Les aventures de dana dana adams

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Les aventures de dana dana adams
LE STUDI
Les aventures de
dana
dana adams
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1. Frère et soeur
Le pied du garçon fusa avec une vitesse étonnante vers Dana
Turner. Celle-ci évita d’un cheveu la collision en pivotant sur
elle-même. Avant qu’il ai pu réagir, Jack sentit des mains douces
se poser sur sa jambe et dans le même mouvement, l’entraîner
dans la direction du coup de pied. Jack chuta sur le tatami et se
releva d’un bond, essoufflé.
« Tu es beaucoup trop rapide pour moi, Dana ! dit-il. »
Dana sourit. Cela faisait maintenant cinq ans qu’elle pratiquait régulièrement l’aïkido. Et elle était souple, vive et agile
et faisait preuve d’un potentiel et d’une aptitude étonnante avec
les arts martiaux pour ses dix ans, qu’elle avait fêtés deux jours
plus tôt. Elle suivait également des cours de karaté depuis l’âge
de six ans, et pratiquait la capoeira depuis deux ans. Elle était
mince et de taille normale pour son âge, avec un joli visage,
de beaux yeux bruns et de longs cheveux bruns foncés. Bonne
élève à l’école et dans le dojo, elle était plutôt calme et modeste, mais têtue.
Jack Yoswan, lui, avait les cheveux châtains clair et les yeux
verts, il était son meilleur ami, et suivait des cours d’aikido
depuis trois ans.
« Et toi, tu manques de confiance en toi, mon garçon, fit
observer une voix amusée derrière eux. Continue ton mouvement. C’est ton instant d’hésitation qui permet entre autre à
Dana de passer sous ta garde et de te maîtriser. »
C’était Léo Talhuïn, suivit de Tanguy Avalon, leurs professeurs d’aïkido.
« Comment ça ?, demanda Jack.
- Dana est plus expérimentée que toi, mais si tu pars perdant,
commença Léo.
- ... tu ne risque pas de pouvoir réussir, alors travaille au lieu
de causer, continue à répéter et encore répéter le mouvement.
C’est avec l’entraînement que ça vient, termina Tanguy.
- Désolé, soupira Jack, je vais faire attention !
- Bien, reprenez une dernière fois, puis vous pourrez rejoindre les autres. »
Dana se mordit la lèvre inférieure, les cours n’étaient jamais
assez longs à son goût !
Cinq minutes plus tard, après s’être changée, Dana se dirigea vers le deuxième dojo. Un autre cours touchait à sa fin.
Dana regarda les élèves saluer, puis sortir de la salle un par un.
Elle balaya le dojo des yeux, avant que son regard tombe en
arrêt sur un petit garçon blond, en grande discution avec son
professeur.
Elle s’approcha en silence et attendit qu’ils aient terminé
leur conversation.
« La prochaine fois tu pourras nous montrer la technique
dont tu nous as parlé s’il te plais ? demandait le garçonnet.
- Si tu veux Alexis, mais je crois que ta sœur t’attend. »
L’enfant tourna la tête en direction de Dana tandis que cette
dernière saluait le maître d’aïkido.
« Salut grande sœur! On y va?
- On y va, approuva Dana. »
Après avoir pris congé du professeur, Alexis et Dana sortirent du bâtiment. Ils firent un bout de chemin en chahutant
joyeusement jusqu’à ce que Dana s’arrête brusquement.
« Alexis ! Tu ne t’es pas changé !?
- Ben non ! Je me sens trop bien dans mon kimono ! »
Dana sonda le regard de son frère. Celui-ci avait de grands
yeux bleus avec un air innocent des plus trompeurs. Elle faillit
le réprimander, puis, comprenant qu’il ne plaisantait pas, poussa un profond soupir avant de choisir d’éclater de rire. Alexis
se campa devant sa sœur, les poings sur les hanches, avec un
air exagérément belliqueux et demanda :
« Qu’est-ce qui te fait marrer ?
- Moi ? Rien ! répondis Dana avant de laisser échapper un
gloussement incontrôlable. »
Alexis fit mine de vouloir lui sauter dessus et lui courus après
en riant aux éclats. Ils finirent par arriver devant leur maison où
leur père, William Turner, les attendait, alerté par leur tapage.
« Hé bien, hé bien ! Que nous vaut cette agitation ? Ce sont
les vacances et le soleil qui vous perturbent ainsi ? demandat-il. »
Il n’obtient de sa fille qu’un regard éloquent et de son fils
une affreuse grimace.
« Tiens, tu as gardé ton kimono Alexis ? fit-il remarquer.
- Ben oui, …
- … il se sent trop bien dedans ! termina sa sœur.
- C’est marrant, exactement comme toi jusqu’à tes six ans
Dana ! C’est pas pour rien que vous êtes frère et sœur ! »
2. William Turner
Ils rentrèrent dans la maison avec l’intention de se préparer
un bon goûter. A table, Dana et Alexis ne firent qu’une bouchée
des biscuits que leur père avait préparé à leur attention.
« On dirait que vous n’avez pas mangé depuis au moins une
semaine ! fit-il observer. Comment s’est passé votre entraînement ?
- Génial ! Z’ai réuchi à faire chuter Zoé au moins chept fois!
répondit Alexis en projetant des miettes de gâteaux un peu partout.
- Alexis ! gronda Dana, tu es un cochon! Tu as intérêt à tout
nettoyer !
- Chuis pas chou tes j’ordres ! rétorqua-t-il, vexé, avant de
quitter la table.
- Quand arrêterez vous de vous chamaillez ? souffla William.
- Tu veux vraiment le savoir ? demanda malicieusement
Dana.
- Finalement non, je ne préfère pas, soupira son père. Et ton
entraînement ?
- Pas assez long si tu veux mon avis, comme d’habitude!
Sinon, c’était génial...
- … comme d’habitude !
- Exactement ! Bon, je te laisse, j’ai des devoirs de vacances
à finir et la paix à faire avec un certain cochon grognon, dit
Dana d’un air entendu. »
PLUS TARD DANS LA SOIRÉE.
Dana aurait dû dormir, elle le savait. Il y avait bien cinq
minutes que son père était monté pour lui demander d’éteindre.
Elle le savait. Mais elle regardait. Elle regardait la photo d’une
jeune femme aux longs cheveux noirs et aux yeux bleus-verts.
Elle souriait ; une petite fille accrochée à son cou. Elles paraissaient heureuses, l’enfant et la mère. Sa mère. Elicia Ryder. La
vue de Dana se brouilla. Cela faisait trois ans que sa mère était
morte lors d’un acte terroriste.
Elle lui manquait énormément.
Fatiguée, elle finit par éteindre.
Dana était endormie.
Un rayon de lune accrocha une larme sur sa joue.
***
Le lendemain matin, en descendant dans la cuisine, Dana
pressentit que quelque chose n’allait pas. Alexis avait l’air morose et se tenait la tête entre les mains.
« Qu’est-ce qui se passe fréro ? Tu as mouillé ton lit ? demanda-t-elle.
- Ha, ha, ha, très drôle ! Papa part encore en voyage ! »
Dana se mordit les lèvres. Elle détestait quand son père s’en
allait. Dès son départ elle comptait les jours qui la séparait de
son arrivée. William était photographe professionnel, et partait souvent aux quatre coins du globe pour participer à des
congrès, expositions et autres. De temps en temps, il les emmenait avec lui, mais partait le plus souvent seul. Ainsi, Dana et
Alexis parlaient couramment plusieurs langues étrangères.
« Il va où cette fois ? demanda-t-elle amèrement.
- En Italie, à Malte. »
Dana se retourna en entendant la voix de son père.
« On ne peut pas venir avec toi ? gémit Alexis.
- Non fiston, je suis désolé, répondit William d’une voix mal
assurée.
- C’est nul ! ronchonna son fils.
- Tu t’en va pour combien de temps ? demanda Dana.
- Pour trois jours si tout va bien.
- Si tout va bien ? ! Tu pars quand ? le pressa-t-elle.
- Ce soir.
- Et qui va nous garder pendant que tu ne seras pas là ? »
William soupira. Ils venaient de quitter la table et déjà Dana
recommençait à le bombarder de questions.
« Tu propose quoi ? demanda-t-il.
- Je vais chez Jack ! Sa mère est super gentille, elle acceptera !
- Et Alexis ?
- Quoi Alexis ? Ben, avec moi chez... Ouais, tu as raison, ça
va pas le faire... admit Dana.
- Et pourquoi non !? demanda Alexis qui venait juste de rentrer dans la pièce.
- Parce que à chaque fois que Jack et toi passaient plus de
vingt-quatre heures ensemble, répondit sa sœur, ça se termine
invariablement...
- ... par une grosse bêtise ! termina leur père. »
Dana et Alexis se regardèrent en riant sous cape. Ils se sou-
venaient très bien de la grosse bêtise de l’année précédente.
Jack était venu dormir chez eux et pour s’amuser, lui et Alexis
avaient rempli leurs pistolets à eau avec du coca-cola périmé
et avaient arrosé la voiture des voisins de Jack. Cela leur avait
valu comme punition de nettoyer la voiture. Pour aller jusqu’au
bout et faire bonne mesure, ils l’avaient rincé avec de l’eau
mousseuse qu’ils avaient mis dans les pistolets.
« Bon alors, on va où ? repris Dana.
- Vous serez avec Ian et Lucy.
- Ouaiiiiiiih ! Ian et Lucy ! hurla Alexis, avant de se précipiter dans l’escalier pour aller dans sa chambre. »
Ian et Lucy McRiddle étaient les voisins et amis des Turner. Alexis et Dana les aimaient beaucoup et les connaissaient
depuis leur petite enfance.
« On part quand ? demanda Dana à son père.
- Vous ne partez pas, c’est eux qui viennent ici. Je les ai
invité.
- Cool. En plus, Lucy elle fait super bien la cuisine ! s’exclama la jeune fille. »
William mit ses poings sur ses anches avant de demander :
« Parce que moi pas peut-être ?
- Bien sûr que si ! Tu sais que tu es mon papa-cuistot préféré
! lança Dana en faisant un clin d’œil. Mais, ils arrivent quand ?
- Et bien... »
Un coup de sonnette interrompit William, suivit d’un bruit
de cavalcade dans l’escalier :
« Ouaaaaiiih ! Ils arrivent ! répéta Alexis en hurlant.
- Moins vite bonhomme, dit son père d’une voix amusée, je
n’ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère ! »
Le petit garçon s’immobilisa sur le champs et parcourut les
dernières marches sur la pointe des pieds, avant de se dépêcher d’aller ouvrir la porte aux McRiddle. Dana le rejoignit
aussitôt et ils sautèrent tout deux au cou de Lucy. Celle-ci était
une petite femme au cheveux aubruns et courts avec un visage
rond et bienveillant. Ian, lui, était grand, les épaules larges et
les cheveux bruns avec de gros sourcils. Lucy tenait à la main
un petit sachet contenant des violettes en sucres, confiseries
favorites des enfants.
« Ouaiiih ! dit Alexis pour la troisième fois de la journée.
- Merci Lucy ! rectifia William avec un grand sourire. »
Une fois que le couple se fut mis à l’aise et que Ian ai déposé
leur valises dans la chambre d’amis, tous se réunirent autour de
la table pour prendre un goûter composé de cookies au chocolat
de glace à la fraise, tout deux fait maison, et de jus de pomme.
« Ces gâteaux sont vraiment délicieux William, fit remarquer Lucy au père de Dana.
- Hé, hé, répliqua la sœur d’Alexis, c’est mon papa-cuistot !
- Tu me laisseras te l’emprunter un de ces jours, il cuisine
drôlement bien ! s’exclama Ian.
- Ben, toi, tu as Lucy, fit remarquer Alexis en souriant.
- Exact mon garçon, tu as tout-à-fait raison ! »
Toute l’attablée partie dans un grand éclat de rire collectif.
« Bon, et bien puisque vous êtes là, je vais vous laisser mes
deux monstres et songer à partir... dit William, reput.
- Oh non ! Lança Dana, reste encore un peu !
- Mais ma fille, je suis déjà resté un peu, répondit William
avec un drôle de sourire qui ressemblait plus à un rictus.
- Mais je ne veux pas que tu partes, insista Dana. »
Le rictus s’accentua et Dana s’aperçut que son père n’avait
pas non plus l’air de vouloir partir.
« Ne sois pas ridicule, et puis...
- ...nous ne sommes pas venus pour rien ! compléta Ian.
- Ça, c’est sûr ! dit Alexis en regardant d’un œil gourmand
les violettes en sucres, se qui fit sourire Dana qui lui répliqua :
- Arrête de baver comme ça, elles seront là encore demain !
- Je n’en suis pas certaine, dit Lucy, vous aimez tellement
ça !
- Dis Dana, tu viens jouer avec moi ? intervint brusquement
Alexis. »
3. Quand tout bascule
Dana jeta un coup d’œil à son père et celui-ci hocha la tête.
« C’est une bonne idée. De toute façon, j’ai encore quelques
détails à régler avant de partir. Je monterai vous prévenir quand
je partirai. »
Rassurée, Dana suivit son petit frère dans l’escalier. Arrivés
dans la chambre d’Alexis, elle fut frappée par la pagaille qui y
régnait.
« Bon, tu viens ! s’impatienta Alexis.
- Tu compte garder ta chambre dans cet état combien de
temps ? lui demanda sa sœur ignorant délibérément sa remarque.
- De quoi ? interrogea Alexis en haussant les sourcils. »
Il regarda sa chambre et répondit :
« Oh, ça ! Ben je sais pas… »
Dana poussa un soupir et s’éloigna vers sa chambre en marmonnant :
« Ah les garçons…
- Hé ! Tu avais dis que tu jouerai avec moi ! protesta
Alexis. »
La jeune fille s’immobilisa. Une idée venait de germer dans
son esprit. Elle imaginais déjà la réaction de son père devant
le bazar de son frère. D’où l’intérêt de réussir à le faire ranger.
Dana savait que en lui donnant cet ordre, il se braquerait aussitôt. Elle devait le faire ranger sans qu’il est l’impression de
le faire.
« OK ! On va essayer un nouveau jeu, dit-elle. »
Alexis parut intéressé et demanda :
« On va jouer à quoi ?
- On va ranger ta chambre !
- Pfff… Il est nul ton jeu.
- Mais non ! Écoute ce que l’on va faire : on va séparer ta
chambre en deux et on en range chacun un côté. Le premier à
avoir fini a gagné !
- Bon d’accord. Tu prend quel côté ?
- Celui où il y aura le moins de chaussettes et de slips
sales ! répondit Dana en fronçant le nez devant le linge de son
frère.
- Sales ? Cette paire, je ne l’ai mise que une fois ! protesta ce
dernier en ramassant deux chaussettes. »
Il les mis devant son nez, les huma et dit :
« Beuârk ! Effectivement, elles sont mûres celles-là, mais je
t’assure que les reste est clean ! Tu veux sentir ? lui demandat-il en lui balançant une autre paire à la figure. »
Dana fit un pas de côté et les chaussettes allèrent rejoindre
shorts, caleçons et divers vêtements qui traînaient par terre.
« Tu es dégueulasse ! Pour ta peine, tu prend ce côté et tu as
intérêt à se que… Mais arrête de rigoler! siffla-t-elle à son frère
qui se tenait les côtes en gloussant.
- Bon, ça va ! dit Alexis en reprenant son souffle. Allez, on
commence, go ! »
Il se rua sur la partie de sa chambre que Dana lui avait désigné et commença à ranger à toute vitesse.
« Bien entendu, soupira cette dernière, ça ne compte pas si
ce n’est pas bien rangé ! »
Son frère ne répondit pas mais il prit plus de soin à plier ses
vêtements. Après un énième soupir, Dana se dirigea vers « sa »
partie et entreprit de la ranger méthodiquement. Cinq minutes
plus tard, Alexis leva les bras en signe de victoire, bondit au
centre de la pièce et hurla :
« FINI !!! J’ai gagné ! »
Dana releva une mèche de cheveux qui lui tombait devant
les yeux et répondit en souriant :
« Bien joué champion ! Alors, tu n’es pas content du
résultat ? »
Le petit garçon balaya sa chambre des yeux. Le changement
était flagrant : la pièce qui était quelques temps plutôt dans
une pagaille indescriptible était maintenant bien ordonnée et
propre.
« C’est sûr, c’est plus mieux qu’avant ! Maintenant c’est
clean ! »
Sa sœur leva les yeux au ciel.
« On ne dis pas c’est plus mieux mais c’est mieux. Oh, et
puis laisse tomber ! N’empêche, tu vois c’est agréable d’avoir
une chambre bien rangée. Bon, et bien maintenant, je vais me
reposer un peu. »
Elle déposa un baiser sur le front de son frère et sortit de la
pièce.
« Tu t’en va ? demanda le gamin, un peu déçu.
- Quoi, blagua Dana, tu en veut encore ? Si tu veux on fait
ma chambre. »
Un sourire apparut sur le visage du jeune garçon et il
répliqua :
« Non merci ! De toute façon, la tienne elle est déjà bien
rangée. »
Le pas de William qui montait l’escalier coupa court à leur
conversation. Il se dirigea vers ses enfants, et s’arrêta net en
voyant l’intérieure de la chambre de son fils par la porte ouverte.
« Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu range ta chambre toi maintenant ! Comme quoi les miracles existent ! »
Alexis hocha la tête et dit :
« Tu viens voir ?
