Sous-traitance plus onéreuse : étude de cas
Transcription
Sous-traitance plus onéreuse : étude de cas
Sous-traitance plus onéreuse : étude de cas MINISTÈRE DES TRANSPORTS SOUS-TRAITANCE CHRONIQUE Du réinvestissement routier à l’accroissement de la sous-traitance Au début des années 2000, le besoin de réinvestir substantiellement dans l’amélioration et la conservation des infrastructures routières se fait urgent. Alors que les investissements routiers étaient à hauteur de 968 millions $ en 2003-2004, ils ont atteint un sommet de 3 620 millions $ en 2010-2011, soit près de quatre fois plus1. Maintenant, une telle embellie dans les investissements routiers devait-elle fatalement se traduire par une hausse encore plus considérable des contrats de construction et de services octroyés par le MTQ ? Bien sûr que non. Une partie substantielle des mandats associés à ces nouveaux investissements aurait dû être exécutée par du personnel du MTQ, diminuant d’autant les risques de collusion, de corruption ou d’infiltration du crime organisé autour de l’octroi et de la gestion des contrats publics en construction. En fait, pendant que les investissements routiers quadruplaient au MTQ dans la dernière décennie, le graphique 1 nous apprend que la sous-traitance y était multipliée par cinq. Graphique 1 : valeur des contrats de construction et de services octroyés par le MTQ2 Pour la dernière année où nous disposons d’un portrait statistique complet – grâce à la Commission Charbonneau –, soit 2011-2012, le MTQ a confié 5 966 fois à un tiers le soin de réaliser une opération de construction ou une prestation de services dont il était responsable, alors que Transports Québec n’avait octroyé que 1735 contrats de cet ordre en 2003-20043. 1 Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, « Travaux routiers du MTQ –Portrait du marché », <https://www.ceic.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/centre_documentaire/Piece_130P1552.pdf> , 2014. 2 Le graphique 1 a été élaboré à partir de données extraites des deux références suivantes : Ministère des Transports du Québec, « Nombre et valeur des contrats de 5 000 $ et plus octroyés par le ministère des Transports selon le mode d’octroi du contrat, exercices financiers 1997-1998 à 2012-2013 », https://www.ceic.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/centre_documentaire/Piece_4P-46_02.pdf, 2012 ; Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, « Travaux routiers du MTQ –Portrait du marché », op. cit. 3 Ministère des Transports du Québec, « Nombre et valeur des contrats de 5 000 $ et plus octroyés par le ministère des Transports selon le mode d’octroi du contrat, exercices financiers 1997-1998 à 2012-2013 », op. cit. Quelque 6000 contrats de sous-traitance par année, cela représente en moyenne plus de 16 nouveaux contrats par jour… SURCOÛTS DE LA SOUS-TRAITANCE AU MTQ Rémunération globale Dans un rapport de 50 pages portant sur la sous-traitance au MTQ, déposé en 2010 au bureau du Vérificateur général du Québec (VGQ) ainsi qu’à l’Unité anticollusion4, le SFPQ a déjà démontré que la rémunération globale des emplois de l’industrie de la construction dans le secteur « génie civil – voirie » était en moyenne supérieure aux emplois comparables au MTQ, dans les proportions suivantes : supérieure de 69 % p/r à la rémunération globale des emplois ouvriers au MTQ; supérieure de 70 % p/r à la rémunération des emplois techniciens au MTQ. Scellement de fissures De même, dans une présentation intitulée « Bilan scellement de fissures 2011-2012 » produite par la Direction territoriale de Chaudière-Appalaches du MTQ, à la diapositive nommée « Les avantages de la régie », on indique ceci : « coût largement inférieur (moyenne 35 %)5 ». Aux économies directes de 35 % par rapport à ce qui serait payé aux sous-traitants, s’ajoutent par ailleurs des réductions de coûts en fait de préparation de devis et de surveillance du chantier. Pourtant, le SFPQ a appris au printemps 2015 que le scellement de fissures ayant été exclu du « plan d’affaire » du MTQ par sa direction, cette activité qui était surtout réalisée par des équipes de Transports Québec sera confiée en sous-traitance dans la plupart des directions territoriales dès l’été 2015, voire complètement bradée en 2016. Admission gouvernementale des surcoûts En fait, même le gouvernement du Québec a déjà concédé publiquement que la sous-traitance au MTQ était globalement beaucoup plus coûteuse que le travail de ses employés. Lors du dévoilement des actions concertées du gouvernement pour renforcer la lutte contre la collusion et la corruption, en octobre 2011, la présidente du Conseil du trésor, madame Michelle Courchesne, avait ainsi indiqué que l’embauche de 970 équivalents temps complet (ETC) et une réduction concomitante de la sous-traitance allaient permettre au MTQ de faire de substantielles économies récurrentes6. Lors de cette annonce, on précisait que l’embauche de 719 ETC au Ministère pour la reprise d’activités en sous-traitance coûterait 61,7 millions $, contrairement à 199,3 millions $ si ces activités était faites en sous-traitance7. Le surcoût de la sous-traitance représente donc ici de 57,6 millions $, soit 93 %. 4 Syndicat de la fonction publique du Québec, Sous-traitance au ministère des Transports du Québec, 2010. Ministère des Transports du Québec, Direction de la Chaudière-Appalaches, « Bilan scellement de fissures 2011-2012 », 2012. 6 Mélissa Guillemette, « Lutte contre la corruption: Québec dévoile son plan », Le Devoir, vendredi 21 octobre 2011, p. A3. 7 Données de l’annonce ministérielle colligée dans : Groupe de travail sous comité sur la sous-traitance en ingénierie MTQ, SFPQ, SPGQ, APIGQ, « Analyse de la sous-traitance en ingénierie au ministère des Transports du Québec dans cinq créneaux d’activités Projet – Version du 20 février 2013 », <http://apigq.qc.ca/down/1035.pdf>, p. 64 5