L Adversaire texte et cours
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L Adversaire texte et cours
L'Adversaire d'Emmanuel Carrère Extrait « ...C'aurait du être bon de rentrer ensemble un jour de l'An, une famille unie dans la Renault Espace qui ronronnait sur la route enneigée; d'arriver tard, de porter les enfants endormis dans leur chambre, de les aider à se déshabiller et hop! au lit ! ; de chercher dans les sacs le lapin en peluche avec lequel Antoine aimait dormir et d'être soulagé parce qu'on ne l'avait pas, comme on le craignait, oublié à Strasbourg; d'entendre Florence plaisanter là-dessus en se démaquillant : tu l'as échappé belle, tu étais bon pour y retourner; d'être le dernier debout dans la salle de bain qui séparait la chambre où dormaient les enfants de la chambre où Florence l'attendait sous la couette. La tête tournée pour n'être pas gênée par la lumière, elle lui tiendrait la main pendant qu'il lirait. C'aurait dû être doux et chaud, cette vie de famille. Ils croyaient que c'était doux et chaud. Mais lui savait que c'était pourri de l'intérieur, que pas un instant, pas un geste, pas même leur sommeil n'échappaient à cette pourriture. Elle avait grandi en lui, petit à petit elle avait tout dévoré de l'intérieur sans que de l'extérieur on ne voie rien, et maintenant il ne restait plus rien d'autre, il n'y avait plus qu'elle qui allait faire éclater la coquille et paraître au grand jour. Ils allaient se retrouver nus, sans défense dans le froid et l'horreur, et ce serait la seule réalité. C'était déjà, même s'ils ne le savaient pas, la seule réalité. Il entrouvrait la porte, sur la pointe des pieds s'approchait des enfants. Ils dormaient. Ils les regardait dormir. Il ne pouvait pas leur faire ça. Ils ne pouvaient pas savoir que c'était lui, leur papa, qui leur faisait ça. » Emmanuel Carrère, L'Adversaire (2002) Déroulement et questionnement : 1 Lecture de l'extrait (sans préambule) 2 De quoi est-il question ? (formulation et prise de note des hypothèses de lecture) 3 Situation de l'extrait, résumé de l'oeuvre et biographie de l'auteur Situation de l'extrait et résumé de l'oeuvre t biographie de Carrère 4éme de couverture : La folie meurtrière Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand est venu déjeuner chez ses parents. Après le repas, Jean-Claude a parlé d'une fuite dans une chambre du haut. Son père s'est penché vers la tuyauterie et le fils l'a abattu d'une balle de 22 long rifle dans le dos. Puis il a appelé sa mère. Elle est montée. Avant qu'il ne tire à nouveau, elle a eu le temps de lui demander: "JeanClaude, qu'est-ce qu'il t'arrive?". Quelques heures plus tôt, il avait abattu sa femme puis ses deux enfants après leur avoir proposé de regarder une cassette des "Trois petits cochons" dans leur villa de Prévessin à quelques kilomètres de Genève. Après avoir tué tous ses proches - parce qu'il ne pouvait supporter leur regard - Jean-Claude Romand a mis le feu à sa maison puis a avalé des barbituriques. Mais ceux-ci étaient périmés. C'est ainsi que le faux médecin a échappé à la mort. A compter de cette date, il s'est dit "condamné à vivre". Source : E. Carrère, L'adversaire, ed POL, 2000 L'Adversaire Emmanuel Carrère L'Adversaire revient en détail sur la vie de Jean-Claude ROMAND qui réussit à cacher son inactivité à ses proches et ce, durant une vingtaine d'années. Jusqu'au jour où, las de sa tromperie, il tue tout ceux qui lui étaient chers et qu'il risquait de décevoir en leur apprenant la vérité. Il tente de se donner la mort, en vain. Emmanuel CARRERE retrace une existence lacunaire, cherche ce qui reste d'humanité chez Jean-Claude Romand. Il cherche à comprendre comment Jean-Claude ROMAND se retrouve prisonnier d'un mensonge le restant de sa vie et comment il en est venu à tuer tous les membres de sa famille. Emmanuel Carrère est né à Paris, le 9 décembre 1957. Il a 43 ans, marié, deux enfants. Il habite Paris où il se partage entre un appartement familial et un studio pour écrire. Il travaille aussi souvent pour le cinéma. La carrière d'écrivain d'Emmanuel Carrère a commencé en 1984 avec Bravoure. La plupart de ses romans (La Moustache, La Classe de neige) développent, sans réel style mais de manière très précise et argumentée, à la limite du borgésien, une interrogation angoissante sur l'identité, l'être et le paraître, l'illusion et le sens de la réalité. 4 Première confrontation avec les hypothèses de lecture... 5 Quels sont le statut du narrateur et le point de vue narratif ? ==> le narrateur est extérieur à l'histoire et le point de vue est interne. Le statut narratif est particulier puisque l'auteur = narrateur et le personnage est réel. C'est un genre hybride entre le biographique, l'enquête, mais également la fiction dans la mesure où il comble un récit lacunaire. 