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Article original
COUVERTURE VACCINALE ET DÉTERMINANTS DE
L’ÉTAT VACCINAL DES ENFANTS DE 12-23 MOIS
DANS UN DISTRICT SANITAIRE DE CÔTE D’IVOIRE
EN 2007
RÉSUMÉ
Auteurs
EKRA K. D.Τ,
TIEMBRÉ I.Τ,
BÉNIÉ B. V. J.Τ,
DOUBA A.Τ,
AKA L., N.Τ,
ATTOH-TOURÉ H.Τ,
MAGONI M.Ξ,
DAGNAN N. S.Τ,
ODÉHOURI K.P.£,
TAGLIANTE-SARACINO J.Τ
Services
Les stratégies vaccinales pour atteindre les cibles doivent
régulièrement être adaptées, tenant compte des données de
couverture vaccinale et de ses déterminants. Nous avons effectué
dans le district de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire une étude qui
avait pour objectif d’estimer la couverture vaccinale des antigènes du
Programme Elargi de Vaccination chez les enfants âgés de 12 à 23
mois et de déterminer les raisons de non vaccination et les facteurs
associés à la vaccination des enfants.
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Pour tenir compte des deux zones qui caractérisent ce district,
urbaine et rurale, nous avons effectués un sondage en grappes à
deux degrés, stratifié selon le lieu. Dans chaque strate, 40 grappes
de 7 enfants ont été inclus dans l’étude après le consentement éclairé
des mères. Les informations sur leur état vaccinal et celles relatives
aux raisons de non vaccination ont été collectées. Les couvertures
vaccinales par antigènes ont été estimées et la recherche des facteurs
associés à l’état vaccinal effectuée par une analyse multivariée.
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La couverture vaccinale de la troisième dose de Diphtérie, Tétanos,
Coqueluche et Hépatite était de 77,4% [IC95% : 72,8-81,5] pour le
district de Grand-Bassam et respectivement de 73,4% et 80,1% pour
les zones rurales et urbaines. L’analyse mutivariée montre que la non
vaccination des enfants est associée à l’accessibilité géographique
notamment les zones éloignées, de la parité élevée, la nationalité
étrangère et l’absence de scolarisation. Les causes de non vaccination
les plus évoquées étaient l’occupation des mères (16,4%), les ruptures
en vaccins (15,1%) et l’insuffisance d’information de ces dernières
sur la vaccination (12,6%).
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T: Département de Santé
Publique, UFR Sciences
Médicales, Université de
Cocody, Abidjan en Côte
d’Ivoire
ξ : ONG Terre des Hommes
£ : Institut National d’Hygiène
La couverture vaccinale à Grand-Bassam était plus élevée que
Publique
la moyenne nationale pour tous les antigènes. Les efforts pour
renforcer la couverture vaccinale et atteindre l’objectif national
de 80% doivent passer par la prise en compte des facteurs
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Correspondance
Ekra Kouadio Daniel
22 BP 458 Abidjan 22
susceptibles d’influencer la vaccination des enfants notamment
l’amélioration de l’accessibilité des zones rurales éloignées, le
renforcement de la politique de planification des naissances
et la communication efficace sur la vaccination.
Email : [email protected],
Mots-clés : Couverture vaccinale, programme élargi de
[email protected]
vaccination, facteurs, Côte d’Ivoire
Cah.EKRA
Santé Publique,
n°2- 2007vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
K. D. & Vol.
al. :6,Couverture
© EDUCI 2007
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ABSTRACT
Vaccine strategies to reach the targets must regularly be adapted, taking account of the
vaccine coverage data and its determinants. We made in Grand-Bassam district in Ivory
Coast a study which aimed to consider the vaccine coverage of the antigens of the Enhanced
Programme of Immunization in the older children from 12 to 23 month and to determine the
reasons of non- immunization and the factors associated with children vaccination.
