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Synthèse des Assises
21 et 22 septembre 2014
Les ateliers et tables rondes proposés dans le cadre des Assises ont été initiés pour nourrir les
orientations du syndicat.
Inspirés des échanges et des travaux du Conseil national, des délégations régionales, des
commissions et groupes de travail ou des dernières rencontres professionnelles d’Avignon, les
travaux des Assises contribuaient à nourrir des scénarios alternatifs aux politiques publiques
en cours, et à refonder une politique progressiste des arts et de la culture dans le projet
national.
Les deux premiers ateliers - présentation du syndicat et réflexion sur nos statuts - permettent
de dégager en interne quelques grands axes : le SYNDEAC est fort de sa diversité, et de son
histoire, car il réunit toujours largement les acteurs des politiques publiques de la
décentralisation et de la démocratisation. Pour autant, la période exige sans aucun doute une
modernisation des statuts, et un renforcement de la vie syndicale dans sa dynamique de
participation à des groupes de travail et des commissions encore mieux recentrés sur
l’actualité. La participation des régions à la dynamique nationale est enfin au cœur des enjeux
actuels, en terme de lisibilité des mutations comme en terme de préconisation.
Les trois tables rondes centrées sur les moyens de la création, les garanties de l’indépendance
et la présence équitable sur les territoires ont de leur côté confirmé l’urgence et la nécessité
de notre participation aux mutations en cours. Dans une société du divertissement numérique,
et face à une logique de réduction des dépenses publiques, la place et le rôle du spectacle
vivant et des arts plastiques subventionnés sont mises en cause. Notre argument, nos
méthodes, nos actions, nos métiers ne sont plus aujourd’hui reconnus comme hier. Nous
devons défendre nos principes et notre histoire autant qu’adapter notre discours. Les deux
grandes réformes, celle de l’Etat comme celle des territoires, ne peuvent se conjuguer à nos
dépens. C’est tout simplement la place des arts et de la culture dans le projet national qui est
en jeu.
Vous trouverez ci-après les synthèses de chacun des rendez-vous de ces Assises du syndicat,
dont la dynamique ne fait que commencer.
Atelier 1 – Présentation du syndicat ................................................................................ 3
Atelier 2 – Réflexion sur nos statuts ................................................................................ 5
Table ronde 1 : Les moyens de la création ....................................................................... 7
Table ronde 2 : Les garanties de l’indépendance .............................................................. 9
Table ronde 3 : Présences de l’art, équité territoriale ...................................................... 11
Allocution de clôture de Madeleine Louarn, présidente du SYNDEAC................................ 13
Atelier 1 – Présentation du syndicat
Temps de rencontre prévu pour accueillir les adhérents les plus récents : historique du
syndicat, actualités des dossiers, positions et orientations, mais aussi fonctionnement régional
et national, présentation de l’équipe permanente, ressources et services disponibles.
Echanges animés par Hélène Cancel, Héla Fattoumi et Jean-Pierre Vincent.
Historique et évolution
A la fin des années 1960, l’Etat avait crée l’Agence Technique pour les Actions Culturelles
(ATAC), sous la tutelle du ministère de la Culture, pour préserver l’indépendance de la
création. Cette agence a disparu et le SYNDEAC a suppléé peu à peu à ses missions. Créé en
1971, autour d’une quarantaine de directeurs représentant des institutions théâtrales, le
SYNDEAC est passé ensuite d’un statut de syndicat de directeurs à celui de syndicat
d’entreprises.
Les membres du syndicat sont aujourd’hui des entreprises artistiques et culturelles
subventionnées de manière régulière et significative par le ministère de la Culture ou par des
collectivités territoriales, dont l’activité principale est la création, la production ou la diffusion,
et dont la direction dispose de l’autonomie de décision en matière de choix artistiques et de
gestion de l’entreprise.
