies généralisées ou partielles
de l’adulte et de l’enfant (spécialités Dépakine® ) et
dans les troubles bipolaires, en cas de contre-indication
ou d’intolérance au lithium (spécialités Dépakote® ou
Dépamide® ). L’intoxication associe une dépression neurologique centrale pouvant entraîner convulsions et évoluer
vers un coma aréflexique, un œdème cérébral, une atteinte
hépatique et pancréatique, une rhabdomyolyse et une
atteinte hématologique (thrombocytopénie et leucopénie,
conséquences d’une toxicité directe sur la moelle). Dans ces
cas graves, le bilan biologique montre habituellement une
acidose métabolique à trou anionique élevé, une hyperlactatémie et une hyperammoniémie.
D’un point de vue pharmacocinétique, la biodisponibilité
de l’acide valproïque est de 90 à 100 % [1—5]. Le pic plasmatique est atteint en une à deux heures pour les formes
à libération immédiate et en trois à huit heures pour les
formes à libération prolongée. La liaison aux protéines plasmatiques est de 80 à 90 % et le volume de distribution de
8 à 9 L. L’acide valproïque est fortement métabolisé. Son
élimination est rénale. La concentration thérapeutique est
comprise entre 50 et 100 mg/L et le seuil toxique se situe
au-delà de 200 mg/L.
L’objectif de ce travail est d’analyser à propos d’un cas
et à la lumière de la littérature, la place respective du traitement antidotique et de l’épuration extrarénale (EER) dans
les intoxications graves par acide valproïque.
Elle était transférée en réanimation. Elle présentait un
coma calme, avec des pupilles réactives et symétriques.
L’état hémodynamique était conservé. Le bilan montrait une
hyperleucocytose à 18 000/mm3 , une hyperammoniémie à
6,34 mg/L (N < 0,80), une concentration en acide valproïque
à 1437 mg/L et des créatine phosphokinases à 1323 UI/L
(N < 230) sans retentissement rénal. Il existait une acidose
métabolique avec un pH à 7,34, une PaCO2 à 27 mmHg, des
bicarbonates à 14 mmol/L, un trou anionique à 23,7 mmol/L
et des lactates à 390 mg/L (N < 220). Le bilan hépatique, les
enzymes cardiaques, la protéine C-réactive, l’hémoglobine
et les plaquettes étaient normaux. La patiente était intubée, ventilée et recevait un remplissage et 0,5 mg par
heure de noradrénaline pendant 48 heures. Une crise comitiale généralisée nécessitait la mise sous thiopental (100 mg
en intraveineux bolus puis 80 mg par heure). La tomodensitométrie cérébrale ne montrait pas d’œdème cérébral.
Un électroencéphalogramme continu était mis en place.
De nouvelles crises convulsives nécessitaient une ascension des doses de thiopental (160 mg par heure). Une
hémofiltration (HF) veinoveineuse continue (Prismaflex® )
était mis en place huit heures après l’admission, pendant 27 heures. Un traitement par l-carnitine (Levocarnil® ,
100 mg/kg par jour pendant 72 heures puis 50 mg/kg par
jour pendant cinq jours) était administré. La concentration
en acide valproïque diminuait ainsi de 1437 à 167,8 mg/L
pendant l’HF (Fig. 1). En parallèle, l’ammoniémie se
normalisait. Une bicytopénie apparaissait brutalement à
72 heures de l’hospitalisation (leucopénie à 1900/mm3 et
Observation clinique
Une femme de 24 ans avait ingéré, dans un but suicidaire, 125 comprimés de divalproate de sodium 500 mg
(Dépakote® , soit plus de 1000 mg/kg), 30 comprimés
d’alprazolam 0,5 mg et 40 comprimés de tiapride 100 mg.
Aux urgences, elle était asymptomatique et bénéficiait
d’un lavage gastrique avec administration de charbon
activé. Le bilan biologique était normal et la concentration
plasmatique d’acide valproïque de 72 mg/L (N : 50—100).
Rapidement, un trouble de la conscience apparaissait,
répondant au flumazénil (Anexate® ). Le lendemain, l’état
de la patiente s’aggravait avec un score de Glasgow à trois
et une concentration en acide valproïque à 1080 mg/L. Les
gaz du sang montraient une acidose métabolique.
Figure 1 Cinétique plasmatique de l’acide valproïque : t0 :
admission dans le service de réanimation. L’espace entre les
flèches correspond à la durée de l’épuration extrarénale (de
huit à 35 heures après l’admission).
