échelle De Dépendance à L?activité

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échelle De Dépendance à L?activité
L’Encéphale (2008) 34, 490—495
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MÉTHODOLOGIE
Étude confirmative de l’échelle de dépendance à
l’activité physique Exercise Dependence
Scale-Revised pour une population francophone
Confirmative study of a French version of the
Exercise Dependence Scale-Revised with a French
population
B. Allegre ∗, P. Therme
Laboratoire UPRES EA 3294 « sport, loisir, santé » et institut fédératif de recherche 107 « E.J. Marey », faculté des sciences du
sport, université de la Méditerranée (Aix-Marseille 2), 163, avenue de Luminy, 13288 Marseille cedex 9, France
Reçu le 13 juillet 2006 ; accepté le 8 août 2007
Disponible sur Internet le 26 décembre 2007
MOTS CLÉS
Addiction ;
Propriétés
psychométriques ;
Analyse factorielle
confirmatoire ;
Échelle de
dépendance à
l’activité physique
∗
Résumé Sur la base des critères diagnostiques de dépendance aux substances du DSM-IV
[American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 4th
ed. Washington, DC: American Psychiatric Association; 1994.], Hausenblas et Downs [Exercise
dependence: a systematic review. Psychol Sport Exerc 2002;3(2):89—123.] développent pour
une population anglophone, une échelle d’évaluation des symptômes de dépendance à l’activité
physique : l’Exercise Dependence Scale-Revised (EDS-R). Cette échelle est composée de sept
facteurs. L’objectif de cette étude est de confirmer la présence de ces facteurs pour une version
française de l’EDS-R [Factorial validity and psychometric examination of the exercise dependence scale-revised. Meas Phys Educ Exerc Sci 2004;8(4):183—201.]. La population étudiée est
composée de 516 participants, engagés à un semi-marathon (moyenne d’âge égale à 39,02).
L’analyse en composante principale réalisée sur la version française de l’EDS-R présente un
nombre de facteurs (six facteurs) différent de celui de la version originale (sept facteurs).
Cependant, les indices d’ajustement obtenus par une analyse factorielle confirmatoire montre
que le modèle original demeure le plus pertinent. Les alphas de Cronbach des sept facteurs sont
bons et présentent la version française de l’EDS-R comme une mesure valide de la dépendance
à l’activité physique pour une population francophone.
© L’Encéphale, Paris, 2007.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (B. Allegre).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2007.
doi:10.1016/j.encep.2007.08.004
Étude confirmative de l’échelle EDS-R pour une population francophone
KEYWORDS
Psychometric
properties;
Exercise dependence
scale;
Confirmatory factor
analysis
491
Summary
Introduction. — Since the first writings on excessive exercise, there has been an increased interest in exercise dependence. One of the major consequences of this increased interest has been
the development of several definitions and measures of exercise dependence. The work of Veale
[Does primary exercise dependence really exist ? In: Annet J, Cripps B, Steinberg H, editors.
Exercise addiction: Motivation for participation in sport and exercise.Leicester, UK: Br Psychol
Soc; 1995. p. 1—5.] provides an advance for the definition and measure of exercise dependence.
Background. — These studies have adapted the DSM-IV criteria for substance dependence to
measure exercise dependence. The Exercise Dependence Scale-Revised is based on these diagnostic criteria, which are: tolerance; withdrawal effects; intention effect; lack of control; time;
reductions in other activities; continuance. Confirmatory factor analyses of EDS-R provided support to present a measurement model (21 items loaded in seven factors) of EDS-R (Comparative
Fit Index = 0.97; Root mean Square Error of Approximation = 0.05; Tucker-Lewis Index = 0.96).
Aim of the study. — The aim of this study was to examine the psychometric properties of a
French version of the EDS-R [Factorial validity and psychometric examination of the exercise
dependence scale-revised. Meas Phys Educ Exerc Sci 2004;8(4):183—201.] to test the stability
of the seven-factor model of the original version with a French population.
Participants. — A total of 516 half-marathoners ranged in age from 17 to 74 years old (Mean
age = 39.02 years, ET = 10.64), with 402 men (77.9%) and 114 women (22.1%) participated in the
study.
