Monologue dramatique inspiré du roman éponyme de Emmanuel

Transcription

Monologue dramatique inspiré du roman éponyme de Emmanuel
D'AUTRES VIES QUE LA MIENNE
Théâtre de la Reine Blanche (Paris) janvier 2017
Monologue dramatique inspiré du roman éponyme de
Emmanuel Carrère dit par David Nathanson dans une
mise en scène de Tatiana Werner.
Dans cette adaptation du roman d'Emmanuel Carrère,
"D'autres vies que la mienne", David Nathanson trace une
cartographie du drame intime à travers une galerie de
personnages.
Mais surtout il sonde les forces insoupçonnées qui permettent
aux individus de se reconstruire, de continuer à vivre après le
décès d'un proche.
Le père de famille qui perd sa fille lors du tsunami de 2004 à
l'occasion de vacances sur les côtes du Sri Lanka entourera
son épouse de tout l'amour dont il est capable. Un second personnage prendra soin de ses
trois filles tout en continuant de chérir la mémoire de son épouse disparue d'un cancer.
Pour Emmanuel Carrère, ses personnages ne font pas acte d'héroïsme, mais continuent à
vivre avec courage. La puissance de son texte provient de sa capacité à saisir les
répercussions de ces événements dramatiques dans leur banalité au quotidien. Comment
évoquer la mémoire des morts ? Comment transmettre leur souvenir ?
Pour ces personnages, ce sera d'abord par l'évocation de la vie de tous les jours, par
exemple celui du travail d'un juge du surendettement. Au-delà de l'évocation des drames,
voire de la reconstruction pour ceux qui restent, Emmanuel Carrère dresse une magnifique
série de portraits, avec une grande puissance narrative.
L'adaptation de David Nathanson donne corps à ces personnages. Son jeu est remarquable
de sobriété. Il scrute les détails et va chercher les nuances, en accord avec le texte qui est
offert aux spectateurs. La mise en scène de Tatiana Werner est elle aussi à l'image du texte.
Dans un décor épuré, les scènes sont délimitées par des projections vidéos de mots clés du
texte, rappelant ainsi le métier d'écrivain, presque de scribe, du narrateur. Sans pathos,
sans effet spectaculaire, elle soutient efficacement le découpage du récit.
Unique symbolique qui traverse tout le texte, l'eau souvent présentée comme liquide de vie
devient ici synonyme de danger et de mort. Outre la vague du tsunami en début de
spectacle, la situation du surendettement est elle aussi décrite comme un courant qui détruit
des existences entières. Au cours de sa maladie, la jeune juge verra ses poumons se
remplir d'eau lors d'une embolie pulmonaire. L'eau montre alors à quel point l'existence et le
décès sont les deux faces d'une même pièce.
"D'autres vies que la mienne" est une pièce forte où l'hystérie n'a pas sa place. Magnifique
galerie de personnages, Emmanuel Carrère par son texte et David Nathanson par son jeu
parviennent à saisir la force et la beauté des hommes dans la banalité du quotidien
lorsqu'un drame qui les dépasse vient à bousculer leur existence.
Laurent Coudol
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