Radio : l`écriture parlée

Transcription

Radio : l`écriture parlée
Pierre Poullier
L’ÉCRITURE RADIO
Le flash, le journal,
le billet
RADIO : L’ÉCRITURE PARLÉE
Verba volant…
La radio est toute volatilité, c’est le média de l’instant. Cette fugacité des
mots impose à l’auditeur d’être là, d’accompagner pas à pas, sous peine de
perdre le fil. Le journaliste radio crée lui-même un rythme qu’il impose à
l’auditeur, sans possibilité pour lui de le modifier, comme un lecteur peut le
faire en lisant plus lentement ou en reprenant plus haut. Le journalisme
radio doit donc privilégier ce contact instantané. Et il le doit d’autant plus
que l’auditeur lui-même est volatile, son attention est fugace et le public est
hétérogène !
Conséquence : l’intelligibilité doit être absolue, à chaque moment. La clarté
et la simplicité priment sur les effets de style, la formule doit s’imposer d’ellemême sous peine d’être rejetée. En l’absence de tout autre support à la
parole, ce qui est entendu par l’auditeur doit aller de soi, se développer
progressivement. L’écriture pour la radio joue davantage sur la contiguïté, la
connivence de phrase en phrase, en évitant les incises ou les parenthèses
trop longues. La juxtaposition des phrases doit faire sens par elle-même, les
liens logiques sont suggérés plus qu’explicites, l’écriture est avant tout
linéaire.
Bref, le journaliste radio s’impose une attention toute spéciale à la lisibilité
particulière d’une langue qui doit avoir le naturel et la fluidité du langage
oral tout en étant précise et économe comme l’écrit. Il s’agit d’adopter une
langue parlée, mais sous une forme écrite, plus concise, l’écrit parlé.
Parler à quelqu’un
L’auditeur est un être solitaire. Le journaliste radio, même lorsqu’il parle à
tous, s’adresse à chacun d’eux, en particulier. Le contact par la voix
privilégie cette relation invisible, intime, de personne à personne. Le ton et
l’écriture doivent être personnels, jamais déclamatoires, sous peine de
sonner faux. La proximité, le naturel, une certaine forme de connivence
s’imposent contre l’emphase. Et ce travail commence dès l’écriture du billet,
de la chronique, du flash ou du journal. La présentation sera d’autant plus
efficace et naturelle que l’écriture est limpide. Le journaliste radio doit en
permanence donner non seulement à entendre, mais aussi à voir, à palper, à
ressentir les choses. D’où l’importance des mots énoncés, qui doivent
évoquer la réalité le plus fidèlement possible.
Bref, le journaliste radio fuit les préambules, les précautions oratoires,
l’accumulation des détails; il va à l’essentiel, il écrit à l’économie; il échappe
au vernis des mots, il doit parler juste, être percutant et naturel. Il parle à
quelqu’un; il dit, il ne lit pas !
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EDITER ET PRÉSENTER
UN FLASH, UN JOURNAL
Le journal radio s’inscrit dans la continuité de l’information. Les grandes
éditions se succèdent régulièrement dans la journée, sur un rythme
classique : matinée, mi-journée, début de soirée, soirée… Ces grandes
éditions sont entrecoupées de flashes. Cette alternance entre journaux et
flashes n’est pas immuable et dépendra en grande partie du type de radio.
Une radio toute info proposera plus de journaux qu’une généraliste ou
qu’une radio musicale. Cela dit, la distinction entre journal et flash peut être
édictée de la manière suivante :
-
Le flash prend en compte une période de temps limitée (souvent une
heure), privilégiant l’instantanéité, tout en assurant un suivi des
informations clés. Le flash est court. Le flash est le refuge
d’informations délaissées par le journal (anecdotes).
-
Le journal prend en compte une période de temps plus étendue
(plusieurs heures, voire une journée), privilégiant le développement et
la durée, en assurant aussi le suivi des informations clés. Le journal
est plus long, plus varié aussi dans son format. Il se concentre sur
l’essentiel, sur ce qui découle de l’intérêt public.
Pour un journal, on distinguera trois éléments-clés : la sélection des
informations (ou l’édition), la mise en page et la préparation de la
présentation.
La sélection
C’est une opération déterminante. La quantité d’informations est énorme,
alors que le temps d’antenne est, lui, strictement compté. L’élaboration d’un
journal implique donc un tri sévère. On ne retient que les évènements
importants. Les infos intéressantes, mais qui s’adressent à des publics plus
restreints feront au mieux l’objet d’un traitement « en bref ». La sélection est
permanente, au fur et à mesure de l’arrivée des infos. En pratique, les
équipes de rédaction décident les grands sujets à retenir, et corrigent ensuite
le tir, en ajoutant et en retirant des sujets.
Les critères pour la sélection de l’information peuvent varier selon les média,
mais on peut les résumer en un mot : la proximité. La proximité peut être
temporelle ou spatiale. Il s’agit de la nouveauté d’une information et de sa
localisation par rapport à l’auditeur. Elle peut aussi être plus subtile et
dépendre, par exemple, de la célébrité des personnes dont il est question, de
son aspect spectaculaire, voire insolite... En pratique, il faut toujours se
demander si l’information aura des conséquences sur les auditeurs. C’est ce
qu’on peut appeler l’intérêt public.
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La mise en page
Il s’agit ici d’agencer les sujets choisis et de leur attribuer à chacun un
temps déterminé. Il faut d’abord choisir la « une », l’information que l’on
désire mettre en valeur. Il faut ensuite construire le journal, en lui donnant
la forme la plus logique possible, de manière à ce que l’écouter aille de soi.
