La loi française du 28 juillet 2008 et les Partenariats Public

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La loi française du 28 juillet 2008 et les Partenariats Public
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La loi française du 28 juillet 2008 et les Partenariats Public-Privé:
modernisation juridique ou enjeux politique?
Professeur Jean-Jacques Lavenue1
Université de Lille Nord de France2
Directeur de l'IREENAT3
Sommaire
I – L'expression d'une volonté de modernisation procédurale au service d'une
politique
de modernisation de l'Etat.
A – L'évolution de la définition du partenariat public-privé dans la législation
française.
B – Les justifications du recours au Partenariat Public-privé
II – La critique de la loi: un procédé de manipulation budgétaire et de dépeçage de
l'Etat.
A- L'argument économique: un expédient budgétaire coûteux.
B- L'argument politique: un élément d'une stratégie dépassée de réduction du
périmêtre
de l'Etat.
*
Précisons le dès le départ, cette intervention relèvera d'avantage de la
science administrative et de l'analyse de la mise en place des systèmes institutionnels, que
de l'analyse juridique de droit public au sens stricte. Son contexte est celui de la crise
économique que nous vivons. Bien que les textes évoqués ne parlent plus que de
“partenariat”, elle tendra à élargir son interrogation à la problématique du Partenariat Public
1 http://www2.univ-lille2.fr/droit/enseignants/lavenue /
2 http://193.51.139.83/w3/
3 http://ireenat.univ-lille2.fr/
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Privé, bien que les textes évoqués ne parlent plus que de « partenariat », comme moyen
d'externalisation des fonctions de l'Etat, à un moment où, précisément, réapparait la
revendication de la nécessité de la réinternalisation.
Cette réflexion, on le comprendra, s'oppose aux théories de la nécessité de la plus
extrème réduction du rôle de l'Etat. Elle tend, au contraire, à réaffirmer l'urgence de son
intervention et de son contrôle pour la sauvegarde des services publics et du concept d'
intérêt général. Au concept de “libération des Partenariats Public-Privé” nous préférons
celui de contôle des Partenariats Public-Privé, tant dans la perspective d'une saine gestion
budgétaire que dans celle de la préservation des services public et du rôle de l'Etat.
Je prendrai un exemple avant d'entrer dans l'analyse. Il est tiré d'une chronique du journal
« Le Monde », paru le 10 février 2009 4. Il concerne la Grande Bretagne qui avec la Private
Finance Initiative, sert sur certains points de modèle aux tenant du Partenariat Public-Privé.
« Juste avant Noël, 100 000 fonctionnaires ont appris qu'ils avaient reçu pendant trente
ans une retraite trop élevée. Et qu'ils verraient son montant diminuer pour compenser le
trop-perçu de 140 millions de de livres. Tout ça par ce que l'entreprise Xafinity, qui
s'occupe d'une partie des retraites du National Health Service et de l'armée, s'est trompée
dans ses calculs pendant trois décennies!»
« Patrick Dunleavy ( professeur à la London School of Economics) juge « c'est typique. On
demande à ces sous-traitans d'être le moins cher possible. Et en même temps,
l'administration perd son expertise sur ces sujets qui sont externalisés ». Et s'avère
incapable de contrôler. C'est comme ça que, en novembre 2007, le fisc a laissé partir dans
la nature les données fiscales de 25 millions de contribuables. La Cour des comptes lui
avait juste demandé 20 000 dossiers anonymes. Mais personne au Trésor n'était capable de
transférer ces données. Il a du coup été fait appel à un prestataire extérieur qui, pour
réduire les coûts, est allé au plus simple: copier sur un CD tous les dossiers sans prendre la
peine d'enlever les données confidentielles, et de l'envoyer par la poste. Le courrier n'était
pas recommandé – trop cher sans doute – et s'est perdu. »
C'est dans ce contexte d'interrogation sur les effets contestables de l'externalisation que
j'examinerai la loi du 28 juillet 2008 tendant à élargir les modalités du recours au contrat de
partenariat dans le cadre français. Je serai amené, notamment, à en mettre l'opportunité en
relation avec le PFI (Private Finance Initiative) britannique, et la pratique suivie outre
Manche.
I - L'expression d'une volonté de modernisation procédurale au service d'une politique
de modernisation de l'Etat.
La loi du 28 juillet 2008, relative aux contrats de partenariats 5a pour objet d'étendre le
recours aux contrats de partenariat créés par l'ordonnance du 17 juin 20046. Alors que
4 Virginie Malingre :« Public-privé, des ratés en série », « Le Monde », 10 février 2009, p.28.
5 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT000019261845&dateTexte=20080730&fastPos=1&fastReqId=1674465449&oldAction=rech
Texte Loi n°2008-735 du 28 juillet 2008.
6 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000438720&dateTexte= Ordonnance
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l'ordonnance en faisait un outil d'exception, la loi de 2008 en élargit les possibilités d'y
recourir. Nous observerons l'évolution de sa définition et les éléments du discours mis en
avant pour justifier son instauration.
A – L'évolution de la définition du partenariat public-privé dans la législation
française.
Alors qu'une rapide référence au droit comparé montre que l'expression “partenariat”,
appliquée aux modes de mise en oeuvre des politiques publiques tend en général à recouvrir
l'ensemble des moyens qu'utilisent les administrations pour associer à leur action des
partenaires privés (Concessions, Marchés publics, Délégations de Service Public,
Affermage, BOO7, BOT8,BOOT9, BOOST10, DBFO11, PFI12, ROT13, etc...) le contrat de
partenariat, en droit français, correspond à un type de contrat spécifique qui, pour être
récent, a déjà connu une évolution importante. Elle apparaît à travers les définitions qui en
furent données en 2004 puis en 2008.
a) Définition de 2004:
«Les contrats de partenariat sont des contrats administratifs par lesquels l'Etat ou un
établissement public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de
la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues,
une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou
d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des
ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou
leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice,
par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à
réaliser.
Il peut se voir confier tout ou partie de la conception des ouvrages.
La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique
pendant toute la durée du contrat. Elle peut être liée à des objectifs de performance
assignés au cocontractant. »
Dans l'ordonnance de 2004 le recours au Partenariat reste, alors, un mode dérogatoire de
la commande publique . Le recours au contrat de partenariat est limité aux cas d’urgence ou
de complexité du projet, appréciés objectivement.
L'article 2 de l'ordonnance souligne:”Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus
que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne
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n°2004-559 du 17 juin 2004 surles contrats de partenariat.
Build-own-operate. Http://www.lexinter.net/WEB7/concession-bot.htm
Build-operate-transfert.Http://www.lexinter.net/WEB7/concession-bot.htm
Build-own-operate-transfert.Http://www.lexinter.net/WEB7/concession-bot.htm
Build-own-operate-service-transfert.Http://www.lexinter.net/WEB7/concession-bot.htm
Designe-build-finance-operate.
Private Finance Initiative.Http://www.lexinter.net/WEB7/concession-bot.htm
Rehabilitate-operate-transfert
4
publique procède avant le lancement de la procédure de passation :
a) Montre ou bien que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est
pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant
répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien
que le projet présente un caractère d'urgence ;
b) Expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et
administratif, qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de
coût global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le
projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de
partenariat. En cas d'urgence, cet exposé peut être succinct.
L'évaluation est réalisée avec le concours d'un organisme expert choisi parmi ceux créés
par décret.” 14
Ainsi que le précisait le Ministère des finances dans son Guide Pratique sur les contrats
de Partenariat 15:
« Le contrat de partenariat doit permettre un meilleur respect des délais et des coûts par
le recours à un mode de gestion privé dont la qualité est contractualisée et financièrement
sanctionnée. Il passe par un partage équilibré des risques et des responsabilités entre
partenaires public et privé.”
Il soulignait:
« Le contrat de partenariat ne constitue en aucun cas un outil visant à s’affranchir des
contraintes budgétaires ou à contourner la réglementation des marchés publics
:l’évaluation préalable prévue par l’ordonnance est au contraire la garante de l’exigence
de transparence et de responsabilisation.
