La préoccupation environnementale et l`industrie nautique

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La préoccupation environnementale et l`industrie nautique
Dossier
Activités maritimes et environnement
La préoccupation environnementale
au cœur du développement
de l’industrie nautique
Vers une plaisance bleue basée sur l’approche
du cycle de vie du bateau
Jean-François Fountaine
Président de la Fédération des industries nautiques
A
ujourd’hui, la pollution marine (mer et eaux côtières) est due pour près de
80 % à des activités terrestres. L’ensemble des activités maritimes, y compris
le transport maritime, représente « seulement » 12 % de la pollution marine.
Pratiquées en bord de mer ou sur des lacs, les activités nautiques et notamment la plaisance, sont parfois mises en cause car aisément visibles du grand public. Pourtant, selon
l’étude réalisée à la demande de la Confédération européenne des industries nautiques
(ECNI) : L’Impact environnemental du nautisme1, la plaisance générerait moins de 1 %
de la pollution marine totale.
Pour autant, en dépit de ce faible impact du nautisme sur l’environnement,
l’industrie nautique française a, depuis plusieurs années, intégré la préoccupation environnementale dans son mode de développement, afin de réduire cet impact à son
minimum et ce, à différents niveaux.
En premier lieu, il est important de prendre en considération ce qui fait la singularité d’un bateau et de bien identifier l’ensemble des impacts potentiels des activités
nautiques sur l’environnement. La filière nautique tout entière mène ainsi depuis plusieurs années des travaux visant à intégrer encore plus significativement la préoccupation environnementale à ses activités, tout au long du cycle de vie du bateau. Ceux-ci
s’orientent autour de trois axes : l’outil industriel, l’usage du bateau et sa fin de vie.
1 http://www.ecni.org/fichiers/0906%20ECNI%20Environmental%20Report%20FR.pdf
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Le cycle de production (outil industriel)
L
a construction de bateaux de plaisance offre un large choix de matériaux et de
méthodes, qui visent à produire un bateau durable, résistant et autonome. Tous
les matériaux de construction présentent des avantages et des inconvénients au
plan de l’impact environnemental. Si la grande majorité des bateaux sont aujourd’hui
construits en matériaux composites, le bois - contreplaqué ou bois moulé -, l’aluminium et même l’acier dans une moindre mesure, sont également utilisés. Le recours à
ces derniers matériaux présente un certain nombre d’avantages, notamment en matière
de recyclage, puisqu’ils peuvent être très largement récupérés et réutilisés.
Il reste donc maintenant à progresser sur le composite. Sur ce sujet, les efforts
de l’ensemble de la profession portent tant sur la réduction des émanations dans l’atmosphère durant la phase de production (COV2 et CO2) - et par conséquent, sur le renforcement de la sécurité des personnels - que sur la gestion des déchets. Pour ce faire, de
nombreuses entreprises ont consenti des investissements particulièrement lourds afin
d’effectuer une migration vers de nouvelles technologies de production sans émissions,
en moule fermé ou en infusion. Ces nouvelles techniques de production, mais aussi
l’ensemble des initiatives volontaires en matière de recherche et développement dans le
domaine des matériaux composites recyclables et des composites biodégradables, permettent de maintenir le niveau d’émission total à un seuil relativement faible.
L’usage du bateau
L’
objectif principal réside dans la conception d’embarcations à plus faible impact
encore sur l’environnement ; mais le bateau n’est pas un « produit » comme
les autres, puisqu’il est à la fois un moyen de transport et un lieu de vie.
Sur l’aspect transport, tout d’abord, si la voile est, par définition, le mode de
propulsion le plus propre, elle peut encore progresser en termes d’efficacité et ainsi permettre de réduire l’usage du moteur auxiliaire. Parallèlement, d’importants progrès ont
été effectués depuis plusieurs années au niveau de la motorisation. L’étude de L’impact
environnemental du nautisme, évoquée plus haut, a permis de constater que le nautisme
représenterait sensiblement moins de 2 % des émissions d’hydrocarbures. Les professionnels de la propulsion poursuivent la recherche visant à mettre au point de nouvelles
générations de moteurs aux émissions de gaz encore plus réduites, alors qu’elles ont
déjà baissé de 30 % en dix ans, tout en combinant rendement optimal, consommation
réduite, puissance et respect de l’environnement… Mais l’information du plaisancier en
matière de bonnes pratiques apparait cruciale car les causes possibles de pollution marine aux hydrocarbures peuvent, pour une grande partie, être imputables à l’usage qui
est fait des bateaux et moteurs : avitaillement en carburant, mauvais entretien, huiles de
moteur, rejet des eaux de fond de cale, etc. D’autre part, en matière de bruit, tous les
bateaux de plaisance produits en Europe sont déjà très en deçà des limites sonores établies par la règlementation communautaire qui a déjà conduit à une réduction de 70 %
2 Composés organiques volatiles. NDR
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des émissions sonores. De nouvelles avancées technologiques vont vraisemblablement
continuer à réduire le bruit d’origine mécanique. En revanche, le bruit de la coque étant
plus difficile à contrôler, il est là aussi essentiel que les plaisanciers soient informés des
comportements à adopter dans les zones sensibles et protégées, notamment en matière
de vitesse.