En la matière, chaque radio a ses propres règles. Mais pour l’essentiel, il
s’agit de retenir le public le plus large possible, en fonction de l’intérêt de
l’information. C’est pourquoi, en règle générale, le journal s’ouvre sur le plus
important, le plus fort, le plus neuf et se termine par ce qui n’intéresse
qu’une fraction réduite du public, même si ce public est passionné.
Pour la mise en page proprement dite, la meilleure méthode est sans doute
celle de l’enchaînement automatique de la conversation. Elle ne correspond
pas forcément au partage en chapitres par regroupements géographiques ou
par « type » d’information (politique, sociale, économique, internationale,…)
Les logiques sont multiples. Un grave accident de la route peut précéder ou
suivre la publication des chiffres annuels de sécurité routière; la hausse des
chiffres du chômage amène une séquence sur la restructuration d’une
entreprise; un attentat au Proche-Orient peut s’enchaîner avec l’annonce de
mesures nationales pour lutter contre le terrorisme…
Lors de la mise en page, on veillera aussi à varier le type de traitement
sonore de l’information, pour rythmer le journal et le rendre agréable.
La présentation
Le présentateur accompagne l’auditeur au fur et à mesure du développement
du journal. C’est lui qui raconte la journée. Il faut donc tenir l’auditeur en
éveil, veiller à l’ « accrocher » jusqu’à la fin du journal. D’où l’importance du
ton et d’un style naturel. Il raconte l’information, plus qu’il ne la lit. Il est
important qu’il relise les textes qu’il prépare ou qu’on lui prépare. Il veille
aussi à l’introduction et à la sortie du journal, c’est à ces moments-là qu’il
introduit une relation de proximité avec chacun de ses auditeurs…
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LE BILLET RADIO
Le cadrage, l’angle
Il s’agit de définir son idée maîtresse, de résumer et de préciser avec le
maximum de pertinence le problème abordé. Le billet peut être purement
factuel, il peut être descriptif, il peut aussi s’attarder sur un aspect
particulier d’une problématique.
Le cadrage ne sera pas lu à l’antenne, c’est un outil pour le journaliste. Il
sert de fil conducteur, donne une orientation précise au billet. En règle
général, à la fin du chapeau, l’orientation précise du billet est connue.
Le cadrage permet de répartir plusieurs sujets en radio, à partir d’une
nouvelle importante, soit simultanément, soit en étalant les sujets dans le
temps.
La structure
Avant de se mettre à rédiger, un travail préalable s’impose. Il faut trier,
traiter l’information brute, choisir ce que l’on retient pour mettre
l’information en valeur. Ce choix est déjà en grande partie délimité par le
cadrage. C’est d’abord une question de bon sens, il faut déterminer
l’essentiel, l’utile, l’accessoire et l’inutile.
Une technique de travail souvent utilisée est celle de l’entonnoir renversé. Le
discours académique classique situe d’abord la question et pose les termes
d’un problème, son origine, ses acteurs… Ici, on ira à l’essentiel en prenant
pour commencer, dès le chapeau, l’élément déterminant, c’est-à-dire le plus
important ou le plus neuf. On développe ensuite les autres éléments
d’information en travaillant en expansion. Plusieurs méthodes sont utilisées,
on retiendra les deux plus courantes : partir de l’essentiel en développant
des éléments de plus en plus accessoires ou sélectionner deux ou trois
thèmes-clés, en y rattachant les informations utiles.
Le chapeau
Le chapeau (ou amorce ou attaque) est destiné à capter l’attention de
l’auditeur. Il doit faire comprendre à l’auditeur de quoi on parle, préciser
l’angle. Il doit en même temps donner l’essentiel de l’information. Le chapeau
accroche l’auditeur pour l’entraîner ensuite dans l’histoire qu’on va lui
raconter. Concrètement, c’est un court texte lu par le présentateur du
journal pour « lancer » le billet.
L’amorce contient ce qu’il y a d’important, de significatif, de neuf dans une
info. En radio, ce n’est pas un résumé de ce qui suit, mais un lancement.
Chapeau et billet doivent se répondre et non se répéter.
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Il faut aussi éviter les amorces « coquilles vides » qui annoncent une
information sans en donner le contenu. Exemple : « Important conseil des
ministres aujourd’hui » ! Vous ne dîtes rien de l’info, rien qu’on ne sache
déjà. Par contre, « Le gouvernement décide une réforme des retraites pour les
femmes : leur carrière sera calculée sur 45 ans, comme pour les hommes »
est plus pertinent pour l’auditeur, l’information est « pleine ».
En bref, en qualité d’un bon chapeau sont :
1. donner l’élément-clé de la nouvelle
2. introduire dans un univers, avec certains éléments indispensables
pour comprendre le contexte, situer l’information dont il est question
(qui, où, quand,…)
3. être concis et concret, et si possible imagé.
Le billet
L’élément important de l’info est déjà donné. Quelques éléments de contexte
sont déjà fixés. Le billet développe alors une information précise, complète et
simple sur l’évènement. Il faut ensuite se mettre dans la peau d’un conteur :
structurer le récit pour raconter dans les détails, donner à voir et à entendre
jusqu’à la finale. Il n’existe pas de formule magique, applicable à tous les
billets, mais vous devez répondre à toutes les questions que pourrait se
poser un auditeur (que se passe-t-il, où, quand, comment, pourquoi,…) en
n’oubliant jamais les éléments de contexte qui permettent aux auditeurs de
comprendre une histoire que le journaliste connaît mais qu’eux ne
maîtrisent pas forcément.
La chute met un point final au billet. Elle peut le ponctuer par une « leçon »
(en évitant la morale ou la moralisation) ou par une « ouverture ».
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Juin 2005
CENTRE DE FORMATION AU JOURNALISME ET AUX MEDIAS
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