Les cent derniers mètres : le Juste-à
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Les cent derniers mètres : le Juste-à
Logistique & Management Les cent derniers mètres : le Juste-à-Temps appliqué aux Grandes Surfaces Où comment améliorer simultanément le service au client et la productivité en magasin par une transposition des concepts Juste-à-Temps industriels dans le secteur de la Grande Distribution Michel BALDELLON Consultant, IBM Consulting La performance du processus d’approvisionnement entre industriels des biens de consommations et la Grande Distribution s’est bien améliorée ces dernières années, notamment en entrepôt. Mais elle trébuche toujours sur la question d’une haute disponibilité (>99%) des produits sur les étagères des magasins. Les 100 derniers mètres, ceux qui séparent le quai de réception du magasin du linéaire sont les plus difficiles à parcourir ! Cet article présente les défis auxquels les distributeurs doivent s’attaquer et propose une approche originale, plus basée sur l’amélioration de la réactivité du recomplètement des sorties caisses, que sur celle de la prévision fine des ventes. Les résultats obtenus ont toujours été très supérieurs aux situations préexistantes. Et ce modèle n’est pas limité aux magasins « réels » : la capacité à offrir au consommateur un très haut taux de service est devenue cruciale pour toutes les entreprises du monde Internet. Un défi posé aux grandes surfaces : rendre les produits disponibles au seul endroit où ils sont vraiment nécessaires, c’est à dire sur les linéaires Les consommateurs veulent aussi que leurs produits préférés soient disponibles à la vente Les consommateurs d’aujourd’hui ont plus de choix et d’information sur comment, quand et où acheter. Cela crée de nouveaux profils de consommation, avec de nouvelles attentes sur les produits, les prix, la qualité, la réactivité. Les consommateurs actuels ont certainement plus de pouvoir que jamais, et vont accentuer ce pouvoir en exerçant leur capacité à obtenir exactement ce qu’ils veulent du distributeur qui pourra leur fournir le produit souhaité, au prix et avec le service requis. D’un côté, les consommateurs sont contents de savoir que Vol. 9 – N°1, 2001 leur distributeur vend les produits qu’ils aiment au prix qu’ils acceptent de payer. Mais quand ils font leurs courses, il est tout aussi important que les produits soient disponibles sur les étagères. Des études ont montré que 2/3 des défections des consommateurs faisaient suite à un faible niveau de service, loin devant les prix ou la qualité des produits. Dans cet environnement extrêmement compétitif, gagner cette bataille du consommateur suppose de mettre l’emphase sur la réactivité et sur le service. L’un des facteurs clés de succès est de garantir un haut niveau de disponibilité des produits sur le point de vente, c’est à dire sur les étagères des magasins. Le processus d’approvisionnement « trébuche » sur les cent derniers mètres L’amélioration de la disponibilité des produits (« le taux de service ») est une préoccupation incessante des distributeurs. Elle s’est surtout 19 Logistique & Management Figure 1 - Estimation de la perte de Chiffre d’Affaires due aux ruptures Source : “CIES- The Food Business Forum” conference 1999. traduite ces dernières années par un grand nombre d’initiatives dans la Supply Chain, connues sous les vocables de VMI (« vendormanaged inventory »), de GPA (« gestion partagée des approvisionnements ») et de CPFR (« Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment® »). Ces solutions sont basées sur des algorithmes sophistiqués de prévision et de planification et ont été mises en œuvre pour soutenir de tels efforts. L’amélioration a été très notable au niveau des entrepôts des distributeurs : dans les produits de grande consommation, nombre d’industriels comme Procter & Gamble, Nestlé ou Coca-Cola signalent des taux de service entrepôt de plus de 99%. 1 - Une autre question de cette enquête était « Mesurez-vous formellement vos ruptures linéaires ?» et il apparaissait clairement que les distributeurs qui ne les mesuraient pas étaient également les moins inquiets quant à la perte de Chiffre d’Affaires. Faut-il en conclure qu’ils étaient vraiment meilleurs que leurs concurrents ou qu’ils n’avaient encore pas conscience du problème ? 20 Toutefois, des études montrent que ces améliorations dans les centres de distribution, ne se sont pas traduites de manière évidente sur les linéaires des magasins. Des recherches effectuées par les industriels cités ci-dessus à la fois en Amérique du Nord et en Europe, mettent en évidence que les ruptures sur les linéaires restent à un niveau élevé, souvent entre 8 et 12%. Nos expériences confirment tout à fait ces chiffres. C’est dans cette boucle finale des cent derniers mètres entre le quai du magasin et le linéaire, qu’échoue souvent la chaîne d’approvisionnement. Trouver une solution à ces « cent derniers mètres » est ainsi l’opportunité pour les distributeurs d’améliorer le service client et les résultats du magasin. Dans un sondage fait en 1999 auprès de 160 distributeurs [Figure 1], trois quarts des distributeurs estimaient perdre plus de 5% de leur CA en raison des ruptures linéaires1. Pour les distributeurs, une meilleure disponibilité des produits sur les étagères devrait conduire à une amélioration des ventes, une fidélité accrue des consommateurs et une amélioration des résultats financiers. Le « Coca-Cola Retailing Research Council » [Coca-Cola 1996] attribuait en 1996 plus de la moitié de ces ruptures au simple fait que le magasin n’était pas au courant de ces dernières. D’autres causes invoquées étaient l’insuffisante capacité des linéaires et les défaillances dans la gestion des promotions. Seul un pourcentage faible des situations était dû à des ruptures au niveau de l’entrepôt ou du fournisseur. Tous ces défauts se traduisent par des ventes perdues et des stocks inutilisés au niveau des centres de distribution. Nous illustrerons ce point avec d’autres expériences. Comment définir le niveau de service ? Nous avons souvent constaté des réactions très diverses à la présentation de tels chiffres. Si la plupart des industriels corroborent nos propres relevés, certains distributeurs ont des estimations plus faibles. En fait, ces différentes perceptions sur la performance en matière de disponibilité des produits sont souvent dues à des définitions différentes du taux de service. Nous nous sommes appuyés sur les constats suivants pour le “définir.” 1. En libre service, les seuls produits accessibles aux clients sont ceux situés sur les étagères : le client n’a pas le droit d’aller chercher dans les réserves du magasin. 2. Le client du soir est également un client. Nous définissons donc le taux de rupture, soit 1 – taux de service, comme le rapport entre les produits manquants sur les étagères en fin de journée (situation la plus défavorable) et le nombre de produits de l’assortiment que le directeur du magasin veut effectivement proposer à ses clients. Les pratiques suivantes, fréquemment constatées, donnent des perceptions plus flatteuses du niveau de service offert par le magasin : masquer les ruptures en bouchant le trou avec le produit voisin, enlever l’étiquette du produit en rupture, ne se promener dans le magasin que le matin après le remplissage et non le soir, se baser sur le stock informatique global du magasin et non seulement sur celui des linéaires, mesurer uniquement les ruptures des 20/80 du magasin. Bien entendu, ces chiffres sont une moyenne et présentent une dispersion certaine selon le cycle d’approvisionnement (plus il est court, meilleur est le service), la nature de flux des produits (un produit « stable » présente un meilleur taux de Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management service qu’un produit « erratique » ou fortement saisonnier), la période de la journée (meilleur après