To take account of the two zones which characterize this district, urban and rural, we
carried out a cluster sampling with two degrees, laminated according to place. In each layer,
40 bunches of 7 children were included in the study after the enlightened assent of mothers.
Information on their vaccine state and those relative to reasons of non- immunization were
collected. The vaccine coverage by antigens was estimated and associated factors of vaccine
state were made by a multivariate analysis.
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The vaccine cover of third injection of Diphteria, Tetanus, Whooping-cough and Hepatitis
was of 77, 4% [confidence interval 95%: 72,8-81,5] for the district of Grand-Bassam and
respectively of 73,4% and 80,1% for the rural areas and urban. Our analysis shown that
weakness of children vaccination is associated with geographical accessibility in particular
the distant areas, of the raised parity, foreign nationality and the absence of schooling.
Causes of non-vaccination most evoked by mothers was their occupation (16,4%), ruptures
in vaccines (15,1%) and the absence of information on immunization (12,6%). The vaccine
coverage of Grand-Bassam was higher than the national average for all the antigens. The
efforts to increase vaccine coverish and to aim national target of 80% must pass by taking
into account factors likely to influence immunization of children in particular improvement
accessibility of rural distant areas, reinforcement of the planning policy of births and
effective communication on immunization.
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Key words : Vaccine coverage, Enhanced Program of Immunization, factors, Côte
d’Ivoire
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INTRODUCTION
Dans les années 70, la situation sanitaire mondiale montrait que chaque année 17
millions d’enfants dont 5 millions âgés de moins d’un an mouraient dans le monde
de maladies contagieuses, de malnutrition ou de diarrhée. C’est ainsi qu’en 1974, le
Programme Elargi de Vaccination (PEV) a été mis en place par l’Organisation mondiale de
la Santé (OMS) afin de protéger les enfants contre les maladies évitables par la vaccination
[COULIBALY M, 2004 ; DOUBA, 2008].
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En Côte d’Ivoire, le PEV a démarré en 1978. En 2007, ce programme est dirigé contre
la tuberculose, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite, la rougeole, la fièvre
jaune et l’hépatite virale B. [DOUBA, 2008 ; ZIAO A-MCC, 2004].
La réduction de la mortalité et de la morbidité de ces maladies est liée à l’augmentation
de la couverture vaccinale. Au plan national, cette couverture était de 47,3% pour la
troisième dose de DTC-Hépatite (DTC-Hép3), selon l’enquête de la revue générale du
PEV en 2006 [APLOGAN A, 2006]. L’analyse des données administratives de l’année
2006 donnait une couverture nationale du DTC-Hép3 de 77% largement au dessus
de la couverture obtenue par enquête. Ce qui amène à s’interroger sur la validité des
couvertures vaccinales administratives par district.
Cah. Santé Publique, Vol. 7, n°2- 2008
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Depuis 2005, le district de Grand-Bassam bénéficie d’un projet de renforcement
des activités de vaccination par l’ONG Terre des Hommes. Dans ce district sanitaire, la
population cible peut être géographiquement repartie sur deux zones, urbaine et rurale.
Ces zones présentent des caractéristiques socioculturelles et démographiques différentes
qui pourraient influencer la couverture vaccinale des enfants.
Au démarrage du projet, la couverture vaccinale était de 56%. Qu’en est-il en 2007 ?
Les performances sont-elles homogènes sur l’ensemble du district sanitaire ? Y-a-t-il des
facteurs associés à la vaccination des enfants ?
Nous avons réalisé ce travail pour étudier la couverture vaccinale des antigènes du
PEV et les facteurs qui sont associés à la vaccination des enfants de 12-23 mois dans
le district sanitaire de Grand-Bassam. Les objectifs spécifiques de cette étude étaient i)
d’estimer la couverture vaccinale des antigènes du PEV chez les enfants âgés de 12 à 23
mois, ii) de comparer les couvertures vaccinales du PEV chez les enfants âgés de 12 à 59
mois entre les zones urbaine et rurale et iii) de déterminer les raisons de non vaccination
et les facteurs associés à la vaccination des enfants âgés de 12 à 23 mois dans le district
sanitaire de Grand-Bassam.