- Si tu veux, mais pas longtemps. »
Le petit garçon rentra dans sa salle de dodo, comme en témoignait la feuille de papier accroché sur la porte, suivi de
William. Dana sourit et rejoignit la sienne.
Elle s’allongea sur son lit et regarda la pièce. Sur le mur qui
lui faisait face, était accroché un splendide katana que la jeune
fille avait reçu de son père pour son huitième anniversaire,
quand elle avait commencé l’entraînement aux armes.
Un grand poster était affiché au mur d’à côté. Il contenait
plusieurs photos prisent à différents moments de sa vie. Une
photo représentait sa mère, son père, son frère et elle-même :
elle avait été prise quelques jours avant qu’Élicia ne parte au
Brésil et ne meurt dans l’attentat terroriste.
Une autre montrait William et ses enfants lors d’un voyage
en Jamaïque, pays natal de Dana. D’autres encore montraient
Dana dans le dojo, avec Léo et Tanguy ; Dana effectuant un
mouvement de capoeira devant Christian, son professeur ;
Dana et Jack, se faisant expliquer une technique par Léo ; Tanguy et Dana lors d’un cours aux armes ; Jack, Dana et Alexis
dans un arbre et encore plusieurs autres de cette joyeuse petite
bande dans le dojo.
La jeune fille regarda par la fenêtre, d’où l’on pouvait voir un
grand arbre magnifique, qu’elle aimait beaucoup. Il y en avait
un semblable à côté du dojo, celui-là même dans lequel Dana,
son frère et son meilleur ami étaient perchés sur la photo. La
jeune fille aimait y monter lorsque quelque chose n’allait pas
ou qu’elle était triste. Elle fut soudainement interrompue dans
ses pensées par trois coup frappés à la porte de sa chambre.
Son père entra dans la pièce avec un petit sourire au lèvres.
« Alors, tu as fini de visiter la nouvelle chambre d’Alexis ?
ironisa Dana.
- Oui, et je dois avouer que je suis assez content du résultat. En tout cas, bravo ! Je me demandais si il le ferait un jour,
répondit William sur le même ton.
- Cette fois, tu t’en vas, hein, dit tristement sa fille.
- Oui. Mais avant, j’ai quelque chose pour toi. Je sais que
ton anniversaire était il y a trois jours, mais je voulais t’offrir
quelque chose de spécial pour tes dix ans. »
Le père de Dana sortit de sa poche un petit étui noir et le
lui tendit. La jeune fille l’ouvrit et découvrit un pendentif en
forme de larme faite dans une sorte de cristal blanc transparent
qui luisait de reflets mauves bleutés. La goutte de cristal était
accroché à une fine lanière noire.
« C’est magnifique, murmura Dana, fascinée.
- Je savais que ça te plairait, dit William en souriant. C’est de
la pierre de lune. Une pierre de lune arc en ciel pour être plus
précis.
- Ma-gni-fique !
- Hé ! Tu n’a que dix ans, tu n’es pas censée radoter ! rigola
le père de Dana. »
Cette dernière se jeta à son cou.
« Merci ! Elle est tellement belle ! »
Son père ne s’était jamais trompé en matière de cadeau d’anniversaire. Ce pendentif et le katana en étaient les preuves.
« Je suis content qu’il fasse plaisir, dit William tandis que sa
fille s’accrochait la larme de lune autour du cou. »
***
Après avoir longuement agité la main, Dana, Ian, Lucy et
Alexis rentrèrent dans la maison.
« Bon, et bien puisque nous voilà entre nous, à la douche
mes petits anges ! dit gaiement Lucy pour détendre l’atmosphère morose qui régnait dans l’entrée.
- Je préfère y aller en première, sinon je risque de pénétrer
dans une vraie patinoire en y allant après Alexis, s’écria Dana
en regardant son frère.
- Même pas vrai ! protesta ce dernier. »
Dana lui tira la langue, provoquant l’hilarité du petit garçon,
avant de s’engager dans l’escalier.
Elle entrait dans la salle de bain, quand soudain, elle posa
son pieds sur un objet qui l’a fit glisser. Elle s’étala de tout son
long, manquant de peu de se cogner la tête dans le coin de la
baignoire. Alors qu’elle se relevait en poussant un juron, elle
entendit un gloussement de l’autre côté de la porte. Alexis était
derrière, et à en juger par son sourire moqueur, ce devait être
lui l’auteur de la blague.
« Imbécile ! J’aurais pu me casser le cou !
- Et ben quoi ! Faut savoir ce que tu veux, tu l’a ta
patinoire ! répliqua le petit garçon, avant de courir se réfugier
dans sa chambre.
- Un ange, mes fesses ! grommela Dana.
Ravalant sa fierté, elle rentra pour la deuxième fois dans la
salle de bain et regarda machinalement sur quoi elle avait glissé.
Elle découvrit bientôt « l’arme du crime » : une petite voiture posée sur le tapis que son frère avait enduit de savon. En
retournant l’objet, Dana s’aperçut qu’un petit papier portant
l’inscription « Je t’ai bien eu, heu ! » accompagné d’un smiley
provocateur, était scotché sous la voiture. La jeune fille poussa
un gros soupir, puis entreprit de se déshabiller.
Enfin, elle observa le pendentif que son père lui avait offert.
Il était réellement magnifique. Elle l’enleva de son cou et le
posa sur le bord du lavabo. Puis, elle se glissa dans la baignoire
et alluma l’eau chaude.
Lorsqu’elle eu terminé de se rincer et de s’essorer les cheveux, Dana entendit trois coups frappés à la porte et la voix de
Ian qui s’éleva de derrière la porte :
« Je peux entrer ?
- Oh ! Attend deux secondes ! s’étrangla la jeune fille avant
de sortir précipitamment de la douche. Elle enfila son peignoir,
puis ouvrit la porte.
- Tu as fini ? lui demanda Ian.
- Presque. Qu’est ce qu’il y a ?
- Jack est au téléphone pour toi.
- Ah ? Tu peux lui dire que je m’habille et que je le rappelle
tout suite après , c’est à dire dans à peu près cinq minutes ! »
Quand l’homme eu fermé la porte, Dana retira le peignoir,
mis la larme de lune autour du cou et enfila son pyjama. Elle
fourra la petite voiture dans le gant de toilette de son frère et
sortit de la salle de bain.
Elle dévala l’escalier, saisit le téléphone et composa le numéro de Jack. Trois sonneries s’écoulèrent avant que quelqu’un
décroche.
« Allô, ici Élise Yoswan, fit la voix de la mère de son ami.
- Salut Élise, c’est Dana à l’appareil.
- Ah ! Oui, bien sûr ! Je te passe mon fils. »
Il y eu quelques secondes d’attente, puis la voix de Jack retentit dans le combiné :
« Salut Dana. J’ai appelé tout à l’heure.
- Je sais. Ian m’a prévenue. Tu voulais quoi ?
- C’est pour le stage d’Aïkido de demain, tu viens ?
- … Quelle question idiote ! Bien sûr ! Tu sais combien
j’aime ça ! Bon, plus sérieusement, qu’est-ce que tu veux ?
répéta Dana.
- OK, soupira Jack qui comprit qu’il pouvait aller droit au
but, tu sais que j’ai du mal à exécuter un geste fluide. Tanguy me dit souvent que je réfléchis trop et que je manque de
confiance en moi. Alors j’ai pensé... Tu pourrais venir un peu
plus tôt demain, pour m’aider à m’habituer aux mouvement
d’avant-hier ?
- Bien sûr mon vieux ! Je suis passée par là aussi. De toute
façon, je comptais venir en avance.
- Comme d’habitude ! souligna Jack goguenard.
- Ben tu vois, tu me connais bien ! Allez, à demain !
- Ouais. Bisous ! »
Dana raccrocha le téléphone, puis monta dans sa chambre.
En chemin, elle croisa Alexis, vêtu simplement d’une serviette
noué autour de la taille, qui se dirigeait vers la sienne. Taquine,
elle lui demanda :
« Alors, ton gant de toilette à klaxonné quand tu t’es lavé ?
- Très drôle. J’ai cru qu’il y avait une grosse bête dedans,
répondit son frère, provoquant l’hilarité de Dana.
- Chacun son tour frangin ! s’écria-t-elle en s’engouffrant
dans sa chambre.
DEUX JOURS ET DEMI PLUS TARD.
C’était une belle fin d’après-midi ensoleillée, et aussi la fin
du stage d’Aïkido qui avait duré trois jours.
Dana et Jack, avec quelques adolescents et de nombreux
adultes, étaient en train d’effectuer la dernière technique de
la journée. Ils faisaient ikkyo en saisie kata dori, une saisie à
l’épaule, à la manche du kimono. Les deux amis avaient déjà
vu cette technique plusieurs fois en cours, aussi la faisaient-ils
sans s’arrêter, avec souplesse.
Après un coup d’œil appréciateur dans leur direction, Tanguy demanda à tous les stagiaires de se mettre en seiza (posi-
tion à genoux), signalant ainsi la fin du cours. Après le salut, les
participants sortir du dojo en riant et en échangeant des plaisanteries. Ceux qui avaient apportés leur sabre (comme Dana)
allèrent le récupérer, et d’autres se dirigeait vers les vestiaires.
Tanguy interpella Jack et Dana :
« Ça va ? Vous avez tenu le coup ? »
Les deux amis hochèrent la tête en souriant.
« Si vous voulez rester un peu comme d’habitude, allez-y,
repris leur professeur d’Aïkido.
- J’aimerais bien, répondit Dana, mais j’ai promis de rentrer
chez moi tout suite après la fin du stage.
- OK, pas de problèmes. On se voit à la rentrée.
- Ouais, bonnes fin de vacances, à la rentrée !
***
Arrivée devant chez elle, Dana pris congé de son meilleur
ami qui l’avait raccompagnée, et entra dans la maison. Alexis
accourut, suivit de près par Lucy.
« Alors, il était bien se stage ? Demanda-t-elle.
- Oui, super ! Répondit Dana en posant son sabre contre le
mur, près du porte-manteaux.
- Bon, va te changer qu’on prenne le goûter.
***
Le soir venu, Alexis couché, Dana monta dans sa chambre
avec la permission de lire jusqu’à vingt-et-une heures.
A neuf heures moins cinq exactement, la jeune fille entendit
un coup de sonnette. Elle leva le nez de son livre, se leva et
regarda machinalement par la fenêtre, pour voir qui leur ren-
dait visite à cette heure tardive.
Intriguée, elle aperçut une voiture de police en stationnement devant la maison. Elle ouvrit la fenêtre et se pencha. La
lumière pâle de la lune, mêlée à celle des gyrophares de police
enveloppèrent la tête et le buste de la jeune fille. Dana distingua la silhouette d’un homme en uniforme qui patientait devant l’entrée, puis elle entendit un déclic et la scène s’illumina,
signe que l’on avait ouvert la porte.
Le policier resta sur le seuil et Dana n’entendit que des bribes
des paroles qu’il échangeât avec Ian et Lucy. Elle ferma la fenêtre, bien décidée à aller voir se qui se passait.
La petite fille descendit l’escalier, à pas de loup pour ne pas
réveiller son frère. Arrivée en bas, elle se dirigeât vers l’entrée.
Ian s’aperçut de sa présence et se tourna vers elle, les traits
tirés.
« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda la sœur d’Alexis en scrutant
vainement le visage de Ian. »
Elle regarda Lucy ; les lèvres de la femme tremblaient. Elle
se tournât alors vers le policier. Ce dernier baissa les yeux, un
sentiment de gêne profonde inscrite sur le visage.
« Qu’est ce qui s’est passé ? répéta Dana, la panique faisant
trembler sa voix. »
Le policier releva la tête et pris la parole :
« Ton père a été victime d’un grave accident de voiture... »
La petite fille tressaillit.
« ... et je... je suis désolé... il est mort. »
Il est mort... Comment trois petits mots pouvaient-ils faire
aussi mal ? Comment neuf petites lettres pouvait vous donner
l’impression que le monde s’écroule ? C’est ce que Dana se
demandait à l’instant. Lucy s’avança vers elle. La jeune fille
fit trois pas en arrière. Un grondement rauque s’échappa de sa
gorge.
« Non... »
Son père, mort ! Ça n’avait pas de sens. Ça ne pouvait pas
être vrai. Elle hurla.
« Non !!! »
Ses oreilles se mirent à bourdonner, son corps à trembler ; sa
vue se brouilla et elle se mit à haleter, comme un animal blessé.
Ses jambes se dérobèrent et elle serait tombée si Ian ne l’avait
pas rattrapée, in extremis.
Puis la détresse fit place à la terreur et la terreur une rage
sourde, qui demandait à être libérée. Dana se dégagea vivement et sans réfléchir, saisit son sabre, resté prés de la porte.
Elle l’accrocha dans son dos et avant que personne n’est eu le
temps de réagir, elle s’élança vers la sortie. Lucy cria :
« Dana ! Arrête ! »
Le policier, resté sur le seuil de la porte, s’interposa. Pour
Dana, habituée à esquiver les assauts vifs de ses professeurs
d’Aïkido et de karaté et ceux des autres pratiquants, l’homme
se mouvait avec lenteur.
Aussi elle esquivât l’assaut sans le toucher, d’une habile
feinte de corps. Elle effectua une rotation des hanches et un
effacement du buste, et poursuivi sa course sans ralentir. Le
policier, emporté par son élan, chuta lourdement sur le sol. La
jeune fille avait presque atteint le portail, lorsque Ian, sortit de
sa torpeur, se précipita à sa poursuite. Dana ignora ses appels
et, jugeant qu’ouvrir le portail lui ferait perdre de précieuses
secondes, elle posa la main sur le rebord métallique et le franchit d’un bond, se réceptionna souplement de l’autre côté et
repris sa course effrénée. Ian semblait moins disposé à jouer
les casses-cou et ouvrit la barrière avant de détaler en direction
de la jeune fuyarde. Cette dernière l’entendit l’interpeller :
« Dana ! Reviens ! »
Elle jeta un coup d’œil par dessus son épaule. Erreur fatale.
Dans son empressement, elle avait oublié le deuxième policier
resté dans la voiture. Quand elle s’en souvint, il était trop tard
: la collision fut violente.
Dana tituba un instant, les mains serrées contre son coude
gauche et sa cage thoracique. Elle croisa le regard du deuxième
policier éberlué, reprit ses esprit et se mit de nouveau à courir.
L’homme resté dans la voiture fut trop lent et ne pu sortir à
temps. Ian, à qui l’incident avait fait gagner quelques mètres,
le dépassa sans s’arrêter. Dana se dit qu’elle avait une chance
de sortir gagnante de cette « course-poursuite » : Ian courait
plus vite qu’elle et il était plus grand, mais Dana avait l’avantage de la jeunesse et de l’endurance. Elle était déterminée et
la distance jouait en sa faveur : elle avait presque dix mètres
d’avance. De plus, il faisait nuit, or elle avait gardé ses vêtements : un jean gris foncé et un T-shirt noir ; elle se fondait
donc dans l’obscurité, se qui pouvait devenir un atout si elle
réussissait à lui mettre encore plusieurs mètres dans la vue.
Soudain, son pied rencontra un obstacle et elle perdit l’équilibre. Ian vit en cet arrêt un abandon de la part de la jeune fille.
Mais celle-ci, stimulée par la rage et le désespoir, effectua une
chute latérale et se releva d’un bond. En la voyant se remettre
à courir, Ian baissa les bras et s’arrêta net, les mains serrées
sur son point de côté. Dana s’en aperçue et ralentit légèrement
l’allure. Ses chevilles et son visage lui faisaient mal. Elle porta
une main à sa joue : elle était trempée.
Dana se rendit compte que son visage était baigné de larmes.
Des larmes qui lui brûlaient les yeux ; des larmes qui sillonnaient ses joues, tracées par la vitesse. La goutte de lune rebondissant sur sa poitrine la ramena à la réalité et à la mort brutale
de son père. Elle releva la tête et continua à courir pendant
presque dix minutes. Enfin, elle se mit à marcher. Elle était arrivée. Presque inconsciemment, ses pas l’avait menée au dojo.
Elle se précipita dans le jardin, derrière le bâtiment, et pour
noyer son chagrin, elle tira son sabre et effectua tous les enchaînements qu’elle avait appris. La lame du katana virevoltait, tel
un éclat argenté dans la nuit, où la lune se reflétait. Le sabre
coupa net plusieurs branches des buissons qui l’entouraient.
Celles qui avaient réchappé à la lame cinglaient les bras nus de
la jeune fille.
Quand elle eu épuisé ses connaissances en iaïdo*, elle décrocha son katana et le posa au pied de l’arbre. Puis elle répéta
inlassablement tous les mouvements d’Aïkido qu’elle avait
appris. Chaque fibre de son être était concentrée aux enchaînements qu’elle faisait. Plus le temps passait, plus elle était rapide et parvenait, pour un temps seulement, à oublier sa peine.
Pendant prés de trois heures elle travailla ainsi, puis, vaincue
par l’épuisement, elle tomba à genoux, le souffle court.
Elle récupéra son sabre et trouva la force de monter dans
l’arbre qu’elle aimait tant. Elle s’allongea sur la plus grosse
branche et ferma les yeux.
La lune éclaira le pendentif du même nom, qui brilla d’éclats
bleutés. Dana s’était endormie.
* Art de dégainer son sabre
4. Le sort s’acharne
Six heures du matin, le soleil est à peine levé.
Une ombre se glisse silencieusement dans le jardin du dojo.