Results. — The principal component analysis results in a six-factor structure, which accounts
for 68.60% of the total variance. Because principal component analysis presents a six-factor
structure differing from the original seven-factor structure, two models were tested, using
confirmatory factor analysis. The first model is the seven-factor model of the original version of the EDS-R and the second is the model produced by the principal component analysis.
The results of confirmatory factor analysis presented the original model (with a seven-factor
structure) as a good model and fit indices were good (X2 /ddl = 2.89, Root Mean Square Error
of Approximation (RMSEA) = 0.061, Expected Cross Validation Index (ECVI) = 1.20, Goodnessof-Fit Index (GFI) = 0.92, Comparative Fit Index (CFI) = 0.94, Standardized Root Mean Square
(SRMS) = 0.048). These results showed that the French version of EDS-R has an identical factor
structure to the original. Therefore, the French version of EDS-R was an acceptable scale to
measure exercise dependence and can be used on a French population.
© L’Encéphale, Paris, 2007.
Introduction
L’activité physique est généralement associée à des bénéfices à la fois physiologiques et psychologiques [18]. Des
études ont notamment montré que l’activité physique
permettait de diminuer les risques de maladies cardiovasculaires, d’ostéoporose, ou de diabète [6]. Une pratique
régulière a également un effet positif sur les dépressions et
sur l’anxiété [17]. Malgré ces bénéfices, l’activité physique
peut avoir des conséquences négatives sur la santé quand
elle est pratiquée trop intensément [5] et une dépendance
peut apparaître [15]. Ce type de dépendance se caractérise par des symptômes de manque [20], une poursuite de
l’activité physique malgré des blessures récurrentes [20,21]
ou une diminution des pratiques sociales [20,15].
Depuis la première mise en évidence de la dépendance
à l’activité physique [3], une grande variété de termes
et de définitions a été utilisée pour décrire ce type de
comportement : obligatory exercise [21] ; exercise abuse
[9] ; excessive exercise [1]. De même, l’évaluation de la
dépendance à l’activité physique inclut des méthodes qualitatives, comme l’entretien [8] ou l’analyse de cas [11] et des
méthodes quantitatives comme le questionnaire [16]. Toutefois, l’absence d’une définition consensuelle ainsi que la
variété des mesures rendent difficile les comparaisons entre
les études [4,12].
Afin de surmonter ces difficultés, des critères diagnostiques permettent d’évaluer la dépendance à l’activité
physique [4,20]. Ainsi, les critères diagnostiques de dépendance aux substances du Diagnostic and Statistical Manual
of Mental Disorder 4th ed. (DSM-IV) [2] peuvent être appliqués à l’activité physique [13]. Les critères diagnostiques
appliqués à l’activité physique sont les suivants : la perte de
contrôle, les effets d’intention, la continuance, le temps, la
réduction des autres activités, la tolérance et les symptômes
de manque (Tableau 1).
Sur la base de ces sept critères diagnostiques, Hausenblas et Downs [13] développent une échelle pour évaluer les
symptômes de dépendance à l’activité physique : l’Exercise
Dependence Scale (EDS). La validation de cette échelle a
été réalisée auprès de 2240 étudiants américains [13]. Au
regard des caractéristiques psychométriques, les auteurs
conclurent que l’EDS est une échelle valide de mesure de la
dépendance à l’activité physique. Les items de cette échelle
mesurent les trois grandes caractéristiques suivantes :
• les neuroadaptations (symptômes de manque et tolérance) ;
492
Tableau 1
B. Allegre, P. Therme
Critères diagnostiques de dépendance à l’activité physique d’après Hausenblas et Downs [13].