Intoxication grave à l’acide valproïque : place du traitement antidotique et de l’épuration extracorporelle
thrombopénie à 20 000/mm3 ), justifiant une transfusion de
concentrés plaquettaires. L’hypothèse d’une thrombopénie induite par l’héparine faisant initialement interrompre
l’héparinothérapie était infirmée par la suite (anticorps
anti-PF4 négatifs et test d’agrégation normal). Une coagulation intravasculaire disséminée était également exclue
en l’absence de complexes solubles et de d-dimères. Au
décours de l’HF, la patiente était rapidement extubée. Le
réveil était lent avec un syndrome frontal et un ralentissement idéomoteur. L’électroencéphalogramme, qui montrait
initialement une souffrance cérébrale, s’était alors progressivement amélioré. Le bilan hématologique se normalisait en
sept jours. La patiente était transférée pour prise en charge
psychiatrique.
Discussion
La prise en charge d’une intoxication par acide valproïque
est basée sur les mesures symptomatiques comme toute
autre intoxication par psychotrope [1,2]. La décontamination digestive ne doit être effectuée que dans les
deux heures suivant l’ingestion, en respectant ses contreindications. Elle est basée sur le charbon activé. Celui-ci
peut être répété en cas de formes à libération prolongée. Pour la prise en charge spécifique, il existe très
peu de recommandations et l’intérêt des thérapeutiques
d’épuration extracorporelles n’a jamais été validé. Nous en
présentons ici une revue synthétique.
La l-carnitine
Selon son autorisation de mise sur le marché, la l-carnitine
n’est indiquée que pour le traitement substitutif des déficits prouvés en l-carnitine. Or l’acide valproïque entraîne
une hypocarnitinémie en raison d’une diminution de sa synthèse endogène et suite à la formation en grande quantité
d’acyl-carnitine [1—5]. Chez les enfants traités par acide
valproïque, la concentration en l-carnitine diminue pouvant justifier une supplémentation [3]. Dans un contexte de
prise d’acide valproïque, en se basant sur la littérature, la
l-carnitine semble efficace dans deux situations :
• lors d’effets secondaires graves : la l-carnitine est efficace pour normaliser le bilan biologique des patients
traités par acide valproïque et présentant une hyperammoniémie [6]. Des cas cliniques montrent son efficacité
en cas d’encéphalopathie avec hyperammoniémie [7,8]
ou de toxicité hépatique [9]. La survie de 58 % observé
chez les patients dont l’hépatotoxicité est traitée par lcarnitine versus une survie de 10 % en cas de prise en
charge non spécifique est une preuve de son action antidotique [10] ;
• lors d’une overdose [1—5,11—18] : les posologies administrées varient alors de 25 à 150 mg/kg par jour, en deux
ou trois prises. Une posologie de 600 mg/kg par jour
a même été rapportée [16]. Certains auteurs décrivent
l’utilisation d’une dose de charge [1,2]. Les seules
recommandations sont celles du Pediatric Neurology Advisory Committee de 1996 qui préconise l’utilisation de
l-carnitine chez l’enfant intoxiqué, à la posologie de 150 à
500 mg/kg par jour [17]. La tolérance est excellente.
589
Sur 674 patients exposés à l’acide valproïque rapportés
par le Centre antipoison de Phœnix, 254 ont reçu de
la l-carnitine sans aucun effet indésirable [18]. Ainsi,
l’administration de l-carnitine est sans danger. C’est
pourquoi, même si son efficacité n’est pas établie, son
utilisation paraît pertinente lors d’intoxications massives,
responsables, entre autres, de troubles métaboliques,
hépatiques ou d’œdème cérébral.
Épuration extrarénale
Généralités
Les propriétés physicochimiques de l’acide valproïque n’en
font pas un excellent candidat à l’EER. Sa liaison aux protéines plasmatiques est forte et sa fraction libre dialysable
est donc faible. Cependant, il a été démontré que le pourcentage de formes liées diminue avec l’augmentation de
la concentration plasmatique : 75 % pour des concentrations
supérieures à 150 mg/L et 35 % pour des concentrations supérieures à 300 mg/L [19—22]. Cela est lié à un phénomène de
saturation des sites de liaison. Les auteurs considèrent ainsi
que l’élimination peut être accélérée par l’EER en cas de
concentration massive.
Technique utilisée dans notre cas
Dans notre cas, une hémofiltration veinoveineuse continue
(CVVHF) a été réalisée pendant 27 heures. L’élimination
de l’acide valproïque suivait une cinétique d’ordre 1. Les
constantes d’élimination (ke ) et les demi-vies d’élimination
(T1/2 ) ont été déterminées avant, pendant et après l’EER
grâce aux équations ke = ln(Ct /Ci )/t et T1/2 = (ln2/ke ). La
T1/2 passait de 31,6 à 9,5 heures sous EER (Tableau 1). L’HF
avait donc favorisé une élimination plus rapide de l’acide
valproïque.