« Enfin, le contrat de partenariat n’entraîne pas de dessaisissement au profit de la personne
privée : il permet à la personne publique de conserver la maîtrise du service public et les
fonctions d’expertise, tout en confiant la gestion de certaines tâches d’exécution aux
entreprises dans le cadre d’un contrat dont les résultats sont régulièrement évalués. »
L'objectif principal était de mobiliser du capital et du savoir faire privé pour le
financement, la construction et l'exécution d'investissement immateriels, d'ouvrages et
d'équipement nécessaires au service public que la personne publique n'est pas en mesure
d'exécuter et de définir à l'avance faute de moyens techniques ou faute de capacité à en
réaliser le montage financier ou pour des raisons d'urgence.
Dans sa décision du du 26 juin 2003, le Conseil Constitutionnel précise que le contrat de
partenariat doit être réservé ” à l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances
particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir
compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou
d'un service déterminé “ 16
14 http://www.lexinter.net/lois4/ordinnance_du_17_juin_2004_sur_les_contrats_de_partenariat.htm
15 http://www.minefe.gouv.fr/presse/dossiers_de_presse/mapp050527/pres_guide.pdf
16 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/depuis-1958/decisions-par-
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La décision du Conseil Constitutionnel du 2 décembre 2004 évoquera :”un retard
particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs”17
Suivent, dans l'ordonnance les modalités procédurales permettant de soumissionner à ce
type de contrat: évaluation préalable du projet, identification des motifs qui ont conduits à le
retenir, dialogue compétitif18 .Le contrat être attribué au candidat qui a présenté l'offre
économiquement la plus avantageuse, par application des critères définis. En prenant en
compte les conclusions de l'étude d'évaluation mentionnée à l'article 2, dans l'avis d'appel
public à la concurrence ou le règlement de la consultation et le cas échéant précisés dans les
conditions prévues à l'article 7.
Certains représentants de la doctrine administrative s'interrogèrent alors, quand au fond,
sur la nécessité de l'existance de ce nouveau type de contrat 19. Soulignant, par exemple,
qu'il aurait pu suffire de modifier “les règles applicables aux textes existant - en particulier
date/2003/2003-473-dc/decision-n-2003-473-dc-du-26-juin-2003.861.html#hautDePage
17 http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/depuis-1958/decisions-pardate/2004/2004-506-dc/decision-n-2004-506-dc-du-02-decembre-2004.910.html
18 Art. 7 de l'ordonnance “Sur la base du programme fonctionnel qu'elle a établi, la personne publique engage un
dialogue avec chacun des candidats, dont l'objet est de définir les moyens techniques et le montage juridique et
financier les mieux à même de répondre à ses besoins.
La personne publique peut discuter avec les candidats de tous les aspects du contrat.
Chaque candidat est entendu dans des conditions de stricte égalité. La personne publique ne peut donner à certains
candidats des informations susceptibles de les avantager par rapport à d'autres. Elle ne peut révéler aux autres
candidats des solutions proposées ou des informations confidentielles communiquées par un candidat dans le cadre
de la discussion sans l'accord de celui-ci.
La personne publique poursuit les discussions avec les candidats jusqu'à ce qu'elle soit en mesure d'identifier la ou
les solutions, au besoin après les avoir comparées, qui sont susceptibles de répondre à ses besoins.
Elle peut prévoir que les discussions se déroulent en phases successives au terme desquelles seules sont retenues les
propositions répondant le mieux aux critères fixés dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement
de consultation. Le recours à cette possibilité doit avoir été indiqué dans l'avis d'appel public à la concurrence ou
dans le règlement de la consultation.
Lorsqu'elle estime que la discussion est arrivée à son terme, la personne publique en informe les candidats qui ont
participé à toutes les phases de la consultation. Elle invite les candidats à remettre leur offre finale sur la base de la
ou des solutions présentées et spécifiées au cours du dialogue dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois. Elle
définit les conditions d'exécution du contrat, y compris de celles de ses clauses qui prévoient une évolution, pendant
la durée du contrat, des droits et obligations du cocontractant, et, le cas échéant, précise les critères d'attribution du
contrat définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou le règlement de la consultation. Elle s'efforce de
maintenir jusqu'à ce stade une concurrence réelle.
Ces offres comprennent tous les éléments nécessaires à l'exécution du contrat.
La personne publique peut demander des clarifications, des précisions ou des compléments concernant les offres
déposées par les candidats ainsi que la confirmation de certains des engagements, notamment financiers, qui y
figurent. Cependant, ces demandes ne peuvent avoir pour effet de modifier les éléments fondamentaux de l'offre ou
des caractéristiques essentielles du contrat.
Il peut être prévu qu'une prime sera allouée à tous les candidats ou à ceux dont les offres ont été les mieux classées.
“
19 Cf. JF.Auby,”Le cas des contrats de partenariat. Ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaire ?”, RFDA, novembredécembre 2004,pp.1095 et ss.
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marchés publics et délégations de service public -dès lors que ces modifications n'auraient
pas été contraires aux règles communautaires”20 Pour la forme, néanmoins, la mise en
place d'un nouveau dispositif plus attractif pour les partenaires de l'Etat dans des
circonstances d'exceptions pouvait paraître correspondre à une volonté d'enrichissement de
la boite à outil de la réalisation des politiques de l'Etat. Il sembla que ce n'était pas suffisant.
La revendication du monde de l'entreprise représenté par le Medef 21ou l'IGD22 à une plus
grande ouverture des activités de l'Etat au secteur privé firent l'objet d'une écoute favorable.
Et, sans doute, d'autant plus qu'elle n'était pas dépourvue d'arrières pensées budgétaires.
Le 1er octobre 2007 Le président de la République, Nicolas Sarkozy, demandait au
premier ministre de soumettre au Parlement “avant la fin de l'année”, un projet de loi pour
“libérer les partenariats public-privé” d'une règlementation trop restrictive”23.
L'objectif était de stimuler la croissance par le recours au privé. Dans la lettre adressée au
premier ministre le Président de la République précisait:
”Le partenariat public-privé offre très souvent la possibilité d'accélérer l'investissement et
permet d'en partager les risques de manière optimale entre les partenaires. Il permet de
mobiliser le financement privé sur la réalisation de grands projets d'utilité nationale. Le
développement de cette procédure apparait donc indissociable de l'effort à entreprendre en
France pour le développement durable de l'économie et de la connaissance”.
“Cependant les conditions restrictives posées aujourd'hui à l'emploi de cette procédure en
freine le développement alors même que l'expertise accumulée depuis trois ans permettrait
d'en démultiplier l'usage. Je vous demande donc de mettre en place un plan de stimulation
du partenariat public-privé. Il pourrait reposer sur un volet législatif qui déserrerait les
contraintes et placerait cette procédure parmi les modalités de droit commun de la
commande publique...”24
Nicolas Sarkozy s’appuyait alors sur les propositions de Claude Martinand, vice-président
du Conseil général des Ponts et président de l’Institut de la gestion déléguée (IGD), dont
nous évoquions déjà le rôle à l'occasion de notre communication du colloque de décembre
2007 à Lille25.
Le 4 octobre 2007, Monsieur Claude Martinand, Vice-président du Conseil général des
Ponts et chaussées et président de l'Institut de Gestion déléguée (IGD) annonçait le
Lancement de “La seconde initiative françaises en faveur des Partenariats Public-Privé”26
construite autour de cinq propositions phares:
-Lancer un programme de projets d'intérêt national.
-Adapter et assouplir le cadre législatif et contractuel
-Harmoniser les règles fiscales et financières dans un souci de neutralité réaffirmée, ainsi
que les conditions d'octroi des subventions et aides européennes.
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25
J.F. Auby, op.cit. p.1102.