Tolérance
Symptôme de manque
Effet d’intention
Perte de contrôle
Temps
Réduction des autres activités
Continuance
Besoin d’augmenter la quantité de l’activité physique pour obtenir les effets désirés ; ou
une diminution de l’effet avec l’utilisation de la même quantité du produit
Symptôme de manque (anxiété, fatigue) ou utilisation de l’activité physique pour éviter
ces symptômes
L’activité physique est utilisée dans une plus grande quantité ou plus longtemps
qu’initialement prévu
Désir persistant ou effort infructueux d’arrêter ou de contrôler l’utilisation de l’activité
physique
Une grande partie du temps est passée pour obtenir l’activité physique
Les activités sociales, occupationnelles ou récréationnelles sont abandonnées ou réduites
pour cause d’utilisation de l’activité physique
Utilisation de l’activité physique malgré la connaissance d’avoir un problème physique ou
psychologique, qui est causé ou aggravé par l’exercice
• la perte de contrôle ;
• les conséquences négatives.
Une version révisée de l’Exercise Dependence Scale
(EDS-R) est ensuite développée [10]. Cette version révisée possède 21 items et mesure sept facteurs (trois items
par facteur). L’analyse factorielle confirmatoire valide
la structure à sept facteurs de l’EDS-R (Comparative
Fit Index = 0,97 ; Root Mean Square Error of Approximation = 0,05 ; Tucker-Lewis Index = 0,96). Ces sept facteurs
correspondent aux sept critères diagnostiques présentés
(i.e., tolérance, symptôme de manque, continuance, réduction des autres activités, emps, perte de contrôle et effet
d’intention). De plus, les corrélations test—retest à sept
jours sont bonnes (R = 0,95 ; rang des sous-échelle R = 0,75
à 0,95). Les alphas de Cronbach sont de 0,78 pour le facteur « tolérance », de 0,90 pour le facteur « symptôme de
manque », de 0,90 pour le facteur « continuance », de 0,82
pour le facteur « perte de contrôle », de 0,75 pour le facteur
« réduction des autres activités », de 0,86 pour le facteur
« temps » et de 0,89 pour le facteur « effet d’intention ».
Les auteurs conclurent de ces résultats que l’EDS-R est
une mesure valide de la dépendance à l’activité physique.
De futures recherches sont nécessaires pour tester cette
échelle auprès de populations plus diverses.
Ainsi, par ses fondements conceptuels et par ses propriétés psychométriques, l’EDS-R semble être une mesure
pertinente de la dépendance à l’activité physique. Cependant, il n’existe aucune échelle permettant d’évaluer ce
type de dépendance pour des populations francophones.
L’objectif de cette étude est donc de présenter les propriétés psychométriques d’une version française de l’EDS-R [10].
Ainsi, cette étude se propose de mesurer et d’évaluer la permanence des sept facteurs de l’échelle de Downs et al. [10]
pour la version française proposée.
Méthodologie
Travail préliminaire
Vallerand [19] préconise un travail préliminaire à toute validation d’échelle traduite consistant en différentes étapes.
La première étape consiste en l’élaboration d’une version
française préliminaire de l’EDS-R, avec la technique de
la double traduction. L’échelle originale est traduite en
une première version en langue française. Cette version
française est ensuite retraduite dans la langue originale de
l’échelle. La deuxième étape est la comparaison entre la
version originale et la version préliminaire retraduite. La
version préliminaire en langue française doit présenter le
même format, et les mêmes directives que la version originale de l’échelle. La dernière étape permet de vérifier
auprès d’un groupe de coureurs que les mots et les items
sont correctement compris.
Sujets
Cinq cent seize semi-marathoniens âgés de 17 à 74 ans
(M = 39,02, ET = 10,64), avec 402 hommes (77,9 %) et 114
femmes (22,1 %) participent à cette étude. La moyenne
d’âge pour les hommes est de 38,8 ans (ET = 10,67) et de
39,80 (ET = 10,54) pour les femmes. Tous les sujets sont
des participants du semi-marathon « Marseille—Cassis » et
sont approchés de manière aléatoire. Le questionnaire est
administré pendant le retrait des dossards et complété anonymement.
Questionnaire
Le questionnaire auto-administré est composé de trois parties.
La première partie du questionnaire recueille les informations suivantes : sexe, âge, poids, taille et temps total de
pratique dans la semaine (exprimé en minutes).
