Ce texte nous parle de la rencontre entre un homme et une femme

Transcription

Ce texte nous parle de la rencontre entre un homme et une femme
Ce texte nous parle de la rencontre entre un homme et une femme autour d’un
puits. Cette situation se retrouve souvent dans la Bible surtout dans l’Ancien
Testament et aboutit à un mariage. Le mariage d’Isaac et le mariage de Jacob
résultent ainsi d’une rencontre autour d’un puits.
Le puits est le lieu de toutes les rencontres car il est le lieu où l’eau jaillit. Dans
des contrées désertiques comme la Palestine le puits est le lieu de vie sociale.
Les femmes vont puiser de l’eau pour leur maison le matin très tôt ou le soir.
Les bergers viennent aussi pour abreuver leurs troupeaux. Et tout ce monde se
rencontre, se parle plaisante et parfois aussi pourquoi pas ? tombe amoureux.
Rien de tel cependant dans le texte que nous avons lu. Aucune vie
communautaire. Jésus est là seul, il est assoiffé. Ses disciples l’ont quitté pour
aller chercher à manger, ils sont affamés par la longue marche et peut-être
aussi assoiffés qui sait ? Mais à quoi sert d’attendre devant un puits sans seau,
devant une source d’eau inatteignable ? Ils préfèrent aller chercher des vivres
ailleurs.
Jésus lui attend, au bord du puits. Il est midi. A cette heure il y a peu de
chances que quelqu’un vienne puiser de l’eau, la chaleur est écrasante. Et
pourtant une rencontre improbable se produit, celle d’une femme, une
Samaritaine et Jésus.
Il nous faut comprendre pour nous si éloignés de cette Palestine du début du
premier siècle ce qu’il y a d’improbable dans cette rencontre entre cette femme
et Jésus, en tête à tête. Prenons d’abord la femme.
L’activité d’aller puiser de l’eau est une activité de groupe qui réunit toutes les
femmes du village, le moment de la journée où elles peuvent s’éloigner de la
maison pour bavarder, rire, partager des nouvelles.
Je me souviens, quand j’ai travaillé en coopération en Afrique que les femmes
d’un village au Mali s’étaient indignées quand l’aide humanitaire européenne
avait amené l’eau courante à leur village. Cela voulait dire que leur seul
moment d’escapade, d’être entre femmes dans une société assez largement
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dominée par les hommes avait disparu. Elles étaient désormais condamnées à
rester toute la journée chez elles. Elles ont réussi à arrêter les travaux.
Tout cela pour dire qu’aucune femme ne fait le choix d’aller puiser l’eau toute
seule, encore moins à midi sous une chaleur écrasante. Si elle le fait c’est
parce qu’elle veut être sûre de n’y rencontrer personne.
Prenons Jésus d’autre part. Jésus le rabbi, le juif, celui qui connaît les écritures.
Les Juifs et les Samaritains n’avaient aucune relation entre eux. S’ils rendaient
un culte au même Dieu Y., s’ils avaient en commun les cinq premiers livres de
la Bible, qu’ils considéraient comme la Parole de Dieu, les juifs et les
Samaritains étaient des frères ennemis.
Les Juifs prétendaient que Dieu avait choisi pour lieu de résidence sur la terre
Jérusalem et les Samaritains pensaient que le Sanctuaire de Dieu était à
Garizim, un mont se situant en Samarie.
Et cette querelle n’était pas juste une question de géographie, ou de commodité
pour aller prier, le lieu d’où on priait était essentiel pour que la prière soit
entendue. Seul le sacrifice réalisé dans le lieu que Y. avait choisi pouvait être
entendu de Dieu, et réparer les fautes commises.
Les juifs considéraient donc que les Samaritains avaient perverti le culte de Y.
en l’adorant de la montagne de Garizim et les méprisaient. Les convenances
religieuses ne permettaient pas qu’un rabbi s’adresse à un Samaritain et encore
moins à une femme Samaritaine.