Cf. par exemple: http://www.medef.fr/medias/upload/59718_FICHIER.pdf
http://www.fondation-igd.org/
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-971933@51-959139,0.html
http://www.lemoniteur.fr/actualite/etat_collectivites/exclusif_nicolas_sarkozy_demande_loi/D70ADB12A.htm
Cf. Jean-Jacques Lavenue, “Partenariat Public-Privé”, TIC et réforme de l'Etat”, Colloque international “Réforme
de l'Etat et mise en place d'une administration électronique “, Lille, 14 et 15 décembre 2007; http://ireenat.univlille2.fr/fileadmin/Colloque2007_adminelectronik/_Reforme_Etat_-_12-2007__Lavenue.pdf
26 http://www.lagazettedescommunes.com/actualite/pdf/igd.pdf
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-Favoriser la montée en compétence des acteurs en termes de commande publique, d'analyse
économique, d'étude d'évaluation préalable, et mettre en place le retour d'expérience entre
eux.
-Veiller à la cohérence entre le cadre national applicable au Partenariat Public-Privé et le
projet de “directive communautaire sur les concession” qui devrait être discutée en 20092010..
La loi du 28 juillet 200827 a répondu à cette demande28. Elle a été votée sans débat par les
représentants de l'UMP. De dérogatoire, le PPP devenait quasiement procédure de droit
commun29.
b ) Définition de 2008:
Ainsi que l'explique l'exposé des motifs de la loi de juillet 2008:
” Le Président de la République a (...) demandé au Premier ministre de mettre en place un
plan de stimulation du partenariat public-privé dont le présent projet de loi constitue le
volet législatif.
“ Il a donc été décidé d'élargir le recours à ce nouveau mode contractuel dans le respect
du cadre fixé par le Conseil constitutionnel30. Le projet de loi ajoute deux nouvelles voies
d'accès : celle de l'intérêt économique et financier pour la personne publique, au regard
de l'ensemble des outils de la commande publique, et une voie d'accès sectorielle pour un
temps limité.
Le projet de loi procède en outre à plusieurs aménagements techniques pour assouplir le
régime juridique applicable à la mise en œuvre de ces contrats. ”31
La nouvelle définition du contrat de partenariat, donnée par l'article 1er de la loi. traduira
cette évolution.
« I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'Etat ou un
établissement public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de
la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues,
une mission globale ayant pour objet le financement, la construction ou la transformation,
l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de
27 http://www.senat.fr/apleg/pjl07-211.html
28 http://www.manifestepourlesvilles.com/themes/urbanisme/les-partenariats-public-prive-mis-en-cause-par-la-courdes-comptes
29 La loi élargit notamment lea notion d'urgence. Désormais l'urgence sera reconnue lorsqu'il s'agira de faire face à des
situations imprévisibles, mais aussi en matière de rattrapage de retard d'équipement. La loi crée également le critère
de “bilan avantageux” qui permet de supprimer ipso facto le caractère initial exceptionnel de la procédure. Il suffira
que la mise en balance coût/avantage, par rapport aux mêmes prestations effectuées par la personne publique, fasse
apparaître un avantage objectif pour que la procédure soit retenue. Par ailleurs la loi crée une voie d'accès sectorielle
temporaire pour les contrats passés avant le 31 décembre 2012, dans l le domaine des grandes politiques publiques:
enseignement supérieur et recherche, lois de programmation de la sécurité intérieure et de la justice, nouvelles
technologies appliquées à la police et à la gendarmerie nationale, réorganisation des implantations du ministère de la
défense, santé publique, rénovation urbaine, etc... pour lesquels le caractère d'urgence sera présumé.
30 Cf. décision du Conseil constitutionnel n°2008-567, du 24 juillet 2008;http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseilconstitutionnel/francais/les-decisions/depuis-1958/decisions-par-date/2008/2008-567-dc/decision-n-2008-567-dcdu-24-juillet-2008.17226.html
31 http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do;jsessionid=379D3D28659EC743F1D415FC600A994E.tpdjo04v
_2?idDocument=JORFDOLE000018113280&type=expose
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biens immatériels nécessaires au service public.
Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages,
équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à
l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.
« II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à
réaliser.
Il peut se voir céder, avec l'accord du cocontractant concerné, tout ou partie des contrats
passés par la personne publique pouvant concourir à l'exécution de sa mission.
La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique
pendant toute la durée du contrat. Elle est liée à des objectifs de performance assignés au
cocontractant.
Le contrat de partenariat peut prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant
pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager
final de prestations revenant à cette dernière.
« III. - Lorsque la réalisation d'un projet relève simultanément de la compétence de
plusieurs personnes publiques, ces dernières peuvent désigner par convention celle d'entre
elles qui réalisera l'évaluation préalable, conduira la procédure de passation, signera le
contrat et, éventuellement, en suivra l'exécution. Cette convention précise les conditions de
ce transfert de compétences et en fixe le terme.»
L'article 2 disposant;
“I. - Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable, réalisée avec le
concours de l'un des organismes experts créés par décret, faisant apparaître les motifs de
caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne
publique à engager la procédure de passation d'un tel contrat. Chaque organisme expert
élabore, dans son domaine de compétences, une méthodologie déterminant les critères
d'élaboration de cette évaluation dans les conditions fixées par le ministre chargé de
l'économie. Cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options,
notamment en termes de coût global hors taxes, de partage des risques et de performance,
ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable. Lorsqu'il s'agit de faire
face à une situation imprévisible, cette évaluation peut être succincte.
“II. - Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation,
il s'avère :
“1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas
objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à
ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ;
“2° Ou bien que le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un
retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou
l'exercice d'une mission de service public, quelles que soient les causes de ce retard, ou de
faire face à une situation imprévisible ;
9
“3° Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences
du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés
observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente
un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats
de la commande publique. Le critère du paiement différé ne saurait à lui seul constituer un
avantage.”
[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil
constitutionnel n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008.]
B – Les justifications du recours au Partenariat Public-privé.
Le recours au secteur privé pour le développement d'infrastructures publiques n'est pas
nouveau32 et les arguments pour le justifier ne manquent pas. Dans le contexte de la loi de
2008, onjt été évoquées les nécéssités d'un assouplissement et d'une forme d'assainissement
du mode de gestion des activités de l'Etat sur le modèle entrepeunerial du secteur privé:
rapidité, efficacité, responsabilité, “bankabilité”.
L'argument qui est souvent mis en avant lorsque l'on veut promouvoir le recours au PPP
est celui de la bonne gestion et du savoir faire du secteur privé33. Il apparaît dans le discours
dès la mise en place de la Private Finance Initiative (PFI) anglaise . Apparue en 1992 sous
les gouvernement conservateurs anglais de Margareth Tatcher et John Major34, elle
répondait alors clairement à des objectifs idéologiques de réduction du rôle de l'Etat et de
privatisation d'entreprises nationalisées et de services publics. Toute la question est de
savoir si, au terme du processus de mise en place du partenariat ou d'externalisation, le
concept de service public est identifiable au concept de service commercial, et la prestation
de service public à la prestation marchande? On peut se demander également si le
retournement de conjoncture et la crise économique mondiale n'auront pas pour effet de
frapper d'obsolescence, ab initio, l'approche qui sous-tend la loi française ?
a) L'argumentaire de la gestion de l'Etat selon les critères de l'entreprise privée.
Une entreprise dont la finalité téléologique est de faire du profit peut-elle se substituer à
l'administration dont la fonction sociale est de pourvoir à l'intérêt général y compris en
assumant le caractère non rentable de certaines de ses prestations au nom de la solidarité
nationale. Dans le partage des risques, le risque de la non rentabilité doit-il être assumé par
le seul partenaire public? La réduction de l'espace étatique doit-il aller de pair avec son
apauvrissement et la prise en charge des seuls secteurs non rentables? Le transfert opéré des
activités rentables de l'Etat, par ailleurs, ne se fera pas tant vers les entreprises que vers les
particuliers auxquels seront plus ou moins directement facturées les prestations de service
public prises en charge par le secteur privé. Enfin dans un contexte économique où le
32 Cf. Jean-Jacques Lavenue, “Partenariat Public-Privé”, TIC et réforme de l'Etat”, Colloque international “Réforme
de l'Etat et mise en place d'une administration électronique “, Lille, 14 et 15 décembre 2007; http://ireenat.univlille2.fr/fileadmin/Colloque2007_adminelectronik/_Reforme_Etat_-_12-2007__Lavenue.pdf
33 En dehors de sa “bancabilité” et du fait qu'ils ne sont pas comptabilisés dans l'endettement public, cf. J-F.Auby,”Ces
nouveaux contrats étaient-ils nécessaires?”, RFDA, novembre-décembre 2004,p.1096.