le remplissage du matin que le soir à la clôture), le secteur du magasin (les produits frais ont un niveau de service supérieur aux produits secs, qui ont eux-mêmes un meilleur niveau de service que le non-alimentaire ; ceci s’explique par les cycles de réappro et les profils de vente.) Améliorer les prévisions de vente est-elle une réponse efficace au niveau du point de vente ? Les réponses habituelles au défi de la haute disponibilité sont d’investir fortement dans l’amélioration des prévisions de vente, et de généraliser l’usage de solutions de réapprovisionnement à base d’algorithmes de prévisions. Comme cet usage est efficace dans le problème du réapprovisionnement de l’entrepôt du Distributeur (GPA, CPFR), il a semblé logique à beaucoup de distributeurs d’appliquer les mêmes techniques au niveau du magasin. Les distributeurs les plus avancés semblent maintenant réaliser que les ventes d’un article au niveau d’un point de vente sont bien trop difficiles à prévoir pour pouvoir en donner une estimation précise jour par jour. A l’imprévisibilité, s’ajoute la complexité de la gestion des prévisions en quantité/jour sur les 50 000 à 100 000 références d’un hypermarché. Les concepts du nouveau modèle d’approvisionnement Le Juste-à-Temps (JAT) est souvent réputé seulement applicable à de grandes séries, avec une demande essentiellement stable ; IBM a pourtant réussi à l’appliquer avec succès à de très petites séries (moins d’une centaine d’ordinateurs par an), hautement saisonnières (30% réalisées sur le seul mois de décembre.) Cette mise en œuvre ne s’est pas faite sans l’obligation de se détacher des aspects « techniques » du JAT pour en revenir à ses concepts premiers. Appliquer le JAT au défi de la haute disponibilité en surface de vente relève d’une démarche similaire2 [Balmana-Balmès, 1998]. Tout processus d’approvisionnement se fixe pour objectif d’offrir le meilleur taux de service au moindre coût. C’est par le facteur qu’il cherche à « fixer » en premier (le service ou les coûts) qu’on peut éventuellement les différencier. Les approches de type MRP garantissent que les coûts seront minimums (stock zéro, quantité économique, optimum de passation Vol. 9 – N°1, 2001 de commande pour minimiser les coûts administratifs…) si les ventes prévues se réalisent. On cherche à optimiser les coûts et on constate le niveau de service. Quand les ventes sont prévisibles et que l’on est capable de modéliser correctement l’environnement, ces approches sont théoriquement les meilleures. Mais quand les clients n’ont pas la bonne idée d’acheter comme l’ont imaginé les planificateurs ou les algorithmes prévisionnels des ordinateurs, on observe alors à la fois des ruptures et des sur-stocks. On peut même dire que plus on a de stock, plus on a de ruptures.3 Nous postulons qu’il est impossible de prévoir les ventes journalières par article au niveau d’un point de vente et qu’il est illusoire de s’en remettre à un système pour « acheter la performance ». L’approche Juste-à-Temps consiste, à l’opposé, à se fixer le niveau de service à satisfaire et à dimensionner les capacités en conséquence (par exemple « nous voulons zéro rupture tant que le niveau de vente ne dépassera pas 30 unités par jour »), puis à constater les coûts et à modifier l’environnement pour les réduire. La démarche classique consiste souvent à bâtir un modèle capable dès le départ de traiter les cas les plus sophistiqués, puis de rendre l’outil plus rustique en jouant sur le paramétrage pour les produits simples (qui peut le plus, peut le moins)… La démarche que nous proposons est radicalement différente : résoudre d’abord les cas simples qui représentent la grande majorité des références (par exemple, les produits permanents, à niveau de vente stable), puis s’attaquer aux plus compliqués (produits saisonniers, promotions, produits périssables, en lots…) en essayant de coller la solution sur le cas simple. L’objectif est d’éviter de compliquer le modèle, d’en garder la maîtrise par un pilotage simple et de ne pas prétendre vouloir traiter tous les cas exceptionnels. Le « réappro sur ventes », nom que nous donnerons à cette approche (d’aucuns l’ont rebaptisée e-replenishment), pose trois questions correspondant à trois phases différentes du processus d’approvisionnement : l Pour l’exécution (« le passage des commandes ») : quelle règle de remplacement des produits vendus ? l Pour l’initialisation (« la mise en place d’un nouveau magasin ou de nouveaux produits ») : avec quel stock outil initial commencer ? l Pour l’amélioration (« améliorer simultanément le service et les coûts ») : comment piloter la performance du processus d’approvisionnement ? 2 - Dans « L’Esprit Toyota » Ohno affirme s’être inspiré du modèle de la distribution (« ce que nous avons appris au supermarché ») pour penser le JAT. [Ohno, 1989] 3 - Ainsi on a moins de ruptures en « Produits Frais » où les stocks ne sont que de quelques jours, qu’en « Épicerie » où l’on a entre 10 et 20 jours de stocks. L’Épicerie présente elle-même un meilleur niveau de service que le « Bazar » où les stocks vont de 2 à 4 mois suivant les enseignes. 21 Logistique & Management Quelle règle de remplacement des produits vendus? Le besoin est égal à la somme des ventes Fixons-nous la règle de remplacement la plus simple qui soit : tout produit vendu doit être remplacé pour que les clients suivants puissent également être satisfaits. C’est du « un pour un ». On réapprovisionne ce que l’on vend4. Toutefois, cette définition amène immédiatement un certain nombre de commentaires et d’amendements pour être pleinement applicable dans un environnement réel. Tout d’abord, comment savoir qu’un produit a été vendu ? On peut regarder les « trous » dans les rayons : c’est ce que fait encore l’épicier du coin de la rue. Aujourd’hui dans les hypermarchés la disponibilité des « sorties caisses » enregistrant les codes-barres des produits est certainement la meilleure source d’information. Notre règle devient « toute sortie caisse doit être réapprovisionnée ». Cela suppose bien entendu que tout produit soit codifié unitairement. Si, comme c’est encore quelque fois le cas, le pot de peinture blanche porte la même identification que le pot de peinture bleue, on risque d’avoir du mal à réapprovisionner de manière cohérente le rayon. La codification unitaire est en tout cas un pré-requis d’application de la méthode. 4 - De même qu’en Juste-à-Temps industriel on « appelle » un bac de pièces consommées. 5 - D’autres auteurs tendent maintenant à appeler ainsi toute méthode automatique utilisant les sorties caisses pour approvisionner, même si c’est au travers d’algorithmes prévisionnels sophistiqués. Il s’agit alors souvent d’approvisionner des ventes à venir et non des ventes passées comme dans notre cas. 6 - Nous déconseillons l’application systématique d’un pourcentage de « démarque inconnue » (c’est le nom pudique du vol) en addition des ventes réelles. Cela masque les problèmes sans les résoudre, et complexifie le modèle. 7 - Cette exigence de rigueur n’est pas propre d’ailleurs au « réappro sur ventes », mais à tous les systèmes d’approvisionnement qui se veulent automatiques. 