Techniques utilisées dans la littérature [23]
Hémodialyse conventionnelle (HD). Quinze patients ont
été traités avec succès par cette technique [13,21,24—29]
(Tableau 2). Elle permet d’accélérer l’élimination de l’acide
valproïque (T1/2 entre 1,4 et 6,4 heures), sous réserve d’un
état hémodynamique satisfaisant. Un rebond de la concentration plasmatique peut apparaître en fin de dialyse,
nécessitant alors une nouvelle séance. L’efficacité de l’HD
semble d’autant plus importante que la concentration est
élevée. Le nombre de séances (entre un et trois) et les
durées (entre trois et huit heures) sont variables. Une HD
à haut flux a été utilisée dans deux cas, sans efficacité clairement supérieure [24,25].
Tableau
1 Paramètres
pharmacocinétiques
pour
l’hémofiltration (HF) veinoveineuse de l’acide valproïque
chez notre patiente.
Valeurs des constantes
Avant HF
Pendant HF
Après HF
ke (h−1 )
T1/2 (h)
0,022
31,6
0,073
9,5
0,018
37,7
ke : constante d’élimination ; T1/2 : demi-vie d’élimination.
590
J. Jezequel et al.
Tableau 2
Revue des intoxications à l’acide valproïque publiées traitées par épuration extrarénale.
Auteur
Année
Hémodialyse conventionnelle
Johnson et al. [25]
1999
[VPA] max
(mg/L)
Type EER
Durée (h)
T½ avant
(h)
T½ pendant
(h)
1380
HD high flux
7,2
2,4
HD high flux
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
HD
6
4
4
8
4h×3
4,5
5,45 & 3
8
8
3,3
HP
HP
HP
HP
HP
Kane et al. [24]
Hicks et McFarlane [27]
Minville et al. [13]
Meek et al. [21]
Singh et al. [28] (5 cas)
2000
2001
2003
2004
2004
Eyer et al. [29] (4 cas)
2005
Mestrović et al. [26]
2008
1294
1000
560
846
1436
637
531
410
607
1700
1035
608
520
1320
Hémoperfusion
Graudins et Aaron [30]
Matsumoto et al. [31]
Rahman et al. [33]
Peces et al. [32]
Jung et al. [16]
1996
1997
2006
2007
2008
1380
800
490
335
1159
Hémofiltration
Van Keulen et al. [34]
2001
711
CAVH
2009
2009
595
1244
CVVH
CVVH
10 (sur
17 h)
17
19
Hémodiafiltration
Minari et al. [37]
Blayac et al. [14]
2002
2003
2493
342
HDF
HDF
3
24
Association
Tank et Palmer [38]
Franssen et al. [22]
1993
1999
1262
1414
Kay et al. [39]
2003
1402
4
3
3
8
4
Singh et al. [28] (1 cas)
Al Aly et al. [40]
2004
2005
268
550
Licari et al. [36] (1 cas)
2009
793
HD/HP
HD/HP (charbon)
HD/HP (résine)
HDF
HD
HDF
HD/HP × 2
HD/HP
HDF
HD
HDF
HD
Licari et al. [36] (1 cas)
Van den broek et al. [35]
31,3
48,3
60,4
10,2
1er
2e
3e
charbon
charbon
charbon
charbon
charbon
3
6
2
3
6 h puis
2×3h
4 & 1,15
4
18
6
4,4
8,5
T½ après
(h)
2,74
2,25
6,4a
3,3
2,2
2,2
1,4
23,41
22,7
5,2
3,6
2,6
2,5
5,1
6,2
10,3
62,7
35
3
1,8
<1
5,5
6,8a
4,8
7,3
300
32,4
35,1
21,4
25,4
11,3
22,6
5,5
2,15
13
20
28,5
1,7
2,1
2,6
16,1
2,2
4,3a
3,6
11,5
74,1
9
[VPA] : concentration en acide valproïque ; HD : hémodialyse ; HP : hémoperfusion ; CAVH : hémofiltration artérioveineuse continue ;
CVVH : hémofiltration veinoveineuse continue ; HDF : hémodiafiltration.
a Première session de dialyse.
Hémoperfusion (HP) sur charbon ou résine. La forte
absorption de l’acide valproïque sur le charbon ou la résine
permet d’augmenter son élimination ainsi que celle de ses
métabolites toxiques. Cinq cas ont été retrouvés dans la
littérature [16,30—33]. Les T1/2 d’élimination étaient comprises entre 1,0 à 5,5 heures, pour des séances de deux à six
heures. Dans un cas, la colonne a dû être changée après trois
heures en raison d’une baisse d’efficacité [31].
