Vous vous lancez dans l`huitre!

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Vous vous lancez dans l`huitre!
Après avoir réintroduit l'ostréiculture dans le Goyen, Ronan et Yann Le Berre lancent une production artisanale à l'Île de Sein.
Le jeune chef Éric Lavallée (au centre) a inscrit cette nouvelle huître à sa carte. : Vincent Mouchel
Nouvelle. Raffinée. Rare. Chère. Elle ne sera pas sur toutes les tables de réveillon. L'huître de Sein, au goût sauvage
se nourrit des tempêtes de Suroît. Un concentré d'iode en bouche.
Reportage
Novembre. Miz du en breton, le « mois noir ». Des bourrasques du vent à plus de 100 km/h balaient Sein, aplatie sous la
tempête. Vers l'Ouest, la dantesque Chaussée, champs de mines granitiques, écume de rage. La mer est brune de toutes les
algues arrachées à la roche, laminaires laminées par la mer en furie.
À l'abri d'un cordon de galets, protégée des vents furieux, une crique. Eau presque plate. D'un vert profond, virant au bleu
turquoise lorsque le ciel veut bien se déchirer un peu. C'est là, que Ronan Le Berre, 42 ans, et son frère Yann, 40 ans, ont
nourri un projet « un peu fou ». Installer, au bout du bout du Monde, une exploitation ostréicole !
15° maximum
L'hiver dernier, ils y ont posé leurs premières tables. « Emportées par le premier coup de tabac... » avoue Ronan.
L'expérience a servi. « Nos tables sont maintenant reliées par une chaîne solide. Et ça tient ! »
Il y a une trentaine d'années, une première expérience ostréicole avait été menée sur Sein. Des huîtres étaient affinées dans
les anciens bassins d'une écloserie de bébés homards. L'aventure dans laquelle s'embarquent les frères Le Berre est d'une
autre nature. Il s'agit de produire des huîtres de pleine eau. Dans un milieu vierge. Ici, pas la plus petite trace de nitrates, de
pesticides ou de métaux lourds, hantise des exploitants de parcs d'estuaire.
De plus, les premiers essais, menés l'an dernier, ont révélé une divine surprise. « Pour croître, l'huître a en principe besoin
du boom planctonique propre au mélange entre eau de mer et eau douce, explique Ronan Le Berre, ancien prof de maths,
titulaire d'une maîtrise en valorisation des ressources naturelles, en fait, elle grandit très bien ! » Les jeunes ostréiculteurs
sénans craignaient aussi de récolter des huîtres océanes au goût un peu trop salé. Il n'en est rien. La salinité de la mer baisse
avec la température. « L'été dernier, ici, au plus chaud de l'été, nous avions une eau du large à 15° maximum ! » se
réjouit Ronan Le Berre. Il n'en dira rien aux touristes...
Grands écaillers parisiens
Les premières dégustations d'huîtres de l'Île de Sein, cet automne, ont ravi les connaisseurs. « Une chair croquante, fraîche,
raffinée, puissamment iodée. Et, cet inimitable goût sauvage qui signe sa provenance » note Éric Lavallée, deux toques
au Gault Millau. Le jeune chef du restaurant de l'Iroise, à Audierne, a inscrit à sa carte une composition de « grosses
langoustines du Cap-Sizun rôties sur gelée d'huîtres de l'Île de Sein et espuma de Pâté Hénaff ». Renversant !
Avec l'appui du maire de Sein, une ancienne cale va bientôt être restaurée. Elle permettra aux frères Le Berre et à leur premier
salarié, embauché sur l'Île, d'accéder plus facilement au parc. Pour l'heure, c'est à dos d'homme que les poches d'huîtres sont
transportées ! Un travail artisanal épuisant qui a son coût.
La douzaine d'huîtres de l'Île de Sein, se vend 6,20 € le kilo. Autour de 50 % plus cher que la n° 3 ordinaire. Malgré le prix, la
petite production, cinq tonnes jusqu'à présent, s'est écoulée toute seule sur les marchés locaux. Mais, à l'approche de Noël, de
grands écaillers parisiens sont sur le coup...
Jean-Laurent BRAS.

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