Le jeune garçon d’une dizaine d’années contemple l’air effaré
les branches et les feuilles qui jonchent le sol. Sans hésiter, il se
dirige vers un grand arbre, dont il escalade les branches. Il s’arrête sur la plus grosse et regarde pendant quelques secondes la
jeune fille qui y est allongée. Elle dors.
Du bout du doigt, Jack repousse une mèche de cheveux qui
tombe sur le visage de Dana.
Quand Dana ouvrit les yeux, elle vit le visage de son meilleur
ami penché sur elle. Elle se redressa péniblement et entrouvrit
les lèvres, s’apprêtant à dire quelque chose.
« Chut... chuchota Jack en posant un doigt sur ses lèvres.
Viens avec moi. »
La jeune fille se laissa guider au pied de l’arbre. Arrivé en
bas, Jack regarda son amie en la tenant à bouts de bras. Il eu un
pauvre sourire sans joie, puis il murmura :
« Dans quel état tu t’es mis... »
Dana baissa les yeux. Son jean était maculé de boue, son Tshirt déchiré était plein de terre. Ses bras et son torse étaient
labourés de longues traces rouges, là où les branches l’avaient
violemment fouettée, ses cheveux tombaient mollement sur
ses épaules et ses vêtements était trempés, signe qu’il avait plu
pendant la nuit.
« Je suis désolé pour ton père. »
Les épaules de la petite fille furent secoués de sanglots silencieux. Les larmes recommencèrent à rouler le long de ses
joues. Au mépris de la terre qui couvraient ses vêtements, Jack
la pris dans ses bras et la serra contre lui. Il ne dit rien et Dana
lui en fut reconnaissante.
Au bout d’un petit moment, les deux amis s’écartèrent et se
mirent en route. Dana savait où ils allaient. Jack la conduisit
chez lui.
Arrivés devant la maison, le garçon fit signe à Dana de ne
pas faire de bruit. Ils s’engagèrent dans l’entrée, puis ils montèrent l’escalier à pas de loup et rentrèrent dans la chambre de
Jack. Ce dernier referma la porte toujours sans bruit, puis il
regarda Dana et lui expliqua :
« Cette nuit, j’ai eu soif et je suis allé dans la salle de bains
pour boire. Quand je suis retourné dans ma chambre, j’ai surpris ma mère au téléphone. J’ai entendu ton prénom, alors j’ai
écouté. D’après se que j’ai comprit, un policier est venu vous
annoncer la mort de ton père, tu t’es enfuie et Lucy demandait
si tu n’était pas venue te réfugier chez nous. Je suis retourné
dans ma chambre et j’ai réfléchis. J’étais sûr que tu étais allée
au dojo. Alors j’ai mis mon réveil sur six heures et me voilà ! »
Il fit une courte pause pour reprendre son souffle, puis reprit
en chuchotant :
« Ma mère dors encore en bas dans sa chambre. Tu vas
prendre une douche et te changer et puis on descendra à l’heure
du p’tit déj’ et on dira à ma mère que tu as dormi dans un jardin
public et que tu viens d’arriver. Ça te va ? »
Dana ne put s’empêcher d’admirer la présence d’esprit de
Jack et hocha la tête, soulagée. Il ne la trahirait pas. Son ami la
conduisit à la salle de bain, lui tendit une serviette et sortit.
« Je t’attends dans ma chambre. »
La jeune fille se déshabilla et regarda ses vêtements. Son
jean devrait être laver et son T-shirt pouvait aller à la poubelle.
Elle entra dans la cabine de douche et ouvrit le robinet. Aussitôt ses douleurs s’estompèrent et un mince filet de sang, de
terre et d’eau coula à ses pieds.
Après s’être lavée, elle se sécha et observa son reflet dans le
miroir. Elle dénombra pas moins de sept longues griffures, réparties sur ses bras et sa poitrine. Elle remarqua également un
bleu au coude gauche et un hématome sur la cage thoracique,
souvenir de sa collision avec la voiture de police.
Dana soupira, remis ses sous-vêtements, mit ses habits sous
son bras, enfila son pendentif et alla retrouver son meilleur ami
dans sa chambre. Quand Jack la vit rentrer, enveloppée dans la
serviette, il se dirigea vers une commode dont il ouvrit le dernier tiroir.
« Je peut te filer un pantalon et un haut pour remplacer les
tiens. Ils sont trop petit pour moi, choisi ce qui te plais. »
Dana le remercia de la tête et regarda dans le tiroir. Elle ne
mit pas longtemps à trouver se qu’elle voulait : un bomber vert
fluo avec des poches ventrales jaunes et un pantalon de skate
noir.
« Excellent choix ! Il manque plus que la casquette et les
chaussures R&B de skateboard ! fit remarquer Jack.
- Tu parles ! Mon frère va bien se foutre de ma gueule quand
il verra que je suis habillée comme un mec ! »
Jack eu un gloussement incontrôlable. Tandis que Dana s’habillait, elle eu une soudaine pensée pour son frère. Son frère qui
devait maintenant être au courant de la mort de William. Son
frère devait avoir autant de chagrin qu’elle. Alors elle eu honte
de sa conduite. Elle n’aurait jamais dû s’enfuir. Elle aurait dû
rester pour essayer de consoler Alexis. A deux, ils auraient été
plus fort.
Puis se fut Jack qui occupa ses pensées. Seul son meilleur
ami avait deviné où elle était allée. Jack, qui avait perdu son
père quelques années auparavant, savait ce qu’elle ressentait.
Jack qui était là pour la soutenir, qui savait qu’il n’avait rien à
dire, juste être là. Sa présence suffisait. Dana sourit. Ils se comprenaient au-delà des mots.
« Pourquoi tu souris ? demanda Jack.
- Pour rien, pour rien. Je me disais juste... merci d’être là. »
Son ami hocha la tête.
« C’est normal. »
Il y eu un silence lourd de sens, que le garçon brisa en signalant :
« Il est l’heure. Tu viens on descend. »
Dana haussa les épaules et suivit Jack dans l’escalier en se
tordant nerveusement les mains. Ils allèrent dans la cuisine où
Élise, la mère de Jack, s’affairait en leur tournant le dos. Elle
se retourna machinalement vers son fils et demanda :
« Bien dormi mon ché... »
Elle ne termina pas sa phrase, laissa tomber son torchon et
plaqua une main sur sa bouche.
« Dana ! Mais... qu’est-ce que tu fais ici ? Ian et Lucy sont
morts d’inquiétude ! »
L’interpellée baissa les yeux, les joues en feu. Voyant qu’elle
ne répondait pas, Jack prit la parole :
« Elle vient d’arriver, dit-il précipitamment. Après s’être enfuie, elle est allée dans un jardin public où elle a passé la nuit,
mentit le garçon en jetant un regard appuyé à son amie. »
Cette dernière s’empressa acquiescer.
« Hum... je vois...dit la mère de Jack. »
Elle fit un pas dans la direction de Dana et l’enlaça.
« Je suis désolée ma chérie. »
La petite fille esquissât un sourire las. Je suis désolé... Cette
phrase qu’elle avait déjà entendue trois fois en moins de vingtquatre heures. Cette phrase qu’elle devait se préparer à entendre encore de nombreuses fois dans les jours à suivre. Cette
phrase qui ne lui rendrait pas son père. Ni sa mère. Dana réalisa
alors qu’elle et son frère étaient désormais orphelins. Malgré
tout, ses yeux restèrent secs. Elle avait suffisamment pleuré.
Essayant de détendre l’atmosphère, Élise fit remarquer d’une
voix étonnée :
« Tiens, tu portes les vêtements de mon fils maintenant ?
Préviens-moi quand vous ferrez le contraire, j’ai hâte de voir
Jackie avec un jupe !
Se fût au tour de Jack de rougir.
- Maman ! protesta-t-il.
- Bon, Dana peut rester déjeuner ici, mais après tu vas directement chez toi, d’accord ? Alors, café, jus d’orange, croissants, confiture ?
-Croissants ! »
Après le petit déjeuner, Jack raccompagna Dana chez elle.
Arrivé devant la maison, cette dernière posa un baiser sur la
joue de son ami et lui dit :
« Merci pour tout Jack.
- C’est rien, répondit-il mal à l’aise.
- Si. Et tu le sais. »
Le garçon plongea ses yeux bleus dans le regard marron de
Dana. Il effleura sa joue du bout du doigt et murmura :
« Je sais... Bonne chance... »
Il tourna les talons et s’en alla. Arrivé près du portail, il se
retourna et lui cria :
« Tu peux garder les vêtements ! »
Dana sourit et attendis qu’il disparaisse pour pousser la
porte. Il régnait dans la maison un calme irréel. Irréel. Comme
tout se qui lui arrivait en ce moment. Elle alla dans le salon et
y trouva Alexis, Lucy et Ian. Tous les trois levèrent la tête en
même temps. Avec une réaction radicalement différente. Alexis
poussa un cri et courut se réfugier dans ses bras. Lucy afficha
un air soulagé. Ian se leva brusquement de son fauteuil. Dana
baissa les yeux, s’attendant à être réprimandée. Elle passa la
main dans les cheveux de son frère et lui murmura des paroles
rassurantes à l’oreille.
« Ah, te voilà enfin ! »
La jeune fille tressaillit face aux paroles de Ian, où le soulagement l’emportait sur la colère.
« Désolée... vraiment.
- Encore heureux ! Qu’est-ce qui t’as pris !? Tu n’imagine
pas le sang d’encre que l’on c’est fait ! »
Dana se sentit misérable et fixa la pointe de ses tennis. Lucy
se leva à son tour, les yeux cernés. Elle posa un bras apaisant
sur le bras de son mari.
« Laisse-là, dit-elle d’une voix douce, elle a suffisamment eu
de peine comme ça. »
Ian renifla bruyamment et retourna s’asseoir. Une petite voix
troubla le silence qui s’était installé :
« Qu’est-ce que l’on va faire Dana ? »
Lucy baissa les yeux vers Alexis.
« Je pense que vous allez devoir aller dans un foyer d’accueil
ou un l’orphelinat. »
Les enfants gémirent.
« Il n’y a pas d’autres solutions ? demanda Dana.
- Vous n’avez qu’à nous adopter ! dit Alexis. »
Lucy sourit devant la naïveté du petit garçon.
« Nous ne pouvons pas Alexis, les choses ne sont pas aussi
simples... répondit-elle avec douceur. »
Ian s’apprêtait à dire quelque chose, quand le téléphone sonna. L’homme se leva et décrocha le combiné.
« Allô ? … Ah, oui. C’était vous hier soir ? … Oui sergent...
Très bien. Nous pourrons mettre les choses au point... Oui, elle
est revenue... Merci, à tout à l’heure. »
Il regarda sa femme et les enfants et précisa :
« C’était le sergent Solomon, qui est venu hier... »
Dana l’interrompit :
« Celui qui est tombé ? »
Ian lui adressa un regard étrange et répondit d’une voix lointaine :
« Oui, c’est lui (Il poursuivit sans remarquer que les joues de
Dana avaient virées au cramoisi). Il appelait pour dire que lui
et son collègue passeront d’ici dix minutes pour faire un point
sur se qui c’est passé, étant donné que hier (Il fit une pause tandis que Dana baissait la tête), nous n’en avons pas eu le temps,
puisque notre jeune amie nous a fait faux bond. »
Pour Dana se fut la phrase de trop. Elle lâcha Alexis et tourna brusquement les talons pour monter dans sa chambre. Lucy
poussa un gros soupir et s’adressa à son mari d’un ton plein de
reproches :
« Tu as fini oui ! Laisse-là tranquille !
- Mais...
- Elle avait déjà eu du mal à se remettre de la disparition de
sa mère, et maintenant que son père meurt aussi, tu ne trouve
rien de mieux à faire que de la gronder !
- Mais... protesta Ian. »
Aux yeux d’Alexis, l’homme ressemblait à un petit enfant
pris en faute après avoir cassé un vase. Il réprima un éclat de
rire et s’enfuit à son tour dans l’escalier. Arrivé sur le palier,
il se dirigea vers la porte de chambre de sa sœur et frappa. Le
petit garçon entendit la voix de Dana qui lui intima de derrière
la cloison :
-Entre Alexis !
Timidement, il poussa la porte et, trouvant Dana assise sur
son lit, il s’empressa de la rejoindre.
-Comment tu savais que c’était moi ? Tu arrive à voir à travers les portes ?
-Bêta ! lui répondit sa sœur en pouffant, je t’ai entendu monter l’escalier et quand tu est arrivé devant la porte, la lame de
parquet, qui craque d’habitude, n’a pas eu le moindre grincement. Qui d’autre que mon insupportable jojo de petit frère est
assez léger pour marcher dessus sans la faire craquer ?
Alexis observa sa sœur, admiratif.
-Wow. T’es forte ! Je vais devoir t’appeler « Sherlock ».
Dana lui adressa un clin-d’œil.
-Élémentaire mon cher Alexson !
-Nan, mais en vrai, tu m’as entendu monter l’escalier ? repris
son frère, incrédule. Pourtant j’ai pas fait de bruit.
-Alors disons que tu peux m’appeler « Oreille de sioux » !
-OK chef !
Puis il repris plus sérieusement :
-Et maintenant Dana. On est tous seuls ! Tu resteras avec
moi hein ! Promis ?
-Quoi qu’il arrive. Promis ! répondit la jeune fille en le serrant contre elle.
A cet instant, les deux enfants entendirent un coup de sonnette. Ils se précipitèrent dans l’entrée et arrivèrent en même
temps que Lucy. Cette dernière ouvrit la porte, révélant l’identité des visiteurs : le sergent Solomon et son collègue, bien
entendu.
-Entrez messieurs, proposa Lucy, nous serons plus à l’aise
dans le salon pour parler.
Les deux policiers suivirent la femme jusque dans la pièce,
où Ian lisait un magazine. Quand celui-ci les vit entrer, il se
leva et se dirigea vers Solomon. Les trois hommes échangèrent
une poignée de main, puis Ian leur fit signe de s’asseoir. Dans
sa précipitation de la veille, Dana n’avait pas eu le temps de
détailler les deux policiers. Elle remarqua un bleu sur l’arcade
sourcilière de Stevenson et rougit en songeant qu’il se l’était
sans doute fait dans sa chute. Le collègue de ce dernier fut le
premier à rompre le silence :
-Bien. Étant donné les circonstances, nous allons prendre
contact avec les membres de votre famille pour...
Dana l’interrompit :
-Nous n’avons personne ! Nous n’avons pas connu nos
grands-parents paternels et nos grands-parents maternels sont
mort depuis longtemps. Ma... ma mère... est morte il y a trois
ans. Je n’ai plus que mon frère !
-Vous n’avez ni cousins, ni oncles, ni tantes ? demanda Solomon perplexe.
-Heu... mon père avait bien un frère, Celsino, mais cela fait
sept ans que nous n’avons plus de nouvelles de lui.
-Merde, jura le policier.
-Vous allez nous envoyer à l’orphelinat, dit Alexis d’une
voix plaintive.
Le sergent Solomon se tourna vers lui et répondit
doucement :
- Oui bonhomme. Nous n’avons pas le choix.
Le petit garçon gémit et se pelotonna contre sa sœur. Mal à
l’aise, le deuxième policier essaya de le rassurer :
-Tu verras, ce n’ai pas si horrible que ça. Vous resterez ensemble et vous serez logés et nourris. Nous vous avons trouvé
un centre qui vous permettra de ne pas changer d’école et avec
un peu de chance, vous vous ferrez des copains !
-Un employé viendra vous chercher se soir, renchérit son
collègue.
-On doit faire nos bagages ? s’inquiéta Dana.
-Non, inutile. Vous passerez une première nuit là-bas, puis
vous viendrez prendre vos affaires quand ils vous auront trouvé une chambre libre.
Il y eu un petit silence que Solomon rompis en se levant.
-Bien, c’était tout se que nous avions à dire. On va y aller...
Ian les raccompagna à la porte, suivit de Dana. Cette dernière glissa au policier, d’une toute petite voix :
-Excusez-moi pour hier, je n’avais pas l’intention de vous
faire mal, ni même de vous faire tomber.
Solomon rigola :
-Y a pas de mal ! Je dois avouer que j’ai été sacrément surpris de me retrouver à terre à cause d’une gamine de dix ans.
Tu ne m’a même pas touché ! Tu pratique les arts martiaux ?
Dana sourit.
-Je pratique quotidiennement l’Aïkido, la capoeira et le karaté et j’ai quelques notions en Iaïdo et en taekwondo.
-Wow, mais c’est Karaté Kid ! s’exclama le deuxième
homme. N’empêche, tu m’as fais peur hier. Ma voiture n’a aucunes traces, mais toi, sa va ?
Dana sourit de nouveau, retroussa sa manche et souleva son
sweat-shirt, révélant son coude et sa poitrine tuméfiés.
-Wow, répéta le policier, c’est moche !
-Ouais, mais au moins, on est quitte, répliqua la petite fille,
provoquant l’hilarité des deux hommes.
L’homme avait une cinquantaine d’années. Il était arrivé à
l’heure et avait abordé les enfants :
-Salut les mômes ! C’est quoi vos prénoms ?
-Dana. Dana et Alexis.
-Et toi, comment tu t’appelles ? avait demandé ce dernier.
-Appelez-moi Bill.
C’est donc en compagnie de Bill que les enfants partaient
en direction de l’orphelinat, dans la voiture de l’homme, après
avoir embrassé Ian et Lucy. Celui-ci sentait la tension des deux
enfants et s’employait à essayer de détendre l’atmosphère.
