Hervé GAYMARD Feuille de route pour l`alternance A deux ans de l
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Hervé GAYMARD Feuille de route pour l`alternance A deux ans de l
Hervé GAYMARD Feuille de route pour l’alternance A deux ans de l’élection présidentielle, il ne faut pas se laisser abuser par les bons résultats des élections municipales de 2014 et des élections départementales de 2015, car la météo électorale est la plus changeante de toutes les météos. Pour s’en tenir à l’histoire récente, la gauche était dans les plus basses eaux de son histoire en 1993. Cela n’a pas empêché Lionel Jospin, battu en 1993 dans une des circonscriptions les plus à gauche de France, d’être en tête au premier tour de l’élection présidentielle de 1995, et de réunir 47,4 % des voix au second tour. Et d’être premier ministre en 1997. En 2002, si Christiane Taubira et Jean-Pierre Chevènement n’avaient pas été candidats, et si Jacques Chirac n’avait pas rallié la majeure partie des centristes dès le premier tour, nous aurions eu un duel Jospin-Le Pen au deuxième. Pour 2017, nous n’avons donc pas le droit à l’erreur, d’autant plus que le Front National a connu une forte progression. Dans ce contexte, je voudrais illustrer trois lignes de force : 1. Incarner 2. Gagner 3. Gouverner I. - INCARNER Incarner, c’est tout simplement être soi-même, sereinement, avec toute la force que donne la volonté de bien servir la France. C’est d’abord refuser le terrorisme intellectuel des bien-pensants de gauche, bien connu, et des nouveaux bien-pensants du Front National. La gauche ne peut se défaire d’une forme d’arrogance intellectuelle, car elle se considère d’une essence supérieure, comme si n’être pas de gauche était une forme d’arriération mentale. Elle a complètement raté son rendez-vous avec le peuple, puisqu’une grande partie des classes populaires vote désormais pour le Front National. Elle est passée du « Temps des cerises » aux « Particules élémentaires » de Michel Houellebecq. Elle a cautionné ou entretenu une longue complaisance avec les pires dictatures, l’URSS, la Chine, le Cambodge et encore Cuba. Et pourtant, elle est toujours donneuse de leçon. Comme l’avait dit Giscard d’Estaing, « elle n’a pas le monopole du cœur », ni de la justice, et pas davantage de la solidarité, car ce sont les gaullistes qui ont toujours été au rendezvous des progrès sociaux depuis la seconde guerre mondiale1. La droite et le centre n’ont donc aucun complexe à avoir. Si l’histoire a un sens, elle leur a plutôt donné raison. 1En 1945, création de la Sécurité Sociale par le général de Gaulle ; revalorisation massive du minimum vieillesse à partir de 1961 ; ordonnances de 1967 sur la sécurité sociale et la participation aux fruits de l’expansion ; ordonnances de 1996 créant la loi de financement de la sécurité sociale, et réformant l’assurance-maladie et les hôpitaux ; lois de 1975, 1987 et 2005 pour l’égalité des droits des personnes handicapées. Mais il y a de nouveaux bien-pensants : les adeptes du Front National, leurs compagnons de route, et tous les « idiots utiles » pour reprendre l’expression de Lénine. Rien de plus contraire à la réalité que le slogan d’une « UMPS qui aurait failli depuis cinquante ans ». Pour s’en tenir à la période récente, rien de plus différent du quinquennat de Nicolas Sarkozy que celui de François Hollande. Quelques exemples. Nous avons rendu plus sévère l’octroi de l’Aide Médicale d’Etat aux étrangers en situation irrégulière, ils l’accordent à tout va ! En matière de politique pénale, Mme Taubira vide les prisons, alors qu’il faut construire des places ! Nous instituons une journée de carence pour les fonctionnaires, ils la suppriment ! Sans parler du « mariage pour tous ». C’est au contraire le Front National qui a repris le programme du parti communiste de la grande époque : promesses sociales non finançables, comme le retour à la retraite à soixante ans ; autarcie économique et sortie de l’Euro qui serait une catastrophe pour notre pays dont le tiers des emplois est lié à l’exportation de biens et services. Le Front National jouit enfin d’une étrange impunité. Ses électeurs aspirent, paraît-il, à une autre façon de faire de la politique, et on peut les comprendre. Mais la bonne réponse est-elle le FN ? Evidemment