anesthésie de l`enfant obèse

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anesthésie de l`enfant obèse
Anesthésie de l’enfant obèse
Delphine KERN, M.D., Ph.D. 1, Claire Larcher, M.D.1, Antoine Rouget1, 1-­‐ Hôpital des Enfants, Pôle Anesthésie RéanimaGon, CHRU Toulouse, EA 4564 MATN, IFR 150, Université Paul SabaGer, Toulouse F-­‐31000, France Auteur correspondant : Delphine Kern, M.D., Ph.D.
Département d’Anesthésie et RéanimaGon, Hôpital universitaire de Toulouse, EA 4564 MATN, IFR 150, France
Hopital des Enfants, CHRU Toulouse Purpan, place du Dr Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse cedex 9, France
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Résumé : La prévalence de l’obésité augmente dans le monde et en France, dans la populaGon adulte mais également pédiatrique. Les anesthésistes pédiatriques sont et seront de plus en plus fréquemment confrontés à la prise en charge d’enfant en surpoids ou obèses pour de la chirurgie non bariatrique. La morbidité péri opératoire en parGculier respiratoire de ces enfants est plus élevée que celle des enfants de poids normal. Après avoir posé les éléments de définiGon et d’épidémiologie du surpoids et de l’obésité, les spécificités de la prise en charge pré, per et post opératoire sont exposées. Mots clés : Anesthésie, enfant, obésité, pharmacocinéGque, voies aériennes
Les points essen1els
1-­‐La définiGon de l’obésité dépend de l’âge, du sexe et des sociétés savantes
2-­‐ La prévalence de l’obésité infanGle augmente partout dans le monde
3-­‐ Les complicaGons péri opératoires sont essenGellement respiratoires : L’asthme et le syndrome d’apnée du sommeil sont plus fréquents chez l’enfant obèse. En per opératoire, l’enfant obèse est essenGellement à risque de venGlaGon difficile (voire d’exposiGon laryngoscopique difficile) plus que d’intubaGon difficile.
4-­‐ Le choix des produits de l’anesthésie et de l’analgésie doit tenir compte de leurs caractérisGques physico chimiques, et être adaptées au poids de masse maigre, poids idéal ou au poids réel. 5-­‐ L’entreGen de l’anesthésie mérite d’être basé sur le monitorage de la profondeur de l’anesthésie et de la curarisaGon.
6-­‐ La ligérature pédiatrique est encore pauvre sur ce sujet et nombre d’aitudes ou recommandaGons sont extrapolées de travaux réalisés chez l’adulte.
Introduc1on
Du fait de l’augmentaGon de fréquence d’enfants en surpoids voire obèses, les anesthésistes s’occupant d’enfants doivent être conscients des modificaGons physiopathologiques que l’obésité peut entraîner et de leur implicaGon sur la prise en charge périopératoire. Fort heureusement les enfants obèses ne présentent généralement pas autant de comorbidités que les adultes obèses sauf dans certains désordres généGques comme dans la maladie de Prader-­‐Willi. Une étude rétrospecGve portant sur plus de 6000 enfants et cherchant à megre en évidence un lien entre l’obésité et le risque de complicaGons per opératoires montre que 35% des enfants obèses et 20% des enfants en surpoids sont classés ASA1 tendant à prouver que les enfants obèses sont le plus souvent « en bonne santé » (1). Néanmoins l’incidence de comorbidités telles que l’asthme, le syndrome d’apnée du sommeil, le diabète de type II et l’hypertension artérielle y est plus fréquente que chez les enfants non obèses (1-­‐3). Dans une cohorte de 2025 enfants de 2 à 18 ans anesthésiés pour de la chirurgie programmée, 1380 de poids normal (68%), 351 en surpoids (17%) et 294 obèses (14%), Tait et al. (2) ont montré que l’obésité était un facteur de risque indépendant d’incidents et d’accidents respiratoires -­‐ incluant venGlaGon au masque difficile, toux, obstrucGon des voies aériennes supérieures (VAS), bronchospasme, désaturaGon en oxygène. Si les comorbidités de l’enfant obèse ne semblent pas être préoccupantes, sa prise en charge périopératoire pose plus de problèmes.