A ce jour, les 390 adhérents du syndicat sont issus de l’ensemble des champs de la création
artistique (théâtre, danse, musique, arts de la rue, arts du cirque, arts plastiques), avec un
élargissement des types de structures (centres dramatiques, centres chorégraphiques
nationaux, scènes nationales, scènes conventionnées, théâtres de ville, festivals, compagnies
chorégraphiques, dramatiques, des arts de la rue ou du cirque, ensembles musicaux, scènes
de musiques actuelles, fonds régionaux d’art contemporain, centres d’art, artothèques...)
Force du syndicat
La grande force du SYNDEAC repose sur cette diversité au sein de ses adhérents : il réunit de
petites et de grandes structures, et permet un partage entre leurs directeurs, artistes ou non,
venant de diverses disciplines artistiques et de générations différentes.
Cette transversalité permet à la fois une réflexion au sein de groupes de travail sur les
spécificités de chacune des disciplines et des typologies de structures (en lien avec les
associations) et une mise en commun de ces travaux pour inventer une forme d’utopie,
envisager autrement le secteur de la création dans son ensemble et dialoguer avec tous les
échelons politiques.
Aujourd’hui, adhérer au SYNDEAC c’est affirmer la responsabilité politique collective des
responsables artistiques et culturels. C’est aussi se positionner au cœur d’un combat contre
une dilution dans la technocratie, ce qui est une attitude très saine.
C’est ce travail collectif interne, en région comme à l’échelle nationale, qui permet une parole
publique extérieure forte.
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Fonctionnement et organisation
Le syndicat est administré par un Conseil national élu tous les deux ans par l’Assemblée
Générale des adhérents, composé de douze membres titulaires et leurs suppléants, directeurs
ou directeurs adjoints en exercice, dans le respect de la parité. Le Conseil national se réunit
deux fois par mois et répartit librement entre ses membres, de façon permanente ou
temporaire, les missions et les responsabilités afin d'assurer à l'action syndicale sa plus
grande efficacité.
Le Conseil national élu le 16 septembre 2013 a choisi en son sein un bureau composé d’une
présidente et de quatre présidents délégués. Il a défini la mise en place de diverses
commissions et groupes de travail permettant ce travail collégial, sur le fond, prospectif,
reposant sur l’investissement de chaque adhérent : affaires sociales, politiques publiques
(coordinations intersectorielle et interrégionale, affaires européennes), vie artistique
(formation et chantier sur les compagnies), prospective, scènes conventionnées, musique, arts
plastiques…
Dans chacune des régions administratives, un délégué régional est élu par les adhérents du
territoire. Interlocuteur essentiel pour les adhérents, son rôle est à la fois un rôle de
représentation du syndicat dans les instances, d’animation syndicale locale et de soutien aux
adhérents. En complémentarité et dans l’échange constant avec l’équipe permanente et le
Conseil national, il ou elle a aussi un rôle de participation à la réflexion nationale sur les
enjeux de politiques publiques et leurs implications territoriales. Notamment, dans le cadre
de l’adoption des nouveaux cadres européens, ils ont été associés à la négociation des
programmes opérationnels qui déterminent les axes prioritaires de chaque territoire. Les
délégués en région participent à un Conseil national une fois par mois (dit Conseil national
élargi) et sont associés depuis 2013 à un chantier sur la « coordination interrégionale » qui a
développé plusieurs axes de réflexions sur le rôle du délégué, la mutualisation des outils et
l’amélioration de l’efficacité de l’action syndicale sur l’ensemble du territoire.
Perspectives évoquées pour la saison 2014-2015
•
•
•
Cellule de réflexion sur les questions numériques et les relations entre le spectacle
vivant et les nouvelles technologies : Les arts numériques développent un phénomène
participatif. Nouveau paradigme de l’art contemporain ?