6 De qui est-il question dans l'extrait ? Relevé des hypothèses de lecture pour des confrontations ultérieures. B) L'organisation de l'extrait Observez les verbes : A quels modes sont-ils ? Les verbes sont au conditionnel (passé 1ère forme) puis à l'indicatif (imparfait majoritairement) (pour ceux qui veulent, il y a aussi 1 subjonctif mais qui n'est d'aucune utilité pour la démonstration !!!). Rappel des valeurs de ces deux modes : Conditionnel : faits irréels ou impossibles , dont la réalisation est soumise à des faits hypothétiques. (Il a parfois la valeur de futur dans le passé) Indicatif : mode du réel, de ce qui est tenu pour vrai par l'énonciateur. Relevez le connecteur qui marque le passage d'un mode à l'autre. ==> « mais » (l.11) Proposez un découpage de l'extrait en donnant un titre à chaque partie. Synthèse ==> le discours du narrateur met donc en évidence et en opposition ce qui est de l'ordre du réel et ce qui ne l'est pas. L'extrait peut ainsi être découpé en deux parties guidées par l'emploi de ces deux modes. C ) L'opposition entre la famille et le personnage Repérez les actions décrites dans la première et dans la deuxième partie de l'extrait. Que décrivent-elles ? quels sont les éléments qui donnent une impression de réel à ce passage ? ==> une vie de famille traditionnelle: un coucher après une soirée / ressentiment, pourriture qui croît. Observez les phrases; quelle différence peut-on faire entre le début de l'extrait et la fin ? ==> 1ére phrase fait la moitié de l'extrait, suite de propositions séparées par des points virgules qui énumèrent les étapes successives du coucher Relevez la première expression de l'extrait (« ç'aurait du être » La première phrase, complexe, court sur la moitié de l'extrait. Elles s'oppose dans le rythme aux phrases de fin du passage qui sont beaucoup plus brèves. La première partie de l'extrait énumère des faits quotidiens, volontairement ancrés dans le réel (marque du véhicule, anecdote du doudou retrouvé, discours rapporté...)==> il s'agit de faits et d'une situation qui « parle » à toutes les familles. D'autre part, le fait de débuter l'extrait par « ç'aurait du être » bien différent de « ç'aurait pu être » ne marque aucun remords ou regrets, mais plutôt la « normalité » d'une vie de famille à laquelle échappe le personnage. Les choses étaient peut-être comme cela, mais en tout cas ne l'étaient pas pour le personnage qui ne peut adhérer à cette réalité. Cette vie est pour lui de l'ordre de l'impossible (valeur du conditionnel). Relevez des oppositions lexicales entre les deux parties de l'extrait. Qu'en concluezvous ? ==> champ lexical du sommeil (au moins 5X dormir) domine tout l'extrait et notamment la 1ére partie. La « douceur et la chaleur » (l.10 et 11) s'opposent au « froid et à l'horreur » (l.17). D'une façon générale on constate l'opposition entre un intérieur chaud et sécurisant – mais pourri( « Renault, chambres, couette ...sommeil) et un extérieur horrible et glacé - dès lors que le vrai intérieur éclatera (l.16)- . D) le meurtrier A partir de quel moment sait-on qu'il va se dérouler un drame ? ==> l.20 avec certitude « leur papa ne pouvait pas leur faire ça ». Il est intéressant de repérer la façon dont est nommé le crime : »ça » = de l'ordre de l'indicible, de l'innomable / renvoit également au « ça » du début de l'extrait. Quel portrait est fait du meurtrier ? C'est un père, qui aide ses enfants à se déshabiller, qui lit en tenant la main de sa femme, il ne peut pas tuer ses enfants. Quelles sont ses motivations selon le narrateur ? ==>Il nourrit en lui une pourriture (le mensonge, les mensonges...) qui va finir par éclater au grand jour puisqu'il est rattraper par la réalité (les dettes, etc.)(l.14 à 16) S: Le personnage semble dépassé. Il est à la fois père aimant, mari aimant et infanticide. Ces deux réalités s'entrechoquent et conduisent au drame. Conclusion Pour conclure, cet extrait propose le cheminement intérieur d'un personnage de meurtrier et tente d'expliquer ce par quoi passe le personnage avant son passage à l'acte. Le personnage ne se reconnaît plus dans le semblant de réalité qui l'entoure; le mensonge, assimilé à une pourriture, finit par l'envahir et exploser. Le massacre, désigné par le démonstratif « ça », vient pour mettre un terme à une réalité distincte entre le personnage et ce qui l'entoure. Je n'ai pas su quoi faire des répétitions « ç'aurait dû être » « doux et chaud » et « la seule réalité ». Je saurais peut-être d'ici mercredi, n'hésitez pas si vous avez des propositions lol !!! Pour ceux qui veulent je fais une fiche élève !!! ==> FICHE CONSIGNE L'Adversaire d'Emmanuel Carrère A) Lecture de l'extrait De quoi est-il question ? (formulation et prise de note des hypothèses de lecture) Quels sont le statut du narrateur et le point de vue narratif ? De qui est-il question dans l'extrait ? B) Observez les verbes : A quels modes sont-ils ? Relevez le connecteur qui marque le passage d'un mode à l'autre. Proposez un découpage de l'extrait en donnant un titre à chaque partie. C) Repérez les actions décrites dans la première et dans la deuxième partie de l'extrait. Que décrivent-elles ? quels sont les éléments qui donnent une impression de réel à ce passage ? Observez les phrases; quelle différence peut-on faire entre le début de l'extrait et la fin ? Relevez la première expression de l'extrait Relevez des oppositions lexicales entre les deux parties de l'extrait. Qu'en concluez-vous ? D) A partir de quel moment sait-on qu'il va se dérouler un drame ? Quel portrait est fait du meurtrier ? Quelles sont ses motivations selon le narrateur ?