Intoxication grave à l’acide valproïque : place du traitement antidotique et de l’épuration extracorporelle
Hémofiltration. Une HF artérioveineuse continue de dix
heures a permis une élimination significative (T1/2 de
7,3 heures) et une amélioration de l’état clinique d’une
patiente ayant ingéré 30 g d’acide valproïque [34]. Deux
autres cas ont été retrouvés (concentrations respectives de
595 et 1244 mg/L), avec une efficacité similaire [35,36].
Hémodiafiltration (HDF). Après ingestion de 160 g d’acide
valproïque, une patiente a été traitée par HDF veinoveineuse de trois heures [37]. La T1/2 d’élimination initialement
de 25,4 heures a été réduite à 2,15 heures pendant la
procédure, avec baisse de la concentration de 2493 à
821 mg/L. Chez une autre patiente ayant ingéré 30 g de valpromide associé à de l’alcool, une HDF de 24 heures a permis
une amélioration de l’état hémodynamique, neurologique et
une normalisation du bilan biologique.
Association de plusieurs méthodes. L’association HD—HP
« en série » a été décrite pour trois patients [22,38,39]. Dans
un cas [39], la patiente a été traitée par la suite par une HDF
pendant 48 heures en raison d’un rebond de la concentration
en acide valproïque. Hicks et McFarlane, après analyse de
11 cas [27], et Singh et al., après analyse de six cas [28], ont
cependant montré que l’ajout d’une HP n’apportait rien de
plus à une HD seule. L’épuration par HP semble en effet
limitée par la saturation rapide de la colonne et le risque
d’effets indésirables, en particulier de thrombopénie.
Licari et al. décrivent le cas d’une patiente de 28 ans
traitée successivement par HD pendant huit heures puis par
HDF pendant une nuit, afin de limiter les troubles hémodynamiques, et enfin par HD le matin [36]. Cette méthode a
permis de faire chuter la concentration d’acide valproïque
de 793 mg/L (pic suite à l’ingestion de 16 g) à 157 mg/L. Une
patiente de 39 ans, retrouvée inconsciente après la prise
de 60 g de valproate de sodium, a été initialement mise
sous HDF pendant huit heures [40]. L’état de la patiente
ne s’améliorant pas, une HD a été mise en place pendant
quatre heures, conduisant à la régression des symptômes.
Cependant, devant la persistance d’une hypotension, l’HD a
été remplacée par une HDF. En effet, cette dernière technique est mieux tolérée sur le plan hémodynamique, avec
un intérêt pour limiter le rebond observé à l’arrêt d’une HD.
Il semble donc difficile de conclure à la supériorité d’une
méthode d’EER par rapport à une autre. Le traitement par
HD est le mieux décrit dans la littérature, avec l’avantage
d’une mise en place facile et de peu d’effets indésirables.
L’HF est mieux tolérée sur le plan hémodynamique et peut
être envisagée en cas de choc. L’HDF est essentiellement
utilisée en cas de rebond des concentrations d’acide valproïque à l’arrêt de l’EER. L’HP voit son efficacité limitée par
la saturation rapide des colonnes et un risque d’effets indésirables plus important. Les différentes associations d’EER
sont peu décrites et il est donc difficile d’en connaître
l’éventuel intérêt. Le choix de la technique doit donc être
orienté par l’état clinique du patient, la disponibilité de
l’appareil et la pratique du service de réanimation.
Conclusions
Notre cas montre qu’un traitement par l-carnitine et
EER peut se révéler utile pour la prise en charge d’une
intoxication massive par acide valproïque. De nombreuses
publications sont retrouvées sur le sujet, mais ce sont
591
essentiellement des cas cliniques et des revues. Le nombre
de patients traités est donc relativement faible. Seule
la recommandation du Pediatric Neurology Advisory Committee de 1996 préconise l’utilisation de l-carnitine pour
la prise en charge de la toxicité de l’acide valproïque
chez l’enfant. Il existe, par ailleurs, une grande hétérogénéité dans les méthodes d’EER utilisées ainsi que dans les
modalités de leur mise en place. Il en est de même pour la lcarnitine, où les protocoles d’administration sont variables.
Seule une étude randomisée permettrait de déterminer
l’intérêt relatif de chacun de ces traitements. Cependant,
une telle étude est difficile à mettre en place en raison du
faible nombre d’intoxications graves.
Conflit d’intérêt
Aucun.
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