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1. MATÉRIEL ET MÉTHODES
Cadre de l’étude
Le district sanitaire de Grand Bassam est situé à 15 kilomètres à l’Est de la ville
d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire et couvre le département du même
nom. Ce dernier est une zone de production de culture de rente (hévéa, café, cacao,
ananas, palmiers à huile) et de cultures vivrières et maraîchères (riz, igname, tomate,
etc.). En 2007, la population était estimée à 176 246 habitants (estimation faite à partir
du recensement général de la population et de l’habitat, 1998) sur une superficie de 940
km2, avec une densité de 180 habitants/km2. Les enfants de moins de 5 ans représentaient
15% de la population totale du district sanitaire. La population étrangère représentait
environ 35% de la population globale, en majorité les Burkinabè qui constituaient 60%
des étrangers.
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La zone urbaine du district sanitaire est constituée de deux villes, Grand Bassam et
Bonoua, où habitent 60% de la population. A Grand-Bassam, la population est estimée à
62 796 habitants répartis sur 11 quartiers et à Bonoua 39 824 habitants sur 4 quartiers.
La zone rurale est constituée de 31 villages et 411 campements avec une population de
68 493 habitants. Au plan sanitaire on note deux hôpitaux généraux et 9 Centres de
Santé Ruraux qui pratiquent tous la vaccination.
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Type et durée de l’étude
Nous avons réalisé une enquête transversale par sondages en grappes à deux degrés,
stratifiée selon le lieu de résidence, zone rurale et urbaine. Elle s’est déroulée dans le
district sanitaire de Grand Bassam du 05 au 26 Février 2007.
Population de l’étude et échantillonnage
La population d’étude était la population des enfants âgés de 12-23 mois du district
sanitaire de Grand Bassam.
EKRA K. D. & al. : Couverture vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
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Etait inclus dans l’étude, tout enfant de 12 à 23 mois résidant dans le district sanitaire
de Grand Bassam pendant la période de l’étude, et pour qui le consentement éclairé a
été obtenu. Etait exclus, tout enfant de 12 à 23 mois résidant dans le district sanitaire
de Grand Bassam pendant la période de l’étude et dont la mère a refusé la participation
de son enfant à l’étude.
La taille de l’échantillon dans chaque strate, était calculée à partir d’une couverture
attendue en DTC-HépB3 de 56% avec une précision de 8,2%, un risque d’erreur de 5%
et un effet grappe de 2. Elle était estimée à 280 dans chaque strate.
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Un sondage en grappes à deux degrés a été réalisé dans chaque strate. Le premier
degré était le tirage des foyers dans les quartiers et villages et le 2ème degré, le tirage des
enfants dans les foyers. Au total, 40 grappes urbaines et 40 grappes rurales de 7 enfants
chacune ont été tirées.
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Collecte des données
L’enquête a été conduite pendant le mois de Février 2007 par 5 équipes. Chaque
équipe comprenait 2 médecins enquêteurs et un guide du village ou du quartier. Les
données ont été recueillies sur des fiches d’enquêtes suite à un entretien avec les mères
et à l’exploitation des carnets de vaccination.
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Les variables recueillies étaient l’âge et le sexe des enfants, leur état vaccinal en rapport
avec les antigènes du PEV (BCG, DTC-HepB, polio, Rougeole, Fièvre jaune), l’âge des mères,
leur lieu de résidence, leur niveau d’instruction et les raisons de non vaccination.
Monitoring et assurance qualité des données
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Des visites quotidiennes de supervision des enquêteurs ont été effectuées par le
médecin coordinateur portant sur le respect du protocole et des modalités pratiques de
l’étude notamment le recueil des consentements et la qualité du recueil des données.