-Vous vous sentez bien les enfants ? commença-t-il.
Alexis n’eut aucune réaction et sa sœur adressa à Bill un
sourire crispé. L’homme eu un petit rire.
-Vous savez, expliqua-t-il, ce n’ai pas si horrible que ça. Vous
vous ferrez des amis et on occuperas bien de vous.
Dana haussa les épaules. On le lui avait déjà dit.
-Moi, tant que on reste tout les deux et que je peut continuer
à pratiquer les arts martiaux, je m’en fiche.
Bill se tourna vers elle, surpris. Elle ne plaisantais pas. Il y
eu un court silence que l’homme rompit en constatant :
-Tiens, on dirait qu’il va pleuvoir...
Effectivement, de gros nuage noir s’accumulaient dans le
ciel. Comme il faisait déjà nuit, il y avait soudain moins de
lumière. Bill alluma ses phares et les premières gouttes s’écrasèrent sur le pare-brise. Puis les simples gouttes se changèrent
en averse. L’homme étouffa un juron et actionna les essuieglace. Ce fut alors un véritable déluge qui s’abattit sur la ville.
Plus un mot ne fut échangé, car Alexis s’était endormi, Bill était
concentré sur la route et Dana n’allaient pas parler toute seule !
Au bout de dix minutes pourtant, Dana se risqua à demander :
-On arrive bientôt ?
Les sourcils froncés, le conducteur répondit :
-Dans dix à quinze minutes, ça dépend du temps. Et encore,
on a de la chance, il n’y a pas de circulation ; mais je suis obligé de rouler lentement à cause de la pluie.
Il fit une pause et grommelât plus pour lui même que pour sa
passagère :
-Quel temps pourrit ! On ne voit que dalle !
Fatiguée, Dana regarda machinalement par la fenêtre. Les
gouttes de pluies s’écrasaient sur la vitre et coulaient lentement. La jeune fille regardait les enseignes lumineuses des magasins, puis se mit à compter toutes les voitures bleues qu’elle
voyait. Arrivée à douze, elle s’aperçut que Bill avait bifurqué
vers une route plus étroite. Elle regarda défiler les arbres, noyés
sous la pluie qui se s’arrêtait pas. Puis la voiture s’engagea sur
un pont, qui surplombait un fleuve aux eau déchaînées. Tout
alla bien jusqu’à quatre mètres de la fin du pont, où se fut la
catastrophe... Bill, qui roulait à bonne allure, vit un animal qui
ressemblait à un lapin traverser la route en se jetant presque
sous les roues. L’homme donna un grand coup de volant vers
la droite pour l’éviter et poussa un juron :
-Merde ! Putain, mais quel con !
La voiture fit une embardée et Bill perdit le contrôle de son
véhicule. Il appuya de toutes ses forces sur la pédale de frein,
mais la voiture fonçait vers la barrière de sécurité. Dana s’aperçut avec horreur que cette partie du pont était en travaux et que
la rambarde avait été remplacée par une barrière en bois. Au
contact de la voiture, la barrière vola en éclat et ils plongèrent
dans le fleuve. Sous le choc, Dana fut éjectée du véhicule, qui
s’enfonçait dans les eau tumultueuses. Entraînée à son tour
vers le fond, elle battit énergiquement des pieds et remonta à
la surface. Épouvantée, elle regarda autour d’elle, en tentant
de garder sa tête hors de l’eau. Elle ne voyait son frère ni Bill
nulle part. Elle cria :
-Alexis ! Alexis, où es-tu ?
Son rythme cardiaque s’accéléra. Son frère s’était endormi.
Le choc l’aurait réveillé se dit-elle. Oui, mais si il était toujours
prisonnier de la voiture au fond de l’eau. Non, Dana refusait
cette idée. Alexis, mort ! Elle ne le supporterais pas ! Elle appela de nouveau son frère, sans succès. Des larmes se mêlèrent à
la pluie qui tombait sur son visage et sa voix se brisa. Elle porta
la main à son cou et serra son pendentif de lune, en pensant à
son père. Que lui aurait-il dit dans ce moment là ? « -Garde ton
sang-froid Dana, nage calment pour ne pas t’épuiser et ne pas
sombrer. ». Elle luta contre le courant et fut bientôt propulsée
contre une grosse pierre qui dépassait de l’eau. Le choc lui
coupa le souffle.
-Bill ! Alexis ! Alexis !
Avec l’énergie du désespoir, elle se cramponna au rocher.
Soudain, des bras puissants lui agrippèrent les épaules et la tirèrent vers l’arrière. C’était Bill. Il lui cria quelque chose, mais
le grondement de l’eau couvrit sa voix. Dana hocha la tête et
se laissa faire. L’homme la conduisit vers la berge. L’air jovial
avait déserté son visage et il avait les traits tirés, inquiet.
-Où est ton frère ?
A la vue du visage de Dana, il sut qu’il n’avait pas choisis la
bonne question.
-Je vais le chercher, dit brusquement la petite fille.
-Quoi ? s’étrangla Bill, pas question, c’est impossible !
Mais, têtue, Dana faisait demi-tour.
-Arrête, Dana reviens ici !
L’homme la rattrapa avant qu’elle ne plonge et lui enserra la
poitrine de ses bras croisés. Il la tira vivement en arrière et sa
voix se cassa sous les efforts qu’il faisait pour contenir la jeune
fille. Celle-ci se remit à appeler Alexis. Puis brusquement, lasse,
fatiguée, elle cessa de luter. Des point noirs dansèrent devant
ses yeux et elle s’écroula sur le sol boueux, inconsciente.
5. Une froide détermination
Quand Dana ouvrit les yeux, elle était allongée toute habillée dans un lit qui n’était pas le sien. Ses baskets boueuses traînaient au pied de son lit. Elle leva un bras et sentit aussitôt ses
muscles la lancer : courbatures. Elle balaya la pièce du regard.
Elle n’était meublée que du lit, d’une table de chevet et d’une
porte coulissante. Lentement, elle repoussa la couette et ouvrit
la porte, révélant une petite salle de bain. Elle se dirigea vers le
lavabo et s’aspergea le visage et se sentit beaucoup mieux. De
retour dans la chambre, elle s’assit sur le lit, tâchant de se rappeler comment elle avait atterrit ici. Elle se souvenait d’avoir
longtemps lutter contre les flots, puis elle se rappela Bill la ramenant sur la berge, ses cris pour appeler son frère et... Alexis
! Il n’était pas avec elle ! Paniquée, elle sortit en courant de sa
chambre. Aussitôt une discrète alarme retentit dans le couloir
et une jeune femme vint à sa rencontre.
-Bienvenue au centre Nevada, Dana. Je m’appelle Rebecca.
Comment te sens-tu ?
Dana haussa les épaules et ignorant la question, elle demanda :
-Alexis ! Où est mon frère ?
Le visage de la femme se décomposa.
-Il est... il... les policiers n’ont pas retrouvé son corps.
Dana recula de deux pas, comme assommé. Après la mort
de sa mère, son frère et elle étaient devenus plus soudés. Et
après le décès de son père, elle lui avait promis qu’il resterais ensemble. Amère, elle songea que jamais elle n’avait brisé
une promesse aussi vite. Mais et ci malgré tout son frère était
vivant ?
-Mais, ils n’ont peut-être pas bien cherché, se prit-elle à espérer.
-Ils ont fait le nécessaire, Dana. Ils ont fouillé le fond et les
berges du fleuve sur presque un kilomètre dans le sens du courant. Alexis n’était pas non plus dans la voiture.
-Mais, il a sûrement rallié le rivage.
-Non Dana, je suis désolé. Les policier ont aussi cherché sur
les deux rives. Alexis n’y était pas et de toute façon, il n’aurait
pas pu aller loin dans les terres, car tout le long il y a des clôtures électrifiées à trois mètre de la rive.
-Mais, même si il est... il est... m... mort, son corps doit bien
être quelque part.
-Je le sais bien, mais pour le moment, il est introuvable !
Étourdie, la petite fille se pris le visage dans les mains. Étonnement, ses yeux restèrent secs. Elle n’avait plus de forces pour
pleurer, plus de larmes à verser. Lorsqu’elle écarta les mains, il
n’y avait plus que dans son regard que de la déterminations et
de la fatigue. Rebecca, visiblement mal à l’aise, posa une main
sur l’épaule de la jeune fille et proposa d’une voix douce :
-Tu veux que je te fasse visiter le centre ?
Dana hocha doucement la tête. Rebecca commença par lui
montrer le réfectoire, la salle de jeux, la salle d’étude puis termina en disant :
-Les chambres sont à l’étage. Celles des plus petits jusqu’à
treize ans au premier et de quatorze à dix-sept ans au deuxième.
Les douches et salles de bains sont au sous-sol.
La femme regarda sa montre et fit remarquer :
-Il est onze heures. Trop tard pour le petit déjeuner et trop
tôt pour le repas de midi. Si tu veux, je te conduis à ta vraie
chambre, sauf si tu as faim bien sûr !
Dana secoua la tête.
-Non, c’est bon, ne vous en faîtes pas pour moi.
A cet instant, un homme déboucha du couloir et se dirigea
vers elles. Il s’approcha de Rebecca et lui annonça :
-Eléanore a besoin de toi au bureau.
-Zut, fit la femme.
Puis elle expliqua a Dana :
-Eléanore est notre directrice. Cela ne te dérange pas d’aller
seule à ta chambre ?
La petite fille secoua la tête.
-Bien, alors elle est au premier étage, la numéro 100. Tu
trouveras toute seule ?
-Oui c’est bon, je vais me débrouiller.
Dana partit donc de son côté. Elle monta les escaliers en
admirant les tableaux qui ornaient les murs. Il y avait quelques
Manet, Vincent Van Gogh, Picasso et d’autres peintres moins
connus. Arrivée en haut, la jeune fille regarda le numéro sur la
première chambre : 122. La sienne devait se trouver au bout
du couloir. Elle continua son chemin en regardant les numéros de portes. 120, 118, 116... Arrivée à la chambre 112, Dana
croisa un petit garçon qui tremblait comme une feuille, fasse à
trois adolescents qui avaient l’air d’être des vraies brutes. Elle
entendit le plus grand, un blond avec les cheveux hérissés et
une moue méprisante qui disait au gamin :
-Alors Steve, tu me les donnent quand mes dix livres ?
-Tu... tu les auras Tom, promis l’enfant qui semblait terrifié.
-Quand ?
-Dans... dans deux jours maximum, le... le temps que on ai
notre argent de po... de poche.
-Je les veux maintenant, rugit Tom tandis que ses deux copains gloussaient bêtement. Mais, repris le garçon d’une voix
traînante, tu as une chouette casquette. Quoi, tu me la donne !
Trop sympa ! dit-il avant d’éclater de rire.
Il souleva le couvre chef et le mit sur sa tête. Le gamin semblait au bord des larmes. Révoltée, Dana fit trois pas en arrière,
subtilisa la casquette et la remit gentiment sur la tête de son
propriétaire et le poussa doucement en arrière. L’enfant adressa
un regard où la reconnaissance l’emportait sur la stupéfaction,
et sans se faire prier, détala au bout du couloir. Un sourire naquit sur les lèvres de la petite fille. Sourire qui disparut aussitôt
qu’elle se tourna en direction des trois garçons. Elle venait de
provoquer involontairement trois adolescents qui avaient tout
des parfaits caïds et qui devait avoir au moins cinq ans de plus
qu’elle.
-Eh morveuse, commença Tom, celui qui semblait être le
chef, tu sais se que tu viens de faire là ?
Dana fit mine de réfléchir avant de répondre avec une voix
innocente :
-Il me semble que je viens d’empêcher trois crétins de racketter un gosse de six ans. Vous pourriez au moins vous en
prendre à des gens de votre âge !
Le garçon semblait énervé, mais il la regarda avec curiosité.
-Sans blagues, répliqua-t-il, tu pourrait t’appliquer cette règle
gamine, car au cas où tu n’aurait pas remarquer, nous sommes
trois, tu es seule. Nous avons quinze et quatorze ans et tu en as
à peine onze. En plus ont ne rackettaient personne, ce p’tit con
me devait dix livres, comme tout le monde ici. D’ailleurs, si tu
es nouvelle, tu va aussi devoir me payer. Tu t’ai mêlée d’une
histoire qui ne te regardait pas, tu vas le regretter !
-Arrête, tu vas me faire peur, riposta Dana qui commençait
en effet à un peu regretter de les avoir provoqué. Et pourquoi
je te devrais de l’argent ?
-A moins que tu veuille que nous faisons de ta vie un enfer,
tu dois nous donner dix livres tous les mois.
-Et si je refuse ?
Perdant patience, Tom la saisit par le col. Voulut la saisir par
le col. La petite fille s’était déplacée vers la droit en fléchissant
sur les jambes. Un des copains du garçon s’exclama, furieux :
-Putain, mais je le crois pas ! Tom, tu va pas te laisser faire
par cette petite morveuse ! Elle se prend pour qui ? Pour Karaté
Kid ?
Tom regarda Dana et eu un sourire menaçant.
-Tu ne sais pas qui nous sommes n’est-ce pas ?
La petite fille haussa les épaules.
-Normal, je vient d’arriver.
Le sourire du garçon s’élargit.
-Et bien comme ça tu le sauras. Moi c’est Tom. Tom Felton.
Eux, c’est mes potes : Nathan Pann et Thibaud Marc.
Dana regarda les trois garçons. Tom, outre ses cheveux blond
hérissés, avait le teint pâle, le nez en pointe et les yeux bleus.
Nathan était grand, assez costaud, les épaules larges, les cheveux noir et ras. Thibaud avait des taches de rousseurs, un gros
nez ; ses yeux et ses cheveux courts étaient noirs. Dana jugea
que c’était Tom qui avait quinze ans et les deux autres abrutis
quatorze. Elle haussa de nouveau les épaules.
-Tant mieux.
Elle fit deux pas de côté pour éviter les trois compères et
continua son chemin. Elle arriva enfin à sa chambre. Celleci était meublée de deux lits, deux casiers métalliques, deux
bureaux, une commode et une penderie divisée en deux. Sur
les murs, il y avait un poster d’un groupe de R&B que Dana
aimait bien et un emploi du temps était punaisé au dessus du
premier lit. Dans la penderie, des jeans Diesel, des hoodies,
des baskets Nike et des T-shirt Airness. Á n’en pas douter, ces
habits étaient ceux d’un garçon, qui avait tout de même l’air
cool. Elle était là dans ces réflexions quand elle entendit une
voix dans son dos :
-Eh, tu ne va pas t’en tirer comme ça hein ! Et pour la deuxième fois, si tu veux que on te laisse tranquille, tu me dois dix
livres tous les mois à commencer par maintenant.
La porte ! Pourquoi n’avait-elle pas fermé la porte ! Évidement que Tom et ses copains allaient rappliquer ! Dana savait
qu’elle était allée trop loin. L’affrontement, aussi bien verbale
que physique, était inévitable. Dana ferma brièvement les yeux.
En moins d’un jours, sa vie avait basculé. Elle avait perdu son
père et son frère. Désormais elle n’avait plus que son meilleur
ami. Désormais, elle se fichait de tout. Elle fit volte-face et se
plaça en garde dissimulée, la main droite le long du corps pour
pouvoir protéger la partie basse de son abdomen tandis que son
avant-bras gauche protégeait sa gorge et son visage, la main
sur le menton comme si elle réfléchissait. Les jambes fléchies,
le pied gauche devant et le pied droit derrière, perpendiculaire
au talon gauche. Elle était prête.
-Alors minus, tu te magne ! Si tu veux pas que Nathan ne
t’abîme de trop.
Dana serra les mâchoires et adressa un doit d’honneur à son
adversaire. Tom cligna bêtement des yeux et se dirigea vers
l’insolente, furax. Il la saisie par le col, et fut surpris de la voir
suspendue dans le vide, les pieds à cinq centimètres du sol, elle
qui l’avait habilement évité tout-à-l’heure. Il fixa la petite fille
dans les yeux et tiqua devant le sentiment qui se dégageait de
son regard : une détermination sombre et froide. Tom se ressaisit et brandit son poing serré à hauteur de son visage.
-Alors, tu fait moins la maligne, hein moustique ! s’esclaffa
l’adolescent. Il se tourna vers ses copains et fanfaronna :
-Regardez-là, je crois qu’elle va faire dans son froc !
Dana leva une main devant son visage, une expression de
peur sur le visage.
Ruse.
Son genou remonta avec force entre les jambes du garçon.
Douleur.
Celui-ci devint tout rouge, puis tout blanc puis il lâcha Dana
et tomba à genoux, les mains crispées sur son entrejambes. La
jeune fille le regarda avec mépris et cracha :
-Moustique ? Personne ne m’appelle « moustique » Felton !
La réaction des autres ne se fit pas attendre, mais Dana s’y
était préparée. Elle esquiva habillement le coup de poing au visage que voulut lui adresser Nathan, saisit son poignet, pivota
sur elle même en ramenant le poignet vers elle et plia les doigts
du garçon vers lui. Kote Gaeshi*. Nathan s’écroula sur le sol.