Perspectives d’une nouvelle forme de structuration en régions en lien avec la réforme
territoriale
Nouveau groupe de travail dédié à la danse
Pour aller plus loin :
Document de présentation du SYNDEAC
http://www.syndeac.org/index.php/vie-syndicale/assemblees-generales/2064-elements-depresentation-du-syndeac
Organigramme du CN
http://www.syndeac.org/index.php/le-syndeac/elus-du-conseil-national/99-conseil-national
Organigramme de l’équipe permanente du SYNDEAC
http://www.syndeac.org/index.php/vie-syndicale/equipe-permanente
Rapport d’activité du SYNDEAC 2014
http://www.syndeac.org/assets/VIE_SYNDICALE/20132014rapport_activite.pdf
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Atelier 2 – Réflexion sur nos statuts
Lecture critique de nos statuts et réflexion sur leur éventuelle révision : rythme des réunions,
rôle et représentation des régions ou des secteurs artistiques, participation des
administrateurs à certains travaux, terme de directeur ou directrice mettant en difficulté les
responsables de compagnie intermittents… autant de questions à évoquer pour savoir si une
commission de révision des statuts doit se mettre au travail.
Echanges animés par Madeleine Louarn et Romaric Daurier.
Objectifs de cette réflexion sur les statuts du SYNDEAC
1. Amélioration de la représentativité du SYNDEAC
2. Place et rôle des administrateurs, personnes ressources pour le syndicat
3. Identification d’une meilleure gouvernance (Conseil, Bureau) permettant une prise de
décision stratégique rapide et efficace
1. Amélioration de la représentativité du SYNDEAC
 Proposition : Faut-il réviser le terme de directeur / directrice ?
Si le metteur en scène responsable de la compagnie est intermittent, cela présente un
paradoxe vis-à-vis de Pôle Emploi, qui peut alors utiliser cet argument pour les qualifier de
dirigeants de fait, et demande le remboursement des allocations perçues. Il y a une piste de
travail dans les statuts sur ce point : l’usage du terme de « responsable artistique ». Par
ailleurs, il est nécessaire de mieux distinguer le rôle de représentant de ceux d’électeurs et
éligibles.
Point de vue : Compte tenu de la diversité des cas particuliers selon les régions, pourquoi se
focaliser sur un changement des statuts ? Le syndicat doit avoir un rôle de conseil juridique et
d’aide sur les attaques de Pole Emploi.
2. Rôle de l’administrateur
 Proposition : Le directeur pourrait-il donner un mandat de vote ou de participation à
l’administrateur pour certaines commissions ?
Cette proposition soulève des questions sur une distinction entre les dossiers politiques et les
dossiers techniques : pourraient-ils voter sur le domaine politique ou seulement décider sur
les questions techniques ? Voter est politique, même sur les questions techniques.
Les avis plutôt défavorables à cette proposition soulèvent la question de l’implication des
directeurs : ils risquent de se décharger sur l’administrateur en ne se sentant plus concernés
par le syndicalisme. Certains rappellent que les directeurs devraient s’intéresser aussi à
l’aspect technique de la CCNEAC, d’ordre salarial et social.
Au contraire, les avis favorables à cette proposition soulignent la place de plus en plus
importante du dialogue entre directeurs et administrateurs au sein des structures, tant sur le
plan politique que social. Il s’agit le plus souvent d’un véritable binôme. Elles soulignent
également que certaines compagnies seraient en mesure de participer aux travaux si leurs
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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administrateurs pouvaient siéger et, de manière générale, l’importance que pourraient prendre
les administrateurs dans l’animation de la vie syndicale, notamment en région.
3. Gouvernance du syndicat
 Proposition : Faut-il changer la fréquence des CN ?
A une certaine époque, il y avait un CN par mois et un Bureau toutes les semaines, parfois en
l’absence du président (le Bureau était un temps pour évoquer des questions techniques)
Point de vue : La fréquence des CN ne devrait pas être inscrite dans les statuts mais dans le
règlement intérieur, cela ne relève pas des statuts, c’est au Bureau ou au CN de décider
 Proposition : Comment organiser un retour de nos représentants au sein des instances ?
Point de vue : rencontre technique mensuelle avec tous les représentants des instances ou
rapport régulier en commission des affaires sociales.
Propositions diverses
 S’il y a une modification des statuts, pourquoi ne pas en créer de nouveaux plutôt que de
s’appuyer sur les anciens ?