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Analyse des données
Les couvertures vaccinales ont été estimées dans chaque strate et au niveau du district
sanitaire avec leur intervalle de confiance, en tenant compte du poids de chaque zone
concernant la taille de la population. Les fréquences des causes de non vaccination ont
été calculées. Le statut vaccinal a été pris comme variable dépendante pour l’étude de
l’association avec les facteurs. Une analyse univariée a été réalisée avec calcul de risques
relatifs. Les tests statistiques ont été réalisés avec un seuil de signification de 5%.
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2. RÉSULTATS
Au total 576 enfants ont été enquêtés dont 289 en zone rurale et 287 en zone urbaine.
Le sex ratio était de 0,96 homme pour 1 femme. 87,7% des enfants possédaient un carnet
de vaccination dont 86,8% en zone rurale et 88,5% en zone urbaine. Sur l’ensemble de
l’échantillon, la possession de carnet n’était pas différente dans les 2 groupes (p=0,5).
Estimation des couvertures vaccinales
Les couvertures vaccinales par antigène, les taux d’abandon et le statut vaccinal sont
présentés dans le tableau I. La couverture vaccinale DTC-Hep3 était de 73,4% en zone
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rurale, 80,1% en zone urbaine et 77,4% pour l’ensemble du district sanitaire de GrandBassam. Elle était statistiquement plus élevée en zone urbaine qu’en zone rurale (p<10-2).
Il était de même pour la couverture du BCG (p<10-4). Par contre, les couvertures DTCHep1, Polio3, VAR (vaccin anti rougeoleux) et Antiamaril n’étaient pas statistiquement
différentes dans les deux zones.
Indicateurs de la qualité des services
Les enfants complètement vaccinés avant l’âge d’un an qui avaient respecté tous les 5
indicateurs de qualité mentionnés au tableau II ont été considérés comme complètement
et correctement vaccinés (dernière ligne du tableau I). Le pourcentage était plus élevé
en zone urbaine (53,3%) contre 36,7% en zone rurale, p<10-4). Les taux d’abandon ne
différaient pas significativement dans les deux zones (p=0,07)
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Raisons de non vaccination ou de vaccination incomplète des enfants selon les
mères
Pour 155 sur 157 enfants qui n’avaient pas fait la vaccination ou qui avaient eu
une vaccination incomplète on a obtenu les raisons de non vaccination (Tableau III). Le
manque de motivation (25,7%), le fait que la mère était trop occupée (16,4%) et l’ignorance
sur la nécessité de la vaccination (12,6%) étaient les motifs plus souvent déclarés par
les mères.
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Dans 15,1% des cas (n=23) les mères ont aussi déclaré que le vaccin n’était pas
disponible, la plupart (13 cas) étant dans la zone rurale éloignée.
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Facteurs associés à la vaccination
Le résultat de l’analyse univariée se trouve dans le tableau IV. Le sexe n’était pas
associé à la vaccination. Les ivoiriens avaient 2 fois plus de chance d’être vaccinés que
les étrangers (p<10-4). Quand au niveau de scolarisation des mères, les enfants des mères
ayant un niveau secondaire ou supérieur avaient 3 fois plus de chance d’être vacciné que
ceux dont les mères n’ont pas été scolarisées (p<10-4). Les enfants des mères du niveau
primaire n’était pas plus vaccinés que ceux des mères non scolarisées. L’âge des mères
répartis par groupe (<20 ans, 20-29 ans, 30-39 ans, ≥40 ans) n’était pas associé à la
vaccination des enfants. Concernant la parité, l’enfant avait 2 fois plus de chance d’être
vacciné quand il est seul que lorsque la mère en avait plus de quatre (p<10-2). Les enfants
d’une fratrie de 2 à 4 enfants avaient 1,7 fois plus de chance d’être vaccinées qu’un enfant
d’une fratrie de plus de 4 enfants (p=0,02). Enfin, les enfants du milieu urbain avaient
1,74 fois plus de chance d’être vacciné que ceux du milieu rural (p<10-2).
