Introduction L`intensivisme

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Introduction L`intensivisme
論薩德侯爵的倫理學的基礎
Introduction
La question du fondement de la morale a entraîné un grand débat d’idées opposant
les philosophes des Lumières aux apologistes. Il semble que Sade ait participé à ce débat
contemporain dans son œuvre, car on constate qu’il condamnait avec rage la morale
chrétienne. Si les problèmes moraux sont les plus discutés et condamnés chez lui, il est
d’autant plus indispensable de dévoiler son fondement éthique expliquant son goût de
l’excès et de la cruauté. La problématique de notre recherche réside ainsi dans ces
suggestions primordiales : en quoi consiste l’éthique de Sade ? Quelle relation singulière
Sade immoraliste entretient-il avec la philosophie des Lumières ? L’originalité de sa
pensée éthique n’entrerait-elle pas en contradiction avec celles de ses prédécesseurs et de
ses contemporains ? Ne révélerait-elle pas une crise morale à la fin du siècle des
Lumières ? Dans cet article, nous aborderons les racines de la morale du marquis dans
une triple perspective : l’intensivisme, l’isolisme et l’antiphysisme.(1)
L’intensivisme : vivre intensément
Le choc des atomes nerveux
Jean Deprun appelle l’intensivisme l’«idéal du plus grand choc donné ou reçu».(2)
Le choc, équivalent de la vibration et de l’ébranlement, engendre le plaisir et le bonheur.
Qu’est-ce que le choc ? Quel est son rapport avec le plaisir ? Comment s’allie-t-il au
crime et au vice ?
Saint-Fond, scélérat infâme de l’Ancien Régime dans Juliette, a convaincu Juliette
que la force des plaisirs de la lubricité ne résulte que du plus grand ébranlement possible
du système nerveux.(3) Il lui a expliqué ensuite le rapport dialectique entre le choc et le
plaisir :
« Le plaisir n’est que le choc des atomes voluptueux, ou émanés d’objets
voluptueux, embrasant les particules électriques qui circulent dans la
concavité de nos nerfs. Il faut donc, pour que le plaisir soit complet, que le
choc soit le plus violent possible.» (Juliette, t.VIII, p.329.)
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La formule-«pour que le plaisir soit complet, que le choc soit le plus violent possible»,
semble bien être ici une profession de foi du plaisir. Nous trouvons de nouveau dans Les
120 journées de Sodome une définition semblablement physiologique du plaisir comme
«choc des atomes voluptueux». Le Duc de Blangis est convaincu que le plaisir naît de la
commotion violente produisant une vibration à la masse des nerfs :
«Il sentit qu'une commotion violente imprimée sur un adversaire
quelconque rapportait à la masse de nos nerfs une vibration dont l'effet,
irritant les esprits animaux qui coulent dans la concavité des nerfs, les
oblige à presser les nerfs érecteurs, et à produire d'après cet ébranlement
ce qu’on appelle une sensation lubrique.» (Les 120 journées de Sodome,
p.23.)
Dolmancé, grand scélérat libertin, affirme quant à lui qu’il s’agit seulement, pour se livrer
à la volupté, d’«ébranler la masse de nos nerfs par le choc le plus violent.» (La
Philosophie dans le boudoir, p.127.) De même, Clément, moine de l’abbaye de
Sainte-Marie-des-Bois, conçoit que «l'émotion de la volupté n'est autre sur notre âme
qu'une espèce de vibration produite.» (Justine, p.267.) Il s’ensuit que le plaisir relève du
domaine physiologique. Plus le choc est fort, plus le plaisir est grand et vif. Ce plaisir est
donc proportionnel au degré de la vibration qui le produit. En somme, c’est à la recherche
du dernier degré de la volupté que Sade esquisse son intensivisme idéal.
Du point de vue de l’histoire des idées, l’idéal intensiviste du marquis est
incontestablement lié au matérialisme électrique. Jean Molino a indiqué dans son article
«Sade devant la beauté» que «c’est l’époque où l’on commence à employer les termes
électriques dans le sens métaphorique, signe de l’extension progressive d’un schéma
d’explication qui triomphera au début du XIXe siècle.»(4) Pour le marquis, écrivain
matérialiste, c’est la vibration du fluide nerveux qui engendre le choc assurant la
jouissance physique et morale de l’homme.
Quant au fluide nerveux, il serait composé d’esprits animaux. Sarmiento, «européen
cannibalisé», explique à Sainville la théorie des esprits animaux comme point d’appui de
sa théorie de la physiologie et de la volupté :
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«On appelle esprits animaux, ce fluide électrique qui circule dans les
cavités de nos nerfs ; il n'est aucune de nos sensations qui ne naisse de
l'ébranlement causé à ce fluide ; il est le siège de la douleur et du plaisir ;
c'est, en un mot, la seule âme admise par les philosophes modernes.
Lucrèce eût bien mieux raisonné, s'il eût connu ce fluide, lui dont tous les
principes tournaient autour de cette vérité sans venir à bout de la saisir.»
(Aline et Valcour, p.575.)
Il n’est pas étonnant de remarquer que Sade, avec certains physiologistes de son temps,
ait assimilé l'influx nerveux au fluide électrique. A l’origine, c’est le fluide électrique qui
détermine l’homme au vice ou à la vertu. Mme Delbène le révèle en ces termes :
«Tous les effets moraux tiennent à des causes physiques auxquelles ils sont
irrésistiblement enchaînés [...] De certaines dispositions de nos organes, le
fluide nerval plus ou moins irrité par la nature des atomes que nous
respirons [...] déterminent un homme au crime ou à la vertu.» (Juliette,
t.VIII, p.25.)