non. C’est d’abord un parti intrinsèquement népotique : le père, la fille, maintenant la petite-fille, et la famille à tous les étages ! L’admettrait-on d’un autre parti ? Le FN prône l’indépendance nationale, et il est financé par l’étranger. Il prône la proximité, et ses candidats, qui font rarement campagne, ne mettent même pas leurs visages sur leurs affiches, mais celui de Marine Le Pen. De la même manière qu’il ne faut pas se laisser culpabiliser par la gauche, il ne faut pas se laisser impressionner par le FN. C’est ensuite affirmer tranquillement nos valeurs : l’autorité, la liberté, la justice, la responsabilité, la responsabilité, le travail, l’effort, la laïcité. C’est enfin adopter le ton politique qu’attendent les Français. Nous vivons dans une société frénétique, avec une information continue et non hiérarchisée. Cela contribue à une exaspération et à un énervement généralisés et nourrit un climat anxiogène, dans lequel le politique n’est plus le maître du tempo. C’est une grossière erreur que de vouloir s’imposer dans cette ronde infernale, une illusion que de croire pouvoir la maîtriser. A jouer dans On achève bien les chevaux, on ne gagne jamais. L’homme d’Etat que les Français attendent est celui qui donnera le cap, et qui saura distinguer l’essentiel de l’accessoire. Les Français sont fatigués de la politique frénétique. II. – GAGNER Pour gagner, il faut réunir un certain nombre de conditions, qui peuvent paraître simples, voir simplistes, mais qu’on a parfois tendance à oublier. Première condition : la loi d’airain de la Vème République, avec un scrutin majoritaire à deux tours, est qu’il faut 50 % des voix plus une pour être élu. Cela veut donc dire qu’il faut s’adresser à tous les Français, et pas seulement à ce que l’on estime être le noyau dur de son électorat. C’est encore plus vrai avec la montée en puissance du Front National. Comme on l’a vu aux dernières élections départementales, il faut faire le gros tiers des voix au premier tour pour gagner au second tour. Il faut donc une union de la droite et du centre. C’est ce que n’a cessé de préconiser Alain Juppé, c’est ce que nous avons fait, et c’est pourquoi nous avons gagné. Deuxième condition :il faut s’adresser à tous les Français, et pas seulement aux adhérents des partis politiques. Moins d’un Français sur cent est membre d’un parti politique. Et même si les partis et leurs représentants tiennent le haut du pavé dans les médias, ils ne représentent pas la « France des profondeurs » comme disait de Gaulle. Ils ont même une très mauvaise image. Ils sont indispensables dans une démocratie, mais il ne faut pas surestimer leur influence. Troisième condition : le meilleur candidat est celui qui ne mobilise pas contre lui les abstentionnistes potentiels du camp opposé, car le vote de répulsion peut annuler le vote d’engouement. Quatrième condition : il faut un seul candidat de la droite et du centre, sélectionné par des primaires ouvertes et transparentes. C’est ce qui vient heureusement d’être décidé sans heurts et dans le consensus, et c’est une excellente nouvelle. Nous avons maintenant dix-huit mois pour convaincre nos compatriotes d’aller massivement voter pour les primaires de l’alternance. Cinquième condition : avoir un projet politique clair, séquencé, et hiérarchisé. C’est ce à quoi nous nous attelons. Deux sujets devront mériter une attention particulière : l’insertion de l’islam dans la laïcité à la française ; l’Europe. C’est au moment où la laïcité faisait l’objet d’un consensus de bon aloi que l’islam et ses manifestations extérieures sont venus la percuter, brouillant tous les repères et favorisant tous les amalgames. Non seulement cette religion inquiète car elle ignore l’heureuse séparation du politique et du religieux mais elle est associée dans l’esprit du public à l’immigration et l’amalgame est vite fait entre islam intégriste et population immigrée. En outre, les pratiques qu’elle introduit dans la vie quotidienne de la population, et qui peuvent envahir l’espace public, comme la façon de se vêtir (voile, burqa et niqab), les interdits alimentaires (obligation de consommer de la viande hallal), et les prières dans la rue, d’autant plus répandues qu’il y a moins de lieux de cultes, créent un trouble profond