Der Weibsteufel - Théâtre de l`Odéon
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Der Weibsteufel - Théâtre de l`Odéon
20 - 23 février 2013 Théâtre de l’Odéon - 6e DER WEIBSTEUFEL [Le diable fait femme] de Karl Schönherr mise en scène Martin Kušej en allemand surtitré Location 01 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu Tarifs de 6€ à 34€ (série 1, 2, 3, 4) Horaires du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h relâche le lundi Odéon-Théâtre de l’Europe Théâtre de l’Odéon place de l’Odéon Paris 6e Métro Odéon (ligne 4 et 10) - RER B Luxembourg Service de presse Lydie Debièvre, Camille Hurault 01 44 85 40 73 / [email protected] Dossier et photographies également disponibles sur www.theatre-odeon.eu 20 - 23 février 2013 Théâtre de l’Odéon - 6e DER WEIBSTEUFEL [Le diable fait femme] de Karl Schönherr mise en scène Martin Kušej en allemand surtitré musique Bert Wrede lumières Tobias Löffler et Felix Dreyer costumes Heide Kastler dramaturgie Sebastian Huber avec Werner Wölbern Birgit Minichmayr Tobias Moretti l’homme la femme le chasseur alpin production Residenztheater Munich crée le 12 septembre 2008 au Burgtheater de Vienne „Ce qui me ferait vraiment plaisir...“ LA FEMME, s’affairant devant son miroir, sûre d’elle : Oui, mon joli chasseur, voilà déjà quatre jours de passés et tu n’es toujours pas revenu. Contente d’elle : Mais cette nuit, pendant que tout dormait, on t’a quand même attiré jusqu’ici comme les mouches vers la lumière. Je t’ai très bien vu derrière les vieux sureaux. Et comme un matou amoureux tu as levé les yeux vers ma chambre à coucher. Triomphante : Ma foi, ma foi, mon petit chasseur, t’as déjà posé une patte sur le gluau ! L’HOMME repasse la porte, tend le peigne que LA FEMME, toujours devant le miroir, place avec soin dans sa chevelure : Au fait, j’ai voulu te dire mais je voulais pas te faire peur comme ça de bon matin : cette nuit je me suis réveillé et j’arrivais pas à me rendormir, alors je me lève, je regarde par la fenêtre, et tu sais qui j’ai vu là-bas ? LA FEMME a fixé son peigne, se retourne vivement : Qui ça ? L’HOMME : Le chasseur. Et dès qu’il voit ma tête à la fenêtre, le v’là qui disparaît, comme un fantôme ! LA FEMME : Sois pas ridicule. T’as rêvé ! L’HOMME : Je dormais pas plus que maintenant. Et la lune brillait, je l’ai bien reconnu ! LA FEMME secouant la tête : Et quoi encore ! Qu’est-ce qu’il ferait donc, le chasseur, à venir rôder comme ça près de chez nous en pleine nuit ? L’HOMME la regarde, étonné : Tu te le demandes vraiment ? Il espionnait, pour pouvoir enfin nous coincer. Enfin quoi, il veut gagner du galon à nos dépens ! LA FEMME, prise de court, bouche bée : Alors ça, ça m’était pas venu à l’idée. Puis : Au fait, t’as raison, c’est uniquement pour ça qu’il est venu nous tourner autour. L’HOMME regarde LA FEMME, étonné : Ben oui, sinon pourquoi ? A quoi tu pensais ? LA FEMME, avec brusquerie : A quoi je pensais ? A rien, je pensais à rien. Puis, furieuse : Attends un peu, mon gaillard : tu vas les gagner, tes galons. A L’HOMME : Je vais te le pêcher, ce type-là, il va pendre au bout de ma ligne comme une carpe. Mon petit chasseur, on va t’en servir, de la chasse aux bonnes femmes. Ce qui me ferait vraiment plaisir, ce serait de l’entraîner si loin qu’il ne puisse plus être chasseur et soit forcé de quitter le service. Ca lui ferait des beaux galons, tiens ! Enervée, elle va à la fenêtre. L’HOMME : C’est sûr que ce serait l’idéal ! Mais ça sert à rien, il va jamais s’amener chez nous. Il a déjà flairé le piège ! Karl Schönherr : Le Diable fait femme, Acte II Der Weibsteufel Un rendez-vous exceptionnel à plus d'un titre. D'abord pour son extraordinaire trio de comédiens, dont l'une des plus grandes stars actuelles de la scène germanique : Birgit Minichmayr, Ours d'argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin et double lauréate du prix Nestroy, la plus haute distinction du théâtre autrichien. Ensuite pour sa scénographie : un colossal amoncellement de troncs enchevêtrés pêle-mêle, qui évoque autant une forêt préhistorique après l’avalanche que les ruines