* Prononcer « Koté Gaïshi » nda
Thibaud lui asséna alors un coup de poing à l’abdomen. Étant
donné que Dana avait l’habitude d’encaisser des coups plus
violent et que le dernier sport que le garçon avait du pratiquer
était le visionnage de télévision, le coup ne lui fit absolument
aucun effet. En revanche, quand elle riposta par un coup de
pied latéral à l’aine, Thibaud se plia en deux.Entre temps, Tom
s’était ressaisit et il attaqua en même temps que Nathan. Les
deux poings fusèrent dans des directions différents : le nez et
la gorge. Ils rencontrèrent le vide.
***
Insaisissable, Dana avait déjà bougé. Elle attrapa les deux
poignets et effectua un demi-tour. Les deux imbéciles formèrent
une sorte de nœud et s’écroulèrent. Sentant une menace, elle
fit volte-face, mais trop tard. Thibaud ne rigolait plus du tout
et avait à la main un couteau à cran d’arrêt. Il dit d’une voix
menaçante :
-Fini de rire Karaté Kid. Mets bien gentiment tes mains sur
ta tête. Et pas un geste, sinon je me sert de ceci.
Docile, Dana obéit. Et comme un reflet dans un miroir, elle
vit Thibaud faire un horrible sourire et elle sentit que on la
saisissait par les épaules pour la faire se retourner. Tom avait
un rictus de colère et il lui asséna un direct au plexus solaire
et un deuxième coup au sternum. Si Thibaud ne pratiquait que
le sport de canapé, Tom, lui, avait manifestement déjà pris des
cours de boxe. Dana eu un hoquet et tomba à genoux, les mains
crispées sur son abdomen. Elle fit une grimace de douleur très
convaincante et à peine simulée. Le complice de Tom baissa
son couteau et laissa mollement pendre ses bras. Erreur. Il passa
l’arme à Tom. Double erreur. Dana se releva vivement et saisit
le poignet de Tom qui lui tournait le dos. Elle le plaqua contre
un mur et remonta lentement le poignet dans le dos de l’adolescent, mettant l’épaule au supplice. Le garçon poussa un cri.
Dana accentua la clef et les doigts de Tom s’ouvrirent La jeune
fille se tourna vers les deux autres garçons. Les adversaires
se tenait de nouveau face à face, mais l’arme avait changé de
propriétaire. D’un ton mauvais, Dana expliqua aux complices :
-Des fois c’est l’épaule qui cède, des fois c’est le bras qui
casse. Vous pariez sur quoi ?
-Tu es folle ! Lâche-moi, lâche-moi et on s’en va ! hurla
Tom.
Dana appuya sur l’épaule.
-Juré ! cria le garçon.
Elle lâcha sa victime et l’envoya sur ses amis. Tous les trois
sortirent à reculons, de mauvaises grâce. Stupéfaite de s’en
sortir à si bon compte, leur victime les entendis lui proférer des
injures. Alors, Dana se rendit compte que la scène avait eu un
cinquième spectateur.
6. James et révélations
-Wow !
Un garçon au cheveux blond du même âge que Dana se trouvaient dans l’encadrement de la porte.
-Wow ! répéta-t-il. Comment tu les as matés !
Dana souffla et se dirigea vers le lit inoccupé, près de la
fenêtre, qui était désormais le sien. Elle s’y assit en se tenant
le ventre là où Tom Felton l’avait frappée, puis se tourna vers
le garçon. Elle remarqua qu’il portait un jean semblable à ceux
qu’il y avait dans la penderie. A moins de se tromper lourdement, ce garçon devait être son compagnon de chambre.
-Ça va ? demanda-t-il en pénétrant dans la pièce.
Dana hocha la tête.
-Tu es là depuis quand ? questionna-t-elle à son tour.
-Je suis arrivé pile au moment où Felton t’attrapait par le col.
-Quoi !? Et tu es resté là à rien faire !
-Et bien, répondit le garçon et se passant la main dans les
cheveux, tu te débrouillait très bien toute seule et puis de toute
façon, Nathan et Thibaud m’interdisaient le passage.
-Je vois, dit Dana les lèvres pincées.
-Au fait, moi c’est James, et toi ?
-Je m’appelle Dana.
-Tu n’as pas de bagages ? remarqua James.
-Je... non... Je dois aller les chercher aujourd’hui normalement.
-Ce serait mieux, puisque demain c’est la rentrée !
-La rentrée ? Flûte, j’avais oublié ! C’est chiant...
-Ouais, répéta James, surtout que on peut pas dire que j’aime
aller en cours !
-Tu m’as l’air d’être un petit rigolo toi, fit remarquer Dana
amusée.
James lui adressa un clin d’œil coquin, ce qui fit rire la petite
fille. A cet instant, un éducateur d’une trentaines d’années arriva dans la pièce. Il regarda les deux enfants, puis prit la parole.
-Et bien James, je vois que tu as fait connaissance avec Dana.
C’est bien. Je m’appelle Kevin. On m’a chargé de t’accompagner pour passer chez toi prendre tes affaires. Alors, on y va !
-OK, allons-y.
***
Quand Kevin et Dana arrivèrent chez elle, le jeune homme
dit à la petite fille :
-Je dois faire une course, je n’en ai pas pour trop longtemps,
je passe te chercher ici après, ça te va ? Je te laisse une heure et
demi, c’est suffisant.
-Merci, à tout-à-l’heure.
L’homme remonta dans sa voiture, laissa Dana monter les
marches qui menaient à la porte et repartit. Quand Dana entra dans la maison, il régnait une atmosphère irréelle. Jamais
la maison n’avait été aussi silencieuse. La jeune fille sursauta
lorsque la porte se referma, brisant le silence. Elle commença
par monter dans sa chambre pour y prendre ses affaires, déjà
prêtes. Une valise contenant tous ses vêtements et ses affaires
de toilette ; une autre, plus grande, dans laquelle elle avait rangé ses nombreux livres, tout son argent et plein d’autres objets
auxquels elle tenait. Avec un soupir, elle considéra sa chambre
et continua à remplir la grande valise. Elle prit également son
sabre et son poster. Quand elle regarda la pièce, celle-ci était
tristement démunie : restaient son lit, sa commode, sa table de
chevet et son bureau, presque vides. Soupirant de nouveau, la
petite fille descendit ses affaires dans l’entrée. Elle consulta sa
montre. Il lui restait une heure et quart. Elle sortit son appareil
photo de la grande valise et prit des clichés de chaque pièce
de la maison. Elle prit également des photos de « son » arbre
et du jardin. C’est alors que Dana songea qu’elle ne pouvait
se résoudre à partir sans emporter un souvenir de ses parents
et de son frère. Elle remonta les marches qui menaient à la
porte. Machinalement, elle regarda dans la boîte aux lettres et
retint une exclamation de stupeur quand elle s’aperçut qu’il
y avait une lettre. Elle fut encore plus surprise quand elle vit
que celle-ci lui était adressée et son cœur rata un battement
lorsqu’elle reconnu l’écriture de son père. Elle se saisit vivement de l’enveloppe et rentra dans la maison, la lettre serrée
contre sa poitrine. Dans sa précipitation, elle avait oublié les
valises. Bam ! Elle s’étala sur le carrelage et le bruit résonna
dans la demeure. Légèrement sonnée, Dana se releva et s’élança dans l’escalier. Elle décida de choisir les souvenirs avant
de lire la lettre. Fébrile, ravalant ses larmes, elle entra dans la
chambre de son frère. La pièce était aussi « clean » que le soir
où ils l’avait rangé. Sans hésiter, Dana se dirigea vers un petit
bureau en bois. Lentement, elle se saisit d’un petit objet en jade
: un petit tigre que son père avait ramené d’Asie. La petite fille
en possédait un également, mais en ambre. Elle mit le tigre
dans sa poche, puis inspecta la pièce. Elle décida d’emporter
aussi le kimono d’Alexis, une petite peluche, un collier en bois
de coco, et une petite boite à musique argenté qui leur venait
de leur mère et dont Dana possédait la « jumelle ». Elle alla
ensuite dans la chambre de ses parents. Elle choisi deux collier
et un bracelet en or parmi ses préférés et un foulard qui appartenaient à sa mère, un stylo à plume et une bague qui appartenaient à son père, puis ouvrit un tiroir de la table de chevet et
s’empara de l’album photos. Elle le mis sous son bras, sortit de
la pièce, alla chercher un autre petit sac et mis le tout dedans.
Puis elle descendit poser le sac avec ses autres affaires. C’est
alors qu’elle aperçut un papier par-terre. La lettre ! Elle l’avait
perdu dans sa chute ! Dana s’empressa de la récupérer, s’assit
sur une marche et, le cœur battant à cent à l’heure, elle ouvrit
l’enveloppe. Surprise, celle-ci en contenait une deuxième, plus
petite, sur laquelle était écrit en lettres capitales rouges :
SURTOUT NE PAS OUVRIR AVANT
LE 20 JUILLET !!!
Quel jour était-on ? Le 20, exactement ! Empressée, elle déchira la seconde enveloppe, découvrant enfin la lettre. Elle lut
et son rythme cardiaque s’accéléra. Voici se qui était écris :
Dana, ma chérie,
Si tu lis ces lignes, c’est que je suis mort.
Je voulais avant tout te dire que je t’aime et te
demander de bien prendre soin d’Alexis. Je te dois pas mal
d’explications. Malheureusement, cette lettre pourrait tomber
entre de mauvaises mains. Pour avoir plus d’informations, fais
rugir le tigre d’ambre sur la colline de Feu, à l’endroit interdit.
A tout de suite dans ma deuxième lettre,
Ton père, William.
Dana plia la lettre qu’elle remit dans l’enveloppe, le visage
défait.
Son père lui demandait de « faire rugir le tigre d’ambre sur
la colline de Feu... ». La petite fille compris immédiatement
l’allusion au tigre : c’était sa petite statuette d’ambre. Pour la
colline, Dana savait de quoi il s’agissait. « Sur la Colline de
Feu » était un roman illustré que son père avait en deux exemplaire et que Dana aimait beaucoup.
L’endroit interdit, dans la maison, était depuis toujours, le
bureau de son père. Elle décida d’en avoir le cœur net, récupéra sa statuette et monta jusqu’au bureau. Timidement, elle
ouvrit la porte et s’étonna que cette dernière ne sois pas fermée
à clef.
Le bureau était plus petit que les autres pièces et possédait
une magnifique bibliothèque en bois d’olivier. Un bureau, en
bois lui aussi, était placé près de la fenêtre, le tout impeccablement rangé. Dana se dirigea vers la bibliothèque. Elle promena ses doigts sur les livres du troisième rayon en partant de
la droite. Arrivée tout au bout, à l’extrême gauche, près de la
fenêtre, elle trouva enfin se qu’elle cherchait : « Sur la Colline de Feu ». Étonnement, elle ne se rappelais jamais avoir vu
son père sortir l’ouvrage des étagères et il lui avait toujours lu
l’autre exemplaire. Elle essaya de le prendre, sans succès. Le
livre était comme soudé dans la bibliothèque. C’est alors que,
allant de surprises en surprises, elle vit un petit emplacement
gravé dans le bois. Sans trop y croire, elle sortit le tigre d’ambre
de sa poche et le plaça sur l’endroit creux. Il s’y emboîta parfaitement. Voilà, songea Dana, le tigre était placé sur la colline.
Que fallait-il faire maintenant ? Perplexe, elle s’écarta, laissant
les rayons du soleil se poser sur les livres. Et c’est par le soleil
que tout se déclencha. Brusquement, un grondement quasiinaudible retentit depuis l’intérieur du meuble. Les rayonnages
coulissèrent lentement, révélant une ouverture derrière, qui
donnait sur une salle plus petite. Estomaquée, Dana se frotta
les yeux pour vérifier qu’elle ne rêvait pas. Un claquement sonore l’avertit de la fin de la phase ouverture. Intriguée, Dana
s’engouffra par la porte et arriva dans une sorte de petit bureau,
beaucoup plus moderne que de l’autre côté de la bibliothèque.
Une table en verres et des casiers métalliques meublaient la
pièce. Dana sentit son cœur se serrer lorsqu’elle avisa une photo d’elle et de son frère sur le bureau. A côté se trouvait une
enveloppe, sans doute la deuxième lettre. Dana s’assit sur la
chaise et l’ouvrit. La lettre était beaucoup plus longue que la
première et la petite fille reconnaissait encore l’écriture de son
père. Elle caressa doucement le papier, ferma les yeux, prit une
grande inspiration et la déplia :
Félicitation ! Je n’ai jamais douté de ta réussite, mais je
dois encore une fois admirer ta réflexion et ton ingéniosité.
Comme tu l’as sans doute deviné, ceci est mon « vrai » bureau. En revanche, tu ne sais pas pourquoi il m’en faut deux. Le
premier, celui que vous avez toujours connu, me servait dans
ma vie quotidienne, pour mon travail de photographe. Et le
deuxième, celui-ci, il me sert pour ma vraie profession. J’espère
juste que tu es assise. Je ne suis pas photographe. Du moins, ce
n’est pas mon vrai métier. Je me doute que tu vas avoir beaucoup de mal à croire se qui va suivre, mais dis-toi que c’est
moi qui te le dis. Je ne suis pas photographe, je suis un espion.
Un agent secret, à la solde du MI5. Avant que tu ne te pose la
question, ta mère était au courant. Alan, mon frère, travaille
aussi pour le MI5, comme agent d’élite. Je n’ai malheureuse-
ment plus de nouvelles de lui depuis longtemps, pour de vrai.
Je voulais aussi te dire que je sais qui est l’homme qui m’a tué.
J’ai joint une photo, pour des raisons de sécurité, mais je ne
te communiquerais pas son nom. Tu dois aussi savoir, encore
pour des raisons de sécurité (au cas où il voudrait s’en prendre
à vous), qu’il n’a que quatre doigts à la main gauche (un petit
souvenir de moi). Je te demanderai, connaissant ta fougue, de
ne pas chercher à retrouver cet homme. Tu trouveras dans le
premier tiroir du casier métallique mon dossier d’agent, pour
te prouver que je dit la vérité, même si je pense que tu n’en a
pas besoin pour me croire.
Je te souhaite bonne chance pour la vie, ainsi qu’a ton frère.
Je t’aime,
Papa.
PS : Je te demande de ne révéler la vérité à Alexis, qu’après
ses 10 ans. Et il va de soi que ces informations sont top-secrète.
Garde cela pour toi. Je te fais confiance. Je t’aime.
PS (2) : Tu te demande peut-être comment fonctionne le mécanisme de la bibliothèque ? J’ai trafiqué ton tigre qui est muni
d’un scanner solaire. Le soleil déclenche le mécanisme.
Dana replia la lettre et se prit le visage entre les mains, des
larmes brûlantes coulant lentement sur ses joues. Son père,
William Turner, un agent secret ! Impossible ! Incroyable ! Et
pourtant... vrai... Dana n’en doutai pas. Son père ne mentais
pas. Quand elle y réfléchis, elle songea que le métier de photographe convenait parfaitement, puisqu’en cas de missions à
l’étranger, il couvrait la véritable activité de son père. D’ailleurs, il lui suffisait de vérifier. Elle se leva et ouvrit le premier
tiroir d’un des casiers. Vide. Et ouvrit alors le premier du deu-
xième casier. Une épaisse pochette cartonnée se trouvait à l’intérieur. La jeune fille s’en saisit avant de la poser sur le bureau
et de l’ouvrir. Elle parcourut rapidement les premières lignes :
Nom : Turner
Prénom : William John
Nom d’agent : William John Adams
Division : Agent d’élite sur le terrain
Famille : Frère, Alan Turner, agent d’élite
Femme, Elicia Ellana Ryder
Fille, Dana Ellana Turner
Fils, Alexis Will John Turner
Le dossier d’agent de son père, manifestement. Il continuait
sur plusieurs pages. Dana jeta un coup d’œil à sa montre. Il lui
restait un quart d’heure. Elle emporta la lettre, l’enveloppe et le
dossier, décidant de le lire plus tard. Elle détailla une dernière
fois la pièce et remarqua à quelle point elle paraissait vide.
Son père avait tout prévu et l’avait vidée de se qui ne serait
pas utile à sa fille. Celle-ci sortit du bureau et arrivée dans la
première salle, elle se demanda comment refermer le panneau
de bois. Instinctivement, elle enleva le tigre. Avec un grondement étouffé, la porte-bibliothèque se remit en place. Une fois
refermée, nul ne pouvait deviner se qui se trouvait de l’autre
côté, ni même qu’il y avait quelque chose derrière. Dana sortit
de la pièce, descendit l’escalier, prit ses bagages et sortit de la
maison. La voiture de Kevin l’attendait dehors. La petite fille
chargea ses valises puis monta côté passager. Le jeune homme
se tourna vers elle :
-Ça va ? Pas trop difficile ?
Dana haussa les épaules et lui demanda :
-Il nous reste cinq minutes. Tu peux me déposer à un endroit
pas loin d’ici ? Ça ne prendra pas plus de temps.
-Comme tu voudras. Alors, on va où ?
Dana lui indiqua le chemin du dojo. Arrivés à destination, la
jeune fille sortit du véhicule. Kevin baissa sa vitre.
-Je t’accompagne ou je reste ici ?
-C’est bon, merci, je préfère y aller seule.
Elle s’éloigna d’un pas léger en direction du jardin japonnais. Elle sortit son appareil photo et prit plusieurs clichés du
grand arbre et du dojo vu de l’extérieur. Le bâtiment était fermé, mais elle avait déjà des images de l’intérieur. Enfin, elle
caressa l’écorce dorée par le soleil et ferma les yeux.