22 Cela suppose ensuite que l’hôtesse de caisse (nom moderne de notre antique « caissière ») scanne chaque produit individuellement. C’est en théorie la règle dans les hypermarchés. Mais des tests en aveugle avec des paniers comprenant des produits pièges (ex : deux cuvettes empilées de taille identique, l’une jaune, l’autre rouge) montre que la tentation est forte d’en scanner une et de taper « 2 » sur le clavier. Au niveau financier, le résultat est le même. Mais on se retrouve vite sur-stocké en cuvettes d’un coloris et en rupture d’un autre. L’hôtesse de caisse voit son statut de responsable du compte de résultat être complété de celui d’approvisionneuse. En jouant sur les mots et en détournant une maxime usuelle, on peut dire que c’est « le client qui commande » en passant en caisse. C’est pour cela que nous avons appelé « réappro sur ventes » cette méthode d’approvisionnement5. Il est également nécessaire que le produit soit reconnu par la caisse : si le code-barre n’est pas encore créé dans le magasin (c’est à dire reconnu par la ligne de caisses), s’il est illisible, alors le produit sera imputé à un « code famille » qui garantira la pertinence des comp- tes du rayon, mais pas celle du stock. Or suivant les magasins ou les enseignes, c’est parfois plusieurs dizaines de références par jour qui sont ainsi remontées en anomalies. De plus, tous les produits ne sortent pas du magasin par la ligne de caisses. Il y a bien sûr les vols, mais contrairement à ce que l’on peut penser, ils ne sont pas les plus grands fautifs dans les problèmes que peut connaître le réapprovisionnent sur vente. Des produits sont certes volés par des l clients (et parfois par les employés). Des protections sont mises en place, mais elles sont parfois insuffisantes. Les meilleures armes de l’approvisionneur sont un stock de sécurité plus important et, nous y reviendrons, une remontée immédiate et systématique par les employés des ruptures constatées en linéaire6. Des produits sont cassés, périmés, cédés à l d’autres magasins, prélevés pour un usage interne. Si ces mouvements ne sont pas déclarés immédiatement comme des sorties, ils ne seront pas réapprovisionnés à temps et le magasin tombera en rupture Notre méthode de réappro sur vente peut se reformuler ainsi : « le besoin d’approvisionnement du magasin est constitué de toutes les sorties de la période, que ce soient des ventes, de la casse, des cessions, ou de la consommation interne. » La grande prédominance – on l’espère en tout cas – des ventes dans ces sorties justifie le nom de la méthode. La simplicité de détermination du besoin se paie d’une rigueur de codification et d’enregistrement qui la rend inemployable parfois, au regard de pratiques terrains assez éloignées de ces exigences7. C’est donc aussi une méthode qui permet de détecter précocement tous les dysfonctionnements souvent cachés. Nous venons d’introduire la notion de « sorties de la période » sans avoir défini auparavant ce que nous entendions par-là. Nous appellerons « période » tout intervalle de temps entre deux communications du besoin à la source d’approvisionnement (l’entrepôt distributeur ou l’industriel). Cette période peut être fixe : quotidienne ou pluri-quotidienne, hebdomadaire, mensuelle en fonction de la flexibilité de la source. Elle peut être variable : chaque fois que les conditions contractuelles optimales (franco de commande, palette complète, camion complet, encore que ce cas soit extrêmement rare pour un magasin) sont atteintes. Dans nos expériences, cette période était essentiellement quotidienne : le besoin était transmis chaque soir après la clôture des caisses. Conceptuellement, on peut Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management parfaitement imaginer de transmettre le besoin au fil de l’eau. La commande est égale au besoin Nous avons énoncé une règle de remplacement en « 1 pour 1 ». Il est pourtant extrêmement rare de pouvoir être réapprovisionné à l’unité par son fournisseur : cela peut arriver en « équipement de la maison » pour des produits volumineux comme des cuisinières ou des réfrigérateurs. Mais cela reste l’exception et il est hors de question de pouvoir être réapprovisionné d’un seul paquet de biscuit ou d’une seule boîte de petit pois. Le colis minimum est souvent de 6 ou 12 boîtes (unité de vente consommateur : UVC) : si l’on appelle cela souvent le PCB (Par Combien !), nous préfèrerons le terme d’unité d’approvisionnement (UA). L’unité d’approvisionnement est la quantité minimum que nous sommes susceptibles de commander. Elle correspond habituellement au colis, mais elle peut représenter plusieurs colis : une couche ou une palette. Ainsi, chaque fois que nous aurons vendu l’équivalent d’une unité d’approvisionnement (par exemple 6 paquets de biscuits), nous demanderons à notre fournisseur de nous livrer cette unité d’approvisionnement (un colis de 6). Tant que le besoin n’atteindra pas cette limite, il n’y aura pas de commande. En formulation mathématique, la commande est le quotient de la division euclidienne du besoin par l’unité d’approvisionnement : ainsi, si le besoin de la période est de 8 UVC et l’UA de 6, nous commanderons 1 UA de 6 et garderons un reliquat de besoin de 2 UVC qui s’ajoutera aux ventes de la période suivante. On n’arrondit pas à 2 UA (12 UVC) car cela consisterait à réapprovisionner des UVC pas encore vendues. Le « réappro sur ventes » recomplète le stock initial du magasin et le maintien à niveau comme le ferait le robinet d’une baignoire dont l’eau s’écoulerait par la bonde. Déterminer le besoin ne requiert pas la connaissance du niveau initial : on se contente de mesurer les sorties (« l’écoulement ») et on les remplace. De manière singulière par rapport à beaucoup de méthodes d’approvisionnement, celle-ci ne nécessite pas de connaître le stock pour commander ! En réappro sur ventes, si l’on ne vend pas, on ne commande pas. Cela peut nous condamner à l’inactivité alors que nous aurions envie au contraire d’utiliser les ressources inemployées de notre entrepôt, de nos camions ou de nos magasins. Un entrepôt Vol. 9 – N°1, 2001 ne rêve que d’une activité stable : il doit suivre désormais le rythme imposé par les consommateurs. Au contraire, si les ventes s’accélèrent, les commandes s’accélèrent. Ce modèle pousse, on le voit, à des quantités fixes (l’UA) commandées à dates variables, plutôt que des quantités variables commandées à des dates fixes (pourquoi attendre quand l’UA est atteinte ?) C’est la source d’approvisionnement qui, idéalement, devrait transformer le besoin en commande Qui est le mieux placé pour élaborer la commande : le magasin ou le fournisseur (entrepôt distributeur ou industriel) ? Cette question peut sembler saugrenue tant les pratiques en vigueur consistent à transmettre une commande à un fournisseur et beaucoup ne voient pas comment il pourrait en être autrement. Or cette question a tout son sens si l’on remarque qu’élaborer la commande nécessite la connaissance des paramètres des produits. C’est le fournisseur qui est à l’origine de la détermination de l’UA (le colis par exemple). Tant que cette donnée est stable, il n’y a pas de problème. Mais quand il y a modification – et sans que l’on sache toujours pourquoi, il y a toujours des modifications du colisage qui passe de 6 UVC à 8 ou de 12 à 14 quand ce n’est pas l’inverse – le fournisseur qui reçoit une commande est placé devant un dilemme : l soit il livre le nombre de colis demandé (1 de 6 UVC au lieu de 1 de 8) et le magasin risque de tomber en rupture, son besoin n’étant pas couvert, l soit il livre plus que le nombre de colis demandé (2 de 6 au lieu de 1 de 8 commandé), et le magasin se trouvera sur-stocké. Bien entendu, cette situation va se répéter à chaque commande jusqu’à ce que les données soient corrigées dans le fichier du distributeur, ce qui peut prendre du temps8. Dans le cas où la livraison serait conditionnée à l’atteinte de conditions contractuelles optimales – couche complète, palette complète ou camion plein – c’est encore là le fournisseur qui est le mieux placé, compte tenu des paramètres physiques de ses produits et de ses éventuelles ruptures, pour être garant de leur respect. Si le distributeur veut assurer lui-même cette tâche, il devra modéliser par exemple la constitution d’une palette complète : si c’est relativement simple dans le cas de produits homogènes comme des barils de lessive, il en est tout autrement si les divers produits ont des tailles variées9. 