d’une lutte entre puissances titanesques. Les trois interprètes y circulent dans un équilibre virtuose et confèrent à la fable de Schönherr une tension, une puissance quasiment mythiques ; le combat sans merci de deux hommes autour d'une même femme-démon dans la solitude des montagnes est d'emblée arraché à l'anecdote, plongé dans les béances intemporelles du désir et de la mort. Martin Kušej, dont les mises en scène d'opéra et de théâtre ont été jouées dans le monde entier, signe ici un travail qui a enthousiasmé le public et la critique de Vienne, lui valant de remporter prix Nestroy du meilleur spectacle 2009. Trois questions à Martin Kušej Pourquoi vous intéressez-vous à des oeuvres idéologiquement marquées ? C’est vrai qu’en ce moment, l’idéologie a quelque chose de daté et que la plupart des jeunes artistes de théâtre la fuient comme le diable fuit l’eau bénite… En même temps, leur critique de l’idéologie est extrêmement faible, reste dans le domaine du vague, de l’informe, du général. Ce qui m’intéresse aussi dans un tel contexte, évidemment, c’est que mon esprit de contradiction va être appelé à intervenir (comme l’exige d’ailleurs une certaine culture humaniste – et si l’on veut, c’est dans cette tradition que je me situe) ; d’un autre côté, derrière le spectre ou l’épouvantail de l’idéologie se cache souvent une attitude toute simple, une idée, une demande claire de changement ou une utopie. Ce sont là pour moi des éléments constitutifs, absolument essentiels de mon travail. Dans le cas particulier de Karl Schönherr, son idéologie doit évidemment être rejetée. C’est là qu’il faut que j’assume en serrant les dents et que je déplace scéniquement ce qu’on appelait jadis en termes démodés « l’intention de l’auteur » pour faire un peu la courte échelle à ce dramaturge d’une très haute valeur émotionnelle et aux qualités théâtrales immenses. Je ne peux quand même pas juste balayer sous le tapis un siècle de progrès et d’avancées de nos conceptions sociales. Et là, il s’avère que sous son « idéologie marquée », il reste à découvrir un écrivain formidable, qui traite simplement de problèmes humains tout à fait fondamentaux, presque archaïques. Ces abîmes ouverts dans nos profondeurs que sont la sexualité, l’identité, la croyance, il les explore impitoyablement. Et d’après l’expérience que j’en ai eue, cela suscite encore un très grand intérêt. Vous mettez volontiers en scène de grands auteurs autrichiens : aimez-vous votre patrie ? Cette question touche très exactement au point qui me dérange. Quand on parle de littérature autrichienne en Allemagne, ça prend très vite un caractère tellement folklorique, tellement kitsch pour touristes… Avant tout, j’accorde la plus grande importance – et sur ce terrain-là, je montre un certain zèle missionnaire qui aboutit souvent, je dois bien l’admettre, à des résultats frustrants – à ce que l’écriture dramatique autrichienne trouve sa place en tant que partie intégrante, et appréciée au même titre que les autres, de la littérature germanophone. Ce sont surtout Grillparzer et Nestroy qui sont aujourd’hui encore tout bonnement ignorés. Et cela, bien qu’il n’y ait quasiment pas d’auteurs de la première moitié du XIXème siècle qui aient posé des questions sociales ou esthétiques avec autant d’acuité et d’intelligence que Grillparzer, ou analysé la période qui s’étend du Congrès de Vienne à la révolution de 1848 avec avec une ironie aussi malicieuse ou un sens comique aussi profond que Nestroy. Et surtout, des auteurs autrichiens contemporains tels que Handke, Turrini ou Jelinek seraient tout simplement impensables sans ces prédécesseurs. Pour ne rien dire de successeurs comme Werner Schwab ou encore, pour être très à la page et même branché en Allemagne, Ewald Palmetshofer ou Händl Klaus… Mais pour en revenir brièvement à la deuxième partie de la question : non, je n’aime pas ma patrie ! Cela étant je ne peux pas m’en défaire non plus, et je crois que c’est précisément là le point de rencontre avec la plus grande partie des auteurs autrichiens. Il y a là, sans aucun doute, une certaine communauté d’esprit qui