Pour obtenir la jouissance physique ou morale, il suffit donc d’une vibration qui irrite les
esprits animaux. Michel Delon a démontré que la vulgarisation de l’idée d’électricité est
un phénomène à la mode au temps de Sade et que cette idée d’énergisation semble alors
permettre de rendre compte des phénomènes moraux :
« L’électrisation est donc une énergisation du monde qui permet à la pensée
matérialiste de rendre compte des phénomènes moraux et à la pensée
spiritualiste de montrer la matière animée par le dynamisme moral. »(5)
Jean Molino a signalé pour sa part que Sade accorde au modèle électrique une
signification plus profonde et plus originale, en assimilant la décharge électrique au
symbole même de l’existence humaine, suite de «moments discontinus et d’éclatements
instantanés.» (6)
Pour conclure, l’intensivisme s’inscrit dans une démarche de recherche, il est
justifié par sa finalité : atteindre à l’instant d’extrême intensité.
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L’excès : extrême intensité
Selon Sade, le plaisir n’est engendré que par la force du choc. Les questions
suivantes se posent alors : comment l’excès est-il représenté? Quelle est sa fonction dans
la représentation de l’énergie? Quel est le lien entre l’excès et le sentiment d’existence?
Chez le marquis, c’est toujours l’excès qui détermine la volupté. Juliette réfléchit
sur l’extrême désir en déclarant : «Avec une imagination comme la mienne, il ne s’agit
pas de ce qui répugne, il n’est question que de ce qui est irrégulier et tout est bon quand il
est excessif.» (Juliette, t.VIII, p.227.) Autrement dit, ce qui est excessif pourra conduire
l’homme au bonheur. De même, Clément, vis-à-vis de Justine, défend son système de
philosophie en affirmant que «le bonheur n’est que dans ce qui agite, et qu’il n’y a que le
crime qui agite : la vertu, qui n’est qu’un état d’inaction et de repos, ne peut jamais
conduire au bonheur.» (La Nouvelle Justine, p.683.) C’est-à-dire que l’inertie écarte l’être
humain du bonheur. Le plaisir ne peut exister sans l’irritation du vice. Défendant le même
point de vue, Sade affirme dans Les 120 journées de Sodome que «le vice était seul fait
pour faire éprouver à l'homme cette vibration morale et physique, source des plus
délicieuses voluptés.» (p.22.) Le vice, tel un magicien qui fait naître les plus délicieuses
voluptés, crédite davantage l’excès des passions.
Comment l’excès assure-t-il à l’homme la jouissance suprême ? La violence exercée
contre autrui apporte d’emblée une «commotion violente» entraînant une vibration
nerveuse chez le libertin. (ibid., p.23.) Sous la plume de Sade, l'argumentation sensualiste
dérive ainsi vers la recherche de ce qui nous émeut le plus fortement. Par la bouche de
Clairwil, le marquis n’hésite pas à déclarer que «l’inflammation causée sur le fluide
électrique par le rapport des objets extérieurs […], vient décider l’habitude au bien ou au
mal.» (Juliette, t.VIII, p.266.) De ce fait, l’échelle du mal est constituée de trois catégories.
En premier lieu, avec un rythme crescendo, si les objets extérieurs pénètrent avec
violence et vitesse dans les «particules du fluide nerveux», les effets de cette pénétration
sur la sensibilité déterminent l’homme au «vice». En second lieu, si l’action est encore
plus forte, elle l’entraînera au «crime». Dans la dernière phase, elle le conduira aux
«atrocités», si la violence de son effet est à son paroxysme. (ibid., p.266.) Et le meurtre,
emblème de la cruauté sadienne, représente justement le «dernier excès de la volupté.»
(Juliette, t.IX, p.343.) Il s’ensuit que le paroxysme d’excès amène les libertins sadiens à la
jouissance la plus délicieuse. Sade reconnaît par là que «c’est dans les excès qu’existent
les plaisirs.» (ibid., p.114.)
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En définitive, l’excès garantit non seulement le plaisir et le bonheur, mais il nous
fait également sentir notre existence, dans la mesure où nous sommes choqués par la
violence la plus forte. Il est indéniable que c’est en ce sens que Sade revient
inlassablement sur la dialectique de l’excès et du choc. A bien des égards, l’intensivisme
du marquis dont la thèse d’excès fut primordialement discutée avait pour finalité d’élargir
au maximum l’existence de l’être humain. En ce qui concerne le rapport de l’intensivisme
avec le bonheur, selon Robert Mauzi, «être heureux, c’est donc être remué, éprouver la
vie non comme une trame uniforme ou une surface tranquille, mais comme une suite de
mouvements et de chocs, dont la surprise et la violence nous grisent. C’est par le
mouvement seul que l’âme est avertie de son existence. C’est dans l’extraordinaire,
l’insolite, l’inattendu que l’on vit vraiment.»(7)
L’isolisme : l’égocentrisme
A la différence de l’intensivisme qui est un emploi particulier de J. Deprun,
l’isolisme est au contraire un néologisme de Sade.(8) J. Deprun estime que l’isolisme est
«l’équivalent moral de ce qu’est le solipsisme en théorie de la connaissance, la
perspective d’après laquelle autrui n’est pas pour moi un partenaire, un alter ego, mais
forme tout au plus l’instrument de mes plaisirs.»(9) Comment l’homme, interroge J.
Deprun, en l’absence de sanction surnaturelle, disciplinerait-il ses instincts?(10) Nous
aborderons donc l’isolisme du marquis sous trois angles : l’égoïsme absolu, tyranniser les
autres comme moyen de se plaire et la complicité.