8 - Lors de la conférence 2000 du « Council of Logistics Management », plusieurs industriels – comme Procter & Gamble – ont signalé avoir fait des relevés de la qualité des fichiers des distributeurs : les taux d’anomalies sur les catalogues pouvant atteindre 30%. Certes, tous n’affectaient pas l’appro, mais cela donne une idée de la difficulté de la tâche. 9 - Faute d’y parvenir, les deux acteurs s’accordent trop souvent sur un minimum de commande en euros (le « franco ») qui ne correspond à aucune optimisation physique. 23 Logistique & Management C’est pourquoi nous recommandons que ce soit la source d’approvisionnement qui effectue cette transformation du besoin magasin en ordre d’approvisionnement. C’est relativement facile à effectuer si le fournisseur est le centre de distribution du distributeur puisque l’on reste « dans la même maison ». C’est plus délicat à mettre en œuvre quand le fournisseur est un industriel. Le magasin a bien entendu le droit et le devoir de questionner les paramètres du fournisseur s’ils s’avèrent inadaptés à la réalité des ventes. Le fournisseur a la responsabilité de satisfaire tous les besoins transmis… et seulement ceux-là Nous venons de voir que, si le fournisseur livrait plus ou moins que le besoin en raison des modifications de l’unité d’approvisionnement, il allait générer des perturbations – ruptures ou sur-stocks – dans la surface de vente. Perturbations qu’il allait falloir corriger par des saisies administratives coûteuses. La qualité de préparation dans l’entrepôt du distributeur est également critique. Un cas particulier est celui de la rupture chez le fournisseur : le magasin ne peut refaire passer en caisse des produits qu’il n’a plus. La source d’approvisionnement doit donc garder mémoire des ordres passés et les honorer dès qu’il sera possible. Cela signifie donc la gestion des reliquats de commandes par le fournisseur, ce qui n’est pas une pratique courante ; les systèmes d’informations de la source doivent savoir le traiter. Le « réapprovisionnement sur vente » exige l’étanchéité de la boucle magasin-fournisseur 10 - Une démonstration plus rigoureuse donnerait « Calibrage = 1 UA – 1 UVC + (Ventes pendant le Cycle d’approvisionnement). La simplification est généralement sans grande incidence vu les approximations que nous prendrons sur le niveau de vente et sur le cycle d’approvisionnement. D’autre part, il ne s’agit là que d’une valeur initiale qui pourra être amendée lors du pilotage. 24 Le « réapprovisionnement sur vente » exige une grande rigueur. Il marchera d’autant mieux que toutes les sorties seront enregistrées, que les ordres d’approvisionnement seront égaux aux besoins, et que les livraisons seront rigoureusement égales à ces demandes. Et cette qualité doit être maintenue en permanence, ce qui est peut être le plus dur à réaliser. C’est évident ! Mais les pratiques constatées montrent que toutes les ventes et/ou sorties auxiliaires ne sont pas enregistrées, que les commandes ont parfois un rapport distant avec les sorties effectives, et que les livraisons ne sont pas garanties. Ces recommandations n’étonneront pas les praticiens du Juste-à-Temps, tant ce dernier concept se trouve fréquemment associé à celui de « Qualité Totale ». Initialisation : comment calibrer le stock outil initial ? Nous venons de voir la règle d’exécution du « réappro sur ventes », très simple, qui peut maintenant se résumer à « toute unité d’approvisionnement sortie du magasin doit être recomplétée, le fournisseur devant se tenir scrupuleusement aux besoins exprimés ». La question suivante est : « si nous voulons garantir un taux de service de 100%, de quel stock devons-nous disposer au démarrage ? » Nous appellerons « calibrage » ce dimensionnement. Imaginons que nous devions ouvrir un nouveau magasin. Intéressons-nous à notre boîte de petits-pois, approvisionnable par colis de 12 (1 UA = 12 UVC). Si nous avions seulement une boîte sur l’étagère, le premier client mettrait le rayon en rupture. Et comme il manquerait encore onze passages en caisse pour déclencher le réapprovisionnement, le rayon resterait éternellement vide. Il en serait de même avec toute quantité initiale strictement inférieure à l’unité d’appro. Avec un seul colis, le passage en caisse du douzième client déclenchera effectivement l’ordre d’approvisionner un colis. Mais le linéaire sera désormais vide et il ne cessera de l’être que quand la livraison sera effectivement mise en rayon. Nous voyons donc qu’il faut non seulement 1 UA pour commencer, mais également de quoi assurer les ventes à venir jusqu’au recomplètement effectif. D’où notre première expression de la formule de calibrage : Calibrage = 1 UA + Ventes x Cycle d’approvisionnement10. Le cycle d’approvisionnement à retenir pour le calibrage doit être la valeur maximum de cette variable Certains opérationnels font fréquemment la confusion entre les notions de cycle d’approvisionnement et de délai de livraison des commandes. Le délai de livraison des commandes est l’intervalle de temps qui sépare la réception d’une commande chez un fournisseur de sa livraison effective au quai du magasin. Le cycle d’approvisionnement est lui l’intervalle de temps qui sépare la disparition du linéaire de la dernière boîte du colis (celle qui va déclencher l’ordre d’approvisionnement) de son retour sur le linéaire. Prenons un exemple et imaginons que notre client est le premier du magasin un vendredi matin à 9 heures. Il passe en caisse à 9 heures 10 avec la douzième boîte de petits-pois, mais la clôture des caisses n’ayant lieu que le soir à 22 heures, l’ordre d’approvisionnement (ou la communi- Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management cation du besoin) n’est transmis à l’entrepôt que dans la nuit. Or l’entrepôt ne travaille ni le samedi ni le dimanche. Cette « commande » est donc prise en compte le lundi matin et livrée au quai du magasin le mardi matin. Le délai de livraison est « A pour B », mais il ne prend pas en compte les composantes supplémentaires du cycle d’approvisionnement que sont le délai de détection et de prise en compte de la vente, ainsi que le délai d’acheminement du quai du magasin au linéaire. Or ce dernier délai est parfois plus important que le délai de livraison, spécialement en non-alimentaire. Ici, le cycle d’approvisionnement maximum est de 3 jours ouvrés, hors perturbation exceptionnelle. Quelle valeur du cycle devons-nous retenir : une valeur minimum de 1 jour (dernière vente le soir et recomplètement le surlendemain matin), la valeur maximum de 3 jours ou une moyenne entre les deux ? Si nous prenons pour cycle un ou deux jours, nous avons une probabilité de rupture. C’est pourquoi, notre objectif étant 100% de taux de service, nous retiendrons la valeur la plus défavorable : le cycle d’approvisionnement maximum. Dans les cas de livraison via plate-forme d’éclatement ou en direct via des fournisseurs (cas fréquents en non-alimentaire), les cycles sont bien plus importants mais le raisonnement est similaire. Figure 2 - Historique des ventes hebdomadaires d’une référence du rayon “Epicerie” maximale que le commercial veut assurer hors événement exceptionnel que l’on doit retenir. Cette information est sous la responsabilité des chefs de rayons car c’est un élément du contrat que le commercial, responsable du niveau de ventes à assurer, passe avec sa logistique. Cette dernière doit garantir que tant que les ventes ne dépasseront pas ce maximum, le rayon ne sera pas en rupture. Le calibrage correspond au stock maximum que l’on est susceptible d’avoir en magasin Il faut définir le niveau de vente maximum que l’on souhaite assurer La formule du calibrage est finalement : Notre obsession du service nous conduira de même à retenir la valeur maximale des ventes (et non la vente minimale ou moyenne) qui peuvent subvenir pendant ce cycle d’approvisionnement maximal. Ainsi, en reprenant notre exemple, un cycle de 3 jours comprenant le vendredi, samedi et lundi, jours représentant 80% du CA de la semaine, nous amène à retenir comme