fait que leurs pièces me sont particulèrement proches. Les rôles de genre relèvent-ils d’une puissance naturelle ? Oui, si l’on laisse simplement cette question si étrangement formulée se poser sans en interroger les termes, oui ! C’est exactement la situation-limite, extrême, où Schönherr nous entraîne contre notre volonté et nos conceptions éclairées, post-freudiennes. J’en fais l’observation à chaque représentation de Der Weibsteufel, sans exception, et il est vraiment tout à fait fascinant de voir comment des centaines de personnes, en l’espace d’une heure et demie, en viennent à ressentir ensemble qu’on leur a ouvert une perspective profonde sur le monde de leur propre expérience, sur leur propre paysage intérieur. Schönherr semble employer un langage simple, peu complexe, sa constellation de personnages n’a rien de renversant au premier coup d’oil. Et pourtant il parvient, comme un compositeur particulièrement subtil, à créer une sorte de musique hautement dramatique : vous y êtes exposé très vite et vous pouvez vous égarer merveilleusement dans le monde d’émotions qu’elle suscite. A cela s’ajoute que nous avons trois acteurs incroyablement concentrés et qui sont au sommet de leur art – oui, je crois que quelque chose comme une « puissance naturelle » est ici montrée en scène ! Quelque chose que chacun ressent en soimême et qui de temps en temps veut se frayer une voie au-dehors… Source : theatertreffen-blog 09 (http://www.theatertreffen-blog.de/tt09/gastspiele/der-weibsteufel/drei-fragenan-martin-kusej/). Traduit de l’allemand par Daniel Loayza Repères biographiques Karl Schönherr Karl Schönherr naît le 24 février 1867 à Axams, petit village du Tyrol où son père est instituteur. Tout en poursuivant ses études de médecine, il commence à écrire des poèmes et des nouvelles humoristiques en dialecte tyrolien, qu’il commence à publier dès 1895. Son premier drame naturaliste, Le Judas du Tyrol, remonte à 1897 ; dès lors, sa réputation va grandissant, au point qu’il renonce en 1905 à l’exercice de la médecine pour se consacrer entièrement à l’écriture, produisant bon an mal une pièce par saison jusqu’au début des années 1930. Parmi les plus célèbres : Foi et patrie (Glaube und Heimat), 1910 ; Peuple en détresse (Volk im Not), 1916 ; Le Médecin des pauvres (Der Armendoktor), 1927. Membre de l’Académie allemande des Belles-Lettres, y compris après son «épuration» par les nazis, Schönherr (dont la femme était juive au sens des lois racistes édictées par le Troisième Reich) se déclare en faveur de l’Anschluss en 1938. Il meurt à Vienne le 15 mars 1943. Martin Kušej Martin Kušej est né le 14 mai 1961 à Wolfsberg (Autriche). Il s’inscrit en 1979 à l’Université de Graz en langue et littérature germaniques et en études sportives avant de partir en voyage en 1980 en Afrique occidentale. A son retour la même année, il mène ses premières expériences théâtrales au Theater im Keller. Deux ans plus tard, il s’inscrit à l’Ecole supérieure de musique et des arts de la scène de Graz, d’où il sort diplômé en 1984 avec une mise en scène d’Ultramarin, de David Brett, puis repart en voyage, cette fois-ci en Amérique du sud (Argentine, Bolivie, Equateur, Pérou). En 1986, il est assistant à la mise en scène au Landestheater de Salzbourg et au Théâtre National de Slovénie, à Ljubljana ; il en profite pour étudier le slovène. Sa première mise en scène de Karl Schönherr, Es, est montée un an plus tard. Jusqu’en 1990, il vit de différents métiers (journaliste, gardien, joueur de handball en ligue nationale autrichienne), puis voyage aux Etats-Unis (New-York, Washington, San Francisco, Los Angeles). A son retour, il fonde avec le scénographe Martin Zehetgruber et la dramaturge Sylvia Brandl la compagnie “my friend martin”. Dès 1992, il commence à travailler à l’étranger, et sa vision de Kabale und Liebe, de Schiller, lui vaut en Allemagne le prix du Jeune metteur en scène en 1993. Un an plus tard, il est invité aux Wiener Festwochen. Il travaille régulièrement au Staatschauspiel de Stuttgart (qu’il dirige en 1993-1994) et au Burgtheater depuis 1999, entre autres, montant