Le Club Histoire

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Le Club Histoire
Job : Et_la_fete_continue Div : 008 Page N° : 17 folio : 133 Op : vava Session : 9 Date : 14 novembre 2011 à 13 H 49
Et la fête continue, Alan Riding
Extrait proposé par : www.clubhistoire.com
Paris by night
le cuir, les parfums, les bijoux et autres accessoires. Finalement, pour
ne pas provoquer inutilement le mécontentement des Français dès le
début de l’Occupation, les Allemands renoncèrent à leur projet. Mais
ils n’abandonnèrent jamais le rêve de faire de Berlin la capitale de la
mode.
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Il se trouve que deux des principales maisons de couture parisiennes de l’entre-deux-guerre refusèrent de travailler sous l’occupation allemande. Mais tandis que Elsa Schiaparelli allait s’installer à
New York, Coco Chanel resta à Paris et ressortit de l’Occupation avec
une image sérieusement abîmée. Entre deux voyages dans le Sud,
Chanel, qui avait cinquante-six ans au moment de la chute de Paris,
partageait sa suite au Ritz avec Hans Gunther von Dincklage, de
treize ans plus jeune qu’elle, dont on disait qu’il était un espion nazi.
Pendant la guerre, elle s’efforça aussi de reprendre le contrôle de sa
société à une famille juive exilée, les Wertheimer, qui avaient acquis
la majorité des parts en 1924. Finalement, en 1943, Chanel participa
à un complot absurde dans lequel était soi-disant impliqué le chef des
services secrets étrangers de Hitler, Walther Friedrich Schellenberg,
qui la chargeait de transmettre un message secret à Churchill par
l’entremise de son ancien amant, le duc de Westminster. Il ne sortit
rien de tout cela, mais Chanel dut répondre à bien des questions au
moment de la Libération. Elle fut brièvement arrêtée, et après que
certaines relations bien placées eurent obtenu sa libération, dont,
selon certaines versions, Churchill lui-même, elle partit en Suisse où
elle vécut jusqu’en 1954. Une troisième artiste de la haute couture,
une Juive, Fanny Berger (ce qui était le nom professionnel de Odette
Bernstein), n’eut pas cette possibilité. Elle avait son salon de mode à
une adresse très huppée, au 4, rue Balzac, près de l’Arc de Triomphe,
mais en juillet 1941 elle fut contrainte de le céder à un aryen, une de
ses anciennes employées. Elle parvint à échapper aux grandes rafles
de Juifs de l’été 1942. Mais en septembre de cette année, elle fut
arrêtée en tentant de franchir la ligne de démarcation. Elle passa neuf
mois dans le camp d’internement de Beaune-la-Rolande, dans la
vallée de la Loire, avant d’être envoyée au camp de transit de Drancy,
près de Paris. Fin juillet 1943, elle fut déportée à Auschwitz et immédiatement assassinée. Elle avait quarante-deux ans.
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Job : Et_la_fete_continue Div : 008 Page N° : 18 folio : 134 Op : vava Session : 9 Date : 14 novembre 2011 à 13 H 49
Et la fête continue, Alan Riding
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Et la fête continue
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Beaucoup d’autres couturiers juifs quittèrent Paris, laissant une
fois de plus le champ libre aux autres. Ceux qui restèrent continuèrent
à travailler : Jeanne Lanvin, Nina Ricci, Robert Piguet, Jacques Fath,
Maggy Rouff, Marcel Rochas et Lelong qui, à partir de 1942, employa
comme principaux couturiers Christian Dior et Pierre Balmain. Lors
des premiers défilés de haute couture sous l’Occupation, en octobre
1940, la profession s’attacha à séduire ses clients fortunés et le monde
du spectacle en imaginant par exemple le vêtement qu’il fallait porter
pour prendre le dernier métro en rentrant d’une soirée à l’opéra. Certains couturiers soutinrent la propagande de Vichy en imprimant des
écharpes à l’effigie du maréchal Pétain en uniforme et d’autres où on
le voyait acclamé par des foules en délire *.
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Les officiers nazis avec de l’argent plein les poches étaient des
clients importants. Mais les couturiers n’oubliaient pas les ouvrières
parisiennes. Le vélo par exemple était devenu le meilleur moyen de se
déplacer en ville, et si certaines jeunes femmes étaient heureuses de
porter des jupes courtes, les plus modestes avaient le choix dans tout
un assortiment de différentes jupes-culottes. L’importance d’attirer
les regards tout en faisant du vélo sur les Champs-Elysées fut soulignée par un défilé de mode en 1941 où les couturiers firent allusion à
des tenues de cyclistes dans trois de leurs collections, Elégance pratique, Elégance sportive et Elégance parisienne. Faire face à toutes
les conditions météorologiques était encore plus important pour tous
ceux qui roulaient à bicyclette ou sur des tandems connus sous le
nom de vélo-taxis qui tiraient des petites remorques à un ou deux
sièges, généralement un simple panier monté sur deux roues de façon
précaire. Comme ce moyen de transport un peu rustique n’offrait
aucune protection, les passagers aussi devaient s’habiller en tenant
compte des intempéries.
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D’autres changements furent imposés par les restrictions. Le bois
remplaça le cuir dans la fabrication des semelles de chaussures, augmentant de quelques centimètres la taille des femmes et entraînant
une grande inventivité dans la forme des talons et l’usage de bandes
de tissus colorés pour en améliorer l’aspect. Le claquement sec des
* La Royal Air Force à son tour fournit à ses pilotes ces écharpes sur lesquelles étaient reproduites des
cartes de France, de Belgique et du Luxembourg.
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