 Le fait de devoir se présenter sa candidature en binôme au Conseil national pose un point de
blocage, peut-être faut-il réfléchir aussi à ce point.
Attention : la modification des statuts implique la convocation d’une AG extraordinaire :
échéancier AGE à resserrer.
Conclusions de l’atelier
•
•
Créer une commission spécifique sur les statuts
Etablir un calendrier dans les plus brefs délais
Pour aller plus loin :
Statuts du SYNDEAC votés en septembre 2012
http://www.syndeac.org/assets/LE_SYNDEAC/statuts_170912.pdf
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Table ronde 1 : Les moyens de la création
Production, diffusion : l’économie de la culture est-elle encore au service de la création
quand les marges artistiques des structures diminuent chaque année ? Les équipes
indépendantes sont aujourd’hui affaiblies alors qu’elles constituent la pierre angulaire de
l’ensemble de notre secteur. Pour éviter les discontinuités des parcours professionnels et
garantir la diversité de notre écosystème, comment inventer et financer demain les espaces,
les temps, les lieux du travail de recherche et de création ?
Témoignage de Benoît Lambert, directeur du Théâtre Dijon-Bourgogne, et présentation de
l’Etude de cas sur les pratiques de production et de diffusion des compagnies subventionnées
par Frédérique PAYN, ONDA.
Echanges animés par Madeleine Louarn et Pauline Sales.
Constat : Si artistiquement on peut avoir des espoirs énormes sur la nouvelle génération
d’artistes, les baisses de budget entrainent de très grandes difficultés de financement des
projets : l’impact est direct sur l’aboutissement des projets montés et sur l’emploi (plan social
invisible, augmentation du temps partiel). Certes, on constate à cet égard un certain nombre
de mauvaises pratiques, tant du côté des compagnies (structuration administrative excessive),
que du côté des lieux de production (émiettement de la coproduction) ou des lieux de
diffusion (méconnaissance des enjeux de la production). Même les compagnies bénéficiant
d’un capital symbolique fort et d’une certaine assise économique peinent à boucler leurs
budgets, doivent compter sur leurs ressources personnelles et jouer de toutes les variables
d’ajustement pour monter leurs projets, et, malgré leur professionnalisation, restent dans
l’incapacité de se structurer de manière pérenne.
Quelques propositions de solutions techniques sont à évaluer : la valorisation de la logique de
série, le mensualisation des salaires, le développement de l’ancrage territorial (action
culturelle et éducation populaire), la sortie de logique « un artiste = une structure » en faveur
du développement de collectifs ou toute autre plateforme permettant une mutualisation,
l’usage optimisé des aides à l’emploi disponibles, etc.
Sur un plan plus syndical, ces questions de création, production et diffusion sont parfois la
pierre d’achoppement entre les différentes typologies de nos structures, notamment parce que
les compagnies sont des structures autonomes mais complètement dépendantes. Il faut donc
réfléchir à l’articulation des compétences et des moyens des compagnies et des lieux.
Cela passe par une politique de transparence vis-à-vis des compagnies (peut-être leur entrée
dans les conseils d’administrations), qui crée un lien fort et une meilleure compréhension des
enjeux économiques de chacun.
Cela passe également par un changement de perception des compagnies par les tutelles : ce
sont des porteurs de projets et des entrepreneurs à part entière, ayant des impératifs de
fonctionnement et n’ayant pas nécessairement besoin d’un adossement à une structure
perçue comme « plus professionnelle », comme sont considérés les lieux.
Cela passe aussi et surtout par une perception de nos structures comme faisant partie
intégrante d’un réseau collaboratif ayant le même intérêt (la recherche de solutions
permettant la mise en place des projets) et résistant activement contre la mise en
concurrence généralisée.
Le SYNDEAC doit incarner ce lieu de dialogue et de solidarité.