1-­‐ Défini1ons de l’obésité
A la différence de l’adulte, la défini1on du surpoids et de l’obésité chez l’enfant varie en fonc1on de l’âge, du poids, et de la société savante. En effet, chez l’adulte l’obésité est définie comme un excès de masse grasse présentant un risque pour la santé. Le calcul de l’Index de masse corporel (IMC = Poids(Kg)/Taille(m2)) permet de définir le surpoids (25>IMC>30), l’obésité de classe 1 (30> IMC> 35), de classe 2 ((35<IMC<40) et de classe 3 (IMC >ou= 40). Chez l’enfant, l’IMC est ajusté en foncGon du sexe et de l’âge. De 13 kg/m2 à la naissance, il augmente à 17 kg/ m2 à 1 an, diminue à 15,5 à 6 ans et augmente à nouveau à 21 kg/ m2 à 20 ans (4), les valeurs absolues de 25 et 30 n’ont donc pas de sens chez l’enfant. Les définiGons du surpoids (cenGle 90) et de l’obésité (cenGle 99) chez l’enfant ont été standardisées dans les années 2000 par l’Interna1onal Obesity Task Force (IOTF), à parGr des courbes de référence en cenGles en foncGon de l’âge et du sexe (4). L’OrganisaGon Mondiale de la Santé (OMS) a actualisé en 2007 les normes de taille, de poids et d’IMC des enfants de 5 à 19 ans, les standards d’IMC y sont exprimés en déviaGon standard par rapport à la médiane, le surpoids coïncide avec +1DS, l’obésité avec +2DS.
En France, pour la praGque clinique, le groupe de l’APOP (AssociaGon pour la PrévenGon et la prise en charge de l’Obésité en Pédiatrie www.apop.asso.fr) et REPOP (réseau de prévenGon de l’obésité en pédiatrie) à travers le Programme NaGonal de NutriGon Santé (PNNS) a décidé de faire apparaitre les courbes de corpulence en foncGon de l’âge dans les carnets de santé des enfants. Les zones de corpulence normales y apparaissent, avec les cenGles 3, 10, 25, 50, 75, 90 et 97. L’obésité est dite de grade 1 si l’IMC est supérieur ou égal au 97ème percenGle (correspondant à la définiGon du surpoids de l’IOTF). L’obésité est dite de grade 2 au-­‐delà de la courbe de cenGle correspondant à un IMC de 30 à 18 ans qui figure en poinGllés. 2-­‐ Epidémiologie de l’obésité : où l’on parle d’épidémie
Selon l’IOTF, la prévalence globale du surpoids a triplé en 30 ans. A ce jour dans le monde, dans la classe d’âge de 5 à 17 ans, 10% des enfants sont en surpoids ou obèses et 2 à 3% sont véritablement obèses. Près de 22 millions d’enfants de moins de 5 ans seraient également concernés. La prévalence du surpoids et de l’obésité est parGculièrement extrême aux Etats unis mais également en Europe (respecGvement, 1/3 et 1/5 sont en surpoids et 1/15 et 1/25 sont obèses). Les contrées les moins touchées sont l’Asie, l’Océanie et l’Afrique sub-­‐saharienne. En France, l’obésité de l’enfant est en constante augmentaGon (de 5.1 % en 1980 à 16.3 % en 2000) et est devenue un problème majeur de santé publique. 3-­‐ E1ologies de l’obésité de l’enfant :
L’éGologie la plus fréquente de l’obésité est le déséquilibre de la balance des apports et des dépenses énergé1ques, liée à des facteurs environnementaux (origine ethnique, statut socio-­‐économique faible, faible niveau d’instrucGon des parents, foyers monoparentaux, absence d’accès régulier à des choix alimentaires sains, faible sGmulaGon cogniGve), et parentaux (parent(s) obèse(s)). L’interacGon entre les facteurs environnementaux et la facilitaGon généGque est en cours d’exploraGon. Plus rarement (probablement moins de 5% des cas), l’obésité est secondaire à des pathologies endocriniennes, neurologiques, psychologiques, généGque ou syndromiques (syndrome de Prader-­‐Willi, Syndrome de Bardet-­‐Bield)), ou secondaires à certains traitements (glucocorGcoïdes, certains anG psychoGques, contracepGfs oraux, anGdépresseurs tricycliques, certains anG convulsivants).