majorant une semaine maximum de ventes. C’est à dire que nous sommes sûr d’atteindre notre objectif de service, si nous avons au démarrage une unité d’approvisionnement plus de quoi assurer, hors événement exceptionnel, les ventes maximales pendant le cycle d’approvisionnement maximal. Soulignons qu’à chaque terme de notre équation correspond une responsabilité différente : l’acheteur est en général en charge de déterminer l’UA avec le fournisseur, le commercial fixe le niveau des ventes et le cycle est souvent un choix logistique. Certains s’effraient parfois quand ils appliquent cette formule à un article qui leur est familier – en général une grosse rotation du rayon. Toutefois : On peut obtenir cette information via un tableau de chiffres, mais il est toujours beaucoup plus parlant de visualiser graphiquement les ventes [figure 2]. Cela permet d’un coup d’œil d’apprécier la tendance, la dispersion, et de filtrer des maximums exceptionnels correspondant à des promotions, donc à des événements planifiables. De plus, les historiques ne révèlent que le passé, et d’autres éléments commerciaux à prendre en compte, comme l’introduction ou la suppression d’une référence concurrente, peuvent conduire à amender un calcul statistique11. C’est donc la vente Vol. 9 – N°1, 2001 Calibrage = 1 UA + Ventesmax * Cyclemax 1. eux sont loin des 100% de service, 2. quand ils l’appliquent à l’ensemble du rayon, du secteur ou du magasin, ils arrivent toujours à des chiffres très inférieurs aux résultats courants12. 3. cette formule ne représente pas le stock qu’ils auront dans leurs livres car il y en a 11 - Et cela même s’il est vrai que des formules comme « µ + 5/3 σ » donnent souvent – mais pas toujours – une valeur acceptable ! Il est très important que les commerciaux comprennent qu’ils ont un rôle et des responsabilités dans ce nouveau processus d’approvisionnement et que ce n’est pas seulement « la faute de la machine » quand il y a un problème. 12 - La formule de calibrage est d’ailleurs une redoutable méthode de diagnostic. 25 Logistique & Management 13 - Il est tout à fait possible de simuler le rendement de la boucle, c’est à dire la proportion du calibrage qui se trouve en moyenne sur les linéaires. Le rendement dépend du profil des ventes, de l’UA, de la cadence et du cycle de réappro.. 14 - La notion de « moindre coût » est bien entendu toute relative. Le nouveau processus peut être plus économique que le précédent tout en étant supérieur à celui des concurrents (benchmarking) ; il va de soi également que de telles comparaisons n’ont de sens qu’à iso-efficacité. 15 - Il n’y a en fait pas de relation mathématique entre ruptures et baisse des ventes. Mais l’expérience nous a montré que, statistiquement, un point de service gagné entraînait au moins 1% de croissance des ventes. 16 - « Pilote » est le nom qui a été donné au responsable de l’approvisionnement en magasin ; un peu comme dans un avion en régime de croisière ou une centrale nucléaire, son rôle consiste théoriquement…surtout à ne rien faire, sinon à surveiller que tout ce passe bien et à n’intervenir que par exception. En pratique, c’est lui qui est responsable de la mise en œuvre des plans d’action Qualité, ce qui est une lourde charge. toujours une partie dans la boucle : besoin non encore satisfait, commande en préparation, en livraison13… Elle représente le stock maximum au démarrage. 4. aucune optimisation des stocks n’a encore eu lieu à ce stade. C’est l’objet du chapitre suivant. Amélioration : comment piloter la performance ? Le magasin a donc calibré le stock, et il applique maintenant la règle d’exécution qu’il s’est fixée. Premier constat : le taux de service est proche des 100%, aux ruptures fournisseurs près. Si c’est souvent exceptionnel par rapport aux pratiques moyennes, cela n’a rien de surprenant pour nous : le stock a été dimensionné pour cela. Nous avons constaté que le stock moyen n’est jamais supérieur, et souvent même inférieur à celui des mois précédents. Comment définir la performance du processus d’approvisionnement ? Comme tout processus, le processus d’approvisionnement sera dit performant s’il est efficace et efficient. Nous définirons l’efficacité comme la capacité à atteindre l’objectif fixé : ici, la capacité à maintenir un taux de service de 100% sur les linéaires. L’efficience est relative aux efforts engagés pour faire fonctionner le processus : nous sommes efficients si nous opérons au moindre coût, c’est à dire si nous obtenons des coûts cumulés sur l’ensemble des activités du processus plus faibles qu’auparavant14. Figure 3 - graphe de pilotage d’un article de grande consommation (un paquet de céréales) Bien qu’il soit tout à fait recommandé de bâtir un réseau complet d’indicateurs pour mettre sous contrôle le processus, nous nous focaliserons ici sur trois thèmes majeurs : le niveau de service (efficacité), le stock (efficience) et les coûts administratifs (efficience également). Ils correspondent aux « vraies » motivations des directeurs de magasins : augmenter les ventes (car moins de ruptures15), réduire les stocks (surtout en réserve) et redéployer des activités du personnel de l’administratif vers la vente. Un visuel de pilotage original et indispensable Afin de vérifier la qualité de l’exécution et de faciliter la compréhension du fonctionnement du nouveau processus, nous avons été amenés à développer un graphe visualisant le « film » de l’ensemble des opérations [Figure 3] : les ventes, qui déclenchent des ordres d’approvisionnement, les livraisons qui en découlent et l’évolution du stock dans le magasin. Ce visuel est facilement consultable article par article pour l’ensemble de l’assortiment du magasin. L’horizon sélectionnable va de quelques jours à plusieurs mois. On peut vérifier que les ordres d’appro ont été servis par l’entrepôt. On visualise la réactivité de ce dernier : A pour B. On peut lire la taille du conditionnement livré (18 UVC) et vérifier qu’elle est identique à celle commandée – c’est ici le cas. Il est facile de déterminer la vente moyenne (un peu plus de 2 UVC), le stock moyen (20 UVC environ), donc d’en déduire le nombre de jours de stocks correspondants (20/2 = 10 jours pour la période visualisée). On voit immédiatement les minima du stock : ici il y a toujours eu au moins 10 paquets de céréales dans le magasin, et nous le supposerons dans un premier temps, que ces dix paquets étaient sur le linéaire. Nous verrons que cette pointe basse correspond au potentiel de diminution du stock, hors considérations de minimum vendeur. C’est sur les linéaires qu’il faut mesurer le taux de service Chaque matin, le « pilote16 » consulte sur son écran la liste des articles en rupture magasin (stock informatique à zéro) et se concentre sur les ruptures qui ne sont pas dues aux fournisseurs. Tout le stock du magasin ne se trouve pas nécessairement sur les étagères. Des surfaces de stockage annexes, appelées « réserves » sont utilisées quand la capacité linéaire allouée à une référence est insuffisante pour 26 Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management contenir tout le stock présent. Nous observons fréquemment que 50% des ruptures constatées dans les linéaires correspondent à des produits disponibles en réserve. Le stock informatique du magasin ne reflète donc pas la situation réelle observée par les consommateurs. C’est par un relevé systématique des ruptures linéaires (« les trous ») le soir – situation la plus défavorable – que l’on peut mesurer l’efficacité du processus d’approvisionnement. Dans les phases de démarrage, nombre de ruptures en rayon correspondent à des produits égarés en réserve que les employés doivent donc aller rechercher ; ils contribuent ainsi à progressivement vider les réserves et à rendre chaque fois plus aisée les nouvelles recherches17. N’oublions pas que, par construction, nous ne devrions pas avoir de ruptures : toute