L’égoïsme absolu
L’égoïsme absolu est le premier aspect de l’isolisme du marquis. En fait, dans tous
ses écrits, Sade ne cesse de prêcher une théorie de l’égoïsme absolu en proclamant que
«l'égoïsme est la première des lois de la Nature, la plus juste et la plus sacrée.» (La
Nouvelle Justine, p.431.) Si nous respectons la loi de la Nature, il nous faut suivre les
penchants de l’instinct, c’est-à-dire agir avec égoïsme.
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Le romancier constate que c’est par égoïsme que l’homme évite de se détruire, car
le libertin égoïste ne pense qu’au rapport entre lui et le monde extérieur, tout dans son
propre intérêt. Dans tous les conflits aigus avec autrui, les libertins sadiens sont prêts à
sacrifier le prochain pour se sauvegarder. Maurice Blanchot a souligné l’impétuosité de
cet égoïsme absolu en disant que «l’homme de l’égoïsme absolu ne peut jamais tomber
dans le malheur.» (11)
Par ailleurs, si les égoïstes sont puissants, rien n’est plus aisé que de justifier leur
facilité à se tirer des maux, car comme l’a révélé M. Blanchot, «l’homme souverain est
inaccessible au mal, parce que personne ne peut lui faire de mal ; il est l’homme de toutes
les passions, et ses passions se plaisent à tout.» (12) Le puissant ne peut donc atteindre le
dernier degré de bonheur sans l’égoïsme absolu, considéré comme un endurcissement du
cœur qui lui permet de tout faire. Ainsi Sylvestre, moine bénédictin, assure-t-il à toutes
ses victimes la suprématie de l’égoïsme :
« Si l'égoïsme est la première loi de la raison et de la Nature ; si bien
décidément, nous ne vivons et n'existons que pour nous ; nous ne
devons donc avoir de sacré que ce qui nous délecte.» (La Nouvelle
Justine, p.805.)
De même, Dom Sévérino, supérieur de l’abbaye de Sainte-Marie-des-Bois, accentue
l’aspect le plus frappant de cet égoïsme dévorant :
«Il y a une vérité terrible à prononcer ici, [...] c’est qu’une seule goutte de
notre sang vaut mieux que tous les ruisseaux de sang que les autres
peuvent verser; d’après cela il n’y a jamais à balancer quand, pour
conserver cette goutte, nous en ferions couler des torrents.» (ibid., p.623.)
Si la théorie de l’égoïsme absolu s’accomplit dans la représentation d’un
individualisme extrême, il est vrai qu’il sera un suprême commandement pour devenir un
vrai libertin réfléchi et qu’il donnera à celui-ci l’autorisation de tout faire. De là, Tzvetan
Todorov a estimé que Sade est le premier franc «individualiste» et en même temps le plus
extrême dans la tradition française.(13) Lester G. Crocker a remarqué de son côté que
l’«autisme» du marquis implique une «expansion au-delà des limites normales du soi, ou
du moins, son exaltation à son épanouissement.»(14)
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Un moyen de se plaire : tyranniser les autres
Le deuxième aspect de l’éthique de Sade ressort des moyens de se procurer le plaisir.
Cet aspect s’exprime par le principe que le sort des autres est toujours d’intérêt nul dès
qu’il s’agit de notre bien-être. Si Sade qualifie de «fraternité ridicule» l’alliance qu’il
observe en l’homme de «la faiblesse et la superstition», c’est qu’il place au plus haut
l’absence chez un individu de ces deux traits. (La Nouvelle Justine, p.431.) Bressac
expose dans toute son étendue cet absolutisme de l’égoïsme:
« Se rendre heureux, abstraction faite de toute considération de quelque
espèce qu’on puisse la supposer, est, en un mot, la seule et unique loi que
nous impose la Nature. » (ibid., p.493.)
D’un point de vue égocentrisme, tyranniser les autres revient donc à se livrer à la
jouissance à leurs dépens. Mme Delbène, première initiatrice de Juliette au libertinage,
refuse l’obligation morale aussi enfantine qu’absurde- «ne pas faire aux autres ce que
nous ne voudrions pas qu’il nous fût fait». Elle enseigne à l’héroïne ce précepte unique du
plaisir : «C’est précisément tout le contraire que la Nature nous conseille, puisque son
seul précepte est de nous délecter, n’importe aux dépens de qui.» (Juliette, t.VIII, p.60.) A
l’en croire, c’est en brisant tous les freins moraux que les libertins sadiens peuvent se
procurer sans contrainte la jouissance la plus délicieuse. Plus précisément, c’est avec ce
précepte- «nous délecter, n’importe aux dépens de qui» que Sade s’efforce de ridiculiser
ce que nous nommons la vertu. Georges Bataille a repris à son compte que « l’isolement
moral signifie la levée des freins.» (15) Pourtant, ce genre de plaisir n’appartient qu’aux
hommes forts.
Pour le marquis, les forts sont souvent liés au despotisme : «Tous les hommes
tendent au despotisme», car celui-ci est «le premier désir que nous inspire la Nature.»
(Juliette, t.VIII, p.306.) Exalté par la caractéristique tyrannique, Sade affirme ainsi que
«la plus grande dose de bonheur possible consistera donc dans le plus grand effet du
despotisme et de la tyrannie.» (ibid., p.306.) D’où il développe son principe du bonheur :
«L’homme le plus dur, le plus féroce, le plus traître et le plus méchant, sera
nécessairement le plus heureux.» (ibid., p.306.) Mais il s’agit ici d’un despotisme
physique et moral, expurgé de tout cadre politique.(16) Par conséquent, c’est sur le
despotisme que Sade constitue son royaume de cruauté et de tyrannie, où domine la
supériorité de l’homme puissant. La Dubois prêche sans cesse que les hommes ne sont
pas nés égaux : les forts écrasent et tyrannisent les faibles :
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«L'égoïsme est la première des lois de la Nature, la plus juste, la plus
sacrée, sans doute : n'apercevons jamais dans les autres que des individus
faits pour nos passions ou pour nos caprices.» (La Nouvelle Justine,
p.431.)