4-­‐ Evalua1on pré opératoire : ce qu’il faut savoir, ce qu’il faut rechercher Lors de la consultaGon d’anesthésie, l’anesthésiste devra préciser si l’enfant est obèse ou non (IMC > 97ème percenGle sur les courbes de corpulence du carnet de santé en foncGon de l’âge et du sexe) et préciser si l’enfant est suivi ou non par une équipe mulGdisciplinaire (réseau REPOP). Si c’est le cas, il devra prendre connaissance de l’évaluaGon des foncGons endocriniennes, respiratoires, cardiaques, et digesGve. Si l’enfant n’est pas suivi, il faudra discuter au cas par cas d’un éventuel report du geste nécessitant une anesthésie afin d’effectuer un bilan complet y compris éGologique. Une agenGon parGculière doit être portée à l’évaluaGon et la prise en charge de la foncGon respiratoire puisque l’obésité s’avère être est un facteur de risque indépendant d’effets adverses respiratoires -­‐ incluant venGlaGon au masque difficile, toux, obstrucGon des VAS, bronchospasme, désaturaGon en oxygène (2). 1-­‐
Fonc1ons respiratoires
La compliance du système respiratoire est diminuée par diminuGon des compliances pulmonaire (augmentaGon du volume sanguin pulmonaire) et thoracique (accumulaGon de Gssus graisseux autour des côtes, du diaphragme et de l’abdomen). Cege diminuGon est majorée en posiGon allongée. Cege baisse de compliance associée à l’augmentaGon des résistances respiratoires et des voies aériennes parGcipe à une augmentaGon du travail respiratoire, et donc de la consommaGon en O2 (VO2). La VO2 baisse de 17% lors du passage de la venGlaGon spontanée à la venGlaGon contrôlée chez le sujet obèse anesthésié vs 1% chez le sujet contrôle.
Ainsi, on observe chez l’enfant, comme chez l’adulte obèse, une symptomatologie restric1ve avec une diminuGon de la capacité résiduelle foncGonnelle, du volume de réserve expiratoire, de la capacité vitale et du volume de réserve inspiratoire. Les zones venGlées sont essenGellement supérieures, et les zones perfusées essenGellement inférieures, entrainant des anomalies du rapport venGlaGon sur perfusion. Le mécanisme responsable de l’hypovenGlaGon des bases est directement mécanique lié à la diminuGon du volume de réserve expiratoire sous le volume de fermeture (collapsus alvéolaire ou atélectasies).