défaillance est un dysfonctionnement qu’il convient d’analyser dans une optique de Qualité Totale. Si au Pareto des causes, la rupture fournisseur est grande première, les produits égarés en réserve, les erreurs de codification et les inversions de préparation en entrepôt suivent immédiatement derrière. La réserve est une « usine à ruptures » ! Pourtant, on ne peut décréter sa suppression d’un simple trait de crayon. Si les commerçants avaient pu le faire, ils l’auraient fait depuis longtemps, ne serait-ce que pour la transformer en surface de ventes. Étant donné un stock calculé par la formule du calibrage, si ce dernier ne tient pas sur l’étagère en régime de croisière, il convient de le stocker dans la réserve qui doit être considérée soit un débord de linéaire18, soit comme un “entrepôt” à cycle de recomplètement rapide (inférieur à la journée). Pour éviter le stockage en réserve, il est possible de faire des ré-allocations de capacité linéaire entre divers produits : on réduit le nombre de « facing » d’une référence et on donne de la place à une autre. Cette approche est efficace mais dépasse la responsabilité de l’approvisionneur : la présentation du linéaire est régie par des règles commerciales auxquelles on ne saurait se soustraire19. Un échange d’information se révèle toujours très profitable entre approvisionnement et commerce. La solution la plus simple serait de réduire le calibrage nécessaire, c’est à dire de réduire le stock. Le pilotage permet déjà un premier niveau de réduction des stocks Le graphe de pilotage est un allié précieux pour valider le niveau de stock d’un article. Vol. 9 – N°1, 2001 Nous voyons tout de suite si le stock minimum (le plus bas des points bas de la courbe) peut encore être réduit. Il faut bien entendu s’assurer de la représentativité de la période observée : juger sur un horizon d’une seule semaine – ou pire, d’un seul jour – conduit à des actions que l’on doit en général invalider la semaine suivante. Mais une fois ces précautions prises, il est très facile de passer un ajustement (par exemple -5), équivalant à l’ordre de ne pas réapprovisionner les 5 futures ventes20. Le niveau moyen du stock se stabilisera ainsi 5 unités en dessous de son niveau actuel. En général, on passe des ajustements quand l’un des paramètres du calibrage a varié : le niveau maximum de ventes à couvrir, l’UA, ou le cycle d’approvisionnement, suite souvent à un changement de filière. Passer un ajustement pour adapter le stock est une technique très efficace et très simple à effectuer, une fois que le graphe de pilotage est affiché. Or il y a au moins 50 000 références dans un hypermarché. Toute la question est « quelles sont les références à analyser ? » Autrement dit, « comment identifier les surstocks ? » Au hasard, cela équivaut à chercher des aiguilles dans une meule de foin… Définir et identifier les surstocks Rappelons tout d’abord que la réduction des stocks ne doit pas se faire au détriment du service client ! Soulignons ensuite trois principes qui vont guider notre action : 1. les effets doivent être visibles, ce qui implique de travailler au niveau global, 2. tous les articles n’ont pas les mêmes effets sur le résultat global, ce qui implique de privilégier les contributeurs majeurs, 3. il est impossible, ne serait-ce que pour des raisons de coûts, de passer manuellement en revue 50 000 articles tous les mois, ce qui implique de travailler par exception. Une difficulté est que tous les acteurs n’ont pas la nécessairement la même définition du sur-stock. En caricaturant, nous pourrions dire que : l Pour l’opérationnel du magasin, le sur-stock est lié à une notion de volume dans ses réserves. Préoccupé du flux physique, l’employé du magasin s’attachera à supprimer les produits permanents des réserves. Il s’offusquera d’un excédent d’une dizaine de paquets de céréales pour le petit-déjeuner, produits volumineux mais peu 17 - Il ne faut pas s’imaginer toutes les réserves d’un hypermarché comme des mini-entrepôts impeccablement rangés. En « non-alimentaire », certaines ressemblent parfois à la caverne d’Ali Baba… 18 - Dans certains magasins, on stocke des produits au-dessus du linéaire. Cette pratique se fait de plus en plus rare, les produits mis en hauteur ayant une vocation plus commerciale : créer un effet volume. 19 - La localisation spatiale des références dans un magasin – début ou milieu de gondole, en bas ou au niveau des yeux – ne doit rien au hasard, pas plus que la surface visuelle allouée. Si la première ne concerne guère l’appro, il n’en est pas de même pour la seconde car la capacité de stockage est proportionnelle au nombre de facing. 20 - Passer un ajustement négatif correspond dans un contexte industriel à retirer des kabans ; un ajustement positif à en introduire. 27 Logistique & Management 21 - Le lecteur sceptique pourra s’amuser à valoriser le stock de poêles de son hypermarché favori… 22 - Nous reconnaissons l’arbitraire des mots « faible » et « élevé ». L’objectif n’étant pas de faire une typologie des stocks, mais de trouver par où commencer, nous estimons acceptable de faire deux classes situées de part et d’autre de la médiane. Cette étude doit être menée à cycle d’appro équivalent ; il est par contre inutile d’intégrer les caractéristiques commerciales du type secteur / rayon. 23 - Nous avons retenu cette classification à des fins pédagogiques. D’autres représentations matricielles sont possibles, notamment celle « Chiffre d’Affaires » x « Stock » dans laquelle la couverture apparaît sous forme de branche d’hyperbole : on traite alors tout ce qui est en haut à droite d’une hyperbole avant de progresser vers l’hyperbole suivante. 24 - Les promotions butent, elles-aussi, sur des problèmes de prévision de ventes ! De nombreuses pistes sont disponibles pour améliorer leur logistique. Leur exposé dépasse le cadre de cet article. 25 - 24/2 = 12 semaines = 3 mois. Il ne faut pas chercher ailleurs la cause de stocks importants en Bazar. Même en produits de grande consommation, 50 % des articles se vendent à moins d’une unité par jour par jour et 10% à moins d’un par semaine [étude réalisée sur un échantillon d’hypermarchés de 5000 m2 environ]. Les conditionnements les plus fréquents sont 6, 12, 18 et 24. l l coûteux (20 € au total et 3 jours de stock), mais s’appliquera à remplir les broches du rayon Hygiène de 1000 € de lames de rasoir, soit plus d’un mois de stock21. Pour l’approvisionneur, le sur-stock est lié au nombre de jours de stocks dans le magasin. Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, une référence comptant 60 jours de stocks est perçue comme sur-stockée par rapport à une autre n’en ayant que 10. L’approvisionneur s’alarmera si le stock en jours du magasin a augmenté d’un mois sur l’autre. Pour le directeur financier, le sur-stock est lié à une notion de masse monétaire. Il s’inquiètera si le stock est passé de 40 M€ à 50 M€. Sa préoccupation est de réduire le montant des stocks exprimés en €. Ces trois interprétations ne sont pas obligatoirement contradictoires, mais il convient de les aborder dans une certaine séquence pour obtenir des résultats probants. Nous écarterons dans un premier temps l’approche par le « volume dans les réserves », non qu’elle soit dénuée d’intérêt, mais parce qu’elle manque de « puissance » discriminante : la majeure partie des références incriminées correspond à des produits dont le stock est entièrement justifié par le calibrage, mais disposant d’une capacité linéaire insuffisante. Résoudre ces cas là nécessite une approche structurelle dont nous parlerons au paragraphe suivant. C’est en croisant les regards de l’approvisionneur et du financier que nous allons donner du relief à notre recherche [figure 4]. Figure 4 - Les sur-stocks à résorber en priorité sont mis en relief par les regards croisés de l’approvisionneur et du financier l l Segmentons d’une part en deux