Saint-Fond proclame également que «le premier et le plus vif penchant de l’homme est
incontestablement d’enchaîner ses semblables et de les tyranniser de tout son pouvoir»
(Juliette, t.VIII, p.305.) ; puis il ajoute que «la destruction, le mal et l’oppression sont les
premiers penchants que la nature a gravés dans nos cœurs.» (ibid., p.305.) Noirceuil,
libertin infâme, insiste par ailleurs sur la loi naturelle selon laquelle l’autre n’existe que
comme serviteur de nos passions. (17) Sade conclut enfin que «la cruauté [...] est le premier
sentiment qu’imprime en nous la nature.» (La Philosophie dans le boudoir, p.129.)
Puisque la cruauté est le premier sentiment de l’homme, il devient naturel de constater
que les héros sadiens se procurent leurs plaisirs dans la pratique de la cruauté en
opprimant leurs prochains.
Il semble que la cruauté soit une sorte d’énergie et qu’elle s’épanouisse dans son
expansion la plus large. Pour se livrer complètement à la cruauté, il suffit de savoir a
priori comment couper le lien de tous genres avec ses semblables afin d’endurcir son
cœur. C’est-à-dire demeurer dans une indifférence absolue, qui peut nous paraître comme
une solitude affective :
«Me voilà nul à tous les événements de la vie, insensible à tous les
sentiments de l’âme ; toutes ses affections s’émoussent autour de moi, je
demeure étranger à toutes ; ce doux présent de la nature, ce cœur principe
de mon existence, est déjà glacé dans mon sein, impassible à l’amour, à la
haine, à l’espoir. Des battements de ce cœur automatisé ne sont plus que
les mouvements de la pendule qui me prépare au néant.» (La Marquise de
Gange, t.XI, p.278.)
La cruauté dont le fondement est l’insensibilité est susceptible d’ouvrir à l’isolisme.
Les héros sadiens ne pensent qu’à donner libre cours à leurs désirs, à s’adonner à la
jouissance. Pour satisfaire leurs penchants, ils n’hésitent pas à nuire à leur prochain. La
deuxième caractéristique de l’isolisme consiste dans le fait de considérer son prochain
comme objet de plaisir.
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La complicité
Quels liens subsistent-ils entre les individus dans la pensée sadienne ? Puisque le lien
de fraternité est chimérique, le lien que Sade conçoit est alors celui de la complicité,
même provisoire.
Aux yeux du marquis, la complicité est une relation fragile et non contractuelle. Elle
est passagère et superficielle. Elle naît du besoin, jamais de l’affection : elle sera rompue
dès que possible. C’est une complicité des passions qui rassemble les libertins : elle
s’explique par la pratique de l’orgie ou du crime. Ainsi se rapprochent respectivement les
quatre moines de l’abbaye de Sainte-Marie-des-Bois et les quatre libertins du château de
Silling. La complicité des passions se révèle surtout au long des scènes érotiques les plus
perverses, où sont mis en jeu bourreaux et victimes.
Si contrat il y a entre les libertins sadiens, ce sera à l’image du fameux proverbe «jamais entre eux ne se mangent les loups», lequel traduit en effet une «probité des roués.»
(La Philosophie dans le boudoir, p.116.) Tel est l’unique et le meilleur type de contrat qu’un
libertin sadien puisse conclure. Clairwil dit à Juliette : «Il est certain que la nature nous a
créées l’une pour l’autre !...va, nous serons inséparables.» (Juliette, t.IX, p.414.)
Il n’en est pas moins vrai que la puissance de la complicité peut s’effacer face à la
traîtrise et à la défaillance : le meilleur exemple est l’épisode du Vésuve des aventures de
Juliette. Celle-ci et Clairwil, lasses de leur complice Olympe, décident de l’immoler en la
précipitant dans le cratère. (18) A propos de cet épisode, Philippe Roger a signalé que dans
la Révolution française comme dans la fiction romanesque de Sade, la société criminelle
n’est pas imposée par l’impossible réalisation d’un lien de fraternité chimérique, mais par
«l’officialisation et la valorisation de la complicité criminelle».(19) De cette valorisation
découlerait une fraternité sanglante et meurtrière.
Il est évident que la complicité joue un rôle important dans la pensée éthique
sadienne, tout comme l’a remarqué Philippe Mengue, «le thème de la complicité forme le
centre de la pensée éthique de Sade dans ce qu’elle a de plus fort et de plus beau.»(20)
Selon l’analyse que Gilles Deleuze a donné du contrat et de l’institution dans son rapport
au masochisme et au sadisme, il convient de dire qu’en refusant le contrat, Sade esquisse
un univers où la relation entre les individus est tout à fait institutionnelle.(21) Par ailleurs,
en rejetant la réciprocité chrétienne, Sade bouleverse radicalement l’éthique du
christianisme. C’est en ce sens que Philippe Mengue a affirmé que c’est de cette force de
complicité que le récit sadien se veut investi. (P. Mengue, p.249.)