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L’analyse logistique multivariée avec valeur progressive de la variable dépendante
(0=aucune vaccination, 1= partiellement vacciné, 2 =complètement vacciné) a
montré (Tableau V) une association positive statistiquement significative entre l’état
vaccinal et le niveau d’éducation de la mère, la nationalité ivoirienne, l’âge de la mère au
moment de l’étude (variable numérique par an). Une association négative statistiquement
significative entre l’état vaccinal et la parité et la résidence dans un village plus isolé a
été observée. Aucune association n’a été trouvée avec le sexe de l’enfant.
EKRA K. D. & al. : Couverture vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
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DISCUSSION
La méthode de sondage en grappe à deux degrés a été utilisée pour cette étude. Un
échantillon de 210 enfants (30 grappes de 7 enfants) dans chaque strate aurait suffit
pour estimer les couvertures vaccinales et étudier les facteurs. Dans notre étude,
l’augmentation de la taille de l’échantillon et par conséquent du nombre de grappes à
40, tout en conservant le nombre d’enfants par grappe à 7, n’affecte pas la puissance de
l’étude qui d’ailleurs ne peut qu’être augmentée. L’échantillon obtenu était représentatif
tant en milieu rural qu’en milieu urbain à en juger par le sex ratio homme/femme qui est
le même au niveau national [APLOGAN A, 2006]. Du fait d’un monitorage systématique
lors de l’enquête les données manquantes ont été négligeables de même que les refus
susceptibles d’affecter la validité de l’étude.
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Lorsque nous considérions uniquement la possession d’un carnet, élément objectif
pour prouver la vaccination, la couverture vaccinale DTC-HepB3 était de 77,4% pour
l’ensemble du district sanitaire en deçà de l’objectif de couverture du PEV qui était
de 80% au moins. Comparées aux couvertures nationales obtenues lors de l’enquête
nationale réalisée en 2006 dans le cadre de la Revue Externe du PEV, nous remarquons
que les couvertures vaccinales dans le district de Grand Bassam sont plus élevées pour
tous les antigènes du PEV que celles du niveau national [APLOGAN A, 2006]. Le projet
de renforcement de la vaccination par l’ONG Terre des Hommes a certainement joué un
rôle. La couverture vaccinale est passée de 56% en 2005 à 77,4% en 2007 soit un gain
de 20 points en 2 ans.
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Cependant, la couverture en 2007 était largement inférieure à celle obtenue par la
méthode administrative en 2006 qui était de 120% selon le rapport d’activité du PEV 2006.
Ceci est la résultante d’un changement de dénominateur pour le calcul des couvertures
administratives opéré en 2006 par la coordination du PEV. On est passé d’un pourcentage
d’enfants de 0-11 mois dans la population de 3,95% de 1998 à 2005 à 2,95% en 2006.
Cette baisse de 1% a eu pour effet de surestimer la couverture vaccinale depuis lors. Une
simulation faite avec les deux taux montre que la couverture vaccinale administrative
obtenue par le taux de 3,95% est plus proche de la couverture vaccinale obtenue par
l’enquête. Il y a nécessité de réaliser un nouveau recensement en vu d’actualiser les
données de population pour donner plus de crédibilité aux données administratives.
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Globalement on a observé des couvertures vaccinales plus élevées en zone urbaine
qu’en zone rurale, pour tous les antigènes et toutes les doses. Cette différence était plus
significative pour le BCG et le DTC-Hep3. Les enfants de la zone rurale étaient moins
vaccinés que ceux de la zone urbaine. Ce constat a été fait au Burkina Faso. A l’exception
de la région de Ouagadougou où les écarts étaient réduits, la couverture vaccinale était
significativement plus élevée en zone urbaine qu’en zone rurale [BICABA A, 2005].