et suscitent des peurs faciles à entretenir. Relevons aussi une autre spécificitéfrançaise. La France laïque s’est longtemps considérée comme une « puissance musulmane», de la proclamation de Bonaparte en Egypte jusqu’à 1962. En 1946, Georges Gorse, futur député-maire de Boulogne-Billancourt, est même secrétaire d’Etat aux Affaires Musulmanes dans le gouvernement de Léon Blum ! La guerre d’Algérie a induit un refoulement durable, et des tête-à-queue politiques spectaculaires, au moment même où son règlement, à défaut de le favoriser, n’a pas empêché l’augmentation du nombre de citoyens français musulmans. Ainsi les partisans de « l’intégration » pour une Algérie française, qui aurait fait de la France un pays où les musulmans représenteraient 40 % de la population, sont-ils devenus les principaux contempteurs de l’islam.L’islam est donc devenu au fil des décennies la deuxième religion de France, sans avoir connu le « parcours national » des autres religions, du Concordat à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Elle n’a donc pas intégré la critique de ses propres convictions que provoque toujours la confrontation à l’autre. Que faire ? D’abord veiller au strict respect de la loi qui ne tolère aucun trouble à l’ordre public. Prendre au mot les responsables religieux musulmans qui affirment leur attachement à la laïcité et les inviter à travailler sans relâche pour rappeler ses exigences. Compter sur le profond désir d’une très grande majorité des Français musulmans de respecter ses règles qui sont les lois de la République. Combattre sans merci les fondamentalismes. Mais il ne faut pas toucher à la loi de 1905. Au Québec, où ont été pratiqués les « accommodements raisonnables » pour concilier les pratiques religieuses d’une immigration musulmane récente dans une société catholique traditionnelle brusquement déchristianisée il y a cinquante ans, on s’oriente aujourd’hui vers l’adoption d’une loi inspirée par la laïcité pour faire respecter la « neutralité de l’Etat ». Ce n’est pas à la République de s’accommoder aux religions, c’est aux religions d’accepter et de respecter le cadre républicain, et ses valeurs, comme la liberté de conscience, la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour ce qui concerne l’espace public, le législateur est intervenu par les lois de 2004 sur le voile, et de 2010 sur la burqa et la niqab. Dans les cantines scolaires, la variété des plats servis ne peut justifier que l’on impose de la nourriture hallal. Il est évidemment hors de question, dans les piscines publiques de prévoir des créneaux spécifiques pour les hommes et pour les femmes. La question des carrés musulmans dans les cimetières ne doit pas poser de difficultés. Il faut rappeler qu’il en existe déjà de nombreux depuis l’été 1944, quand les tirailleurs d’Afrique du Nord ont participé à la Libération de la France. La question la plus épineuse concerne la pratique du culte. Les musulmans de France ont le droit de disposer de lieux de culte, comme les autres religions, financés sur fonds privés, mais dont l’origine du financement doit être strictement contrôlée. La question de la formation des imams doit être abordée avec les interlocuteurs musulmans des pouvoirs publics, même si l’on sait leur faible représentativité intrinsèque, mais on peut s’interroger sur la pertinence et la faisabilité de l’intervention de l’Etat, pourtant souvent prônée dans ce domaine. Il y a vingt ans le cardinal Lustiger avait écrit: « Ce n’est pas en France que seront résolues les questions posées à l’islam, mais là où il est majoritaire. Et ce n’est pas au gouvernement français de créer un islam à la française. C’est se tromper de siècle que de rêver d’organiser des cultes comme Louis XIV ou Napoléon. »On butte toujours en effet sur la question de la représentativité des interlocuteurs des pouvoirs publics. Refusant la logique communautariste, nous ne voulons évidemment pas que les Français de confession musulmane élisent des représentants, ce qui introduirait une dimension fractionniste dans la nation française. Vigilance et fermeté, dialogue et défense intransigeante de la laïcité, telle doit être notre ligne de conduite. Il nous faut également reconstruire un discours, et imaginer une action réformatrice pour l’Europe. Devenue