notamment Grabbe, Grillparzer, Goethe, Horváth ou Sarah Kane. Ses débuts à l’opéra remontent à 1996 (King Arthur, de Purcell, à Stuttgart). Depuis, il a travaillé à Vérone, Zurich, Berlin, Amsterdam, Munich, Vienne et à Salzbourg (dont il dirige le Festival en 2005-2006, pour le théâtre et l’opéra). Il monte ainsi Fidelio de Beethoven, Salomé et Elektra de Strauss, collabore avec Harnoncourt à un cycle mozartien à Salzbourg (Don Giovanni, 2002, et La Clemenza di Tito, 2003 ; ensemble, ils abordent à Zurich La Flûte enchantée en 2007, puis Genoveva, de Schumann et The Rake’s Progress, de Stravinsky, en 2008); il s’attaque à Carmen, de Bizet (reprise au Théâtre du Châtelet en 2007), à Otello ou à Macbeth, de Verdi… La reprise de sa mise en scène de Lady Macbeth de Mzensk, de Chostakovitch, à l’Opéra Bastille en 2009 est très remarquée. Nommé trois fois pour le prix Nestroy, il finit par l’obtenir en 2009 pour Der Weibsteufel. Depuis 2011, Martin Kušej a succédé à Dieter Dorn au poste de directeur artistique du Residenztheater de Munich. Repères biographiques Birgit Minichmayr Birgit Minichmayr est née à Linz (Autriche) en 1977. Elle se forme à l’art dramatique au MaxReinhardt-Seminar de Vienne, où elle suit les cours de Klaus Maria Brandauer. Dès avant sa sortie, elle est engagée au Burgtheater, où elle fait ses débuts en 1999 dans Der Reigen (La Ronde) de Schnitzler. Un an après, elle obtient la plus haute distinction du théâtre autrichien, le Prix Nestroy, dans la catégorie “jeune talent”, et joue dans un premier long-métrage ; depuis, parallèlement à sa carrière sur les planches, elle a touné dans une vingtaine de films, dont Alle anderen, de Maren Ade, qui lui vaut en 2009 l’Ours d’Argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin ainsi que le Prix de la critique allemande. La même année, le Prix Nestroy lui est à nouveau décerné pour son rôle dans Der Weibsteufel (Le Diable fait femme), de Karl Schönherr. Minichmayr, qui a travaillé plusieurs années à la Volksbühne avant de retourner au Burg (où Luc Bondy lui a confié en 2007 le rôle du Fou dans sa mise en scène du Roi Lear, puis en 2010 celui d’Hélène dans l’Hélène d’Euripide traduite par Peter Handke), partage aujourd’hui sa vie entre Vienne et Munich, où elle travaille avec Martin Kusej. Tobias Moretti Après ses études musicales à la Hochschule für Musik und Darstellende Kunst (Vienne), puis d'art dramatique à la Otto-Falckenberg-Hochschule (Munich), Tobias Moretti est engagé dans la troupe du Residenztheater ainsi qu'aux Münchner Kammerspiele. Il joue des rôles dès le début des années 90 tant au cinéma qu'à la télévision. Sa carrière d'acteur lui a valu de nombreuses récompenses (Bayerischer Filmpreis, Goldener Löwe, Grimmepreis, Romy, Gertrud-Eysoldt-Ring der Deutschen Akademie der Darstellenden Künste). Au théâtre, ill a notamment joué le premier rôle de Pancomedia de Botho Strauss (création mondiale au Schauspielhaus de Bochum). On a pu le voir dans Jedermann au Festival de Salzbourg et dans le rôle-titre de König Ottokar, dans la mise en scène très remarquée de Martin Kušej (Festival de Salzbourg et Burgtheater de Vienne). C'est également au Burgtheater qu'il a interprété Faust. Metteur en scène d'opéra, il a monté Don Giovanni (Bregenz) et La finta giardiniera de Mozart (Zurich), ainsi que Il mondo della luna Haydn (Vienne). Werner Wölbern Né en 1961 à Zeven, Werner Wölbern a étudié à la Folkwang-Hochschule (Essen) de 1984 à 1988. Il est d'abord engagé au Schauspielhaus de Düsseldorf et au Schauspiel de Cologne. Après quatre saisons au Thalia Theater de Hambourg (1995-1999), il s'établit à Vienne, où il entre dans la troupe du Burgtheater. Depuis 2008, il est régulièrement engagé au Deutsches Theater de Berlin et au Festival de Salzbourg, entre autres, tout en dispensant des cours d'art dramatique à la Hochschule für Musik und Darstellende Kunst de Francfort, quand il ne tourne pas pour la télévision. Werner Wölbern, qui a entamé depuis 2006 une carrière de metteur en scène à Essen, Hambourg et Stuttgart, travaille depuis la saison 2011/2012 au Residenztheater de Munich.