Il existe également une composante obstrucGve avec une réducGon du VEMS (revue dans (5)). Les enfants et les adolescents présentant un surpoids, ont une incidence d’asthme et d’asthme induit par l’effort, supérieure à celle des enfants de poids normaux. L’incidence et la sévérité de l’asthme sont corrélées à l’augmentaGon de l’IMC. Le syndrome d’apnée obstruc1ve du sommeil (SAOS) touche 1 à 3% des enfants avec un pic de fréquence entre 1 et 3 ans. Il s’intègre dans un syndrome plus complexe de trouble du sommeil d’origine respiratoire (Sleep Disordered Breathing SDB). Il est retrouvé chez 13 à 41% des enfants obèses ou en surpoids, sans qu’un lien entre l’importance de l’obésité et la prévalence du SAOS n’ait été formellement établi (revue dans (6)). La recherche d’un ronflement, la constataGon d’apnées, de troubles du sommeil ou du comportement, une interrupGon de la croissance ou une hypertrophie amygdalienne invitent à rechercher un SAOS par polysomnographie. L’associaGon à une hypertrophie des végétaGons et des amygdales doit être recherchée, et leur cure chirurgicale considérée puisqu’elle en améliore negement la symptomatologie. La présence d’un SAOS augmente le risque de dépression respiratoire post opératoire et d’obstrucGon des voies aériennes, diminue la réponse venGlatoire au CO2 (revue dans (3)). En cas de SAOS avéré, une HTAP doit être recherchée. Un appareillage par venGlaGon non invasive à pression posiGve (CPAP) permet d’en limiter les conséquences dans l’agente d’un traitement éGologique (perte de poids, adénotonsillectomie,....).
Une saturaGon périphérique en oxygène en air ambiant, une gazométrie, une radiographie de thorax de face, et éventuellement des exploraGons foncGonnelles respiratoires accompagnées éventuellement d’un test aux bronchodilatateurs ainsi qu’une polysomnographie permegront de préciser l’état respiratoire de base. Si la foncGon respiratoire est très altérée et/ou si le geste chirurgical est majeur et/ou nécessite des antalgiques majeurs en post opératoire, une préparaGon respiratoire adéquate peut être envisagée. Enfin, l’enfant obèse est à considérer comme potenGellement difficile à ven1ler au masque et à intuber. L’espace sous mentonnier, infiltré de graisse, voit sa compliance diminuée, l’extension de la nuque est limitée par les plis adipeux. Les critères classiques d’intubaGon difficile clinique doivent être recherchés. Cependant si l’incidence de l’intubaGon difficile est majeure chez l’adulte obèse (15% dans certaines études), elle est plus faible chez l’enfant obèse (1,3% vs 0,4% (1) ), voire inexistante (2,7). Le nombre de laryngoscopies nécessaire à l’intubaGon est inconstamment augmenté. En revanche, tous les auteurs ont retrouvé une venGlaGon au masque plus difficile chez l’enfant l’obèse par rapport à l’enfant de poids normal (7 à 8% vs 2%). 4-­‐1-­‐2-­‐ Modifica1ons cardiovasculaires
Chez l’enfant, comme chez l’adulte, l’augmentaGon de l’IMC s’accompagne d’une augmentaGon de la prévalence de l’hypertension artérielle. Cege hypertension artérielle, notamment chez l’adolescent, pourrait trouver sa source essenGellement dans une augmentaGon du tonus sympathique. Des modificaGons de la compliance artérielle et de l’élasGcité de la paroi des artères, ont été démontrées chez des enfants obèses. Chez l’adulte obèse, l’augmentaGon du volume d’éjecGon systolique, du débit cardiaque, de la pression télédiastolique du ventricule gauche entrainent un état hypervolémique et hyperdynamique, responsables d’une augmentaGon de charge du ventricule gauche, d’une hypertrophie avec trouble de la relaxaGon diastolique. Chez des adolescents en surpoids et obèses, la paroi ventriculaire gauche peut également être augmentée. 4-­‐1-­‐3-­‐ Au niveau endocrinien
La prévalence du syndrome métabolique augmente avec la sévérité de l’obésité. Il présente peu de parGcularités dans la prise en charge anesthésique. Il convient cependant de rechercher la présence d’un diabète de type II souvent méconnu et de s’assurer de l’équilibre de la foncGon thyroïdienne.