34 http://en.wikipedia.org/wiki/Private_Finance_Initiative
10
secteur privé ne serait plus “bankable”, selon l'expression de Yean-François Auby35, le
Partenariat Public-Privé, a-t-il encore le sens que souhaitaient lui donner ses promoteurs?
L'apparence de l'intérêt immédiat justifie-t-elle que sous prétexte de rationalisation
l'Etat vende son âme pour un plat de lentille? Plus que jamais, en l'espèce, il paraitra alors
important dans le discours tenu sur la nécessité, ou le caractère, incontournable du recours à
l'externalisation et au PPP de déterminer “qui parle” et “d'où il parle”.
Ainsi que l'écrit le ministère des finances :“ Le contrat de partenariat permet à une
collectivité publique de confier à une entreprise la mission globale de financer, concevoir
tout ou partie, construire, maintenir et gérer des ouvrages ou des équipements publics et
services concourant aux missions de service public de l’administration, dans un cadre de
longue durée et contre un paiement effectué par la personne publique et étalé dans le
temps. Il a pour but d’optimiser les performances respectives des secteurs public et privé
pour réaliser dans les meilleurs délais et conditions les projets qui présentent un caractère
d’urgence ou de complexité pour la collectivité : hôpitaux, écoles, systèmes informatiques,
infrastructures.
Les avantages de cette forme nouvelle de contrats sont multiples : l’accélération, par le
préfinancement, de la réalisation des projets ; une innovation qui bénéficie à la collectivité
par le dynamisme et la créativité du privé ; une approche en coût global ; une garantie de
performance dans le temps ; une répartition du risque optimale entre secteur public et
privé, chacun supportant les risques qu’il maîtrise le mieux.”36
Qui souhaiterait qu'il en fut autrement? D'autant plus que pour certains s'y mèle un
onterêt de technique budgétaire ainsi que la satisfaction idéologique de la réalisation d'une
réduction du périmêtre d'action de l'Etat.
L'importance actuelle de la dette publique dans certains Etats occidentaux les pousse à se
tourner de plus en plus vers la formule des partenariats publics-Privés. Le discours
justificatif pourra y rejoindre, par exemple, sans difficulté celui tenu pour la mise en place
de l'e-administration dans un processus de réforme de l'Etat. Pour certains, allant au delà de
la simple réingénierie, il pourra même apparaître comme une étape vers une privatisation
pure et simple37. La réforme de l'Etat correspondant alors à l'identification d'externalisation
et privatisation. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
La mise en place de l'e-administration, pour ce qui est de notre champ d'étude particulier,
en mettant en place des contrats d'infogérance, pourra être présentée comme l'occasion pour
l'Etat de faire des économies. Le recours de Partenarit Public-Privé pour ce faire permettra
de réaliser la réforme à moindre coût38. La réflexion qui sera menée en parallèle sur la
35 Cf. JF.Auby,”Le cas des contrats de partenariat. Ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaire ?”, RFDA, novembredécembre 2004,pp.1095 et ss.
36 http://www.ppp.minefi.gouv.fr/
37 Cf. les approches de Margareth Thatcher puis de John Major http://fr.wikipedia.org/wiki/Margaret_Thatcher
38A lire l'étude présentée par Thierry Kirat et Frederic Marty lors de la 17 ème conférence de la Society for the
Advancement of Socio-Economics en juillet 2005, on peut être amené néanmoins à une certaine prudence:” Face aux
difficultés de maîtrise des coûts dans les contrats d’acquisition traditionnels, les contrats de partenariats sont
communément présentés comme susceptibles d’apporter des réponses aux dérives constatées en matière de marchés
publics dans la mesure où leur caractère global et forfaitaire garantit théoriquement l’acheteur public contre tout
risque de dérives des coûts. De la même façon, le partage des risques entre partenaires privés et publics est censé
permettre de responsabiliser les cocontractants de l’Etat en cas de retards de mise en service de l’actif support de la
prestation. En effet, les flux de paiements de l’Etat ne sont déclenchés que lors de la
11
réingénierie des processus administratifs presentra l'opportunité d'envisager grâce au
Partenariat Public-Privé une redéfinition à la baisse du périmètre de l'Etat.
Le Partenariat Public-Privé est présenté comme une alliance dans la durée, un contrat
global qui va du financement à la construction en passant par l'exploitation et la
maintenance d'un bien ou d'un service public qui permetrait d'obtenir un meilleur résultat à
un coût plus avantageux et dans des meilleurs délais, grâce au recours aux capitaux privés .
La question qui se posera aussi sera celle de la rémunération de ces capitaux et de son
incidence possible sur la notion de service public. Apparaissent alors les interrogations sur
les risques d'administration à plusieures vitesses. Le projet de mise en place d'un service
public non rentable ne sera pas éligible au PPP, alors qu'il pourrait l'être au titre de la
redistribution, de la solidarité nationale, de l'intérêt général...Selon quelle logique sera
résolu le dilemme? La dimension politique du choix du procédé apparaît dans toute son
importance. Particulièrement à un moment où le changement de conjoncture économique
semble remettre en cause les conceptions et convictions les plus établies.
b) La mise en oeuvre d'une approche libérale paradoxalement dépassée?
Le “partenariat à la française” n'est-il pas dépassé, ou hors de propos, avant même
d'avoir pris son plein essor?
La crise économique mondiale déclanchée aux Etats-Unis par l'affaire des subprimes39
conduit les analystes à évoquer l'inévitable revanche de Keynes et Galbraith sur Hayek et
Friedman. Elle aurait eu déjà le mérite de mettre un terme à ce qui jusqu'alors relevait d'une
sorte de terrorisme intellectuel: celui des zélateurs de l'Ecole de Chicago, des “Chicago
délivrance du service.(..)
“Or, la mise en oeuvre des contrats de partenariat à cadre comptable public inchangé pourrait s’avérer porteuse de
nouveaux risques de dérives. Ces dernières pourraient notamment naître de la difficulté de maîtriser des engagements
contractuels pluriannuels et d’en apprécier le coût sur une base inter-temporelle dans le cadre de l’annualité
budgétaire. Elles pourraient, de la même façon, être liées à la quasi impossibilité de comparer offres publiques et
privées, dans la mesure où l’information budgétaire ne permet pas de déterminer le coût de revient d’une fonction
donnée réalisée en régie. Il apparaît donc qu’un développement efficace de tels contrats suppose la mise en place (aux
côtés de la comptabilité d’engagements traditionnelle) d’une comptabilité patrimoniale permettant de déterminer
l’opportunité du recours à un partenariat public privé, d’en mesurer l’impact financier pour la collectivité publique et
d’en contrôler d’éventuelles dérives. La comparaison du développement des contrats de partenariats au Royaume-Uni
montre qu’il est nécessaire d’accompagner la mutation des règles de la commande publique par une réforme de
l’information comptable publique.
“ Pourtant, une telle refonte du système comptable et budgétaire public peut elle-même générer de nouveaux risques si
la nature de l’information comptable ne fait pas l’objet d’une réelle réflexion et si la diversité de ses destinataires n’est
pas prise en considération. En ce sens, (...), que l’adoption d’une comptabilité patrimoniale ne saurait être tenue pour
neutre, du fait du caractère performatif de l’information comptable. La comptabilité revêt en effet le caractère d’une
convention d’évaluation instituée. A ce titre, tout changement de l’information comptable traduit non seulement une
évolution sur la nature de son destinataire principal, mais s’avère, de plus, susceptible d’orienter les conclusions qui
pourraient découler la consultation des documents de synthèse comptables. En effet, la traduction comptable de
l’activité d’une entité économique, n’est jamais neutre : « Although portrayed as being essentially descriptive, financial
reports are subjectively constituted and interpreted ».