Egalement au Mali, les enquêtes démographiques de santé de 2001 avaient révélé que
deux fois plus d’enfants de milieu urbain que de milieu rural étaient complètement
vaccinés [SANGARE K, 2006]. Cette différence de couverture vaccinale entre zone rurale et
zone urbaine serait due à l’accessibilité géographique. En effet, les écarts étaient d’autant
plus importants que la zone rurale est éloignée et difficile d’accès, ce qui rend difficile les
stratégies avancées surtout en période de pluie. Ces observations sont également faites
au Gabon [GARIN D] et au Bénin [FOURN L, 2005]. Dans ce dernier pays l’inégalité d’accès
à la vaccination serait liée aussi au niveau socio-économique.
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Le nombre de doses invalides était plus élevé en milieu rural. Cela pourrait s’expliquer
d’une part par la tenue, en milieu rural, des centres de vaccination par du personnel de
soutien souvent insuffisamment formé et d’autres part par l’irrégularité des stratégies
avancées qui amène à vacciner soit trop tôt ou trop tard, voir jamais. Les doses
administrées invalides étaient plus importantes avec la rougeole (16,9%) en milieu rural
et 3,9% en milieu urbain. Cette vaccination précoce a pour avantage de prévenir cette
maladie quand on sait qu’elle survient souvent tôt avant 9 mois. Il se pose cependant
le problème de la revaccination après un an étant donné que l’efficacité vaccinale est
réduite avant 1 an et beaucoup plus réduite avant 9 mois. Par ailleurs les enfants du
milieu rural complètent moins bien leur vaccination que ceux du milieu urbain.
L’absence de vaccination ou la vaccination incomplète des enfants étaient dues
essentiellement à l’occupation de la mère (16,4%), au manque de vaccin (15,1%), à
l’ignorance de la nécessité de vacciner les enfants (12,6%), l’oubli (9,0%) et au coût du
vaccin (7,4%). En 2006, les principales raisons de non vaccination évoquées par les mères
lors de l’enquête de couverture vaccinale nationale étaient l’ignorance de la nécessité de
la vaccination, la négligence et le lieu de vaccination trop éloigné [APLOGAN A, 2006].
Ceci résulte de l’insuffisance de communication en direction des mères au cours des
séances de vaccination et au sein des communautés.
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Au Burkina Faso, en 2005, les raisons de non vaccination étaient reparties d’une
part en celles liées à la population et d’autre part en celles liées au système sanitaire. Les
facteurs liés à la population étaient la migration saisonnière de certaines populations, le
refus pour des raisons socioculturelles, la négligence, l’insouciance, l’analphabétisme et
les préoccupations professionnelles. [BICABA A, 2005]. Ces observations ont également
été faites au Mali, dans la région de Kayes en 2001 [SANGARE K, 2006]. Ces raisons
diffèrent de celles observées en Europe où on trouve comme motifs dominants de non
vaccination, le refus, le report pour cause de maladie de l’enfant, l’oubli de la part
des parents et le fait de prendre rendez-vous [ROBERT E, 2006 ; ANTONA D, 2007 ;
GUAGLIARDO V, 2007].
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Les facteurs qui ont été associés à la vaccination sont la nationalité, le niveau scolaire, la
parité, l’âge de la mère et le lieu de résidence. En effet, les enfants de nationalité étrangère
risquent deux fois plus de n’être pas vaccinés que ceux de nationalité ivoirienne. Cela
pourrait être le fait que les populations étrangères, migrants économiques, se retrouvent
dans les zones rurales éloignées, d’accès difficile, où elles travaillent dans les exploitations
agricoles. Ces zones sont d’ailleurs associées à la non vaccination des enfants par rapport
à la zone urbaine et rurale proche (p=0,002). Parfois aussi, du fait du manque de papier
d’identité, les parents évitent le contact avec tout ce qui représente l’État et donc les
services de santé, d’où la non présentation des enfants à la vaccination.