4-­‐
Sur le plan hépato-­‐gastro-­‐entérologique
Les enfants obèses présentent fréquemment une cholestase biliaire ainsi qu’une stéatose hépaGque d’origine non alcoolique (associant des douleurs abdominales, une hépatomégalie et des transaminases sériques élevées). Ils présentent plus fréquemment un reflux gastro-­‐oesophagien que les enfants de poids normal. 5-­‐
Prise en charge per opératoire
5-­‐1-­‐ Abord veineux
L’accès veineux périphérique peut être difficile, les veines sont moins visibles et moins palpables chez l’enfant obèse, et plusieurs tentaGves sont plus souvent nécessaires que chez l’enfant maigre. Les veines de la face antérieure du poignet sont un recours efficace. La transilluminaGon, la lumière polarisée ou l’échographie peuvent être uGles. Si un abord central est nécessaire, l’écho guidage permegra de contourner les difficultés de repérage et les risques de poncGons artérielles accidentelles. L’abord fémoral est difficile d’accès du fait de l’épaisseur du tablier abdominal, les vaisseaux sont profonds et l’échogénicité mauvaise, enfin, il est à haut risque infecGeux car enfoui dans les plis cutanés. 5-­‐2-­‐ Installa1on et condi1onnement
Le monitorage peut être difficile à megre en place. L’électrocardioscope peut être microvolté du fait de l’augmentaGon d’impédance liée à la masse graisseuse. La surveillance de la saturaGon peut elle aussi être perturbée. Des sites de recueil tel que les lèvres, le nez ou l’auriculaire peuvent être uGles. Des brassards trop étroits, surévaluent les valeurs de pression artérielle. L’installaGon de l’enfant obèse sur la table d’opéraGon doit suivre les mêmes principes que chez l’adulte et qui peuvent être résumés en un mainGen du paGent en proclive à 20-­‐30° chaque fois que possible et une agenGon toute parGculière des différents points d’appuis. 5 -­‐3 Préoxygéna1on
Du fait de la diminuGon de la CRF, de l’augmentaGon des besoins en O2, mais également parce que ces enfants sont potenGellement difficiles à venGler et/ou à intuber, les enfants obèses sont des candidats privilégiés à une pré-­‐oxygénaGon avant inducGon. Aucune étude spécifique à l’enfant obèse ne permet d’en préciser les modalités. Chez l’adulte, l’applicaGon d’une PEEP et d’une pression assistée en posiGon proclive à 25° permegent d’améliorer l’efficacité de la pré-­‐oxygénaGon. 5 – 4 Type d’induc1on anesthésique
Dans une étude rétrospecGve portant sur plus de 50 000 enfants, Borland et al ne rapportent qu’une seule inhalaGon dans le sous groupe de près de 5000 enfants obèses (8). Comme chez l’adulte, un enfant obèse qui ne présente pas de symptomatologie de reflux gastro-­‐oesophagien peut suivre les mêmes règles de jeûne préopératoire qu’un enfant non obèse. En praGque, l’inducGon inhalatoire chez l’enfant obèse est très répandue, dans 99% des cas dans l’étude rétrospecGve de Setzer et al. (7) qui ne retrouvait qu’une seule inhalaGon à l’inducGon chez un paGent non obèse, et dans 55% des cas dans l’étude prospecGve de Tait et al. (2), qui retrouvait 7 inhalaGons bronchiques à l’inducGon, dont une seule concernait un paGent obèse. 5 – 5 Contrôle des voies aériennes
Pour certains auteurs, les enfants obèses doivent systémaGquement être intubés et venGlés. Pour d’autres, il ne semble pas y avoir plus de complicaGons venGlatoires chez les enfants non intubés, voire au contraire puisqu’ils retrouvent que l’inducGon intra veineuse, l’intubaGon trachéale et l’uGlisaGon de curares sont des facteurs de risques indépendants de complicaGons respiratoires chez les enfants obèses (2). Pour des actes de courte durée de chirurgie réglée, en dehors de la chirurgie digesGve, thoracique, ou céphalique et de la posiGon de Trendelenburg, le respect de la venGlaGon spontanée en aide inspiratoire sur masque facial ou masque laryngé semble tout à fait possible chez l’enfant obèse ne présentant ni RGO ni hernie hiatale. 