De plus, tout ce que boit ou mange un juif doit être conforme à la loi. Parler à
une femme samaritaine et lui demander à boire c’est entrer délibérément dans
une situation d’impureté.
C’est ainsi que la Samaritaine répond à la demande de Jésus de lui donner à
boire avec un rappel des convenances sociales et religieuses « Comment ? Toi
qui es juif tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? »
Une rencontre donc hautement improbable et qui pourtant se produit. Et elle se
produit non pas comme un transfert de connaissance d’un rabbi vers une
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pauvre femme samaritaine ignorante et de vie douteuse, qui viendrait lui
enseigner la vraie religion mais comme un dialogue vertigineux qui vient
réconcilier une femme avec elle-même, avec son passé et de ce fait avec toute
sa communauté. Une femme qui de sa rencontre avec le Christ cesse d’être
celle qui se cache, celle dont on pourrait dire qu’elle évite les heures de pointe.
Elle est désormais celle qui appelle tous les habitants de la ville pour les
amener vers le Seigneur.
L’évangéliste Jean nous dit au verset 28-29 : « la femme laissa la cruche, s’en
alla dans la ville et dit aux habitants : Venez voir un homme qui m’a dit ce que
j’ai fait, Ne serait-il pas le Messie ? »
J’aime que l’évangéliste s’arrête un instant sur le fait que la femme laisse la
cruche, elle qui était venue à l’heure la plus chaude pour puiser de l’eau, n’a
soudainement plus soif. Cela fait écho à l’affirmation de Jésus au verset 14
« […] Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ».
Quelle est cette eau que lui donne Jésus, lui qui n’a ni cruche ni seau pour
puiser au puits. L’eau de ses paroles. Celle qui permet à la femme non pas
d’effacer son passé, qui peut effacer son passé ? Mais d’arrêter de chercher à
l’éviter et le fuir.
Et aussi d’arrêter de fuir les autres par peur d’un regard ou d’une parole
blessante qui lui rappelle ce qu’elle vit, ce qu’elle a vécu, ce qu’elle semble être
condamnée à être toute sa vie la femme samaritaine aux multiples maris celle
que tous méprisent.
Mais est ce qu’elle est réellement méprisée par tous? Peut-être pas. Puisque
quand elle appelle tous les habitants de la ville, ils la croient et viennent voir
Jésus. Il nous est dit « Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus
à cause des paroles de la femme qui rendait ce témoignage : Il m’a dit tout ce
que j’ai fait »
Et plus loin il nous est dit: « Ce n’est plus seulement à cause de ce que tu as dit
que nous croyons ». « Ce n’est plus seulement », cela veut dire qu’avant de
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faire ce saut personnel de la foi que tout croyant se voit amené à faire, les
habitants de la ville ont déposé leur foi dans cette femme samaritaine.
Une femme samaritaine, nous l’avons dit, qui n’osait pas se montrer, qui ne
voulait rencontrer personne. C’est à cette femme que les habitants de la ville
ont fait confiance dans un sujet aussi grave et crucial que l’identité du Messie.
Par cette confiance ils prouvent qu’elle fait partie de la communauté même si
elle n’en a pas conscience, même si son passé lui paraît être un obstacle
incontournable dans sa relation à autrui.
Nous pouvons nous même ployer sous des hontes qui ne sont des réalités que
pour nous même et qui nous coupent des autres.
La je dois faire une petite confession, j’ai un ami à Madrid que j’aime beaucoup,
nous avons partagé de très beaux moments ensemble, et pourtant cela faisait
trois ans que je n’avais plus de ces nouvelles. Au début je voulais l’appeler,
puis ensuite le temps est passé et j’ai eu honte de ne pas l’avoir fait, j’ai eu
tellement honte, que je n’ai plus osé. Il a fallu que j’aille en Allemagne, voir un
ami que nous avons en commun pour que j’arrive à dépasser cette honte et que
nous l’appelions ensemble. Il était vraiment heureux de m’entendre autant que
moi de l’entendre. Et je me suis dit que de temps de gâché à cause d’une honte
qui n’était que mienne, puisqu’il ne m’a pas reproché de ne pas l’avoir appelé, il
voulait juste savoir comment j’allais.