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Quand aux autres facteurs identifiés, les associations observées étaient conformes aux
résultats d’autres études sur la question. Plus l’âge de la mère augmente, moins bien les
enfants sont vaccinés. L’âge pourrait jouer un rôle de confusion dans la relation entre la
parité et la non vaccination : d’une part, lorsque la parité augmente, les enfants sont moins
bien vaccinés et d’autre part la parité augmente avec l’âge. Ce dernier sous-estime le rôle
de la parité dans la non vaccination des enfants. Enfin, l’absence de scolarisation était
associée à la non vaccination. Cela pose le problème de l’alphabétisation des populations
EKRA K. D. & al. : Couverture vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
13
non scolarisées, surtout les mères, et de la mise en place par les services de santé des
programmes de communication efficaces et adaptés aux communautés cibles.
CONCLUSION
Avec 77,4 de couverture vaccinale DTC-Hep3, le district sanitaire de Grand-Bassam
a une couverture au-dessus de la moyenne nationale. Cependant les efforts doivent
continuer pour atteindre l’objectif national d’au moins 80% de couverture afin d’assurer
une bonne immunité de masse des enfants. Pour cela, la prise en compte des facteurs
susceptibles d’influencer la vaccination des enfants notamment l’amélioration de
l’accessibilité des zones rurales éloignées, le renforcement de la politique de planification
des naissances et la communication efficace sur la vaccination s’imposent.
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EKRA K. D. & al. : Couverture vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
15
Tableau I : Couverture vaccinale brute (avec carte) par antigène, taux d’abandon et
statut vaccinal des enfants de 12-23 mois, District sanitaire de Grand-Bassam, 2007
Rural (289)
Urbain (287)
District Grand-Bassam
IC95%
Vaccinés CV (%) Vaccinés CV (%) CV (%)
90,3
[86,9-92,9]
242
83,7
272
94,8
83,8
[79,5-87,4]
237
82,0
244
85,0
BCG
DTC-HepB1
DTC-HepB2
DTC-HepB3
Polio1
Polio2
Polio3
VAR
Fièvre Jaune
229
212
79,2
73,4
233
80,6
82,6
81,2
[76,7-85,1]
230
245
80,1
85,4
77,4
83,5
[72,8-81,5]
[79,0-87,2]
227
78,5
237
82,6
81,0
[76,4-84,8]
214
189
74,0
65,4
185
64,0
231
205
204
80,5
71,4
71,1
77,9
69,0
68,2
[73,3-81,9]
[64,4-73,2]
[63,7-72,5]
4,9
6,4
23,4
22,3
4,2
6,0
T
C
E
ABANDON
Taux d’abandon (DTC1-DTC3)
(%)
8,6
R
R
Taux d’abandon global (DTC1Rougeole (%))
18,3
ÉTAT VACCINAL
Aucune vaccination
Partiellement vacciné
Complètement vacciné
O
C
25
102
162
Complètement et correctement
106
vaccinés
R
U
N
IO
237
8,7
12
35,3
77
26,8
30,2
56,1
198
69,0
63,8
[4,1- 8,7]
[26,5- 34,3]
[59,0- 68,3]
36,7
153
53,3
46,6
[41,5- 51,8]
O
P
Cah. Santé Publique, Vol. 7, n°2- 2008
© EDUCI 2008
P
16
Tableau II : Indicateurs de qualité des services, enquête de couverture vaccinale,
district sanitaire de Grand-Bassam, 2007
Rural
Urbain