5-­‐ 6 – Réglage des paramètres ven1latoires Le réglage du volume courant doit être basé sur le poids idéal et non le poids total (Cf infra). Le niveau de la pression posiGve de fin d’expiraGon (PEEP) doit être adapté en foncGon du gain obtenu sur la compliance, sans néanmoins entrainer de conséquences hémodynamiques. La posiGon en Trendelenburg doit être évitée. En revanche, la posiGon proclive permegra de réduire la gêne de la course diaphragmaGque par la masse abdominale. Il peut exister chez les paGents obèses un gradient alvéolo artériel, pouvant prendre à défaut le monitorage par capnographie. Les manœuvres de recrutement décrites chez l’adulte ne font pas actuellement l’objet de recommandaGons chez l’enfant. 6 -­‐ Par1cularités pharmacologiques 6-­‐1 Défini1ons
Le poids total (PT) est le poids mesuré au moment de la prise en charge. Le poids idéal théorique (PIT) peut être consulté sur les courbes de poids selon l’âge du carnet de santé ou calculé d’après les courbes de corpulence selon la formule: PIT = (IMC 50ème percenGle selon l’âge et le sexe) x (taille (m))2. A volume d’acGvité physique équivalent, le poids de masse maigre (PMM) est plus élevé chez l’obèse que le sujet maigre. Ce poids est habituellement évalué à 20 à 40% en dessous du poids total, ou par la formule : PMM= PIT+ 0.3 x (PT-­‐PIT) (3).
6-­‐2 Adapta1ons posologiques des drogues d’anesthésie
Il existe dans la ligérature, extrêmement peu de données concernant la pharmacologie des médicaments notamment anesthésiques chez l’enfant et l’adolescent obèses. Seules des extrapolaGons peuvent être Grées d’études réalisées chez des adultes obèses (revue dans (9)) dont le tableau 1 résume les principaux résultats. L’obésité entraine une altéraGon de la composiGon du corps ayant des conséquences sur la distribuGon des produits de l’anesthésie, leur fixaGon et leur éliminaGon (revue dans (9)). La clairance hépaGque est très peu affectée par les conséquences stéatosiques de l’obésité, excepté en cas de fibrose hépaGque avérée. La clairance rénale est classiquement augmentée du fait de l’augmentaGon du débit sanguin rénal donc sans conséquences majeures. Les halogénés : Les agents halogénés s’accumulent dans les graisses, d’autant plus que le temps d’exposiGon est augmenté. Les propriétés physicochimiques du desflurane permegent une accumulaGon moindre, avec un délai de réveil plus rapide qu’après isoflurane chez l’adulte obèse. Cependant l’effet bronchodilatateur du sévoflurane le fera préférer au desflurane en parGculier chez les enfants obèses asthmaGques. Les benzodiazépines : les paGents obèses ont souvent un déficit de l’esGme de soi, conjugué à un état anxieux. Le choix de la prémédicaGon doit être pesé entre l’anxiolyse et l’effet dépresseur respiratoire. Les benzodiazépines sont hautement liposolubles, leur volume de distribuGon et leur demi-­‐vie d’éliminaGon sont augmentées chez l’obèse, alors que leur clairance n’est pas modifiée. La dose de midazolam doit être ajustée sur le poids total en injecGon unique, et sur le poids idéal en injecGon conGnue (revue dans (9)).
Le propofol : est hautement liposoluble. L’augmentaGon simultanée du volume de distribuGon et de la clairance du propofol incite à proposer des doses de charge et d’entreGen basées sur le poids total (revue dans (9)). Le monitorage de la profondeur de l’anesthésie permegra d’en améliorer la tolérance hémodynamique
Le thiopental : Ses caractérisGques physico chimiques en font un agent d’acGon rapide et courte. Sa haute lipophilie ajoutée aux modificaGons de la réparGGon des Gssus chez l’obèse font que sa demi-­‐vie d’éliminaGon est considérablement augmentée (augmentaGon du volume de distribuGon mais clairance normale). La dose iniGale doit être ajustée sur le poids évalué en masse maigre et non sur le poids total (revue dans (9)).