La seconde partie du questionnaire est une version
française de l’EDS-R [10]. Cette échelle est une évaluation multidimensionnelle des symptômes de dépendance
à l’activité physique. Elle comporte 21 items au total et
se compose des sept sous-échelles suivantes : « tolérance »,
« symptôme de manque », « continuance », « réduction des
autres activités », « temps », « perte de contrôle », « effet
d’intention ». Les participants indiquent leur approbation
sur une échelle de Likert de six points : de « jamais » [1]
à « toujours » [6]. Plus le score est élevé, plus le sujet est
dépendant à l’activité physique.
Étude confirmative de l’échelle EDS-R pour une population francophone
Analyse des données
Les données sont analysées avec Statistical Package for
Social Sciences (SPSS) pour les analyses factorielles exploratoires. L’analyse en composante principale est utilisée pour
identifier les facteurs. Les alphas de Cronbach sont calculés pour la totalité de l’échelle et pour chacun des facteurs
trouvés.
Les analyses factorielles confirmatoires ont été utilisées
avec LISREL 8,30 [14] pour évaluer les indices d’ajustement
des données aux différents modèles testés. Les indices
d’ajustements suivants ont été utilisés :
•
•
•
•
•
•
ratio X2 /ddl ;
root mean square error of approximation (RMSEA) ;
expected cross validation index (ECVI) ;
goodness-of-fit index (GFI) ;
comparative fit index (CFI) ;
standardized root mean square (SRMS).
Résultats
Analyse factorielle exploratoire de la version
française de l’EDS-R
La version française de l’EDS-R proposée est soumise à une
analyse factorielle exploratoire pour évaluer la saturation
des items sur les différents facteurs et pour déterminer
la variance expliquée par ces différents facteurs. Les facteurs sont soumis à une analyse en composante principale
Tableau 2
493
avec une rotation orthogonale. Les facteurs extraits ont une
valeur propre supérieure à 1,00. L’analyse en composante
principale (Tableau 2), basée sur 512 questionnaires complets, propose une solution à six facteurs expliquant 68,60 %
de la variance totale. Le pourcentage de variance expliquée
par chacun des six facteurs varie entre 14,47 % et 9,40 %.
Les alphas de Cronbach des différents facteurs varient entre
0,57 et 0,87. L’alpha de Cronbach de la version française de
l’échelle est de 0,89 pour la totalité des items.
Analyse factorielle confirmatoire de la version
française de l’EDS-R
L’analyse en composante principale présente une solution
à six facteurs, différente du modèle à sept facteurs de
l’échelle originale. L’objectif de l’analyse factorielle confirmatoire est de tester la pertinence du modèle à six facteurs,
mis à jour par l’analyse en composante principale par rapport à un modèle à sept facteurs, identique à celui de la
version originale. Le modèle original à sept facteurs possède les caractéristiques suivantes : items 1, 8, 15 pour
le facteur « symptôme de manque », items 2, 9, 16 pour
le facteur « continuance », items 3, 10, 17 pour le facteur « tolérance », les items 4, 11, 18 pour le facteur
« perte de contrôle », les items 5, 12, 19 pour le facteur
« réduction des autres activités », les items 6, 13, 20 pour
le facteur « temps », et les items 7, 14, 21 pour le facteur
« effet d’intention ». Le second modèle testé (structure à six
facteurs issus de l’analyse factorielle en composante principale) possède les mêmes caractéristiques pour les facteurs
2 (tolérance), 3 (symptôme de manque), 4 (continuance),
Structure factorielle de la version française de l’EDS-R.