les articles du magasin : ceux qui ont un nombre « élevé » de jours de stock, et ceux qui ont 22 un nombre « faible » de jours de stocks . À cycle d’appro équivalent, il va de soit que s’attaquer à la première catégorie devrait être facile, alors qu’améliorer encore la seconde nécessitera un pilotage soutenu – c’est à dire des coûts administratifs. Séparons d’autre part en deux classes de taille équivalente les produits en fonction du stock global en € : « élevé » et « faible ». Réduire de moitié un stock de 2 000 € et un stock de 20 € n’a pas du tout le même effet sur les comptes du magasin ! Pour les stocks de faible valeur, le JAT industriel nous a déjà donné la réponse : c’est le « zéro support » qu’il faut rechercher. Les priorités d’actions deviennent ainsi claires : il faut s’attaquer en premier lieu aux produits dont le stock en valeur est important (gain visible) et dont la couverture est élevée (gain facile)23. Le « pilote » qui se sera livré à cet exercice fera rapidement plusieurs constats : le premier, c’est que les cas qu’il met en évidence sont rarement ceux que les opérationnels du magasin lui remontent ; la méthode est puissante ! Le deuxième constat, c’est que si les règles de réappro et notamment de calibrage ont bien été appliquées, les ajustements ont déjà été passés dès le démarrage : il n’y a rien d’autre à faire, qu’attendre que les ventes consomment peu à peu le stock originel. Il aura aussi découvert que les promotions sont très souvent responsables des sur-stocks24. Il constatera enfin que beaucoup de cas sont simplement explicables par leurs paramètres de calibrage : si un article se vend à deux exemplaires par semaine, si son unité d’approvisionnement est de 24 – conditionnement fréquent sur les petits articles – alors le simple fait d’acheter un premier colis nous « couvre » pour 3 mois25 La formule du calibrage indique très clairement comment arriver à réduire structurellement le stock ! Dans un modèle de type prévisionnel MRP, le stock projeté est minimum par construction. Le MRP serait un vrai « zéro stock » si les ventes se réalisaient. Les pistes d’amélioration de ces modèles passent par des prévisions plus fines, une modélisation plus précise de l’environnement, une fréquence accrue des calculs, c’est à dire par une complication du modèle allant très rapidement à son inopérance. 28 Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management La grande force du « réappro sur ventes » réside au contraire dans la grande visibilité qu’il crée sur les conditions d’amélioration de la performance. Point ici d’algorithme sophistiqué, simplement deux paramètres ; nous savons que le stock nécessaire au démarrage est égal à 1 UA + Ventesmax * Cyclemax ; or le niveau maximum de ventes est un paramètre dépendant de la volonté de nos clients (on ne lui souhaite que d’augmenter), donc, réduire le stock passe par la réduction de l’unité d’approvisionnement, et / ou par la réduction du cycle d’approvisionnement. Il y a un lien mathématique direct et simple et cela nous permet ainsi d’envisager de construire des hypermarchés sans réserve : il « suffit » d’agir sur l’un ou l’autre des paramètres et souvent sur les deux de façon que le calibrage tienne sur le linéaire26. Réduire les unités d’approvisionnement : il est possible de déterminer quel est le meilleur levier d’action pour chaque article. Quand les ventes sont inférieures à une unité par semaine (cas fréquent en non-alimentaire), beaucoup de conditionnements représentent des mois de consommation du magasin. C’est donc la réduction du colisage qui représente le meilleur levier. On retrouve là les fondamentaux du Juste-à-Temps avec la fameuse quête du « un pour un ». Trois objections sont parfois avancées à cette proposition : 1. « le fournisseur ne voudra pas ! » C’est très souvent faux : pour le vérifier, il suffit de lui demander. 2. « cela va augmenter nos prix d’achat ! » De manière peut-être étonnante, pas toujours. Nombre de fournisseurs contactés n’ont pas modifié leur tarif unitaire à cette occasion. Mais suivant les secteurs, le cas peut se présenter. Toutefois, il ne faudrait pas alors raisonner en marge commerciale (le coût de revient rendu magasin) mais en coût de revient « sortie caisse. » Le stockage, les nombreuses manutentions en réserve, les ruptures afférentes ont aussi un coût. Malheureusement, le contrôle de gestion des Distributeurs en général et des magasins en particulier ne gère pas cette notion de « coût de revient sortie caisse » : l’Activity-Based Costing n’a pas franchi la porte des magasins. 3. « cela va augmenter nos coûts de manutention en entrepôt ! » C’est vrai. Cette objection montre que l’on raisonne là encore en « silo » : on oublie que les manutentions Vol. 9 – N°1, 2001 supplémentaires que l’entrepôt va devoir opérer, ne sont que le transfert de celles précédemment effectuées en magasin. Le coût global est inchangé, voire souvent même réduit car les coûts de stockage et de manutention sont plus faibles en entrepôt qu’en magasin27. Réduire le cycle d’approvisionnement est souvent une voie plus facile. Elle est d’autant plus intéressante que 90% de ce cycle correspond en fait à des temps d’attente. Il n’est pas question de faire rouler les camions plus vite, mais d’éviter que des informations ne stagnent en attentant leur traitement. Nous avons décrit comment procéder pour réduire considérablement les cycles dans un précédent article [Baldellon, 1996]. Soulignons qu’en France, une grande partie de l’« Alimentaire » est livrée dans des délais courts : une commande du matin est livrée le lendemain matin. Il paraît donc difficile de faire mieux. Les voies à explorer sont alors des livraisons le samedi, des livraisons bi-journalières… si les produits le nécessitent. Pour terminer, nous dirons qu’il n’est pas tout à fait correct d’exclure le niveau maximum des ventes de notre équation de réduction structurelle des stocks. Avouons le, c’est même manipulatoire de notre part que de l’avoir écarté. Nous pouvons en fait agir sur ce « Ventesmax » de deux façons. Nous pourrions bien entendu réduire les stocks en diminuant notre exigence de service, donc notre vente maximum à couvrir. Évidemment, ce n’est pas ce que nous recommandons. Nous pourrions aussi mieux gérer le calibrage, soit en le réactualisant périodiquement, soit en créant plusieurs niveaux de calibrage correspondant à diverses périodes de l’année. En effet, si nous vendons 3 fois plus de boissons en été, est-il judicieux de conserver toute l’année un stock qui n’est utile que 2 mois sur 12 ? Des calibrages sur-dimensionnés, c’est de la capacité inutilisée. Il est donc possible et semble même recommandé d’avoir alors deux calibrages. Mais cela complique le système, multiplie les interventions administratives et nous ne nous y soumettons qu’après avoir exploré toutes les pistes possibles ; et intégré notamment ce constat : pour une grande part des produits, le système de « réappro sur ventes » se révèle capable d’absorber un niveau de vente considérablement plus important que celui pour lequel il est paramétré, surtout si les cycles sont courts. L’explication serait un peu longue à donner ici, mais nous avons constaté que 10% seulement des articles d’hypermarchés qui multipliaient pourtant par quatre leur 26 - De la même manière, en construction automobile ou informatique, les bacs de composants doivent tenir sur le poste de travail des opérateurs. On agit alors simultanément sur les tailles des bacs et sur les cycles de réappro pour y arriver. 27 - Nous invitons là encore le lecteur curieux ou sceptique à aller étudier les causes de « casse » en Produits Frais, notamment en « Volailles » : il y trouvera des produits dont le conditionnement, manifestement surdimensionné, conduit à de la casse, et à des ruptures volontaires en milieu de semaine pour réduire ladite casse. 