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L’antiphysisme
Si l’isolisme consiste à exalter l’absolutisme de l’individualité, l’antiphysisme
défend toutes les sensualités jugées coupables ou anormales par les moralistes ou les
hommes d’Eglise.(22) En effet, l’idée directrice de l’antiphysisme tend à nier la bonté de la
Nature. Pour Rousseau, l’homme est naturellement bon. Pourtant, Sade ne partage pas la
croyance tenace de beaucoup de ses contemporains en la bonté native de l’être humain. A
l’inverse de son temps, en codifiant la méchanceté naturelle de l’homme, il rejette à
plusieurs reprises la suggestion chimérique de l’auteur du Discours sur l’origine et les
fondements de l’inégalité parmi les hommes. Il est probable que le marquis avait envie de
créer sa propre conception de la Nature. Faire l’analyse de l’antiphysisme du marquis
présuppose deux angles d’approche : l’apologie de l’amour non-conformiste ou de la
sodomie et la Nature présentée comme maîtresse de crime.
L’apologie de l’amour non-conformiste
Sur le plan de l’apologie de l’amour non-conformiste, Sade défend d’abord la sodomie
qui a été condamnée comme péché et immoralité, tant dans le registre religieux que dans le
registre moral. La Bible condamne à plusieurs reprises les rapports homosexuels ; elle les
associe parfois à l’idolâtrie.(23) L’autorité catholique réaffirme sans cesse cette
condamnation en associant l’homosexualité au refus de Dieu et au désordre. La morale
catholique considère que dans la mesure où Dieu a créé des finalités naturelles, c’est
s’opposer à sa volonté que de les enfreindre par un usage désordonné de la faculté sexuelle.
De ce fait, la sodomie et l’homosexualité sont inéluctablement regardées comme un grand
mal : celui qui commet ce genre de mal est absolument un scélérat qui doit être brûlé.
Pourtant, Sade, croyant que «la sodomie est générale par toute la terre»(24), s’efforce de lui
donner une nouvelle valeur en s’appuyant sur le double critère de l’utile et de l’agréable.
Sur le critère de l’utile, en évitant la propagation, la sodomie lui semble la meilleure façon
de pratiquer la contraception. Il l’affirme par la bouche du Pape Pie VI : «Mais le plus utile,
sans doute, sont ceux qui troublent le plus, tels que le refus de la propagation ou la
destruction.» (Juliette, t.IX, p.176.) Loin d’être un égarement monstrueux, l’article 26 des
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Statuts de la Société des Amis du Crime montre clairement que «la propagation n’est
nullement l’esprit de la Société ; le véritable libertinage abhorre la progéniture ; la Société
le réprime donc.» (Juliette, t.VIII, p.406.) Sur le plan de l’utilité, Sade, en attaquant la
procréation, fait l’éloge de l’effet contraceptif de la sodomie ; d’autre part, sur le plan
sensuel, il tend à démontrer que le plaisir produit par la sodomie est plus grand que celui du
coït normal. Justifiée par la haine de la propagation, «la sodomie sadienne, remarque M.
Hénaff, se donne d’abord à lire comme valeur démonstrative et polémique, comme pratique
méthodique de destitution de l’impératif de reproduction.»(25) La pratique de la sodomie
bouleverse l’amour conformiste, car les différences du masculin et du féminin s’y annulent
dans l’identité de l’anus.
Au fond, quelle est la vraie signification morale de la sodomie? Du point de vue de la
transgression, c’est dans l’intention de briser tout ce qui s’oppose au désir sexuel que Sade
envisage de nier les normes morales et les liens sociaux fondamentaux, car la procréation
légitimée par le mariage qui jouait un rôle primordial perd désormais son importance.
L’inceste, en tant que négation de l’amour conformiste, joue un rôle plus radical
encore que la sodomie. En analysant le sens de réciprocité et d’échange dans la société
primitive, Lévi-Strauss a indiqué dans ses Structures des élémentaires de la parenté que la
caractéristique fondamentale de la prohibition de l’inceste symbolise le passage de la
Nature à la Culture : elle interdit et défend. Il écrit :
«La prohibition de l’inceste n’est pas seulement [...] une interdiction : en même
temps qu’elle défend, elle ordonne. La prohibition de l’inceste, comme
l’exogamie qui est son expression sociale élargie, est une règle de
réciprocité.»(26)
Puis, il a précisé que «le contenu de la prohibition n’est pas épuisé dans le fait de
prohibition : celle-ci n’est instaurée que pour garantir et fonder, directement et
indirectement, immédiatement ou médiatement, un échange.» (ibid., p.65.) C’est
précisément à l’ensemble des structures liées à la prohibition de l’inceste que Sade
s’attaque. Selon l’analyse de Lévi-Strauss, la réciprocité qui explique la prohibition de
l’inceste n’est jamais un attribut des héros sadiens, puisque l’homme sadien est un
homme solitaire qui refuse toute forme de relations avec autrui : c’est là que Sade
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dénonce le système qui en dépend. A lever la prohibition de l’inceste, l’éthique chrétienne
risquerait de s’effondrer.