“ Le risque serait de voir se substituer à une information comptable axée sur les besoins des Parlements (les
apporteurs de ressources fiscales) une information exclusivement construite en fonction des besoins des apporteurs de
ressources privées (i.e. les souscripteurs de la dette publique, en d’autres termes les marchés financiers). Or, les défis
qui se posent à la commande publique nécessitent une information comptable construite en fonction des nécessités de la
décision publique et du suivi de son exécution. Un système comptable principalement orientévers le contrôle de la
solvabilité de l’emprunteur public pourrait potentiellement léser les intérêts des autres stakeholders aux premiers
rangs desquels les générations présentes et futures, à la fois en qualité de contribuables mais aussi de consommateurs
de biens publics.http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00004205/en/
39 http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_subprimes
12
Boys”, et de leurs avatars politiques néoconservateurs. Elle peut jeter un doute sur la
philosophie qui a entouré l'élaboration de la loi et partant sur sa mise en oeuvre.
Le parallèle est-il excessif?
Retenons pour ce qui nous intéresse que quels qu'aient été le nom pris par les tenants de
la nécessité de la réduction du périmètre de l'action étatique au profit du secteur privé et du
“laisser-faire”, l'idéologie que développent les ultra ou néo libéraux repose sur trois
impératifs catégoriques:
−
élimination de la sphère publique;
−
dérèglementation totale des entreprises;
−
réduction draconnienne des dépenses publiques.
C'est, d'une certaine manière, ce qu' exprimaitait pour la France le Medef, en 2004, à
propos de la nécéssité du développement des Partenariats Public Privé en matière de
mise en place de l'Administration électronique dans le cadre de la réforme de l'Etat.
−
“Il est important de bien définir le périmêtre des services rendus par l'Etat. Ce n'est pas
le rôle de l'Etat de gérer toutes les fonctions logistiques périfériques. D'où l'intérêt pour
les Administrations de faire appel à l'”Outsourcing”. A ce propos, le Medef regrette que
l'utilisation de l'”outsourcing” dans l'Administration se heurte encore souvent à des
obstacles culturels40”...”Le Medef souhaite que l'Administration organise ses relations
avec les acteurs privés pour qu'il puisse exister des acteurs qui valorisent les
informations du domaine public, pour en faire des informations à valeur ajoutée qu'ils
peuvent ensuite commercialiser”41
−
“L'Administration Electronique doit être conçue comme un chantier exemplaire de
partenariat public/privé. Les obstacles génant des formes efficaces et réactives du
travail, qu'il s'agisse d'apports de compétence dans la mise en oeuvre de projets, de
réalisations conjointes dans la promotion de certains systèmes (cartes, réseaux) de
circulation des données utiles au développement d'un secteur d'informations à valeur
ajouté ou du fonctionnement fluide des marchés publics, devront être analysés et
supprimés”42
−
“ Les entreprises veulent des services publics moins couteux et plus performants pour
rester compétitives dans l'environnement international 43...”au final une réduction du
poids de la fonction publique doit néanmoins être clairement un des objectifs44 de
l'Administration Electronique”45
Ces observations, comme les impératifs qu'elles illustrent relèvent des conceptions
40 Livre Blanc du Medef, p. 36.
41 Livre Blanc Medef, p. 23.
42 Livre Blanc Medef, p. 7.
43 Livre Blanc du Medef, p.19.
44Dès la publication, en 1962, de “Capitalisme et Liberté”, le disciple de Friedrich von Hayekénonça ainsi ce qui allait
devenir le crédo du libéralisme économique mondial et, aux Etats-Unis, le fondement du mouvement neo-conservateur.
S'interdisant toute forme d'interventionisme l'Etat minimal devait éliminer l'ensemble des règles et règlements qui
entravaient la réalisation des profits, vendre tous les actifs que des entreprises privées pouvaient administrer à leur
profit; réduire de façon draconnienne les programmes sociaux.
45 Livre Blanc du Medef, p.31.
13
économiques de l'Ecole de Chicago qui fut un bastion de la lutte contre l'”étatisme”, dès les
années 1950 et le creuset, sous la direction de Milton Friedmann, de l'élaboration de la
conception du libéralisme radical dont nous mesurons aujourd'hui certaines conséquences.
Ainsi que l' a écrit, par exemple, Naomi Klein, célèbre contemptrice de ces approches:
”La guerre de Friedman contre “l'Etat-providence” et le “gouvernement tentaculaire”,
promettait une nouvelle ère d'enrichissement rapide. Au lieu de conquérir de nouveaux
territoires, on s'attaquerait cette fois à une nouvelle frontière, l'Etat, dont les services
publics et les actifs seraient bradés pour une fraction de leur valeur”46. .Les propos que nous
avons évoqué du Medef, de L'IGD,et du Président de la République sur la nécessité de
l'extension la plus large du PPP, de “libérer les partenariats public-privé” sont-ils si éloignés
de cette analyse? Sans qu'il soit pour nous question de trancher ici cette interrogation, nous
évoquerons un certain nombre d'arguments présentés par ceux qui en critiquent la mise en
place.
Toute la question est de savoir si ces conceptions sont encore à l'ordre du jour au
moment où l'on parle de la nécessité de réinternalisation et du caractère impératif du retour
de l'Etat? Faut-il dès lors se demander si, au nom d'une idéologie néolibérale, on se serait
trompé de politique face aux évènements, et par conséquent de réforme juridique? La
question et les observations faites par J-M. Auby en 2004 retrouveraient toute leur
pertinence: “ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaires?”.
II – La critique de la loi: un procédé de manipulation budgétaire et de dépeçage de
l'Etat.
Utile pour le pouvoir, le recours au contrat de partenariat ne serait peut être pas une aussi
bonne opération, pour le contribuable et l'Etat, que le discours officiel tendrait à le laisser
croire. Les principaux arguments évoqués sont ceux de la manipulation budgétaire et de
l'inscription du procédé dans un mécanisme politique de démantelement programmé de
l'Etat.
A- L'argument économique: un expédient budgétaire coûteux.
L'économie de ressources, de moyens, la possibilité de réaliser des économie d'échelle;
d'obtenir des prix avantageux grace à la mise en concurrence des partenaires font partie de
l'argumentaire classique des partisans du développement des Partenariats Public-Privé.
L'étude des réalisations concrêtes mises en oeuvre en France, mais surtout en Grande
Bretagne, où l' usage du procédé est plus importante, montre que le discours est parfois loin
de la réalité. Le site de notre collègue Gilles Guglielmi “Drôle D'En Droit”, recense à cet
égard de nombreux exemples de dysfonctionnements qui laissent songeur47 sur un procédé
moins économique qu'on a bien voulu l'affirmer.
1- Un procédé moins économique qu'annoncé:
Dans le Livre vert sur “Les partenariats public-privé et le droit communautaire”, la
Commission signalait en 2004 :” L'insécurité juridique liée à l'absence de règles claires et
46 Naomi Klein, op.cit. p.76.
47 http://www.guglielmi.fr/spip.php?article153
14
coordonnées pourrait de surcroit être de nature à augmenter les coûts liés à la mise en
place de telles opérations”48. Elle apparaît particulièrement en matière de règles de
discipline budgétaire et de comptabilité publique.
Ainsi que l'écrivait l'architecte Mirela Constantin dans le Moniteur, le 30 novembre
2008”49:”Qu’il s’agisse du PPP ou de marchés publics, le coût des équipements publics est
de toute façon payé par les contribuables. Dans le cadre du PPP, le financement des
équipements publics est apporté au départ par le banquier et l’entreprise vend deux
services à la fois : la construction, la maintenance. Ceci est cohérent avec la volonté de
simplifier les tâches de l’État et des collectivités locales.
“Suivant le cadrage initial, le PPP aurait dû rester une procédure d’exception - pour la
construction des prisons, n’ayant pas vocation de remplacer les marchés classiques.
Mais les partisans de l’ultra libéralisme d’Etat ont déformé la présentation des PPP,
soutenant l’ILLUSION d’une réduction des dépenses nécessaires à la réalisation des
constructions publiques, grâce au PPP. Ceci avec l’objectif d’une extension des PPP, à la
totalité des constructions publiques. Pour parvenir à ce résultat, le lobbying des majors du
BTP soutenus par la droite est à la hauteur des enjeux : 150 milliards d'euros de
commandes publiques par an.