Effectif
%
Effectif
%
Proportion de doses de DTC1 administrées avant l’âge
de 6 semaines
14/237
5,9
5/244
2,1
Proportion de doses de rougeole administrées avant l’âge
de 9 mois
32/189
16,9
8/205
3,9
Proportion de doses de DTC2 administrées moins
de 4 semaines après DTC1
8/229
3,5
6/237
2,5
Proportion de doses DTC3 administrées de moins
de 4 semaines après DTC2
7/212
3,3
6/230
2,6
167/189
88,4
177/205
86,3
Proportion de doses valides contre la rougeole administrées
avant l’âge d’un an
R
U
T
C
E
N
IO
O
C
R
R
O
P
EKRA K. D. & al. : Couverture vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
17
Obstacles
Manque de
motivation
Manque d’information
Tableau III : Raison de non vaccination pour 155 enfants, selon les mères, enquête
de couverture vaccinale, district sanitaire de Grand-Bassam, 2007
Ignore la nécessité de la vaccination
12,6%
Ignore la nécessité de revenir recevoir la 2 ou
la 3e dose
0,8%
Ignore le lieu ou l’heure de la séance
2,5%
A peur des réactions secondaires
3,3%
A des idées erronées sur les contre-indications
0,6%
Divers
1,4%
Reporté à une date ultérieure
2,5%
Ne fait pas confiance à la vaccination
Rumeurs
Oublié
Divers
9,0%
4,7%
Lieu de séance trop éloigné
Heure de la séance ne convient pas
Vaccinateur absent
Vaccin non disponible
Mère trop occupé
Problème familial
Enfant malade -non amené
Enfant malade - amené mais non vacciné
Attente trop longue
Conflit
Cout
Divers
2,8%
0,6%
2,7%
15,1%
16,4%
7,7%
4,1%
1,9%
2,2%
7,4%
1,9%
e
R
U
T
C
E
R
R
O
C
N
IO
O
P
Cah. Santé Publique, Vol. 7, n°2- 2008
© EDUCI 2008
P
18
Tableau IV : Analyse univariée des facteurs associés à la vaccination, district sanitaire
de Grand-Bassam, 2007
N=576
Vaccinés
Non vaccinés +
Incomplètement
vaccinés
OR
IC95%
p
178
190
104
104
0,94
[0,66-1,34]
0,70
285
83
129
79
2,10
[1,43-3,10]
<10-4
Sexe
Garçons
Filles
Nationalité
Ivoirienne
Etrangère
Niveau scolaire des mères
Non scolarisée
N
IO
163
119
Réf.
-
Primaire
Secondaire+Supérieur
Age de la mère
< 20 ans
20-29 ans
30-39 ans
129
76
71
18
1,33
3,08
[0,90-1,96]
[1,70-5,65]
0,13
<10-4
23
208
117
9
124
60
1,02
0,67
0,78
[0,31-3,37]
[0,29-1,52]
[0,33-1,84]
0,96
0,30
0,54
≥ 40 ans
25
10
Réf.
-
-
29
73
45
2,05
1,70
Réf.
[1,14-3,68]
[1,06-2,73]
-
<10-2
0,02
-
198
89
1,74
[1,22-2,49]
<10-2
162
127
Parité de la mère (N=558)
1 enfant
2-4 enfants
> 4 enfants
Résidence
Urbain
Rural
R
U
T
C
E
R
R
107
223
81
O
C
-
Tableau V : L’analyse logistique multivariée avec valeur progressive (fiche+déclaration
de la mère)
O
P
Odds Ratio
IC95%
P
niveau d’éducation de la mère
1,66
[1,22 - 2,27]
0,002
nationalité ivoirienne
1,59
[1,00 - 2,55]
0,05
sexe
1,26
[0,79 - 2,00]
0,329
parité (par grossesse)
0,79
[0,67 - 0,94]
0,009
rural isolé
0,46
[0,28 - 0,74]
0,002
âge de la mère (par an)
1,08
[1,02 - 1,15]
0,012
EKRA K. D. & al. : Couverture vaccinale et déterminants de l’état vaccinal... pp. 7-16.
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