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Sur un plan purement politique enfin, on constate l’intégration d’une idéologie malthusienne
de concentration nous plaçant en concurrence : il y aurait trop de tout (trop de compagnies,
trop d’intermittents, trop de spectacles, trop de théâtres, etc.), il faudrait plus de « bons »,
moins de « mauvais ». Cette idéologie comprend également un éloge de la précarité, un
mythe de l’urgence et la criminalisation de la dépense publique (en ce qu’elle ne serait pas
un investissement efficient).
Contre ces discours, il faut une véritable posture socialiste de revalorisation de la dépense
publique, basée sur le bilan réellement bénéfique de la décentralisation culturelle depuis la
seconde guerre mondiale et revendiquant une rupture esthétique avec la société du
divertissement.
A l’occasion de la Réforme territoriale et de la Réforme de l’Etat, il faut intéresser nos élus à
ce que l’on est et à ce que l’on fait.
Conclusions et pistes
• Le chantier prioritaire pour les compagnies doit être au cœur de nos positions de
l’automne.
• Le syndicat propose également des débats à l’Assemblée Nationale, afin que le sens
de la politique culturelle soit remise au centre des décisions et pour écarter une
déconstruction par soucis d’économie.
• De même, des rencontres inter-régionales devront préparer la déclinaison au plus près
des territoires de cette conjugaison entre Réforme territoriale et Réforme de l’Etat.
• Ces actions ne doivent pas nous faire oublier que notre argumentaire sur la défense
des politiques publiques de création et de culture n’opère plus dans l’opinion, il faut y
retravailler (cf. table ronde n° 2).
Pour aller plus loin :
Texte d’Avignon Un chantier prioritaire pour les compagnies
http://www.syndeac.org/index.php/politiques-publiques/reformes/pistes-de-reflexion-pourlavenir-du-spectacle-vivant/2062-un-chantier-prioritaire-pour-les-equipes-artistiques
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Table ronde 2 : Les garanties de l’indépendance
Dans une société des écrans et de la consommation, du divertissement et de l’événementiel,
comment refonder la place des arts et du spectacle vivant dans les politiques publiques ?
Entre la supposée demande des spectateurs et les injonctions parfois paradoxales des tutelles,
comment poursuivre les missions d’un service public fondé sur l’exigence et la diversité ?
Après de trop nombreuses attaques sur la programmation, comment faire valoir notre
expertise sur les projets artistiques et garantir la prise de risque fondatrice de nos métiers ?
Témoignages d’Emmanuel Latreille, directeur du FRAC Languedoc Roussillon et viceprésident du CIPAC, et de Xavier Croci, directeur du Forum de Blanc-Mesnil.
Echanges animés par Romaric Daurier et Héla Fattoumi.
La question de l’indépendance est à la jonction du droit (censure juridique) et de la liberté de
création ou de programmation artistique (qui peut recevoir des pressions quotidiennes de la
part des élus ou de groupes qui souhaitent incarner une morale).
Lobbys
C’est une question rencontrée depuis longtemps dans le secteur des arts plastiques et qui a
entrainé de longues batailles juridiques. Le secteur s’est interrogé et a été interrogé sur sa
légitimité à programmer des œuvres au sein-même de leurs structures.
Récemment encore, le FRAC Lorraine a été condamné à verser un euro de dommages et
intérêt à l’Association générale contre le racisme et le respect de l’identité française et
chrétienne (AGRIF) pour avoir porté « atteinte à la dignité humaine » en organisant en 2008
l’exposition You Are My Mirror : l’infamille.
Ces dossiers nous obligent à nous interroger sur la manière dont nous intégrons l’art à
l’attention politique et sociale et la responsabilité que l’on prend en programmant. Qu’avonsnous comme liberté ?
Elus
Dans un contexte de poussées réactionnaires, les dernières élections municipales ont vu
s’imposer majoritairement droite et extrême-droite. Bien avant les élections, on avait déjà
rencontré des élus ayant une tendance à l’ingérence et à la pression sur les directeurs de
lieux, mais cela devient progressivement une censure, directe ou indirecte. A Saint-Priest,
50% de la programmation a été retirée. Au Forum du Blanc-Mesnil, on souhaite programmer
à présent variétés, boulevard et one man show.