Sur l’aspect habitation, à présent, et plus précisément, vie à bord. Les professionnels du nautisme sont très attachés à ce que
le bateau, en tant que logement, ait l’impact Prix Bateau bleu
le plus bas possible sur l’environnement.
haque année dans le cadre du Prix
L’installation de bacs de rétention ou de
Bateau bleu, la Fédération des indussystèmes de traitement des eaux noires sur
tries nautiques incite les particuliers
les bateaux parait essentielle ; c’est la raison et professionnels à inventer les concepts et
pour laquelle la Fédération des industries technologies de demain adaptés à la plaisance
nautiques incite depuis cinq ans les profes- et allant dans le sens d’une plus grande prosionnels à s’engager dans son programme de tection de l’environnement marin. Si l’édition
labellisation Bateau bleu3, dont l’objectif est 2009 s’intéressait à la gestion des déchets à
de promouvoir des bateaux et équipements bord, après avoir traité des systèmes embarqués
respectueux de l’environnement. Pour de traitement des eaux noires, des économies
d’énergie à bord, de l’éco-conception ou de la gesautant, il est indispensable d’aller plus loin
tion de l’eau à bord, le Prix 2010 récompensera
encore : prévoir des dispositifs de tri sélectif le meilleur projet en matière de production et
à bord et toujours, encourager les plaisan- de gestion de l’énergie à bord.
ciers à utiliser exclusivement, à bord comme
à la maison, des détergents et produits d’hygiène respectueux de l’environnement.
Au plan de la consommation énergétique, enfin, l’action menée par les professionnels du nautisme vise à permettre de trouver les sources de production énergétiques
les plus appropriées tant pour l’éclairage que pour l’alimentation des services à bord.
Cette habitation doit, naturellement, stationner dans un endroit abrité. Au
niveau des infrastructures d’accueil, les ports se doivent eux aussi d’être exemplaires,
ainsi que l’a souhaité le Ministre d’État Jean-Louis Borloo en lançant fin 2008 l’Appel à
projet pour des ports de plaisance exemplaires4. Les professionnels du nautisme attendent
beaucoup de cet appel à projets prévu sur trois ans, auquel la Fédération des industries
nautiques apporte un soutien financier, visant à encourager le développement de projets
innovants d’amélioration des capacités d’accueil. La toute première édition, qui a « labellisé » 10 projets, devrait déjà permettre d’aboutir à terme, à la création de quelques
4 000 nouveaux emplacements ; les attentes sont naturellement également très élevées à
l’égard des éditions 2010 et 2011. Parallèlement, il est certain qu’une majorité de ports
a, aujourd’hui, entrepris d’importants chantiers en s’équipant tant en aires de carénages
propres que d’installations de récupération adaptées à leurs spécificités, permettant d’éliminer les résidus d’hydrocarbures et d’huiles, les eaux noires des embarcations et les déchets domestiques… Il est absolument essentiel qu’ils poursuivent, eux aussi, leurs efforts
en ce sens, afin que ces équipements deviennent, progressivement, systématiques.
C
3 www.industriesnautiques.fr, Rubrique « Les grands dossiers », Programme Bateau bleu.
4 http://www.mer.gouv.fr/IMG/pdf/Cahier_des_charges_AAP_2010_cle2fbd9c.pdf - NDR
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Enfin et surtout, durant cette phase d’usage, le maillon essentiel de l’ensemble de ce dispositif d’amélioration de l’impact environnemental du nautisme est bien
évidemment le plaisancier lui-même au travers de son mode de consommation de la
plaisance et de sa manière de naviguer.
La fin de vie
L
a Fédération des industries nautiques travaille depuis 2002 à la question du
devenir des bateaux hors d’usage. Afin d’avoir une meilleure connaissance du
gisement réel de bateaux en fin de vie, mais aussi et surtout, afin d’apporter des
réponses appropriées et respectueuses de l’environnement aux propriétaires de bateaux
impropres à la navigation ou devenus hors d’usage, l’Association pour la plaisance éco responsable5 a été créée début 2009. Basée à Caen, son rôle est d’organiser et animer la mise
en place de la filière française de déconstruction et de recyclage des bateaux de plaisance
hors d’usage (BPHU) et par extension, des autres filières de déchets liés à l’ensemble
des activités du nautisme. Parce qu’il n’est plus tolérable que ces bateaux soient laissés à
l’abandon comme c’est parfois encore le cas…
Bien que les industries nautiques soient concrètement peu polluantes, les
professionnels du nautisme sont résolument convaincus de la nécessité de poursuivre
les efforts entrepris. Il en va de l’avenir des activités nautiques car il ne saurait être de
plaisance sans un environnement naturel préservé. Mettre sur le marché des produits
toujours plus respectueux de l’environnement, tant dans leur processus de fabrication
que dans l’usage qui en sera fait, ou même en fin de vie, est désormais leur priorité.
Poursuite des initiatives en cours et développement de nouvelles orientations figurent
ainsi aujourd’hui au tout premier plan des préoccupations d’une filière qui a toujours
été aux avant-postes de l’innovation. Et ce, plus particulièrement encore dans ces temps
de grande instabilité, car la prise en compte environnementale constitue très probablement l’une des clés qui permettra à l’industrie nautique française de conserver sa
position de force sur les marchés internationaux.
Les plaisanciers et les pratiquants d’activités nautiques sont la pierre angulaire
de ce dispositif et ont un rôle personnel essentiel à jouer pour limiter l’impact du nautisme sur l’environnement. Il est, par conséquent, absolument primordial que soient
poursuivis les efforts réalisés visant à sensibiliser le grand public à la nécessité d’adopter
des comportements adaptés et éco responsables.
Un autre enjeu pour les industries nautiques françaises réside dans le niveau
où s’établit la législation. Aujourd’hui, les marchés sont internationaux, la plaisance
française exporte plus des deux tiers de sa production, les réglementations sont internationales et quasiment toujours européennes. Il est donc indispensable que les problématiques que la France envisagerait de résoudre par voie législative soient en premier lieu
portées au niveau européen et ne soient pas traitées seulement au niveau national pour
éviter des distorsions de concurrence qui seraient alors automatiquement défavorables
aux entreprises hexagonales.
5 www.aper.asso.fr - NDR
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