D’ailleurs, dans le registre familial, il paraît que l’inceste sadien est paradoxal. D’un
côté, il brise tous les liens de famille(27) ; et de l’autre côté, il les resserre.(28) Dans le
pamphlet «Les Français, encore un effort, si vous voulez être républicains», l’inceste a
pour but de consolider les liens des patriotes(29) ; alors que dans Eugénie de Franval,
l’inceste aboutit à la destruction radicale de la famille. La rupture de l’interdit conduit à la
destruction de la hiérarchie familiale, car la fille devient la maîtresse de son père et
remplace sa mère. Malgré toute son ambiguïté, Sade ne cesse de diviniser l’inceste qui est
d’«instruction humaine et divine». (Aline et Valcour, p.834.) Il semble avoir l’intention
de théoriser l’inceste dans son rapport avec le plaisir et proclame dans La Nouvelle
Justine que la jouissance incestueuse est d’autant plus piquante que la parenté du
partenaire est proche :
«Doublons, triplons donc ces incestes tant que nous pourrons, sans rien
craindre ; et plus l'objet de nos désirs nous appartiendra de près, plus
nous aurons de charmes à en jouir.»(30)
Au fond, pourquoi Sade exalte-t-il tant l’inceste et la sodomie? Ainsi que l’adultère,
la bestialité et le meurtre? Pouvons-nous trouver le vrai amour chez lui ? Ne serait-ce pas
un amour charnel, jamais un amour proprement dit? En effet, face à sa démarche
matérialiste, Sade a réduit tous les phénomènes à cette simple cause : tout est objet. Si
nous considérons les partenaires de plaisir comme objets, il n’y aura pas de différence
entre le coït légitime et le coït illégitime, car l’identité du partenaire est absolument
ignorée. Il n’est pas nécessaire de lier le fait d’aimer à celui de jouir.(31) Dans la
perspective de la négation, l’inceste se donne comme la rupture de l’interdit la plus
radicale et la transgression la plus violente. Du point de vue de la paternité, Pierre
Klossowski a justifié que «la sodomie et l’inceste, Sade les exalte comme les attributs de
la paternité : le père doit briser les chaînes conjugales qui l’empêchent de jouir
physiquement de ses enfants : aucune loi naturelle ne s’oppose pourtant à cela.» (32)
En définitive, au terme de notre investigation, il semble bien que Sade a trouvé dans
l’exaltation de l’inceste et de la sodomie une force de négation de tout principe moral et
social. Béatrice Didier a relevé cette force de négation : «L’inceste chez Sade est
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論薩德侯爵的倫理學的基礎
finalement une des formes les plus efficaces de la négation. [...] L’inceste permet de nier à
la fois l’ordre social et l’ordre religieux.»(33) Si l’inceste est conçu chez le romancier
comme une sorte de rupture du lien social, il aboutira à coup sûr à l’anarchie, au désordre
et au triomphe de l’isolisme. Dans la relation du plaisir et de l’inceste, le dernier est
exalté, perpétré, maintenu et communiqué afin de multiplier et d’intensifier le premier. Au
nom de la Nature, Sade revendique la liberté absolue qui est entravée dans les chaînes des
règles sociales. A l’écart de la fatalité et de la honte, il est plutôt «glorieux, conscient,
voulu, s’accompagne de voyeurisme, où l’érotisme trouve son compte, tout autant que la
force de négation de tout principe moral et social.» (ibid., p.39) Enfin, il discrédite toutes
les vertus des moralistes chrétiens et fonde son propre système éthique. Si nous
envisageons le devenir historique de l’homme, selon G. Bataille, Sade est le premier qui
ose associer les désirs sexuels que sont l’érection et l’éjaculation à la transgression de la
loi.(34) L’inceste n’est plus un tabou pour Sade, car c’est de la Nature même qu’il a reçu
tous ses penchants. Par contre, si tabou il y a, il vaut mieux que les libertins s’affirment
contre l’interdit. G. Bataille a remarqué qu’«il n’y aurait pas d’érotisme s’il n’y avait en
contrepartie le respect des valeurs interdites.» (ibid., p.243.) C’est justement l’interdit
seul qui peut conférer une valeur érotique à l’objet que nous tentons d’outrager. Tel est le
sens de l’apologie de l’amour non-conformiste.
La Nature : maîtresse des crimes
De tout ce qui précède, il ressort que Sade, au nom de la Nature, rejetait les valeurs
morales chrétiennes. Des questions se posent alors : quelle est la Nature sadienne?
Qu’est-ce qui pousse l’homme au vice?
Nous avons vu, en premier lieu, que la Nature que Sade conçoit n’est pas une Nature
bienfaisante. Elle se caractérise au contraire par la destruction. Elle est en effet un
principe d’écroulement, de meurtres, de massacres. Son précepte est : il faut détruire pour
reconstruire. Dans cette perspective, le meurtre est une façon efficace de reproduire de
nouvelles formes. Sade l’appelle ainsi «transmutateur». (Justine, p.189.) Juliette, en
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淡江人文社會學刊【第五期】
expliquant le rapport de la sodomie avec la Nature, insiste sur le fait que la Nature est
destructrice :
«Les lois de l’homme, toujours dictées par l’égoïsme, n’ont pas le sens
commun sur cet objet, et que celles de la Nature, bien plus simples, bien
plus expressives, doivent nécessairement nous inspirer tous les goûts
destructeurs d’une population, qui, la privant du droit de recréer les
premières espèces, la maintient dans une inaction qui ne peut que déplaire
à son énergie.» (Juliette, t.IX, p.87.)
Se pose ensuite la question de ce qui entretient le mouvement éternel de la Nature :
Sade est profondément convaincu que c’est son insatiable appétit de destruction qui
toujours lui permet de reproduire. Il en vient à affirmer l’aspect criminel de la Nature :
«Ce n’est que par des forfaits que la Nature se maintient.» (ibid., p.582.) C’est surtout
d’une Nature criminelle que s’inspire toute l’éthique de Sade. Dans La Nouvelle Justine,
après son analyse sur la Nature destinée à nuire aux hommes, Almani expose le résultat
de son observation :
« Le motif qui m’engage à me livrer au mal est né chez moi de la profonde
étude que j’ai faite de la Nature. Plus j’ai cherché à surprendre ses secrets,
plus je l’ai vue uniquement occupée de nuire aux hommes. Suivez-la dans
toutes ses opérations ; vous ne la trouverez jamais que vorace, destructive
et méchante. »(35)
Plus d’une fois, Sade affirme que la Nature ne s’achève que par le meurtre(36) et
qu’elle détruit insensiblement et horriblement.(37) Selon les «lois profondes de l’équilibre»
(Juliette, t.IX, p.582.), il y a autant de destruction négative que de destruction positive.