Deux raisons sont invoquées dans la majorité des cas : une ferme opposition à une
programmation considérée comme élitiste et condescendante au profit d’un art populaire
(volontiers commémoratif et évènementiel) et la très grande implication financière des
municipalités dans le financement de ces structures. Au Blanc-Mesnil, on assiste à un
étouffement progressif de la programmation : la municipalité finance à 80% le Forum et était
tout à fait prête à quitter le conventionnement avec l’Etat, trop contraignant selon elle.
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Problématique communautaire
Nous sommes considérés comme une « élite intellectuelle blanche ». Ce n’est en fait pas tant
une question d’origine que de rapport à la culture de masse. La population qui ne fréquente
pas les théâtres ou les centres d’art a une réaction et des jugements parfois très durs. Est-ce
qu’on aurait pas assez ou mal travaillé sur les quartiers ?
Il semble que le principe même de démocratisation culturelle pose problème à ceux qui nous
considèrent élitistes. Il faut nous pencher à nouveau sur ce terme qui désigne pourtant une
autre réalité que la nôtre.
Nudité et sexualité ont toujours inquiété les parents, mais la problématique est à présent plus
aiguë, plus récurrente, notamment suite aux polémiques autour de la question du genre (ex.
de Tomboy). On ne voit plus de ligne entre nudité et pornographie…
La gauche ne prend pas la mesure de l’alliance entre les réactionnaires de tous bords
(idéologues islamistes et catholiques ont un intérêt commun à faire reculer le monde laïc que
l’on a créé).
Le public devient le vecteur de plaintes, parfois de diffamation. Cette pression peut
fonctionner aussi sur le corps enseignant et il peut résulter en une autocensure très
inquiétante.
Pistes de lutte
C’est grâce au sens que nous pourrons lutter de manière juste : la société des artistes est
indispensable, elle doit être travaillée à l’endroit du sens et du symbole et peut être secondée
par la critique, le commissariat d’exposition. La question de l’art dans l’espace public est
complexe : le monde a accès à l’objet, sans aucun filtrage ni médiation.
Les endroits de protection se sont déplacés, le ministère ne défendant plus cette question
fondamentale. Il se joue quelque chose d’historique aujourd’hui, lié également à 15 années
de montée des industries culturelles.
Le SYNDEAC a un rôle à jouer dans cette protection, en présentant la situation autrement : le
rôle de nos structures c’est de proposer des choses différentes, notre légitimité nous a été
donnée sur des bases républicaines. C’est une légitimité de parole. Une légitimité à dire non
et à se montrer fidèle aux valeurs démocratiques et républicaines que l’on défend : c’est une
guerre idéologique. Le SYNDEAC pourrait-il se porter partie civile contre toutes les attaques
de ce genre ?
LE SYNDEAC a également intégré l’Observatoire de la liberté de création, qui reçoit toutes les
semaines un nouveau cas. Cela permet des échanges, des réponses aux attaques, parfois une
attaque au droit moral peut donner lieu à des plaintes. Cette bagarre est ainsi menée à
plusieurs, tous « fronts » artistiques confondus.
Il faut également travailler le rapport aux élus, notamment avec la FNCC.
Pour aller plus loin :
Communiqué de l'Observatoire de la liberté de création, Des artistes accusés de déranger, des
élus tentés de censurer, 19 septembre 2014
http://www.syndeac.org/index.php/component/content/article/89-actualite-sections-dusite/2022-des-artistes-accuses-de-deranger-des-elus-tentes-de-censurer
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Table ronde 3 - Présences de l’art, équité territoriale
Comment penser l’avenir des présences artistiques, de la commune à l’Europe ? Comment
définir l’équité des dépenses publiques au service d’une vie culturelle exigeante,
émancipatrice et diversifiée ? A la veille des débats parlementaires autour du volet 2 de la
réforme territoriale et de la loi sur la création artistique, quelle gouvernance pour quels projets
culturels de territoire ?