Items
% de variance expliquée
EDS-1
EDS-8
EDS-15
EDS-2
EDS-9
EDS-16
EDS-3
EDS-10
EDS-17
EDS-4
EDS-11
EDS-18
EDS-5
EDS-12
EDS-19
EDS-6
EDS-13
EDS-20
EDS-7
EDS-14
EDS-21
Withdr
Withdr
Withdr
Cont
Cont
Cont
Tol
Tol
Tol
Lack
Lack
Lack
Reduc
Reduc
Reduc
Ti
Ti
Ti
Int
Int
Int
Facteur 1
(14,47)
Facteur 2
(12,62)
Facteur 3
(11,33)
Facteur 4
(10,45)
Facteur 5
(10,33)
Facteur 6
(9,40)
0,79
0,86
0,84
0,85
0,69
0,85
0,84
0,87
0,81
0,54
0,51
0,52
0,56
0,57
0,79
0,75
0,75
0,80
0,65
0,81
0,74
Withdr : symptôme de manque ; Cont : continuance ; Tol : tolérance ; Lack : perte de contrôle ; Ti : temps ; Reduc : réduction des autres
activités ; Int : effet d’intention pour la version française de l’EDS-R. Seuls les items avec une saturation supérieure à 0,50 sont présentés
dans ce tableau.
494
B. Allegre, P. Therme
Tableau 3 Indices d’ajustement pour le modèle à sept facteurs de la version originale et pour le modèle à six facteurs
de la version française.
X2 /ddl
RMSEA
ECVI
GFI
CFI
SRMR
Modèle de la version
originale de modèle à
sept facteurs
Modèle issu de l’ACP
modèle à six facteurs
2,89
0,061
1,20
0,92
0,94
0,048
4,49
0,083
1,75
0,87
0,89
0,057
5 (effet d’intention) et 6 (réduction des autres activités).
Le dernier facteur (facteur 1) est une addition des facteurs
« temps » et « perte de contrôle » du modèle original. Les
items 4, 6, 11, 13, 18, et 20 sont chargés dans ce dernier
facteur. L’analyse factorielle confirmatoire est effectuée sur
la matrice de covariance des items. Les résultats de cette
analyse factorielle confirmatoire (Tableau 3) présentent
le modèle original (structure factorielle à sept facteurs)
comme le meilleur des deux modèles. Pour ce modèle, les
alphas de Cronbach sont de 0,84 pour le facteur « symptôme
de manque », 0,77 pour le facteur « continuance », de 0,87
pour le facteur « tolérance », de 0,79 pour le facteur « perte
de contrôle », de 0,57 pour le facteur « réduction des autres
activités », de 0,84 pour le facteur « temps », et de 0,79 pour
le facteur « effet d’intention ». L’alpha de Cronbach pour
l’échelle totale est de 0,89.
La moyenne obtenue pour le score total de la version
française de l’EDS-R est de 55,51 (ET = 16,56). Les moyennes
obtenues sur les différentes dimensions et sur le score total
de la version française de l’EDS-R sont présentées dans le
Tableau 4.
Discussion
L’objectif de cette étude est de présenter la validation
d’une version française de l’EDS-R [10]. L’EDS-R est une
échelle validée de mesure de la dépendance à l’activité physique, basée sur les critères diagnostiques de dépendance
aux substances du DSM-IV [2]. La version originale de l’EDSR présente un modèle à sept facteurs avec une saturation
des items et une consistance interne excellentes [10]. Les
sept facteurs correspondant aux critères diagnostiques du
Tableau 4
Total
Hommes
Femmes
DSM-IV [2] sont les suivants : les symptômes de manque, la
continuance, la tolérance, la perte de contrôle, la réduction
des autres activités, le temps et les effets d’intention. Ainsi
cette étude se propose de mesurer et d’évaluer la permanence des sept facteurs de l’échelle de Downs et al. [10]
pour la version française proposée.
Tout d’abord, il existe une différence entre la population francophone étudiée dans cette étude et la population
américaine, pour laquelle l’EDS-R a été originellement développée et validée. Ainsi, l’âge moyen des sujets diffère : 20
ans pour la population américaine contre 39 ans pour notre
population de coureurs. De plus, la population américaine
était constituée uniquement d’étudiant, alors que notre
population est principalement constituée de sujets issus
des catégories socioprofessionnelles suivantes : employés et
profession intellectuelle supérieure. Les conditions de passation entre les deux études sont différentes. Les étudiants
américains de l’étude originale devaient remplir le questionnaire dans une salle de cours à la fin d’une séance. Les sujets
de notre étude devaient remplir l’échelle de dépendance
lors de la remise de leur dossard.