Tout cela pour dire que nous portons le poids de notre passé qui est réel mais
que parfois ou peut-être même souvent nous rajoutons à ce poids quelques
pierres en plus.
Ces pierres que nous ajoutons au poids de notre passé ne sont pas quelques
galets ramassés au bord de la rivière mais des grosses pierres bien lourdes de
celles qu’on utilise pour bâtir des usines ou construire des ponts. Du béton
armé.
Nous oublions souvent égarés par la question « que vont-ils penser de moi ? »,
que le passé si gros, si menaçant à nos yeux, peut ne pas être si important aux
yeux d’un autre. Et le passé, la honte que nous voulons absolument cacher aux
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autres au prix parfois de nous écarter d’eux est passé et le passé n’existe plus,
et n’existera probablement jamais.
Il est intéressant que la femme Samaritaine qui définit le Messie comme celui
qui annoncera toutes choses, le reconnaisse en Jésus car il lui a dit ce qu’elle a
fait.
Dans notre propre rencontre avec le Christ aussi le passé et l’avenir se
télescopent. Passé dont nous portons les traces et dont nous voudrions nous
séparer, avenir que nous voudrions sans le manque présent, ce manque qui fait
que nous ayons toujours soif. Passé, Avenir, Présent d’une rencontre qui nous
renvoie à nous-mêmes et aux fantômes avec lesquels nous nous battons,
Souvent il suffit qu’un autre nomme ces fantômes pour que ceux-ci
disparaissent et nous nous retrouvions simplement, bêtement nous-mêmes.
Femme parmi les femmes, homme parmi les hommes, ni plus bête ni plus
intelligent mais faisant partie simplement de la communauté humaine dont nos
fantômes nous avait coupés.
Et le retour dans la communauté humaine peut être plus simple que ce que
nous avions pensé d’une simplicité extrême. Quelques mots, une confiance qui
a toujours été là et la femme Samaritaine reprend sa place comme source de
bénédiction car peut-il y avoir une plus grande bénédiction que de rencontrer le
Seigneur ?
Nous sommes tous des sources de bénédiction. Il se peut que certaines
actions, ou certaines faiblesses nous fasse croire le contraire. Nous fassent
penser que nous ne sommes pas dignes de parler au gens ou du moins pas sur
un pied d’égalité, et nous nous cachons, nous n’osons pas. Jésus vient alors
pour nous dire à l’heure la plus improbable de notre vie alors que nous nous
identifions à notre échecs, à nos défaillances ou simplement à nos fantômes :
Jésus nous dit « je connais toute la vérité sur toi, et c’est toi que j’ai choisi
comme source d’émerveillement et de bénédiction pour toute les personnes qui
habitent ta ville, toi qui à tes yeux est si méprisable que tu fuies le regard des
autres »
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Toi.
Ayons confiance, chacune et chacun de nous. Cette parole nous est destinée,
nous qui sommes, nous a dit Jésus le sel de la terre, ne laissons pas l’image
que nous voudrions donner de nous-mêmes, notre peur ou notre désespoir
quand elle nous échappe, les fantômes de la honte avoir emprise sur nous.
Car la vie de chaque personne que nous croisons est illuminée par notre
présence. Ne doutons pas marchons à la rencontre des autres.
Que le Seigneur nous accompagne dans notre cheminement, pour que nous
sachions nous défaire de la défiance, surtout par rapport à nous même, pour
nous mettre à l’écoute de la volonté de Dieu pour chacun et chacune d’entre
nous comme incendiaires du feu d’amour dont le Seigneur veut embraser la
terre.
Amen
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