“En réalité, le PPP comparé au marché public classique - coûte plus cher à l’Etat et à la
collectivité locale.
“En revanche, le PPP permet d’apporter une réponse conforme :
- au tableau et au graphisme imposés par la nouvelle présentation budgétaire de la LOLF
(1) (coût global de la construction, y compris maintenance et entretien), d’une part, et
- à la réduction des effectifs de l’Administration (Etat et collectivités locales) qui devront
cerner pour chaque construction, le coût de la maintenance et de l’entretien à long terme,
d’autre part.
Or, la baisse de la masse salariale des fonctionnaires est évidement compensée par la
hausse des coûts de la sous-traitance et de l’externalisation des missions de service public
au secteur privé. Il n’y a pas de réduction des prix.“50
D'autre part, dans une étude présentée en octobre 2007 à l'Observatoire Français des
Conjonctures Economiques (OFCE)51, Frédéric Marty montre comment:”une collectivité
publique plus soucieuse de préserver la structure de son bilan (même artificiellement) que
de maximiser l'efficacité économique du contrat, peut accepter de rémunérer de façon
déraisonnable le prestataire privé pour la prise en charge de quelques risques additionnels
de façon à faire retomber son exposition sous la barre fatidique des 50%”52(qui l'obligerait
à consolider la totalité du contrat dans ses comptes!!) . Celui-ci complète la description du
possible processus de détournement de finalité du PPP en expliquant:”De la même façon un
contractant public opportuniste peut être tenté de minimiser artificiellement la charge
annuelle liée à la signature d'un contrat de PPP en définissant une durée d'étalement de
paiement dépassant la durée de vie économique des biens ou en optant pour un
48 Livre vert sur les partenariats public-privé, COM(2004) 327 final, p.13; http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/com/2004/com2004_0327fr01.pdf
49 http://www.lemoniteur.fr/actualite/point_vue/ppp_questions_complement_eclairage_apport/D2E394F62.htm
50 http://www.lemoniteur.fr/actualite/point_vue/ppp_questions_complement_eclairage_apport/D2E394F62.htm
51 http://www.ofce.sciences-po.fr/
52 http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2007-29.pdf , Frédéric Marty : “Partenariats public-privé, règles de
discipline budgétaire, comptabilité patrimoniale et stratégies de hors bilan”. OFCE n°2007-29, octobre 2007, p.42
15
amortissement financier à annuités progressives, permettant d'imputer en fin de contrat la
part la plus significative des remboursements”.53
Le problème est, précisément, que ce qui était présenté par le pouvoir comme une
évidence de saine gestion ne l'est pas nécessairement et que, d'une certaine manière, les
observations faites en France par le Président de la Cour des Compte pourraient, en poussant
la vision des choses au plus sombre, avoir l'air d' apporter de l'eau au moulin des opposants
au “capitalisme du désastre”. A qui profite le crime, pourrait interroger Naomi Klein?
Le rapport 2008 de la Cour des Comptes 54, a critiqué fortement le système des
partenariats public-privé à propos de deux opérations réalisées pour les ministères de
l'intérieur et des affaires étrangères.
-Le Centre des archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères55, à La
Courneuve à été mis en cause par le Rapport de la Cour des Compte en 2008. L'autorisation
d'occupation temporaire du domaine public, consentie là aussi à Icade, se traduit par 41 %
de surcoût à la charge du contribuable, estime la Cour, qui « invite à une réflexion
approfondie sur l'intérêt réel de ces formules innovantes »."
-Le Pôle renseignement du “Ministère de l'Intérieur”56, installé à Levallois-Perret en 2005, a
été mis en cause par le rapport de la Cour des Comptes de 2008 « sans aucune étude précise
ex ante du coût et des bénéfices attendus de l'opération ». Loyer supérieur à l'estimation des
domaines, valeur de l'immeuble surévaluée, travaux non prévus initialement : le bail avec
option d'achat signé avec Icade (Caisse des Dépôts), propriétaire des lieux, coûtera 121
millions d'euros de trop à l'Etat, calcule la Cour.
Ainsi que le résume un article des Echos du 07/02/2008 :"C'est la première fois que les
partenariats public-privé (PPP) sont ainsi montrés du doigt, abstraction faite des réserves
émises en 2004 par le Conseil constitutionnel. Philippe Séguin dénonce ces projets « qui
consistent à aller chercher des tiers financeurs et à bâtir des usines à gaz, en oubliant que
celui qui emprunte pour le compte de l'Etat le fait à un coût plus élevé ». L'argument selon
lequel ces montages allègent la dette publique au regard des critères de Maastricht est
fallacieux, estime-t-il.”
2- Le risque budgétaire:
Ainsi que le souligne le Manifeste pour les villes57, c'est le principe même de ce type de
montage qui est mis en cause par la Cour des comptes, et non seulement les conditions
particulières:” On notera également, dans le rapport sur le centre des archives
diplomatiques du ministère des Affaires étrangères, que le choix pour le PPP s'est fait non
seulement pour des raisons budgétaires, mais aussi par un souhait exprimé par le premier
ministre de l'époque de privilégié cette formule. Que dire de ce choix "idéologique" ?...
53
54
55
56
57
Frédéric Marty: Op.cit. p.42. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2007-29.pdf
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Theme-133.html
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/26-centre-archives-diplomatiques-ministere-affaires-etrangeres.pdf
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPA/25-immeuble-pole-renseignement-ministere-interieur.pdf
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT000019261845&dateTexte=20080730&fastPos=1&fastReqId=1674465449&oldAction=rech
Texte
16
La démonstration de cette dérive dont l'explication a pu être trouvée dans des choix
idéologique, a été faite dans l'étude menée par Frédéric Marty, pour le compte de l'OFCE.
Ainsi que le rappelle le résumé de l'étude:”Le recours aux contrats de partenariats publicprivé devrait en toute rigueur se fonder sur l'allocation optimale des risques entre les
parties. Cependant, depuis le lancement de la politique de Private Finance Initiative au
Royaume Uni, des travaux soulignents que le choix d'un PPP peut aussi participer d'une
logique d'opportunisme budgétaire visant à éviter de rendre compte des investissements
publics. Une telle astuce budgétaire pourrait constituer un moyen de contournement des
règles de discipline budgétaire limitant le déficit et la dette publiques et de la comptabilité
patrimoniale de l'Etat, laquelle vise a renforcer le contrôle de l'action publique et
l'évaluation de sa performance”58
Comme le remarque l'auteur , par exemple, l'auteur:”Sur 591 contrats recensés sur la
base de données du Trésor britannique en juillet 2007, plus de 500 d'entre eux ont fait
l'objet d'un traitement comptable en hors bilan. Si les investissements publics peuvent, selon
la Golden Rule britannique, être financés par l'endettement et si le Trésor a rappelé dès
1999 que le recours à la PFI ne devait pas être motivé par des stratégies comptables, il n'en
demeure pas moins que le traitement très majoritairement en hors bilan d'opérations
représentant selon les estimations du Trésor entre 10 et 13,5% de l'investissement public
pose la question de la sincérité des comptes publics et des interrelations entre règles de
discipline budgétaire et stratégie comptable des Etats”59.
Interrelations sur lequelles on peut s'interroger et, précisément, se demander si elles ne
relèvent pas par principe du politique et de l'idéologie? La mise en place des PFI en Grande
Bretagne s'est inscrite dès l'origine dans un contexte idéologique revendiqué, on peut
concevoir qu'il soit légitime de se demander si les dérives que l'on constate sont uniquement
les conséquences d'innocentes maladresses? Pour autant que la questions puisse se poser ,
serait on alors aussi loin des fortes accusations de Naomi Klein dans son ouvrage “La
stratégie des chocs”?