L’analyse en composante principale produit une structure à six facteurs expliquant 68,60 % de la variance. Cinq
facteurs sont identiques à ceux de la version originale. Ces
cinq facteurs sont les suivants : les symptômes de manque,
la continuance la tolérance, la réduction des autres activités
et les effets d’intention. Les facteurs « perte de contrôle »
et « temps » de la version originale se retrouvent regroupés
dans un seul facteur de la version française. L’alpha de Cronbach de ce facteur est de 0,85. Cette association pourrait
s’expliquer soit par des facteurs culturels propres, soit par
les caractéristiques sociodémographiques de notre population, différentes de ceux de la population initiale. Enfin, une
dernière explication peut être apportée par la définition de
la dépendance à l’activité physique en référence aux composantes comportementales [7,11]. Pour celle-ci, la perte
de contrôle est une conséquence de la « salience » (c’est-àdire, l’activité physique devient l’activité la plus importante
dans la vie de la personne et domine ses pensées, ses sensations, et son comportement). Ainsi la perte de contrôle ne
serait pas, pour ce modèle, une dimension indépendante de
la dimension « Temps ».
Afin de tester la pertinence d’une structure à six facteurs
par rapport à la structure à sept facteurs, une analyse factorielle confirmatoire a été effectuée. Cette analyse montre
que le modèle à sept facteurs possède de meilleurs indices
d’ajustement que le modèle à six facteurs. Les indices
d’ajustement de la version française correspondent à ceux
de la version originale. De même, les alphas de Cronbach
Moyenne des scores obtenus sur les différents facteurs pour la population totale, les hommes et les femmes.
Withdr
Cont
Tol
Lack
Reduc
Time
Int
M (ET)
M (ET)
M (ET)
M (ET)
M (ET)
M (ET)
M (ET)
9,70 (4,10)
9,36 (3,96)
10,88 (4,35)
6,50 (3,43)
6,46 (3,38)
6,63 (3,60)
9,26 (3,93)
9,29 (3,88)
9,18 (4,14)
7,76 (3,58)
7,60 (3,43)
8,32 (4,02)
5,35 (2,40)
5,33 (2,35)
5,41 (2,59)
9,53 (3,68)
9,39 (3,69)
10,05 (3,62)
7,42 (3,30)
7,43 (3,27)
7,39 (3,41)
Withdr : symptôme de manque ; Cont : continuance ; Tol : tolérance ; Lack : perte de contrôle ; Ti = temps ; Reduc : réduction des autres
activités ; Int : effet.
Étude confirmative de l’échelle EDS-R pour une population francophone
obtenus pour chacun de ces sept facteurs de la version
française sont bons (alphas varient de 0,57 à 0,87). Le
modèle à sept facteurs semblerait être le modèle le plus
pertinent pour évaluer la dépendance à l’activité physique.
Les sept facteurs de la version française correspondent
également aux critères diagnostiques de dépendances aux
substances du DSM-IV [2]. Les résultats obtenus par l’analyse
factorielle confirmatoire confirment donc la stabilité d’une
structure factorielle à sept facteurs identiques à celle de la
version originale.
Malgré ces résultats, il existe des limites à cette étude.
Le degré de généralisation de ces résultats entre des populations culturellement différentes est inconnu. Cette étude
examine la stabilité de la structure factorielle de l’échelle
de dépendance EDS-R. La validité de contenu (se réfère au
jugement subjectif que le test en question mesure effectivement ce qu’il est censé mesurer) et la validité concomitante
de la version française de l’EDS-R ne sont pas examinées
dans cette étude.
Cette étude présente une nouvelle étape dans la validation de l’EDS-R comme une échelle pertinente dans la
mesure de la dépendance à l’activité physique, avec une
approche multidimensionnelle. Cette étude montre donc
que les critères diagnostiques de dépendance à l’activité
physique peuvent être appliqués et mesurés pour un public
francophone. La version française de l’EDS-R semble être
une échelle de mesure valide de la dépendance à l’activité
physique.
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