***
Après être revenue au centre Nevada et avoir rangé ses
affaires dans la chambre qu’elle partageais désormais avec
James, Dana se rendit au réfectoire. Avisant la longue queue
qui attendait devant les portes encore fermées, elle repéra soudain James qui lui adressait de grands signes de la main. Elle
se dépêcha de le rejoindre et lui demanda timidement :
-Je peux manger avec toi ?
Le garçon eu un grand sourire.
-Bien sûr ! Ta présence ne sera pas en trop. On est toujours
que tout les deux, Arif et moi.
-Arif ?
James se décala et désigna son camarade, un grand garçon
noir et maigre comme un clou.
-Arif est mon seul ami ici, expliqua-t-il.
Dana s’apprêta à poser une question, mais les portes s’étaient
enfin ouvertes et la queue avança. Après avoir fait leur choix
au self, James, Dana et Arif se mirent en quête d’une table.
Ils en trouvèrent une inoccupée dans le fond de la salle. Dana
s’installa en face de ses nouveaux amis et ils commencèrent à
manger en silence. La jeune orpheline goûta les carottes tièdes
avec une moue dégoûtée qui amusa Arif.
-La nourriture est dégeu ici, sauf les desserts.
James, qui fixait un point situé derrière Dana, eu soudain un
sourire narquois et interrompis son ami :
-Dana, regarde un peu qui est derrière toi...
Cette dernière se retourna et retint une exclamation. Derrière
eux se trouvait Tom Felton et ses acolytes. Apparemment, eux
aussi les avaient repérés, et jetaient des regards noirs à leur
table. Dana s’étonna qu’ils ne disent rien.
-Ils ont l’air plutôt tranquilles non ? fit-elle remarquer.
-Tu m’étonne, ricana James en haussant la voix, ils se sont
fait matés par une fille de douze ans !
La fille en question croisa le regard de Tom, qui baissa les
yeux.
-J’ai dix ans, protesta-t-elle.
-Excellent ! Dix ans ! s’esclaffa son ami.
Dana se retourna et s’aperçut que Felton crevait de honte, les
joues en feu.
Dana essaya de se rappeler se qu’elle faisait ici. James et
Arif lui avaient dis que c’était le passage obligé pour tous les
nouveaux pensionnaires qui venaient de subir des pertes dans
leur famille. Le passage chez la psychologue. En se rendant à
son bureau, Dana s’était demandée de quoi la psychologue allait vouloir lui parler, alors qu’elle même n’avait rien à lui dire.
Voilà pourquoi elle était assise en ce moment dans un fauteuil
que la femme venait de lui proposer. Celle-ci se dirigea vers la
fenêtre, baissa les stores et déclara :
-Bonjour Dana, je m’appelle Jennifer Mitchum et je suis ici
pour t’aider. Tu peux me parler à cœur ouvert, tout se qui sera
dit ici restera entre nous.
-Et je suis censée dire quoi ?
Jennifer parut surprise.
-Ce que tu veux.
-Je n’ai rien à dire.
-Et bien je vais te poser des questions et tu vas essayer de me
répondre sans trop réfléchir. D’accords ?
Dana haussa les épaules.
-Je vais essayer.
-Très bien. Je sais que tu as été très éprouvée par la mort de
ton père et de ton frère. Tu peux m’en parler ?
Dana détourna la tête, le regard vide.
-Je... je ne suis pas sûre d’en avoir envie.
-Essaye quand même, c’est important, répondit patiemment
la psychologue.
La jeune fille poussa un soupir à fendre l’âme.
-Et bien, fit-elle hésitante, tout va être différent maintenant.
Sans ma mère, c’était dur, mais on été trois. Maintenant, je suis
toute seule. Après la mort de mon père, j’ai juré à mon frère
que on resterait ensemble. Je n’ai pas su le protéger...
Sa voix se brisa et la fin de sa phrase resta coincée dans sa
gorge.
-Tu ne dois pas te sentir coupable, tu ne pouvais rien faire.
Sinon, j’ai appris que tu t’étais sauvée le... le fameux soir.
Dana fut soulagée que Jennifer Mitchum change de sujet,
elle ne voulais pas parler de son père, ni d’Alexis. Et elle avait
besoin d’explications sur sa conduite.
-Je ne sais pas se qui m’a pris. Je n’aurais jamais dû fuir.
-Ta réaction est très compréhensible. Face à une telle nouvelle, il y a deux réactions types. Soit on s’effondre, sois on
fuit. Tu n’a pas accepter la mort brutale de ton père, en partant,
tu as voulu fuir la vérité. En revanche...
-... le soir où nous sommes tombés dans le fleuve, je me suis
effondrée, termina Dana à sa place.
-Exactement. Tu réfléchis vite. Et à part ça, y a-t-il quelque
chose dont tu voudrais me parler ?
-Non. J’ai... je suis désolée, ne le prenez pas mal, mais je ne
me confie pas aux gens parce que je sais que je peux leur faire
confiance, mais parce que j’ai décidé de leur offrir ma pleine
confiance.
La psychologue la regarda d’un air grave.
-Et tu connais de telles personnes ?
-Oui, répliqua Dana en songeant à Jack et à ses professeurs
d’Aïkido.
-C’est bien, fit Jennifer. On va en rester là pour aujourd’hui.
Mais avant que tu parte, je voulais juste te dire qu’il est important que tu ne te ferme pas. Je sais que ça peut paraître de belles
paroles, mais c’est important. Si tu reste prostrée, tu risque
d’avoir encore plus de mal à t’en remettre. Tu comprends ?
Dana réfléchis aux paroles de la psychologue. Elle songea
alors au surnom que Tom Felton et ses copains lui avait donné
: Karaté Kid. « The Karaté Kid ». Elle avait beaucoup aimé ce
film, avec Jackie Chan et Jaden Smith. Elle se souvenait d’un
réplique qui l’avait marquée : « Quand la vie nous met genoux,
on peut choisir de rester assis ou de se remettre debout. » Elle
avait le choix. Elle pouvait rester couchée et ne pas se relever.
Elle avait le choix.
Elle devait se relever.
Elle se relèverai.
Elle acquiesçât :
-Je comprends.
-Très bien.
Jennifer Mitchum se leva, imité par Dana et reconduit cette
dernière jusqu’à la porte.
-Bonne journée, dit-elle en signe d’au revoir, à bientôt.
Dana sortit et traversa le couloir en marchant rapidement.
Arrivée à la bifurcation, elle tomba nez à nez avec Tom Felton
et cinq de ses copains.
-Alors terreur, demanda-t-il, on s’est bien marrés au réfectoire, hein ?
-Pourquoi tu as ramené tous tes potes, fit Dana ignorant délibérément la question, je te fais peur où quoi ?
-Arrête de faire ta maligne Karaté Kid !
Dana soupira. Elle aurait pu raisonnablement sortir gagnante
d’un combat à seule contre quatre, mais ils étaient six. Elle
jugea plus prudent d’éviter de les provoquer. Elle fit un pas en
avant. Tom et Nathan lui barrèrent le passage avec un grand
sourire.
-Laisse-moi passer.
Les six adolescents se mirent à ricaner.
-Laisse-moi passer ! répéta-t-elle.
Tom et Nathan ne bronchèrent pas.
-Qu’est-ce que tu veux Felton ? cracha Dana perdant patience.
-La même chose que ce matin. 10 livres.
-Désolée, mais je ne te les donnerai pas !
Le garçon ouvrit la bouche, mais Dana ne lui laissa pas le
temps de parler.
-Ce matin tu as émit deux possibilités. Sois je te paye et tu
me fiche la paix, sois je ne te donne rien et tu fais de ma vie un
enfer. Et bien j’ai choisis la deuxième solution.
Felton n’aurait pas été plus surpris si Dana lui avait assuré
qu’elle était amoureuse de lui. Se ressaisissant, il scruta le visage de la jeune fille, puis lui parla d’une voix dure :
-Très bien. Et bah moi je propose que l’on commence tout
suite. Vous n’êtes pas d’accord les gars ?
Nathan fit craquer ses jointure d’un air menaçant, avança d’un
pas et lança son poing en direction du visage de Dana. Celleci alla droit sur lui en effaçant très légèrement les hanches et
leva le coude vers le menton de Pann. Le mouvement eu l’effet
escompté. Nathan se pencha instinctivement en arrière pour
éviter le coude et tomba sans que Dana l’ai touché. Tom lui
décocha alors un coup de poing au ventre que Dana évita sans
peine. Nathan, qui s’était relevé, lui saisit les deux poignets
pour que son complice puisse la frapper. Mais Dana leva le bras
droit au dessus de sa tête, baissa le bras gauche derrière lui et
avança droit sur le garçon qui s’écroula de nouveau. Cette fois,
Dana recula de trois pas et s’adressa aux adolescents, paumes
levées :
-C’est la deuxième fois que vous voulez vous battre. C’est la
deuxième fois que j’ai le dessus. Au cas où vous ne l’auriez pas
remarqué, je viens de repousser toutes vos attaques sans vous
faire mal, alors que c’est se que vous cherchiez à me faire. Si
vous voulez recommencer, allez-y, mais je vous prévient, cette
fois je n’essayerais pas de vous préserver.
Tom, Marc et Nathan observèrent un silence ennuyé, frappés par la justesse de ses paroles. Un des autres copains prit la
parole.
-Mais qu’est ce que tu crois minus ? On a pas peur de toi !
Tom se massa l’épaule d’un geste convulsif et répliqua :
-Peur, ça non, mais tu ne l’a pas vu Nicolas, avec elle, ce
n’est pas pareil.
Il jeta un coup d’œil à Dana et fini sa phrase en chuchotant
dans l’oreille de son ami.
-On dirait qu’elle non plus, elle n’a pas peur...
Dana, qui avait entendu, hocha vigoureusement la tête et leur
adressa un sourire insolant.
-Ah, ouais ? grogna Nicolas. Et bien je vais régler ça !
Et avant que Tom n’est pu le retenir, le garçon avança droit
sur Dana, qui ne bougea pas d’un pouce. Il la saisit par le col
et plaça son visage à quelque centimètres du sien. Nullement
impressionnée est plutôt curieuse de savoir se qui allait suivre,
la petite fille se laissa faire. Derrière eux, Tom afficha d’abord
une expressions ironique, pensant que Dana allait infliger à son
copain le même traitement qu’à lui -à savoir un coup de genou dans l’entrejambe- qui se changea en expression dégoûtée
quand il compris qu’il n’en serait rien. Nicolas hurla au visage
de la fillette :
-Alors comme ça tu joue les têtes brûlées !? Tu n’a pas peur
de nous, c’est ça ? Et bien je vais te dire que ça va pas durer !
Il se tourna vers Tom.
-Tu vois comment on fait ! Alors, tu en dit quoi ?
Dana répondit à sa place.
-J’en dis que se serait super cool si tu arrêtais de me postillonner dessus, Machin !
Nicolas la regarda interloqué, tandis qu’un sourire discret
flottait sur les lèvres de Dana, Tom et Nathan. « Machin » se
reprit et frappa sa victime à l’estomac. Dana aurait pu éviter le
coup, mais se contenta de l’encaisser sans broncher, souriante.
Nicolas fronça les sourcils.
-Tu n’a pas mal ?
-Nan.
Il lui en balança un deuxième à l’épaule.
-Et là ?
Dana resta muette.
-Alors ?
La jeune fille soupira.
-Alors tu ne pose pas la bonne question. La bonne question,
c’est « Et toi ? Tu n’a pas mal ? ».
Et pour illustrer ses propos, Dana se dégagea vivement et
lui planta son coude dans le ventre. Nicolas se plia en deux.
Marc surgit par derrière et plaqua Dana par terre. Nathan, ravi
de l’opportunité, se rapprocha d’eux et lui balança un coup de
pied dans l’aine. Cette fois, Dana lâcha un gémissement. Nicolas se redressa et, les trait crispés, se vengea d’un coup au sternum. Dana cria et réfléchis à toute vitesse. S’il s’y mettaient
tous, elle ne donnait pas cher de sa peau. Elle devait ruser, et
simuler. Alors, à la grande surprise des garçons, elle hoqueta,
s’effondra et ferma les yeux. Il y eu un court silence que Tom
rompit en jurant.
-Merde...
Une deuxième voix retentit, celle de Nicolas.
?
-Ben quoi ? C’est ce que tu voulait non, lui régler son compte
-Évidemment crétin, mais là ça va trop loin.
-Hé, c’est pas notre faute si cette chochotte tombe dans les
pommes pour un rien !
-Chochotte ? Nicolas, désolé mon pote, mais je suis sûr que
tu es plus chochotte qu’elle, répliqua Tom.
-Quoi ? s’étrangla Nicolas, tu déconnes !
-Pas du tout. Tu as vu comment elle a encaissé tes coups sans
rien dire et en gardant son stupide sourire alors que toi tu t’es à
moitié affalé par-terre à son premier coup.
Marc prit la parole.
-Hé les gars, quand vous aurez fini de vous crêpez le chignon,
vous me direz se que on fait de la p’tite.
Dana dut déployer des trésors de maîtrise de soi pour ne pas
à la fois éclater de rire et rougir de colère. Une « p’tite », ça va
pas non, elle avait dix ans, pas quatre !
-Je me vois mal aller à l’infirmerie ou à la direction dire :
«Bonjour, c’est pour dire que on a tabassé une fille de dix ans
et elle est tombée dans les pommes ! », répondit Nicolas.
-Faut assumer mon pote, fit Tom. Moi je ne l’ai pas touchée !
Son ami lui adressa un regard méprisant.
-Moi, je suis d’avis qu’on la laisse là. Quelqu’un finira bien
par la trouver, s’avança Nathan.
-Pour qu’elle nous balance ? De toute façon, plus on traîne,
plus il y a de chances qu’on la trouve, mais avec nous !
-Elle ne nous balancera pas, assura Tom, elle devra juste
s’attendre à se qu’on se revoit souvent elle et moi !
Sur ses mots, ils tournèrent les talons.
Ouvrant les yeux, Dana se releva vivement et déguerpit.
7. Routine
La vie mouvementée de ces derniers jours s’étaient changé
en routine pour Dana. C’était désormais son troisième jour au
centre Nevada. Comme l’avait dit Arif, la nourriture n’était pas
franchement délicieuse, et comme lui avait assuré Tom Felton,
ils se revirent de nombreuses fois. Mais depuis la dernière tentative des garçons pour la frapper, ils s’étaient contentés d’attaques verbales, auxquelles Dana trouvait toujours réponse.
Mais heureusement, elle ne les voyait plus aussi souvent depuis
qu’elle avait repris l’école, puisque Felton et sa bande étaient
au collège. La vie avait repris son cours, même si Dana avait du
mal à se relever de la mort brutale de ses proches. Désormais,
ses seuls moments de bonheur étaient ceux qu’elle passait à
l’Aïkido, en compagnie de Jack et avec James. Ce dernier était
un compagnon enjoué, rieur et espiègle, que Dana avait complètement « adopté » et qui avait un an de plus qu’elle. James
n’aimait pas les cours, et le soir, quand il revenait au centre, il
lui racontait des anecdotes à mourir de rire qui lui valurent plusieurs punitions au collège. De temps en temps, James venait
la chercher à la sortie de l’école et ils rentraient ensemble. Ce
jour là, le quatrième qu’elle passait à l’orphelinat, le garçon lui
racontait comment son prof d’arts plastique avait loupé l’estrade et était tombé dans la poubelle.
-... tu aurais dû voir sa tête, termina-t-il tandis que Dana riait
de bon cœur, il était tout rouge, et on s’est tous pris une punition juste parce qu’on s’était marré.
Enfin, ils arrivèrent au centre. James monta dans leur chambre
pour faire sa punition, tandis que Dana préférait aller au jardin
du centre Nebraska pour faire ses devoirs. Elle s’installa sous
un arbre et soupira d’aise. Les rayons tiède du soleil de fin
d’après-midi lui caressaient le visage et faisaient apparaître des
reflets roux dans ses cheveux bruns chocolat. Elle finissait ses
exercices d’Anglais et s’attaquait à un problème de maths particulièrement difficile, lorsqu’un nuage lui cacha le soleil. Elle
leva la tête et constata que le nuage était pourvu de jambes.
Elle poussa un grognement.
-Dégage de mon soleil, Felton !
-Oh, ce n’est pas très gentil, fit remarquer le garçon, une
moue narquoise sur les lèvres.
Dana ne dit rien, mais remarqua l’éternel présence de Thibaud et Nathan derrière lui.
-Et bien, continua Tom, tu es plus bavarde d’habitude. Tu as
enfin compris qui était le plus fort ?
La petite fille retint un sourire. Si Tom Felton et ses copains
pouvaient éventuellement la battre lors d’une bagarre, ils
n’avaient aucune chance lors d’un duel verbal.
-Ça oui, je l’ai compris, répliqua-t-elle, mais ce n’est pas la
personne à laquelle tu pense. En fait, reprit Dana, je me demandais lequel de vous trois je pourrais étaler en premier si vous
me cherchez encore... Un pronostic Felton ?
Ce dernier serra les poings.
-Arrête de faire ta maligne Karaté Kid ! Parce que au cas
où tu ne l’aurait pas remarqué, moi contrairement à toi je suis
grand et contrairement à toi, nous somme plusieurs. OK ?
-OK. Mais toi contrairement à moi tu es un crétin, alors fichemoi la paix une bonne fois pour toute ! Pigé ?
-Tu te crois très futée, n’est-ce-pas ? fulmina le garçon.