Le système qui serait ainsi en train de se mettre en place, selon l'auteur du “capitalisme
du désastre”, “se caractérise au premier chef par d'immenses transferts de ressources
publiques vers le secteur privé, démarche qui s'accompagne souvent d'une explosion de
l'endettement, d'un accroissement de l'écart entre les riches à outrance et les pauvres sans
importance et d'un nationalisme exacerbé qui justifie des dépenses colossales dans le
domaine de la sécurité. Pour ceux qui font partie de la bulle d'extrème richesse ainsi créée,
il n'y a pas de moyen plus rentable d'organiser la société. Etant donné les désaventages
manifestes pour la vaste majorité des citoyens, condamnés à rester en marge, l'Etat
corporatiste doit adopter d'autres tactiques: le resserement de la surveillance (le
gouvernement et les grandes sociétés s'échangeant une fois de plus des faveurs et des
contrats), le recours massif aux emprisonnements, le rétrecissement des libertés civiles et,
souvent (mais pas toujours), la torture”60
Le regard que l'on peut porter sur l'actualité environnante , les crises et manifestations
dont nous sommes tous témoins, apporte-t-il une confirmation à cette analyse? Il ne la
58 Frédéric Marty: Op.cit. p.3. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2007-29.pdf
59 Frédéric Marty: Op.cit. p.6. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2007-29.pdf
60 Op. cit.p.26.
17
contredit pas de façon manifeste. Ce qui explique l'apparition de démarches de rejets et de
certaines formes de réactions au niveau international.
B- L'argument politique: un élément d'une stratégie dépassée de réduction du
périmêtre de l'Etat.
La volonté de libérer les Partenariats, d'externaliser tous azimuths, dont la loi du 28
juillet est la traduction, a-t-elle un sens au moment ou de tout côté il est demandé à l'Etat de
venir au secour d'un secteur privé partout défaillant. Que reste-t-il des argument de
l'exemplarité du modèle de gestion entrepreneuriale et de l'exemplarité proclamée du secteur
privé lorsque l'appel à la nationalisation devient le recours face à la crise? Que reste-t-il de
la religion de la réduction du champ d'action étatique?
a) La politique de réduction du champ de l'action étatique.
Ainsi que l' a écrit Naomi Klein :”Dans certains cas (...) l'adoption des politiques de
libéralisation des marchés se fit de façon démocratique, quelques politiciens ayant été
portés au pouvoir malgré des programmes draconiens: l'éléction de Ronald Regan aux
Etats-Unis et, plus récemment, celle de Nicolas Sarkozy en France en constituent des
exemples frappants. Dans de tels cas, cependant, les croisés du libéralisme économique se
heurtent à l'opposition du public et doivent adoucir ou modifier leurs projets radicaux,
accepter les changements à la pièce plutôt qu'une reconversion totale”61. C'est par rapport à
cette analyse que je situerai la volonté du Président de la République de faire évoluer sa
politique de développement des PPP entre 2004 et 2008 , et parallèlement l'extension de la
demande d'un retour de l'Etat devant la dégradation des services publics et les carences du
secteur privé. “Nationaliser ou crever” serait-elle alors comme une réponse de Keynes au
“privatiser ou crever” des partisans de Friedman?
“Le Monde” observait dans un article du 27 octobre 2007:”Les PPP à la française ont
démarré lentement. A ce jour, seuls quatre projets sont signés, soit bien moins que le
nombre de colloques consacrés au sujet : la rénovation de l'Institut national du sport et de
l'éducation physique, le pôle énergie du Centre hospitalier de Roanne (Loire),
l'informatisation des collèges d'Eure-et-Loir, et la refonte du système informatique de la
billetterie du château de Versailles. Une quarantaine de projets sont en cours.
“A terme, les PPP devraient représenter, en France, 10 % à 15 % de l'investissement public
: "Les collectivités locales sont un peu attentistes en raison des prochaines élections
municipales, mais notre étude, menée auprès de 200 d'entre elles, relève que les
appréhensions des élus s'estompent peu à peu devant la nécessité", se félicite Philippe
Malléa, avocat spécialisé chez Norton Rose. Selon le cabinet d'avocats DLA Piper, la
France a, en 2006, lancé pour 3,9 milliards d'euros de marchés en PPP, contre 2,4
milliards d'euros en 2005, se situant à la 4e place européenne.”62
Parmi les projets ouverts à l'externalisation et au PPP on pourra citer à titre d'exemples:
61 “La stratégie des chocs”, p.20
62 http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-971933@51-959139,0.html
18
Ministère de la justice:
-Projet informatique« Cassiopée » 63:Il s’agit de traduire le code pénal en une chaîne
informatique.
-Protection judiciaire de la jeunesse : les établissements auxquels on confie les jeunes
délinquants sont des établissements privés,confiés en général à des associations64.
-Placement sous surveillance électronique
-Gestion mixte des établissements pénitentiaires.65
Ministère des Affaires étrangères:
-Externalisations au Centre de Conférence International pour l’organisation d’événements
spécifiques (hôtesses,traiteurs,…)
-Projet de PPP : ambassade deTokyo66
Ministère de l'intérieur:
- Direction générale de la police Nationale : location avec option d’achat du centre de
rétention de Coquelles et de l’Hôtel de Police de Strasbourg
-Réseau Acropol: dossier de PPP pour la communication de la police , en cours de
réalisation67
Parmi les autres projets en cours de mise en place on notera : s’agissant de l’État, et ayant
déjà fait l’objet d’une validation (au niveau de l’évaluation préalable) par la Mappp68 (ou
l’organisme-expert de la Défense):
• la rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique (Insep) ;
• la formation initiale des pilotes militaires d’hélicoptères dans le cadre de l’école
d’application de l’aviation légère de l’armée de terre (EA-ALAT) de Dax ;
• le déploiement et gestion d’un réseau desserte Internet-protocole (RDIP) pour les
bases de l’Armée de l’Air ;
• la réalisation du pôle énergie du centre hospitalier de Roanne. Un projet pilote parmi
les 35 retenus à l’issue du CIACT a fait l’objet d’un avis négatif de la Mappp. Les
autres sont en cours d’instruction, à des degrés d’avancement variables.
S’agissant des collectivités territoriales, le contrat relatif à l’éclairage public de la commune
d’Auvers-sur-Oise a déjà été signé et les projets suivants ont déjà fait l’objet d’une
validation par la Mappp ou, à défaut (cette validation étant facultative), d’un accord de
principe par l’assemblée délibérante de la collectivité concernée et vont également entrer
dans la phase de dialogue :
•
•
63
64
65
66
67
68
Département d’Eure-et-Loir dans les domaines de l’équipement informatique de ses
40 collèges publics
Ville de Rouen : rénovation de l’éclairage public et gestion du trafic sur le territoire
communal.
http://www.servicedoc.info/Le-systeme-d-information-penal-des,1257.html
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_budget2005.pdf
http://www.senat.fr/rap/a05-104-4/a05-104-42.html
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/article-imprim.php3?id_article=27210
http://www.moselle.pref.gouv.fr/grands_dossiers_actualite/g_d_rapp_serv/Act_Serv_3SDSIC.pdf
http://www.ppp.bercy.gouv.fr/avis_2006_1.pdf
19
La relative lenteur dans la mise en place de ces partenariats s'expliquera par la
persistance d'un certain nombre de frein avec des variables propres aux différents ministères
et à la distinction entre administrations centrales et administrations territoriales. Ils
concerneront entre autres:
-Les risques sociaux (réduction des effectifs du service public, syndicats).
-La difficulté d'évaluer les coûts (comment évaluer une activités exercée en régie avant
d'externaliser, en l'absence de comptabilité analytique).
-Difficulté de gérer des contrats dans la durée.
-Les risques de défaillance du prestataire.
-Le risque d'intrusion (atteinte à la confidentialité des informations).
-Le Risque de dépendance d'un prestataire.