Dans La Philosophie dans le boudoir, Dolmancé présente bien cette loi de compensation :
« Le meurtre n’est point une destruction, celui qui le commet ne fait que
varier les formes ; s’il rend à la Nature des éléments dont la main de cette
Nature habile se sert aussitôt pour récompenser d’autres êtres. » (p.108.)
Le mouvement destructeur/créateur est ainsi garant de l’équilibre de l’univers et entretient
son dynamisme permanent.
Force est de constater que la Nature, dans l’ensemble de l’œuvre de Sade, est
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論薩德侯爵的倫理學的基礎
criminelle et qu’elle est de surcroît maîtresse de tous les vices. Tel est le sens de
l’antiphysisme selon lequel les libertins sadiens expliquent la volonté de maîtriser
absolument leur corps et la relation criminelle et destructrice entre l’homme et la Nature.
Conclusion
En guise de conclusion, il semble établi que l’éthique de Sade est un immoralisme.
Sa doctrine est en totale contradiction avec l’idée défendue à la fois par les philosophes et
les apologistes réunis pour une fois dans la même opinion : le bonheur ne s’édifie que
dans la vertu. Il nie tout autant l’universalisme moral des Lumières que la morale
chrétienne. Si son immoralisme dépend de la science du mal qui postule la supériorité du
vice sur la vertu et la méchanceté de la Nature, il convient de dire que de cette science
découlera un immoralisme de transgression et de négation. Sur la question du fondement
de la morale, Sade apparaît donc comme un anti-Helvétius, un anti-Voltaire, un
anti-d’Holbach, et en somme, comme un philosophe s’opposant aux Lumières.
Sade incarnerait l’échec de l’éthique des Lumières. Tout comme le relève L. G.
Crocker, «les conséquences radicales extrêmes de la pensée métaphysique et éthique de
l’athéisme du dix-huitième siècle furent atteintes dans l’œuvre du marquis de Sade, dont
la place importante dans la pensée de ce temps a été honteusement négligée.»(38) Il va de
soi que l’originalité de l’éthique du marquis réside dans le fait qu’il invoque le code
naturel pour justifier son rejet du code social, et surtout pour fonder son immoralisme. En
tant que révolte prométhéenne, son éthique est une éthique de rupture, de renversement et
d’inquiétude. Dans cette perspective, il semble que Sade ait été le premier phare le plus
brûlant, le plus éclairant des anti-Lumières. Et de cette éthique d’excès et de cruauté
pourrait peut-être procéder le sadisme au sens moderne du terme.
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Notes :
(1) Notre étude doit beaucoup à l’article éclairant de Deprun, J. (1967). Sade et le
Rationalisme des Lumières. Raison présente, 3, pp.75-90. Voir aussi (1983). Sade et
l’abbé Bergier. Raison présente, 67, 5-11.
(2) Voir Deprun, J. (1967). Sade et le rationalisme des Lumières. Raison présente, 3, 81.
(3) «Celui qui veut connaître toute la force, toute la magie des plaisirs de la lubricité,
doit se bien convaincre que ce n’est qu’en recevant ou produisant sur le système
nerveux le plus grand ébranlement possible, qu’il réussira à se procurer une ivresse
telle qu’il la lui faut pour bien jouir.» (Juliette, t.VIII, p.329)
(4) Molino, J. (1968). Sade devant la beauté. Le Marquis de Sade (p.146, note 40).
Paris : Colin.
(5) Delon, M. (1988). L'idée d'énergie au tournant des Lumières (p.180). Paris : PUF.
(6) J. Molino, op. cit., p.148.
(7) Mauzi, R. (1994). L’idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au
XVIIIe siècle (p.124). Paris : Albin Michel.
(8) «L’isolisme m’effraie ; je le regarde comme un fléau.» (Voir Aline et Valcour, p.
577.) «Justine, deux fois repoussée dès le premier jour qu’elle est condamnée à
l’isolisme.» (Les infortunes de la vertu, p.7.) C’est nous qui soulignons.
(9) Deprun, J. (1967), op. cit., p.81.
(10) Deprun, J. (1983). Sade et l’abbé Bergier. Raison présente, 67, p.7.
(11) Blanchot, M. (1986). Sade et Restif de La Bretonne (p.22). Bruxelles : éd. Complexe.
(12) ibid., p.30.
(13) Tzvetan, T. (1998). Le jardin imparfait. La pensée humaniste en France (p.44). Paris :
Grasset et Fasquelle.
(14) Crocker, Lester G. (1980). Au cœur de la pensée de Sade. Thèmes et figures au
siècle des Lumières. (p.69) Mélanges offerts à Roland Mortier, édités par Raymond
Trousson, Genève : Droz.
(15) Bataille, G. (1957). L'Érotisme (p.190). Paris : éd. de Minuit.
(16) «Nous espérons que nos lecteurs éclairés nous entendront et ne confondront point
l’absurde despotisme politique avec le très luxurieux despotisme des passions de
libertinage.» (La Philosophie dans le boudoir, p.260, Note.)