-Peut-être que je ne suis pas futée, mais moi au moins je ne
passe pas mon temps à me faire foutre la honte par une fille qui
à cinq ans de moins que mois et je ne suis pas une lâche.
Felton rougit jusqu’à la racine des cheveux. Il baissa les
yeux et eu un rictus mauvais. D’un geste vif, il se saisit du
cahier de maths de Dana. Cette dernière resta impassible, mais
s’asséna une claque mentale. Pourquoi n’avait-elle pas rangé
ses affaires ?
Ravis par ce retournement de situation, les trois voyous se
mirent à ricaner.
-Rends-moi ça Felton, gronda Dana d’une voix calme mais
glacial qui ne souffrait d’aucune réplique.
C’est alors que la jeune fille se rendit compte que plusieurs
pensionnaires s’étaient arrêtés pour les regarder. Tom ouvrit le
cahier, tout sourire. Il siffla.
-20 sur 20 ! Mais dis-moi, en plus d’être Karaté Kid, tu es
une fichue intello !
Ce fut au tour de Dana de rougir. Mais l’ordre claqua :
-Rends-le moi !
Tom tressaillit mais ne s’exécuta pas. Dana répéta son ordre
pour la troisième fois et précisa :
-Si tu ne le fait pas, je dis à tout le monde que tu as eu pitié
de moi et que tu m’a défendue devant tes potes, au détriment
de Nicolas !
Même s’il ignorait visiblement le sens du mot « détriment »,
Tom blêmit.
-Comment... tu... tu as entendu ? siffla-t-il.
-Exact.
-Mais... mais alors, tu ne t’étais pas évanouie !
-Non.
L’adolescent cracha un horrible juron. C’est alors qu’une
voix retentit derrière lui.
-Je crois que tu vas devoir réviser tes suppositions Felton,
elle n’est pas seule !
Les trois garçons se retournèrent et Dana aperçut James, les
mains dans les poches, qui lui souriait. Tom et Nathan ricanaient, moqueurs.
-A oui, et tu compte faire quoi, Super Zorro ?
James sourit de nouveau et sortit une main de sa poche, envoyant sur Tom un petit caillou. Par réflexe, celui-ci leva le
bras devant son visage pour se protéger. James en profita pour
s’emparer vivement du cahier, courus jusqu’à Dana et lui tendit. La jeune fille s’empressa de le mettre dans son sac et sous
les yeux impuissants des trois crétins et les rires des autres
pensionnaires, ils s’enfuirent. Tout en courant, Dana adressa
un grand sourire à son ami.
-Merci, souffla-t-elle.
James lui fit un clin d’œil, et se mit à accélérer, l’invitant à
un défi silencieux. Riants et haletants, ils parvinrent jusqu’à
leur chambre, où ils ferlèrent la porte et s’écroulèrent sur leur
lit, exultant. James adressa à son amie un étrange regard.
-Pas trop essoufflée ?
-Non, ça va... Bon, un peu quand même. On se remet ça ?
-Quand tu veux, gloussa son compagnon de chambre.
Il y eu un bref silence que le garçon rompit en constatant :
-Ma parole Dana, même face à plus grands, plus nombreux
et plus idiots que toi, tu as la langue plus redoutable qu’une
dague !
8. Des enfants pas comme les autres
C’était le cinquième jour depuis la disparition de son frère,
et c’est lui que Dana songeait alors qu’elle aurait dû suivre le
cours de Français. Le soir encore, il lui arrivait d’en pleurer,
dans son lit. Des fois, elle était sûre que James s’en rendait
compte, bien qu’elle ne fasse pas de bruit, mais ce dernier avait
assez de tact pour ne pas le faire remarquer. La jeune fille baissa les yeux sur son cahier. Surprise, elle constata qu’elle avait
dessiné trois chats dans la marge. Elle se hâtait de les effacer,
quand la voix de son professeur la sortit de sa torpeur.
-Et bien Miss Turner, on rêve ?
Confus, elle leva vivement la tête, déchiffra se qui était inscrit au tableau et répondit :
- « A son bureau », monsieur.
Son professeur la regarda avec des yeux ronds tandis que des
rires fusaient dans la classe. Aussitôt, Dana se demanda quelle
pouvait bien être son erreur, et crut bon de préciser :
-Dans la phrase : « L’écrivaine est assise à son bureau ». «
A son bureau », c’est le complément circonstanciel de lieux,
monsieur.
Les rires redoublèrent et l’enseignant poussa un profond
soupir.
-Tu as raison Dana, absolument raison, mais je te demandais
juste si tu voulais bien accompagner Mike à l’infirmerie.
La rêveuse rougit et se leva. Une fois dans le couloir, la chaleur de ses joues diminua et son esprit se remit à vagabonder.
C’est en descendant l’escalier que Dana s’aperçut que Mike
était tout vert.
Inquiète, elle lui demanda :
-Ça va Mike ? Qu’est-ce que tu as ?
-Mal au ventre... grogna le garçon, blême.
C’est à cet instant que la cloche sonna. Le jeune garçon regarda sa montre et dit à sa camarade :
-Rentre en cours. L’infirmerie est au bout du couloir, je peut
finir tout seul.
La petite fille hocha la tête et repartit dans le sens inverse.
Arrivée dans la salle de classe, elle rangea vite ses affaires dans
son sac, tandis qu’une grande majorité des élèves sortaient.
Elle s’apprêtait également à s’en aller, lorsque son professeur
l’appela. La jeune fille s’approcha du bureau, s’attendant à un
sermon sur son inattention. Les paroles de l’enseignant la surprirent :
-Dana, est-ce que tu vas bien ? Je te trouve très pâle.
-Je... c’est toujours comme cela monsieur, j’ai la peau pâle,
répondit piteusement l’élève.
-Je sais. Mais jamais à ce point.
Dana baissa les yeux sans rien dire.
-Il y a autre chose. Je te trouve triste depuis la rentrée.
-Ça va. C’est juste que...
Elle hésita avant d’ajouter :
-Enfin, vous savez ce qui s’est passé pour moi avant la rentrée, et... heu... plutôt se qui est arrivé à mon père et à mon
frère, alors voilà, quoi... c’est pas très drôle. Faut pas s’attendre
à se que je pète la forme...
La fin de sa phrase se perdit dans un murmure. Son profes-
seur ne releva pas l’expression et hocha la tête, condescend.
Oui, il savait. Il en avait d’ailleurs parlé avec les autres enseignants. Tous avaient été peinés par la disparition d’Alexis,
qu’ils avaient eu en cours. Mais ce n’était rien comparé au désespoir de sa sœur. Si à chaque fois qu’on abordait le sujet
avec elle, Dana restait impassible, ses yeux la trahissaient. On
y lisait beaucoup de peine et de douleur, bien loin de l’image
de la petite fille au regard pétillant de malice que les professeurs avaient quitté au début des vacances. Elle avait un air
plus grave, plus mature, mais aussi plus sombre et déterminé.
Alors le professeur dit :
-Je sais. Si tu as besoin d’aide, tu sais où me trouver.
La jeune fille hocha la tête et quitta la salle. Elle consulta sa
montre en sortant du bâtiment des langues. Il était midi dix.
Dana sortit dans la cour. Une brise légère fit voler ses cheveux, quand elle se dirigea vers la cantine.
DEUX HEURES DE L’APRÈS-MIDI.
Dana sortait du réfectoire en compagnie de ses amies et se
dirigea vers son casier pour récupérer ses affaires de cours.
Elle glissa la main dans sa poche et ne rencontra que sa carte de
cantine et une bille jaune. Surprise, elle vida toutes ses poches
sans trouver ses clés.
-Tu cherche quelque chose Dana ?
Elle leva la tête vers Mona, une fille de sa classe.
-Mes clés, murmura la petite fille, je ne les trouve pas.
-Si tu ne les a pas, comment as-tu pu ouvrir ton casier à
midi ?
-Je fais casier avec Romane, et c’est elle qui a ouvert.
-Alors tu as du les perdre en français. Ou bien en maths. Ou
alors en musique, répondit Mona.
-Tu as raison. Sûrement en maths, je me rappelle les avoir
sorties pour te montrer mon porte clés. Merci !
Elle tourna les talons et s’éloigna. Mona la rattrapa.
-Dana ! Attends ! Qu’est-ce que tu vas faire ? La salle de
mathématiques est fermée.
-Je sais bien. Il me suffit d’aller emprunter la clé dans la salle
des profs !
-Quoi ?...s’écria son amie avec une bouffée d’angoisse. Mais
si tu te fais prendre, tu vas être sévèrement punie !
Dana lui adressa un clin d’œil.
-Je sais aussi. Mais où serait l’amusement sinon ?
En voyant la tête de l’autre fille, elle ajouta précipitamment :
-Je blague ! T’inquiète !
A cet instant, le groupe de fille appela :
-Mona ! Tu viens ? On va pas y passer la journée !
A regret, celle-ci s’éloigna. Dana la regarda partir, puis alla
de son côté. Direction la salle des profs. Arrivée à destination, elle entrouvrit la porte, prudente. La salle était déserte.
Semblait déserte. Dana était attentive. Le ron-ron de la photocopieuse lui indiquait que quelqu’un venait de la mettre en
marche. Quelqu’un qui ne devait pas être loin. A pas de loup,
la jeune fille entra dans la pièce et se cacha sous une table. Elle
avait vu juste. Des pas lourds au son étouffé par l’épaisse moquette rouge retentirent. De sa cachette, Dana ne pouvait voir
qu’une paire de jambes, mais d’après les chaussures de sport
et la toux sèche de l’enseignant, elle identifia Mr. Gronard, le
professeur d’EPS. Patiente, Dana attendit en se disant qu’il ne
tarderait pas à partir. Mais Mr. Gronard n’avait manifestement
pas l’intention de s’en aller. Jurant en silence, Dana sortit de
sa poche sa bille à moitié cassée. D’un geste fluide et précis,
son bras se détendit. Le petit morceau de verre jaune fila à
grande vitesse par la voie des airs en direction de la deuxième
salle. Un grand fracas suivit d’un bruit d’eau qui goutte lui
indiqua qu’elle avait renverser un vase, ou un gobelet en plastique rigide. Costaud la petite bille ! Le prof d’EPS sursauta et
demanda bêtement :
-Qui est là ?
Aucune réponse. Et pour cause !
Râlant, Mr Grognard se dirigea vers la seconde partie de
la salle des profs. Apercevant le désastre, il poussa un juron.
Heureusement pour Dana, il ne chercha pas l’origine de la catastrophe, mais prit une poignée de serviettes en papier pour
éponger l’eau. Profitant de l’occasion qu’il lui tourne le dos,
Dana sortit de sa cachette, se précipita vers le tableau où était
accroché les clés des salles de classe, se saisit de celle de sa
classe de maths et, avec un luxe de précautions, sortit de la
pièce et referma la porte. Une fois dans le couloir, elle se mit
à courir jusqu’au premier étage. Elle parcourut le chemin d’un
pas saccadé, anxieuse. Enfin, elle se trouva devant la salle 214.
Arrivée ici, elle risquait gros, car pour pénétrer dans la pièce,
elle devait passer par le bureau du professeur. Mais elle avait
impérativement besoin de ses clés. Dana vérifia qu’il n’y avait
personne, puis déverrouilla la porte. Elle entra en silence et
referma derrière elle. Un claquement sec retentit dans son dos
et elle fit volte-face.
-Dépêche-toi, j’ai presque fini de copier le disque dur, il ne…
Il s’interrompit net en apercevant Dana. Elle n’aurait su
dire qui avait l’air le plus surpris. Elle, ou les deux garçons
bruns, figés dans une position absurde. Ils devaient avoir environ douze ans, et étaient donc trop vieux pour faire partie de
l’école. D’ailleurs, Dana ne les avaient jamais vu. La surprise
passée, la jeune fille se demanda se qu’ils faisaient ici, alors
qu’elle avait trouvé la porte fermée et qu’il n’y avait qu’une
clé. Le plus petit était monté sur une chaise et trafiquait on ne
savait trop quoi sur la lampe du plafonnier. Tout deux paraissaient inquiets, comme ignorants quelle conduite tenir.
-Que faîtes-vous ici ? demanda Dana.
Les deux autres ne répondirent pas et échangèrent un regard
effaré. D’un simple coup d’œil, ils semblaient avoir pris une
décision. A partir de ce moment, la première erreur de Dana
fut d’avoir fermé la porte. Impassible, le plus grand s’avança
et brusquement, attaqua. Avant de contre-attaquer, Dana eu le
temps de sourire. C’était le coup de pied que Jack ratait systématiquement.
***
Quand la fille était entrée, ils s’étaient figés. Ils pensaient
qu’ils seraient tranquilles et que personne ne les dérangerait. A
cette heure ci, tous les élèves étaient censés être au self ou dans
la cour. De toute évidence, c’était fichu pour la discrétion. La
fille parut reprendre ces esprits, tout aussi étonnée qu’eux de se
trouver en présence d’intrus. Elle demanda :
-Que faîtes-vous ici ?
Il échangeât un regard paniqué avec son complice. Silen-
cieusement, ils parvinrent à la même conclusion : quoi qu’elle
ai vu ou entendu, la fille ne devait pas parler. Il allait s’en occuper. C’était la seule solution. Il ne doutait pas de ses capacités, mais était seulement inquiet que l’inconnue leur fasse rater
leur travail. Ce serait rapide, elle n’aurait pas le temps de crier.
Il s’avança, sûr de lui.
Jamais il n’aurait pu prévoir la réaction de sa cible. Il porta
son attaque, un coup de pied, en direction de l’estomac.
Elle perdrait connaissance sous le choc.
Un coup parfait, calculé au centimètre près.
Il ne l’effleura même pas.
La fille avait bougé -comment pouvait-elle se déplacer aussi
vite ?- et il s’écroula.
***
Comme prévu, le garçon tomba. Dana recula, les paumes
levées.
-OK. On se calme. Je ne veux pas vous déranger, juste récupérer mes clés.
Toujours aucune réponse. Elle fixa le garçon toujours debout
sur la chaise.
Ce fut sa deuxième erreur.
Elle ne dut qu’a un prodigieux réflexe d’éviter le coup que
voulut lui asséner le plus grand, qui s’était relevé souplement.
Alors le plus petit entra lui aussi en action. Il enchaîna trois
coups de pieds et un coup de poing, que Dana évita sans mal.
Mais c’était un leurre. Concentrée sur son adversaire, elle
avait oublié l’autre garçon. Ce fut sa seule et dernière erreur.
Le complice de son assaillant arriva par derrière et lui donna
un coup de poing à l’estomac. Elle n’était vraiment pas douillette, mais l’attaque la plia en deux. Elle riposta par un grand
coup de coude qui atteignit le plus petit dans l’œil. Ce dernier
grogna et enfoui son visage dans ses mains, avant de répondre
par un crochet au plexus solaire, tandis que son compagnons
la ceinturait. Le souffle coupé, des taches de lumière dansant
devant les yeux, Dana s’effondra. Le plus grand s’agenouilla
et lui ultime direct au sternum. Un voile noir passa obscurcit sa
vue, et avant de sombrer, Dana eu juste le temps de songer que
ces deux garçons n’étaient vraiment pas des enfants comme les
autres...
9. L’évasion
Quand Dana reprit connaissance, elle n’ouvrit pas immédiatement les yeux. Se sur quoi elle était allongée était mou,
signe qu’elle ne se trouvait plus dans le bureau de son prof de
maths. Elle entendit des voix. N’y tenant plus, elle souleva les
paupières d’un millimètre. Un homme blond parlait aux deux
garçons qui l’avaient battues. Il avait l’air furieux :
-Qu’est-ce qui vous a pris nom d’un chien ? C’était complètement irresponsable !
Le plus grand essaya de protester :
-Mais... On avait pas le choix ! Elle nous avait vu et je venais
d’évoquer à voix haute la...
-Peu importe ! Elle n’aurait même pas dû pouvoir rentrer !
-Mais elle avait la clé ! Elle n’aurait pas non plus dû l’avoir !
-Ça suffit ! J’espère pour vous que votre travail ne sera pas
compromis et qu’elle n’a rien entendu d’important.
Cette fois, Dana ouvrit grand les yeux. Elle se redressa d’un
bond et gémit, la main crispée sur son abdomen.
Baissant le regard, elle découvrit que sa chemise était ouverte, et que quelqu’un lui avait bandé la poitrine. L’homme
parut se souvenir de sa présence et s’assit sur une chaise, à
côté du canapé sur lequel elle était allongée. Il s’adressa à elle
d’une voix douce qui se voulait rassurante.
-Comment t’appelles-tu, jeune fille ?
Apeurée, Dana ramena ses genoux contre elle. Elle cracha :
-Quand on demande le nom de quelqu’un, on commence par
se présenter soi-même !
L’homme cligna des yeux.
-Je doute que mon nom t’apprenne quoi que ce soi. Mais dismoi, quel âge as-tu ?
-Je doute que mon âge vous apprenne quoi que ce soit sur
qui je suis réellement, riposta-t-elle.
Puis elle ajouta d’une voix tremblante de peur et de colère :
-Pourquoi m’avait-vous enlevée ? Vous n’avez pas le droit !
Laissez-moi partir !
Passé la surprise initiale, l’homme sourit.
-Nous ne te voulons aucun mal. La preuve, je t’ai soignée.
Crois-tu que des kidnappeurs s’en seraient donné la peine ? Ils
se seraient dépêchés d’appeler tes parents pour une rançon !
Tes parents d’ailleurs... Ils vont s’inquiéter non ?