En 2006 d'autres types de freins seront évoqués par le Blog MCI de Leonard de Vinci
qui retiendra que se Freins culturels liés à l'abandon de la maîtrise d’œuvre et des Freins
politiques liés à des risques possibles de corruption. L'exemple que vient de nous donner la
Pennsylvanie montre que l'hypothèse est loin d'être fictive.69
Le frein lié au côut, que nous avons déjà évoqué et qui risque de mesurer la différence
entre le service public en régie et le service externalisé nous paraît avoir une importance
particulière. Le mieux d'Etat par le moins d'Etat, s'il coute cher au citoyen-client-usager,
n'est pas tres porteur sur le plan politique. Le Medef l'a également mesuré et tend à en
expliquer le caractère plus ou moins incontournable. Ainsi que le rappellait, par exemple,
Nicolas Merindol le 30 août 2006 lors de l'université d'été du Medef:
“Il faut donc aujourd'hui convaincre les collectivités et l'Etat des avantages de nouer des
PPP : démonter l'argument selon lequel les PPP sont chers, en expliquant que le coût d'un
service doit être apprécié dans sa globalité, c'est-à-dire en comprenant les risques générés
pris en charge par le privé et non le public ; rassurer sur la crainte de perte de prérogative
du secteur public en soulignant que le PPP n'est pas une concession et que le donneur
d'ordre conserve le contrôle selon le cahier des charges élaboré lors du lancement. Il est en
effet indispensable que les fonctionnaires s'approprient la technicité des PPP pour ensuite
les utiliser. Conscient de cela, le Royaume-Uni n'a pas hésité à former 13 000
fonctionnaires aux PPP. “70
b) Un mode d'externalisation dépassé à l'heure de la réinternalisation.
Jacques Chevallier et Luc Rouban, écrivaient en 2003:”La réforme de l'Etat des
années deux mille doit (...) tenir compte d'un certain nombre de changements. Tout d'abord,
l'entreprise privée n'est plus nécessairement le modèle de référence. Les affaires Enron ou
Vivendi ont démontré que les entreprises pouvaient être au moins aussi opaques que des
bureaucraties à l'ancienne, tout cela derrière un paravent de communication et une
mobilisation forte des salariés”.71 L'avenir du service public et la sauvegarde de l'intérêt
général résideraient-ils, alors, non pas dans le partenariat public-privé mais dans la
69 Deux magistrats recevaient des pôts de vin (2 millions d'Euros) pour incarcerer des adolescents dans des centres de
détentions privés. Le Président d'un tribunal envoyant en outre des condamnés dans la prison privée de son frère.
(CF. Article dePhilippe <grangereau dans “Libération” 18 février 2009, p.7)
70 http://www.medef.fr/main/core.php?pag_id=55735
71 RFA n°105-106 , p.8 ; http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2003-1.htm
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séparation du secteur privé et de l'Etat et la réinternalisation de ce qui avait été externalisé?
En 2008, la réaction en chaine déclanchée par la crise des “subprimes”, le recours à
des recapitalisation, de nationalisations de “sauvetage” a eu pour effet de revitaliser le
discours sur le nécessaire retour de l'Etat protecteur, en charge du service public et de
l'Interêt géeneral”. Ainsi que l'observe le philosophe Bruno Bernardi:”on ne peut voir sans
ironique perplexité les héritiers de Reagan et Thatcher, les chantres du tout-marché, de la
redéfinition du périmêtre des politiques publiques (son rétrecissement), se muer en
quelques jours, voire en quelques heures, en hérauts de la décision politique, défenseurs de
l'Etat entrepreneur, et recourir massivement à des mesures par pudeur appelées de
nationalisation, quand étatisation serait le mot exact. Plus fondamentalement, beaucoup
estiment que nous sommes à un tournant dans la manière de penser les rapports entre
économie et politique, Etat et marché. Comblant les uns, horrifiant les autres, nous
assisterions, après une longue éclipse, au retour de l'Etat”72. Nous ne prétendrons pas
reprendre ici l'interrogation globale et la mise en perspective historique du philosophe. Nous
retiendrons simplement le changement brusque de perspective et la remise en cause du
discours de l'évidence. Le marché, la culture de gestion, l'externalisation, la réduction de
l'espace public, ne sont plus à la lecture des évènements les canons incontournables sur la
voie du salut économique. La reinternalisation serait même le moyens d'en revenir à la
sauvegarde de l'intérêt général. La réinternalisation d'une activité, également appelée
“Backsourcing”, selon la définition retenue par Frédéric Féry et Florence Law-Kheng73 est
définie comme l'intégration au sein d'une entreprisend'une activité précédemment
externalisée.
En prenant, paradoxalement, modèle encore une fois sur la gestion des entreprises
privée74, l'Etat pourrait trouver un véritable motif à revenir sur ses Partenariats public-privé
et à réinternaliser les services ayant fait l'objet de tels contrats. La question a été posés
notamment, par exemple, pour ce qui est de l'e-transformation de l'Etat, en cas d'echec de
l'infogérance.
Ainsi que l'écrit Frédéric Marty dans on rapport à l'OFCE: “Des travaux en science de
gestion75 montrent que les décisions d'externalisation des groupes privés se caractérisent,
dans certains cas, par une certaine réversibilité. Au delà des limites tenant à la prise en
compte des coûts de transaction, de transfert de gouvernance ou d'irréversibilité des
investissements, la réinternalisation pourrait être analysée comme un réajustement des
72 Bruno Bernardi, “Octobre 2008:retour de l'Etat?”, La vie des Idées.fr, 17 octobre 2008; http://www.laviedesidees.fr/
Octobre-2008-le-retour-de-l-Etat.html
73 Féry F.et Law-Kheng F., “La réinternalisation, chainon manquant des théorie de la firme”, Revue française de
Gestion 2007/8, n°177, p.163-179
74 Ainsi que l'annonçait Luc Fayard, en 2005, dans 01 Informatique:” On en parlait ici et là depuis plusieurs mois. Une
enquête de Deloitte Consulting le confirme : de grandes entreprises américaines font machine arrière dans leurs
projets d'outsourcing et réintègrent tout ou partie de l'informatique ou des business process qu'elles avaient
externalisés.
“Les répondants estiment, en effet, à 70 %, avoir obtenu des résultats significativement négatifs dans
leur expérience d'outsourcing ; un quart d'entre eux ont déjà réintégré des opérations externalisées ; et 44 % ne
constatent pas d'économie de coûts dans leur outsourcing. Bigre ! Les avertissements de Deloitte sont sévères :
« Contrairement au tableau optimiste dressé par les vendeurs, l'outsourcing se révèle être une opération
extraordinairement complexe, dont les bénéfices attendus ne se matérialisent pas toujours. »
http://www.01net.com/editorial/283050/nouvelle-tendance-la-reinternalisation-/
75 Law-Kheng F., “La réinternalisation des activités de services: vers une véritable dynamique des frontières de la
firme”, XVI ème Conférence Internationale de Management Stratégique (AIMS), Montréal , 2007, 23 p.
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frontières de la firme face à la recomposition des chaines de valeur. Transposée dans la
sphère publique, la réinternalisation pourrait donc procéder soit d'une sous performance
du privé soit d'une redéfinition du “coeur de métier”, en l'occurence des fonctions
régaliennes ou stratégiques. Il convient de relever, en outre, qu'il a été établi que pour les
collectivités locales américaines en flux annuel les décisions de réinternalisation
compensent les délégations de fonctions à des prestataires privés76. Ainsi la reversibilité de
la décision de s'engager dans un partenariat peut-elle apparaître comme envisageable,
quand bien même elle ne saurait être aussi aisée pour des fonctions requérant des capacités
que seul le privé a éventuellement pu développer par l'intermédiaire d'un grand nombre de
projets.”77
Le 24 novembre 2008, le maire de Paris, Bertrand Delanoe, après New-York,
Amsterdam et Bruxelles, mettait un terme à 25 ans de gestion privée de la distribution de
l'eau à Paris, en faisant voter par le Conseil de Paris sa remunicipalisation78. La distribution,
actuellement assurée par Véolia et Suez, avait été privatisée en 1984 par Jacques Chirac.
D'aucuns y ont vu la décision d'assurer une meilleure gestion, d'autre un “choix
idéologique”...Les débats que nous avons évoqués restent d'actualité et ne sont pas clos.
76 Hefetz A., et Warner M., “Privatization and Its Reverse: Explainig the Dynamic of the Government Contracting
Process”, >Journal of Public Administration Research and Theory, 2004,pp.171-190.
77 Frédéric Marty: Op.cit. p.28; http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2007-29.pdf
78 http://www.lagazettedescommunes.com/RSS/31467/gestion_locale/ile_france_bertrand_delanoe_remunicipalise_dis
tribution_eau_paris.htm