Les morphiniques: Les morphiniques sont des molécules lipophiles. Pour le sufentanil, le volume de distribuGon (calculé sur le poids idéal) et la demi-­‐vie d’éliminaGon sont praGquement doublées chez l’adulte, alors que la clairance est normale. Le volume de distribuGon calculé sur le poids total est idenGque à celui du sujet non obèse suggérant que le sufentanil se réparG également entre la masse grasse en excès et la masse maigre. La dose de charge doit donc être basée sur le poids total, et les réinjecGons ou perfusions conGnues basées sur le poids de masse maigre. Pour l’alfentanil et le fentanyl et le remifentanil, il est proposé d’ajuster les doses sur le poids de masse maigre (9).
Les curares : molécules hydrosolubles, la distribuGon est modifiée par augmentaGon des comparGments hydriques chez l’obèse mais la cinéGque d'éliminaGon est peu altérée. Cependant une augmentaGon des délais de décurarisaGon a été mise en évidence notamment avec la vécuronium et le rocuronium lorsque les doses étaient ajustées sur le poids total (surdosage relaGf). L’ajustement des doses sur le poids idéal peut conduire à des sous dosages (9). Le moyen terme acceptable serait peut être de travailler sur le poids de masse maigre. L’ajustement des doses de cisatracurium sur le poids idéal permegrait une durée d’acGon plus prévisible. Pour l’atracurium, il a été proposé chez l’adulte de diminuer la dose de charge à O.23 mg/kg pour les kg de poids au-­‐delà de 70 kg (9). On pourrait transposer ces données chez l’enfant en diminuant la dose de moiGé pour les kg au-­‐delà du poids idéal. La dose de succinylcholine doit être basée sur le poids total car l’acGvité des pseudo cholinestérases plasmaGques augmente avec le poids. Enfin et surtout, les réinjecGons doivent impéraGvement être guidées par le monitorage de la curarisaGon. 7-­‐ La période post opératoire
7-­‐1 L’analgésie postopératoire
L’uGlisaGon d’une anesthésie loco régionale (ALR) permegra de réduire les doses d’anesthésiques per opératoires, de réduire les délais de réveil et de diminuer les complicaGons respiratoires post opératoires ainsi que les quanGtés de morphiniques. La réalisaGon d’une ALR peut être rendue difficile du fait de l’obésité (augmentaGon de l’incidence de brèche dure-­‐mérienne, de poncGon vasculaire et du taux d’échec). L’échographie peut être une aide précieuse, comme suggéré chez les parturientes obèses. Le volume de l’espace péridural est réduit par l’infiltraGon par les Gssus adipeux, par la compression abdominale directe mais également par la re-­‐direcGon du débit sanguin vers l’espace péridural qu’elle provoque. Ces modificaGons rendent la migraGon des anesthésiques locaux imprévisible, tout comme la hauteur du bloc (revue dans (9)). Ainsi les doses d’anesthésiques locaux administrées en péridurale ou rachi anesthésie doivent être réduites. Nous n’avons pas connaissance d’étude sur la durée des blocs chez les paGents obèses. Si la pose de cathéter d’analgésie locorégionale est une alternaGve élégante aux complicaGons respiratoires de l’analgésie morphinique, le risque d’infecGon des cathéters chez ces paGents obèses, et le risque de syndrome comparGmental doivent être considérés. L’infiltraGon de paroi associée ou non à la pose d’un cathéter mulG perforé sous aponévroGque est probablement une soluGon antalgique présentant un raGo bénéfice-­‐ risque favorable. Comme pour les autres paGents, la prise en charge de la douleur post opératoire devra être mulGmodale. La posologie de la morphine doit être basée sur le poids idéal puis Gtrée. Les paGents présentant un SAOS à qui on administre de la morphine, doivent être surveillés dans un service doté d’une surveillance médicale conGnue, et une oxygénothérapie ainsi qu’une venGlaGon non invasive doivent être prescrites.