-Merci de vous en soucier. C’est vous les ravisseurs.
-Écoute, soupira-t-il, je ne te poserai pas trop de questions,
mais...
Dana le coupa :
-Vous venez pourtant de m’en poser trois !
Le sourire de l’homme s’élargit.
-Exact. Et tu as évité de répondre aux trois.
A cet instant, le cadet des garçons s’avança, paniqué.
-Hum... il faut qu’on y retourne. On a oublié un tournevis et
la vraie douille dans la précipitation !
Dana ne comprenait toujours rien, mais elle constata avec
une satisfaction vengeresse que le garçon avait un œil au beurre
noir là où son coude l’avait percuté. Son ami vint vers eux à
son tour et plaida :
-Il faut qu’on se grouille avant que quelqu’un ne s’en aperçoive ! Ça prendra un quart d’heure, même un peu moins !
L’homme grogna.
-Vous êtes vraiment des idiots ! Qu’est-ce qu’on vous a appris, bon dieu !?
Les deux adolescent fixèrent le bout de leur chaussures.
-OK, lâcha-t-il, le temps que je m’occupe de notre jeune
amie...
Dana sursauta. Enfin elle allais savoir se qu’ils comptaient
faire d’elle. L’homme la fit se lever et la saisit fermement par
les épaules. Elle aurait pu facilement se dégager, mais cela
n’aurait servit à rien, alors et suivit docilement. Il la conduisait
vers un petite salle. Il ouvrit la porte et la fit entrer de force.
-Je dois te poser des questions. Je m’en chargerai à mon retour, dans pas longtemps. Tu as même des livres pour passer le
temps.
La jeune fille le foudroya du regard. Il ferma la porte. Dana
entendit deux déclics, signe qu’il verrouillait sa prison de fortune à double tour. La jeune captive tendit l’oreille, et dès que
la porte d’entrée claqua, elle inspecta la pièce à la recherche
d’une idée. Elle ne comptait pas moisir ici. Elle se précipita
vers la fenêtre. Celle-ci était trop petite pour pouvoir passer, et
elle était munie de barreaux. Elle examina le reste. La cellule
était meublée en tout et pour tout d’une haute et vieille commode, d’un panier à livres et d’une chaise. La jeune fille ouvrit
la commode. Vide. Elle se jeta contre la porte, puis contre un
des murs. Résultat : son coude s’orna d’un bleu à la délicate
couleur violette. La fenêtre, les murs et la porte étaient infranchissables. Même pas la peine de parler du sol... Restait donc
le plafond. Sans beaucoup d’espoir, Dana leva les yeux. Il était
constitué de caissons en plâtre, du stuck, plus exactement,
comme dans le couloir.
Alors le déclic se fit. Tout y était !
Aussitôt, elle se mit à l’ouvrage. Elle poussa de toute ses
forces la lourde commode au centre de la pièce et posa la chaise
par dessus. Elle s’assura que son montage était plus ou moins
stable, puis grimpa dessus. Son plan était risqué, mais il pouvait marcher.
Elle se rappelait avoir lu ça dans un livre. Une fois debout,
elle prit une grande inspiration. Si elle tombait, elle pouvait se
casser quelque chose et si le plafond était trop solide, même si
par miracle elle gardait l’équilibre, elle risquait de se briser la
cheville.
Il n’était plus temps d’y penser, si elle voulait sortir d’ici
avant que ses ravisseurs ne reviennent ! Elle leva les bras et
posa ses paumes à plat sur la cloison. La taille de la commode,
plus celle de la chaise lui permettait largement de toucher le
plafond.
Alors Dana lança son pied en l’air.
Le choc brisa le fragile équilibre de l’échafaudage improvisé, la chaise tomba sur le sol et Dana fut entraînée dans la
chute. Son épaule cogna avec violence le coin de la commode,
lui faisant monter les larmes aux yeux. La jeune fille resta assise, à moitié sonnée. Elle baissa les yeux sur sa poitrine. Le
choc avait desserré le bandage, qui pendouillait de son torse.
Cela lui donna une idée.
Elle défit le pansement en entier, reboutonna sa chemise et
remit la chaise sur le meuble. Avec le bandage, qu’elle déchira
en quatre morceaux, Dana attacha les pieds de la chaise au poignées de la commode. Elle fit plusieurs nœuds, testa leur solidité, puis remonta courageusement sur l’échafaudage. Cette
fois, elle n’hésita pas, et l’adrénaline donna de la puissance
supplémentaire à son coup de pied. La paroi vola en éclats,
mais la chaise bascula lentement, un pied fêlé. Bravant la pluie
de plâtre et de débris qui tombait du plafond, Dana sauta et
attrapa un gros tuyau. Elle resta un instant suspendue dans le
vide, puis ce hissa à la force des poignets dans ce tunnel aérien
de fortune. Se courbant du mieux qu’elle put, crochetant les
tuyaux, la petite fille progressait vers la liberté. Elle compta
dix caissons et en déduisit qu’elle avait passé la porte. Alors
elle en passa cinq et s’assit. Elle frappa la cloison de ses talons
et réussi à ménager un trou assez grand. Elle se laissa tomber
et se réceptionna douloureusement par terre, dans le couloir,
deux mètre cinquante plus bas. Dana alla jusqu’au salon en
clopinant, puis consulta l’horloge murale. Il ne lui restait plus
qu’environ quatre minutes avant le retour de l’homme et des
deux adolescents. En désespoir de cause, elle s’empara d’une
chaise en métal et tapa de toute ses forces dans une baie vitrée
qui donnait sur un minuscule balcon qui surplombait le jardin.
Le seul moyen de sortir d’ici. Au bout du deuxième coup, elle
se fissura. Un coup. Bam ! Un autre. Bam ! Un dernier. La vitre
explosa. Un bout de verre lui blessa la joue, et elle sentit le
sang couler lentement sur son visage. Mais elle ne s’en souciait
guère, car contrairement à ce qu’elle avait imaginé, le verre
brisé n’avait pas déclenché d’alarme. C’est alors que Dana réalisa que la porte fenêtre était ouverte.
10. Un truc de fou
Malgré la rage et l’humiliation de s’être infligée une coupure qu’elle aurait pu s’éviter en réfléchissant davantage, Dana
ne traîna pas. Puisque la porte était ouverte, elle la fit coulisser pour s’épargner d’autres blessures en passant par le trou
dans la vitre. Dehors, trois mètres au dessus, il y avait le jardin. Dana hésita. Devait-elle sauter ou bien agir avec plus de
lenteur, mais prudemment ? Avisant un arbre, elle se décida
pour la prudence. Elle enjamba le petit balcon, s’agrippa au
rebord, et posa la pointe de ses pieds sur le bord de la corniche.
Elle avança ainsi sur environ un mètre, puis atteint enfin les
branches de l’arbre. Avec précaution, elle lâcha le balcon et
empoigna la plus solide de celles qui étaient proches. Le plus
vite qu’elle pu, elle descendit de l’arbre. Arrivée à distance raisonnable, elle lâcha prise, et atterrit accroupie sur le sol, le bras
pressé contre son ventre, là où une branche l’avait méchamment fouettée. Elle s’élança vers le portail qui était heureusement ouvert. Enfin libre ! Sans s’arrêter de courir, Dana s’enfuit, mettant le plus de distance possible entre elle et sa prison.
Ce n’est qu’un kilomètre plus loin qu’elle s’arrêta, essoufflée.
Toujours en pressant le pas, elle chercha des rues qui lui seraient familières. Les gens qu’elle croisait la dévisageaient, et
elle vit même une dame changer de trottoir. La jeune fille jura
en silence. Elle devait avoir l’air d’une vagabonde ! Enfin, elle
repéra une rue qu’elle connaissait bien. En la remontant, elle
pourrait rejoindre l’école, puis le centre Nevada. Il était trop
tard pour se présenter en classe, ce qu’elle ne pouvait de toute
façon pas faire, vu son état. Arrivée à l’orphelinat, elle hâta le
pas, ne croisant ni animateurs ni enfants dans les couloirs. Elle
poussa la porte de sa chambre et s’écroula sur son lit, épuisée.
Accoudé à la fenêtre, James avait son portable collé à l’oreille
et la regarda, stupéfait. Les yeux ronds, il lâcha :
-Putain Dana, qu’est ce que tu fous ici ? Et dans quel état ?
Il parut reprendre se reprendre et balbutia à l’adresse de son
interlocuteur :
-Oui John... Désolé... Oui... OK, à bientôt !
Il raccrocha, lança son mobile sur son lit et se tourna vers
son amie.
-Mais pourquoi tu es ici ? Tu devrais être à l’école, enfin, plutôt avec Jennifer, mais nom d’un chien, c’est quoi cette tenue ?
Dana releva la tête avec inquiétude.
-C’est à ce point ?
-Un peu oui ! explosa James. Regarde-toi !
Traînant des pieds, Dana se rapprocha du miroir. Soudain,
les paroles précédentes du garçon firent mouche. Et la jeune
fille s’exclama, surprise :
-Comment ça, je devrais être avec Jennifer ?
James la regarda perplexe.
-Ben oui, tu te rappelles, tu avais rendez-vous !
Dana déglutit péniblement. Son rendez-vous !
-Je suis en retard depuis combien de temps ?
James consulta sa montre.
-Presque un quart d’heure !
-Merde.
Puis, la petite fille se souvînt de sa tenue et osa regarder dans
le miroir. Elle manqua de s’étrangler. C’était une étrangère qui
se tenait devant elle. Son visage était sale, recouvert de plâtre,
de poussière, et dans le cas de sa joue gauche, de sang. Ses
bras nus étaient moins crasseux, mais sa chemise était irrécupérable. Elle était déchirée, et à sa grande surprise, imbibée de
sang. Dana grogna et se tourna vers James.
-Je dois vraiment y aller ?
-Ce serait mieux, oui.
Son amie soupira. Elle se dirigea vers son armoire, sortit des
vêtements propres, et commença à se déshabiller.
CINQ MINUTES PLUS TÔT.
-Elle s’est échappée.
L’homme étouffa une exclamation incrédule.
Après avoir récupéré les outils, ils étaient revenus au pavillon et avaient découvert le désastre qui y régnait et qui venait à
se profiler. Il avait sous-estimé la fille. Elle s’était échappée en
démolissant le plafond et la baie vitrée.
Tandis que les garçons contemplaient les dégâts dans la petite pièce, il se dirigea vers le salon. Le sol était jonché d’éclats
de verre. Il les repoussait du bout du pied, quand il remarqua
un objet étranger. Une carte magnétique. Il la ramassa. C’était
une carte de cantine, celle de la fille. Il ne prêta aucune attention à la photo, s’intéressant au texte :
Nom : Turner
Prénom : Dana
Date de naissance : 11/07/1998
Adresse : Centre Nevada, orphelinat, Londres
Ainsi la fille s’appelait Dana Turner...
Il saisit son portable et composa un numéro. Le temps que
son interlocuteur réponde, il baissa les yeux vers la photo de
la petite fille souriante. Une peau très pâle, de longs cheveux
bruns, mais surtout de magnifiques yeux chocolat.
Dana Turner...
Comment n’avait-il pas reconnu ces yeux bruns tout de
suite ?
***
James regardait fixement la poitrine nue de Dana. Celle-ci
ne semblait pas s’en rendre compte, mais une longue estafilade
sanglante, sans gravité cependant, lui barrait le torse, de la clavicule au sternum. Le garçon la désigna du doigt.
-Et tu comptes faire quoi pour ça ?
Dana soupira.
-Je n’ai pas le temps de la soigner, je vais mettre un T-shirt
noir, et puis voilà.
James secoua la tête désapprobateur. Dana lui avait raconté
son aventure pendant qu’elle s’habillait.
-Tu aurais dû voir, ajouta-t-elle, j’ai explosé la baie vitrée
pour sortir, avant de me rendre compte qu’elle était ouverte !
C’était un vrai truc de fou !
-Je te crois répondit James livide, je me demande juste où tu
as trouvé cette idée de sortir par le plafond...
Dana eu un rire sans joie.
-J’avais lu ça dans le tome six d’Alex Rider.
Son ami leva les yeux au ciel.
-Un bouquin, gémit-il, tu es folle !
Dana ignora délibérément sa remarque. Elle réajusta son Tshirt puis se tourna vers le garçon.
-Comment tu me trouves ?
-Cinglée, soupira James.
-Comment me trouves-tu physiquement, stupide ! répliqua
Dana, imperturbable.
-Jolie.
-James !
-Bon, bon. Fatiguée, légèrement sale et...
Ce fut au tour de Dana de lever les yeux au ciel. Elle le
coupa :
-En plus simple, est-ce que je ressemble à quelqu’un qui
vient de se faire tabassé, enlevé et qui vient de se prendre une
pluie de plâtre et de verre en pleine poire ?
-Heu... j’imagine que non si on ne se formalise pas de ta
coupure à la joue.
-Nickel !
James gronda.
-Ce n’est pas nickel du tout !
-Bon, j’y vais, soupira la jeune fille. A tout à l’heure.
-Ouais.
Dana sortit et se dirigea d’un pas rapide jusque chez la psychologue. Son épaule et sa poitrine lui faisaient mal et elle se
dit que se serait un miracle si personne ne remarquait ses grimaces de douleur. Comme par hasard, alors qu’elle formulait
cette pensée, Dana manqua de se cogner contre quelqu’un.
Quand elle reconnut ce quelqu’un, elle grogna.
-Encore toi !
Tom Felton baissa les yeux, surpris. Il reconnut Dana et sourit.
-Ça va Karaté Ki...
-TA GUEULE !
Les nerfs à vif, Dana avait crié. Tom leva les paumes.
-Wo, wo, on se calme ! Tu as oublié ta politesse dans ta
chambre ?
-Je ne suis pas polie quand j’ai envie de gerber, répliqua-telle, et quand je te voie, c’est la première chose que j’ai envie
de faire : vomir.
A la grande surprise de Dana, Tom ne sa fâcha pas.
-Et bien, tu en as des pas mal en réserve, gloussa-t-il. Qui
est-ce qui t’a fait ça que je lui envoie des fleurs ? demanda le
garçon en pointant sa joue.
Dana recula vivement et eu encore une fois un rictus de douleur.
-Ne me touche pas.
-Je n’en avais pas l’intention !
-Très bien, cracha la petite fille en s’éloignant.
Allant de surprise en surprise, Dana entendit Tom l’appeler.
-Attends ! Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
La jeune fille ne se retourna pas.
-En quoi ça te regarde ? Et puis de toute façon, je ne sais
même pas de quoi tu parles !
Tom rit.
-Ta joue ! Et puis, pas besoin d’être médecin pour savoir
quand quelqu’un boite !
Cette fois, Dana s’arrêta net, sidérée. Elle siffla.
-Où est passée ta méchanceté Felton ? Tu l’as oubliée dans
ta chambre ?
Le garçon se renfrogna.
-Très drôle ! Estime-toi heureuse que je sois sans mes potes.
Dana se remit en marche en riant de sa mauvaise foi. Elle
arriva devant la porte du bureau de Jennifer et son rire se coinça dans sa gorge. Elle frappa et entra. La psychologue était au
téléphone et lui adressa un signe de la main.
Tandis que Dana s’asseyait, Jennifer Mitchum poursuivait
sa conversation, visiblement pressée de raccrocher.
-Oui... C’est bon, c’est bon ! Merci ! Oui, remercie J. J. de
ma part ! … Oui, c’est ça... Je... Je coupe !
Elle éteignit son portable et se tourna vers elle.
-Bonjour Dana, comment vas-tu ?
-Heu... bien, merci. Et puis... je voulais m’excuser pour
mon... retard.
-Tu es excusée !
-Merci...
-Mais dis-moi ma jeune amie, tu m’a l’air bien tendue. Je me
trompe ?
En effet, Dana n’osait pas regarder la psychologue en face
, préférant laisser sa joue dans l’ombre. Par bonheur, Jennifer
n’insista pas et Dana se détendit un peu. Pas longtemps.
-Que nous vaut se retard, toi si ponctuelle ? Tu as des
ennuis ?
La jeune fille se raidit.
-Heu, je... non, bafouilla-t-elle en se trémoussant, je... j’ai
été retenue par mon professeur après la cantine.
Elle se gifla mentalement. Quelle excuse pourrie !
La psychologue la scruta, guère convaincue.
-Mouais. Si tu veux.
Soudain, un détail attira l’attention de Dana. Sur la petite
table basse était posé un feuillet où les rendez-vous de Jennifer
Mitchum étaient notés. Elle sourit en voyant le nom inscrit au
dessus du sien : Tom Felton. Un passage chez la psy avait-il
rendu Tom « gentil » ? Dana n’y croyait pas.
-Tient, qu’as-tu à la joue ? demanda brusquement Jennifer.
Dana se mordit les lèvres mais mentit avec aplomb.
-C’est en passant par ma chambre pour poser mon cartable.
James a envoyé sa chaussure dans le miroir sans le faire exprès. Je rentrait juste à ce moment là et un morceau m’a coupé,
voilà tout.
La femme l’étudia avec attention, un sourire aux lèvres,
comme si elle riait à une blague que Dana ne pouvait pas comprendre.
Elle se leva et avança jusqu’à passer derrière le fauteuil.
Dana entendit sa voix, quelque part dans son dos.
-Bien. Je crois que on peut arrêter de jouer. Il est temps
d’avoir une petite conversation...
Et se fut tout.
Tout ce dont Dana se rappelait.
Le trou noir.