tellement impopulaire au point de porter tous les maux, y compris ceux qui résultent de notre propre défaillance, il faut réinventer un projet européen, loin de l’eurolâtrie béate, qui fait bailler et irrite tout le monde, et de l’europhobie crépusculaire, qui n’est évidemment pas la solution. Ce n’est pas le lieu aujourd’hui de développer ce point, mais c’est à n’en point douter un sujet politique majeur. III. – GOUVERNER C’est évidemment la question la plus importante. La France est en péril, et nous n’avons pas le droit à l’erreur. Les Français le savent. Et leur maturité est plus grande que celle de bien des hommes politiques. Il faut avoir dit avant l’élection ce que l’on fera. Quand on l’interroge sur les mythiques « cent premiers jours » du prochain quinquennat, Alain Juppé répond que ce qui lui paraît le plus important, ce sont les cent premiers jours avant l’élection. La période qui va aller de début décembre 2016, c’est-à-dire après la primaire, jusqu’au début de février est capitale. Le candidat désigné devra être l’artisan de l’union, réunir les équipes, et écrire avec précision son projet pour la France, qu’il défendra pendant ses dix ou onze semaines de campagne. Je pense que la primaire va nous permettre d’innover, et que nous pourrons prouver aux Français, avant le scrutin, ce que nous ferons réellement, grâce à la majorité sénatoriale qui va nous permettre d’avoir un « laboratoire de l’alternance ». Accordons nous sur deux ou trois réformes fondatrices. Menons à bien toutes les concertations avec les acteurs économiques, les partenaires sociaux et associatifs. Et adoptons en première lecture au Sénat au début de l’année 2016 ces propositions de loi emblématiques. Elles pourront être ainsi débattues et adoptées dans l’urgence par l’assemblée nationale dès les élections législatives, et être promulguées fin juillet-août. Le tunnel de l’été est en effet un piège mortel pour la crédibilité de la nouvelle équipe en place. Il faudra également déterminer les réformes qui pourront être adoptées par ordonnances, et celles qui nécessiteront la procédure référendaire. Il faut décider. Il est normal que les hauts fonctionnaires d’autorité, c’est-à-dire les directeurs d’administration centrale, les préfets et les ambassadeurs appliquent la politique du président nouvellement élu, et de la majorité qui le soutient. Il n’est donc pas choquant, mais naturel, et pour tout dire plus démocratique, que le nouveau gouvernement choisisse librement et rapidement, les femmes et les hommes qui auront la charge de mettre en œuvre cette nouvelle politique. Cela permettra de réduire les effectifs des cabinets ministériels qui ont connu une évolution inquiétante cette dernière décennie. Il faut associer le Parlement à cette nouvelle gouvernance, comme vient de le démontrer brillamment François Cornut-Gentille dans son livre Gouvernez !, car lui seul peut remettre en cause, par sa politique d’évaluation, les situations acquises et les corporatismes qui s’épaulent toujours pour que rien ne change. Il faut gouverner.Etablir des règles claires pour la cohérence de l’action du Président de la République et du Premier Ministre. Limiter le nombre de ministres, et cesser la pratique de ces remaniements incessants, qui ruinent la continuité de l’Etat, et donnent le pouvoir réel aux administrations au détriment des politiques. Créer en appui la fonction de « secrétaire d’Etat parlementaire » comme dans beaucoup de démocraties, pour des missions déterminées, pour aider les ministres dans leurs fonctions. D’ici là, le chemin va être long et parsemé d’embûches. La campagne des élections primaires ne doit pas être une querelle de chefs, mais la manifestation d’une grande maturité politique. Ce sera l’occasion pour notre électorat de signifier ses attentes, et pour nos candidates et candidats d’illustrer leurs capacités, leur inventivité et la capacité à fixer un cap serein et déterminé. L’organisation des élections primaires doit être irréprochable, et les règles récemment adoptées en sont les garantes. Après l’élection primaire, l’unité de tous derrière notre candidat est un impératif national. Et tout le monde devra soutenir le projet d’alternance qu’il portera. Voilà la simple feuille de route que nous devons suivre. H.G.