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(17) Noirceuil proclame : «La première loi, d’ailleurs, que je trouve écrite au fond de
mon âme, n’est pas d’aimer, encore moins de soulager ces prétendus frères, mais de
les faire servir à mes passions.»(Juliette, t.VIII, p.175.) Et c’est à Juliette de
reprendre la philosophie de Saint-Fond et de couronner l’égoïsme comme roi de
l’homme : « Et qu’importe le prochain, quand il est question de soi ! Si trois
millions ne devaient pas, en les immolant, vous procurer une volupté plus vive que
celle de faire un bon dîner, [...] il n’en existe aucune entre vous et les trois millions
de victimes.» (ibid., t.IX, p.49.)
(18) Juliette, t.IX, p.416.
(19) Roger, P. (1976). Sade : la Philosophie dans le pressoir (p.165). Paris : Grasset.
(20) Mengue, P. (1996). L’ordre sadien. Loi et narration dans la philosophie de Sade
(p.249). Paris : éd. Kimé.
(21) Deleuze écrit : «C’est le sadique qui pense en termes de possession instituée, et le
masochiste en termes d’alliance contractée. La possession est la folie propre du
sadisme, le pacte celle du masochisme.» (voir Deleuze, G.(1976). Présentation de
Sacher-Masoch (p.20. Cf. pp.18-25). Paris : éd. de Minuit.) D’après lui, les libertins
eux-mêmes communiquent de deux façons : par des contrats (celui qui lie Juliette à
Saint-Fond est très minutieux)ou par des pactes : celui que concluent Juliette et
Clairwil est empreint d’une amitié vive, enflammée.
(22) Dans l’essai de reconstitution du plan des Journées de Florbelle, Sade voulait
entreprendre un savant Traité de l’antiphysique. (voir O.C., t.XV, p.52.) Gilbert Lely
explique que l’antiphysique désigne la sodomie hétérosexuelle et homosexuelle et la
tribadie. (voir Vie du marquis de Sade, O.C., t.II, p.605.)
(23) voir Genèse, XVIII et XIX ; Lévitique, XVIII et XX ; Juges, XIX ; Sagesse, XIV ;
Romains, I ; I Corinthiens, VI)
(24) Il a ajouté qu’«il n’est pas un seul peuple qui ne s’y livre ; par un grand homme qui
n’y soit adonné.» (Juliette, t.VIII, p.183.) En se vantant de son érudition historique
et géographique, Sade démontre que les vertus sodomites sont dignes d’être
célébrées : « Il n’y a pas un seul coin sur la terre où ce prétendu crime de sodomie
n’ait eu des temples et des sectateurs. » (voir La Philosophie dans le boudoir, p.161.)
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淡江人文社會學刊【第五期】
(25) Hénaff, M. (1978). Sade. L'invention du corps libertin (p.263). Paris : PUF.
(26) Lévi-Strauss, C. (1949). Les structures élémentaires de la parenté (pp.64-65). Paris :
PUF.
(27) Dans la note XXXVII des Cent onze notes pour La Nouvelle Justine, Sade a noté
que «l’inceste justifie brisement de tous les liens de famille / on prouve que rien
n’est moins respectable.»(O.C., t.VII, p.440.)
(28) «Il établit plus d'union dans les familles, il en double et resserre les liens.»(Voir
Aline et Valcour, p.834.)
(29) Dolmancé proclame : «L’inceste devrait être la loi de tout gouvernement dont la
fraternité fait la base.» (La Philosophie dans le boudoir, p.230.)
(30) La Nouvelle Justine, p.902. Il nous paraît intéressant de trouver une autre formule
quasiment identique dans La Philosophie dans le boudoir : «Doublons, triplons donc,
sans rien craindre, ces délicieux incestes, et croyons que plus l’objet de nos désirs
nous appartiendra de près, plus nous aurons de charmes à en jouir.» (p.106.)
(31) Sade écrit : «Il me paraît, encore une fois, que c’est une chose très différente que
d’aimer et que de jouir, et que non seulement il n’est pas nécessaire d’aimer pour
jouir, mais qu’il suffit même de jouir pour ne pas aimer.» (Juliette, t.VIII, p.248.)
(32) Klossowski, P. (1967). Sade mon prochain (pp.183-184). Paris : Seuil.
(33) Didier, B. (1976). Inceste et écriture. Sade : une écriture du désir (p.39). Paris :
Denoël/Gonthier.
(34) G. Bataille note : « Mais personne avant lui n’a saisi le mécanisme général associant
les réflexes que sont l’érection et l’éjaculation à la transgression de la loi. Sade
ignora la relation première de l’interdit et de la transgression, qui s’opposent et se
complètent. Mais il franchit le premier pas. Ce mécanisme général ne pouvait
entièrement devenir conscient avant que la conscience - bien tardive - de la
transgression complémentaire de l’interdit ne nous imposât son enseignement
paradoxal. » (L’Erotisme (p.218), éd. de Minuit, 1957.)
(35) La Nouvelle Justine, p.778.
(36) ibid., p.778. «Etudiez-la, suivez-la, cette Nature atroce, vous ne la verrez jamais
créer que pour détruire, n’arriver à ses fins que par des meurtres, et ne s’engraisser,
comme le Minotaure, que du malheur et de la destruction de l’homme.»
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(37) Juliette, t.VIII, p.233. «Il n’est pas d’instant dans la journée, reprit Saint-Fond, où je
n’aie de leur (les hommes) nuire le dessein le plus véhément. [...] Ce qui me plaît,
c’est que la nature les abhorre tout autant que moi, car elle les détruit journellement ;
je voudrais avoir autant de moyens qu’elle de les anéantir sur la terre.»
(38) Crocker, Lester G. (1959). An Age of Crisis. Man and World in Eighteenth Century
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