Interventions de Gérard Peltre, président de RED, Ruralité Environnement Développement et
de Corinne Poulain, conseillère de la ministre chargée de l’éducation artistique et des
territoires.
Echanges animés par Madeleine Louarn et Hélène Cancel.
A l’heure d’une réforme en profondeur de la carte administrative et d’une refonte de l’action
publique sur le territoire, il est nécessaire de repenser à la fois l’agencement entre les
échelons territoriaux (collectivités territoriales et métropoles, Etat, Europe), mais aussi de
nouvelles politiques en matière de culture : comment influer sur ces futurs nouveaux modes
d’organisation ?
Gérard Peltre, président de l’association Ruralité - Environnement - Développement (R.E.D.)
rappelle que, dans un contexte de budget décroissant pour les acteurs culturels, l’Europe
ouvre un espace d’initiatives intéressant. En effet, l’Europe ne s’intéresse plus seulement au
développement économique mais également au développement et à la cohésion territoriale.
La stratégie 2020 pose des objectifs sociaux qui, remis dans la perspective de la diversité des
cultures, associés à une réflexion sur la manière dont on peut atteindre ces objectifs
(innovation sociale) et dans un cadre territorialisé, peuvent être le support de nombreux
projets autour desquels les différents fonds régionaux peuvent converger. Pour ce faire, il faut
changer de positionnement : se présenter comme force de proposition autour des objectifs
européens, comme contributeur, par opposition à une posture de demande de financement. Il
s’agit de justifier ce que l’on fait pour obtenir l’adhésion, de vendre son utilité à l’égard de
ces objectifs. Il faut également fédérer des envies partagées en pensant systématiquement
des projets intégrés, en concertation avec les acteurs du territoire. Enfin, il faut s’engager
dans la réflexion et l’élaboration des cadres de l’après 2020 (qui débutera en 2015) afin que
ces futurs cadres intègrent nos idées.
Corinne Poulain, conseillère chargée des territoires au MCC, est revenue sur plusieurs points
des réformes de décentralisation et de modernisation de l’action publique qui ont suscité
l’inquiétude du secteur. Elle a rappelé que la délégation de compétence (outil de
simplification administrative) ne pourrait être obtenue qu’après validation par la conférence
territoriale et que, s’inscrivant dans le cadre d’une convention avec l’Etat, elle serait donc
contrôlée et réversible. Concernant la question de l’inscription de la culture comme
compétence obligatoire, elle souligne le risque d’une clarification des compétences qui
produirait des rigidités et donnerait un prétexte au désengagement de certains.
Le rôle que souhaite incarner le MCC face à ces deux grandes réformes du gouvernement dans
un délai de six mois environ, c’est de veiller à développer des outils de concertation des
financeurs culturels publics (par le biais du Conseil des collectivités territoriales pour le
développement culturel et des Conférences territoriales de l’action publique) mais aussi de
profiter de la réorganisation administrative pour se questionner sur le sens de l’action
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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publique en matière de culture sur le territoire : « Nous devons justifier l’écart entre les
objectifs fixés et les impacts réels de l’intervention de l’Etat. Il faut problématiser cette
réflexion à partir de la garantie par l’Etat d’une égalité d’accès à la culture sur les territoires ».
A l’échelle de l’Etat, ce chantier se baserait sur des auditions des acteurs culturels, afin de
connecter et d’articuler les réflexions en cours, et, à l’échelle des territoires, il s’agirait de
mettre en place une méthodologie de concertation avec les collectivités territoriales et les
acteurs du secteur autour de quelques thèmes et des grandes typologies de territoires.
Les adhérents du SYNDEAC se sont inquiétés d’une absence de cap apparent dans ce projet
de réévaluation de l’intervention de l’Etat, craignant un désinvestissement économique et une
absence de protection face aux élus locaux qui ne sont pas toujours éclairés en matière de
politique culturelle. Ils ont exprimé leur besoin d’une présence de l’Etat structurante, mais
aussi à l’écoute des innovations mises en place sur les territoires.