7-­‐2 Le risque thromboembolique : Chez l’adulte obèse, le risque thromboembolique est mulGplié par 2 à 3 selon les études du fait de la présence de plusieurs facteurs de risques dits classiques, associé à un état pro-­‐
coagulant biologique. Les recommandaGons professionnelles françaises (SFAR 2005) semblent insuffisantes aux vues de la ligérature récente. Une récente revue criGque de la ligérature dans le cadre des journées monothémaGques de la SFAR (10) suggère un schéma en 2 injecGons quoGdiennes, avec une posologie probablement majorée, et adaptées sur l’acGvité anG-­‐Xa associé à des moyens mécaniques, pour des durées supérieures aux 10 à 30 jours préconisés par les RCP. Les indicaGons de filtres caves temporaires y sont discutées chez les paGents à très haut risque. Le risque hémorragique lié à un surdosage est à prendre en considéraGon dans la stratégie prophylacGque. A notre connaissance, il n’existe ni évaluaGon ni recommandaGon chez l’enfant. 7-­‐3 La fonc1on respiratoire Comme en per opératoire, la foncGon respiratoire sera au centre des préoccupaGons, et ce dès la salle de surveillance post intervenGonnelle. L’enfant obèse sera volonGers installé en proclive, nursé, la stratégie de prévenGon des atélectasies sera appliquée (kinésithérapie et aérosolothérapie associée à de la venGlaGon non invasive séquenGelle). La CPAP dans le cadre du SAOS devra être reconduite dès la salle de surveillance. Une bonne explicaGon en consultaGon d’anesthésie permegra probablement d’améliorer la compliance au traitement.
NB : Le cas parGculier des enfants ageints du syndrome de Prader-­‐ Willy est disponible sur le site de l’ADARPEF en suivant ce lien : hgp://adarpef.org/site/publicaGons/textes-­‐congres/
club-­‐adarpef/2009/anesthesie-­‐de-­‐l-­‐enfant-­‐obese.htm.
Conclusion
L’anesthésie de l’enfant obèse présente des parGcularités tant sur le plan physiopathologique que pharmacocinéGque. Les recommandaGons sont basées essenGellement sur les études réalisées chez l’adulte. L’évaluaGon pré opératoire est primordiale et doit se faire si possible en lien avec l’équipe médicale référente de l’enfant. Les risques idenGfiés à la consultaGon d’anesthésie ainsi que les stratégies anesthésiques et analgésiques mises en place en pré, per et post opératoire doivent être clairement exposées à la famille et figurer dans le dossier d’anesthésie. En foncGon du geste réalisé, des comorbidités associées (HTA, diabète, asthme, SAOS) et du besoin en antalgiques post opératoires, l’hospitalisaGon pourra être réalisée en chirurgie ambulatoire, tradiGonnelle, en unité de surveillance conGnue voire en réanimaGon. Une agenGon parGculière doit être portée à la foncGon respiratoire. Tableau 1 : AdaptaGon des posologies des drogues d’anesthésie par voie intraveineuse chez l’enfant obèse, d’après (9). PT= poids total, PIT = Poids idéal théorique, PMM= poids de masse maigre. Drogue
Dose d’entre3en Remarque Midazolam PT PIT Propofol PT
PT
Thiopental
Curares
Dose de charge
PMM
Morphiniques PT
PMM
Morphine
PIT
PIT
PMM
PIT
PIT
PIT
0,5 mg/kg de PIT +0,25 mg/kg
supplémentaire
PT
PIT
Vecuronium Rocuronium
Cisatracurium
Atracurium Succinylcholine
Attention tolérance
hémodynamique
Réinjections
suivant le
monitorage de la
curarisation
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