29 Logistique & Management Chiffre d’Affaires en saison estivale relevaient de la pratique du double calibrage. Réduire les coûts administratifs Nous venons d’introduire dans le paragraphe précédent la troisième de nos grandes préoccupations après le service et les stocks : les coûts, notamment les coûts de personnel en magasin, qui sont une ressource contrainte. Le « réappro sur ventes » se caractérise par une exécution automatique, donc par un minimum d’intervention humaine. Si l’on excepte les phases de démarrage, le rôle du « pilote » doit être essentiellement un acte de surveillance. Ses « inducteurs d’activités » sont les ruptures théoriques et terrain, les anomalies de codification, les erreurs de préparation en entrepôt, les nouveaux produits et les produits arrêtés. Il est important de ne pas piloter « trop fin » car rappelons-le encore : une seule intervention par article et par an, c’est quand même 50.000 interventions par an, soit environ 200 par jour, samedi compris ! Quelle organisation mettre en œuvre ? Une fois les phases d’appropriation passées, il est possible de centraliser le poste de pilotage Nous avons souvent démarré le « réappro sur ventes » avec des pilotes décentralisés dans les magasins. L’avantage est très net en phase de démarrage : l’appropriation de la méthode par le magasin et les employés se fait facilement, la présence soutenue du pilote permet d’identifier, de documenter et de corriger les dysfonctionnements. En régime de croisière, on constate cependant que beaucoup d’analyses sont dupliquées : la même rupture entrepôt, la même erreur de codification est analysée autant de fois qu’il y a de magasins. Il est alors envisageable de centraliser le rôle de pilote – par exemple, près de l’entrepôt – et de ne garder en magasin que des correspondants : la technologie actuelle Internet permet de consulter les graphes de pilotage et les rapports à distance. Unifier les acteurs de la Supply Chain sous une même fonction ? 28 - Chariots grillagés à roulettes utilisés pour la manutention des produits en magasin. 30 Observons d’abord que les tâches de remplissage sont éclatées entre deux fonctions : l’entrepôt d’une part, et le magasin d’autre part. Cette fracture est fréquente et souvent les responsabilités du Directeur de la Supply Chain – quand il existe – s’arrêtent au quai du magasin ! La « Total Supply Chain » n’est pas si totale que cela. Quelquefois, on constate que les employés de l’entrepôt ne semblent guère se soucier de ceux qui remplissent en magasin : des « rolls28 » ne roulent pas, des produits de tous rayons y cohabitent – ce qui allonge les temps de remplissage et désorganise le travail –, des produits lourds écrasent même les produits légers et fragiles stockés en dessous, des erreurs de préparation se répètent jour après jour... Observerions-nous les mêmes problèmes si ceux qui préparent et chargent étaient aussi responsables de la mise en linéaire ? C’est peu probable. Nous verrions plutôt des pratiques optimisant la mise en rayon : réceptions immédiates, préparations certifiées et rangées dans l’ordre du remplissage du linéaire, peu d’erreurs, erreurs rapidement corrigées. Tout ce qui va dans le sens d’un coût total de remplissage le plus bas possible, indépendamment des fonctions impliquées, sera bienvenu. Cela nécessite, sinon un contrôle de gestion susceptible de l’évaluer [Michel Baldellon 1996], du moins un management par les processus [Balmès 2000], qui est une pratique guère plus répandue. Faut-il envisager une logistique dont la responsabilité aille jusqu’au linéaire ? L’idée est séduisante, mais il paraît difficile d’envisager aujourd’hui un magasin dont une partie du personnel ne soit pas sous la responsabilité de son directeur. En sera-t-il de même demain ? Les exemples d’autres secteurs économiques peuvent faire pousser à faire évoluer cette organisation. C’est peut-être d’abord à l’intérieur du magasin que les choses commenceront à bouger. En général aujourd’hui, chaque secteur, chaque rayon, met en linéaire avec ses ressources propres : les employés du rayon « Jouets » ne vont pas faire du remplissage en « Boissons ». Du coup, on voit le soir des ruptures linéaires dans un secteur que les employés d’un autre secteur ne viennent pas combler. Faut-il envisager de mutualiser le remplissage comme on a mutualisé les caisses ? Nous le recommandons. Faut-il créer une fonction « Flux » en magasin ? Certaines enseignes sont déjà avancées dans la mise en oeuvre. Cette unification des acteurs de la Supply Chain du Distributeur sous une même fonction est séduisante, mais trop éloignée des pratiques actuelles pour voir rapidement le jour. Elle poserait d’ailleurs d’autres problèmes : management et motivation des personnes… De toute façon, elle n’est pas un pré-requis à la Vol. 9 – N°1, 2001 Logistique & Management mise en œuvre du « réappro sur ventes », mais illustre comment cette approche pousse à un management transversal des entreprises. En conclusion, une approche très efficace mais nécessitant de « penser à l’envers » Le « réappro sur ventes » a été testé avec le même succès dans presque tous les types de format de magasin (des très grands hypermarchés de plus 10.000 m2 aux petits supermarchés), sur toutes les « boucles » d’approvisionnement possibles (entrepôt/ industriel, magasin / industriel, magasin/entrepôt, linéaire/réserve), sur beaucoup de rayons (du bazar aux produits frais) et sur des typologies de flux variées (permanent, saisonnier, promotionnel). La dispersion antérieurement constatée des performances à laissé la place à une grande homogénéité des résultats à tous niveaux : entre magasins, entre secteurs, entre produits. Et surtout, la performance est désormais stable dans le temps : le client n’a plus à s’enquérir du planning de congés des employés pour venir faire ses courses ! Pourtant, malgré d’incontestables succès, le Juste-à-Temps en général et le « réappro sur vente » en particulier, sont des approches difficiles à « vendre ». Est-ce en raison de leur – fausse – apparence de simplicité ? Le sentiment général va souvent de « c’est ce que l’on fait déjà » (ce qui est faux, cf. leurs résultats) à « on fait même mieux » (comprendre : plus compliqué que le 1 pour 1). Nous attribuons pour notre part cela à cette structure particulière de pensée que nécessite le JAT : « Pensez à l’envers » conseille Ohno. Nous avons trop dépensé d’énergie dans cette « guerre de religion » avec les tenants de la complication pour croire encore en nos chances de convaincre Vol. 9 – N°1, 2001 par la démonstration théorique. « Essayez ! » : c’est la seule recommandation à tous ce qui doutent encore. Laissons le mot de la fin à un directeur financier d’une chaîne d’hypermarchés et de supermarchés qui a résumé la puissance de l’approche : « Les résultats objectifs ont été au rendez-vous : un niveau de service clients proche de 100 % pour l’ensemble de notre assortiment, accompagné d’une baisse des stocks de 20 %. Mais également, c’est aussi un travail en magasins réorientés vers des activités plus visibles par nos clients, comme la mise en rayon, le rangement, la théâtralisation de notre offre…Globalement, nous avons accru notre CA/m2 de près de 30 %. Le réappro sur vente y a fortement contribué. » Bibliographie Baldellon Michel, “L’entreprise étendue : apports de l’Activity Based Costing. Application à l’E.C.R.” Logistique et Management vol 4 – n°2 – 1996. pp. 21-32. Balmès René, Balmana Guy, “ Le pilotage des flux : théorie et pratique » Logistique et Management vol 6 – n°2 – 1998. Balmès René « Processus, transformation et application à la Supply Chain » Logistique et Management vol 8 – n°1 – 2000. pp. 5-13. Coca-Cola Retailing Research Council. « The Retail Problem of Out-of-Stock Merchandise ». 1996. Council of Logistics Management. « UCCNet ». September 24 –September 27 2000. New-Orleans, Louisiana, USA. Ohno Taiichi « L’esprit Toyota ». Masson. Paris 1989. 31