Enfin, certains ont considéré que ce mouvement important en terme d’agencement territorial
pouvait être l’occasion pour les structures et leurs partenaires de repenser leur ancrage
territorial de manière plus moderne que jusqu’alors (par exemple pas depuis la ville vers sa
banlieue) et que cette reconfiguration, certes risquée, pouvait être source non négligeable
d’émergence, de créneaux d’initiatives, de partenariats, de possibles.
Pour aller plus loin :
Contribution du SYNDEAC pour une compétence obligatoire et partagée : La place de la
culture dans la décentralisation
http://www.syndeac.org/index.php/politiques-publiques/reformes/pistes-de-reflexion-pourlavenir-du-spectacle-vivant/2063-la-place-de-la-culture-dans-la-decentralisation
ASSISES DU SYNDEAC – 21 et 22 Septembre 2014
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Allocution de clôture de Madeleine Louarn, présidente du SYNDEAC
Je tiens à remercier tous les participants et les invités qui ont accepté d’intervenir et de
nourrir nos échanges en nous donnant leur point de vue. Ces Assises de notre syndicat ont été
l’occasion de repenser la période, de nous repenser dans la période.
Nous n’avons pas fini, ce n’est qu’un début.
Mais je voudrais profiter de la présence des conseillers de la ministre pour qu'ils puissent lui
transmette solennellement nos très vives inquiétudes et nos propositions. Je voudrais, en
notre nom à tous, leur souhaiter beaucoup de courage. S’il nous en faut, il leur en faudra
aussi pour aborder les grand chantiers de la période : ils le savent.
Nous sommes au milieu du gué sur la plupart des chantiers majeurs concernant les politiques
publiques de la culture.
Nous avons appris la nomination de Mme Pellerin à ce ministère en choisissant de ne pas
nous alarmer de ce que les industries culturelles avaient été sa principale préoccupation dans
ses fonctions précédentes. Nous sommes certains que nous arriverons à la passionner, avec
vous, pour notre secteur, celui du spectacle vivant, bien vivant, celui des arts plastiques, celui
des œuvres originales qui ne se dupliquent pas.
Nous avions besoin d’une garantie pluri annuelle sur les budgets, nous l’avons obtenue. Il
faut encore qu’elle ne s’accompagne plus de ces gels et reconstitutions tardives ou
incomplètes qui continuent d’entraver notre action. Cette « sanctuarisation » arrive bien tard,
après des années de baisse et dans un contexte difficile. Et nous avons aussi besoin de
moyens nouveaux, d’un souffle nouveau, pour que la l’ambition restaurée de l’Etat et la
réforme territoriale deviennent les leviers d’un élan réaffirmé pour l’art et la culture.
Nous avons besoin d’ouvrir un chantier prioritaire sur les compagnies, leurs parcours, leurs
ressources, leurs espaces de travail. Il faut donner des moyens pérennes et spécifiques aux
artistes. Nous avons des propositions et de nouveau lors de ces Assises, nous avons
approfondi cette revendication.
Nous avons besoin d’un schéma de la présence artistique et culturelle sur les territoires, et
pour cela d’un dialogue interministériel refondé. Mais nous avons surtout besoin d’un
dialogue fondamental avec les territoires, au delà d’une réforme territoriale que l’on a appelé
un « big bang » et d’une vision résumée à la simplification administrative, l’économie, la
redistribution des cartes dans une enveloppe fermée.
Car nous avons besoin enfin que la politique de l’Etat entre en conjugaison avec celle des
territoires. Que la dépense publique soit pensée dans son ensemble. Que les territoires aient
réellement avec vous des objectifs partagés, des moyens qui se complètent, et les méthodes
d’une gouvernance simple et claire. Nous continuerons de demander que la compétence
culturelle soit obligatoire et partagée, et que l’Etat ne puisse pas quitter la table.
J’en viens à l’un des dossiers les plus graves à nos yeux : celui de l’intermittence. Il aura fallu
une nouvelle crise, d’une grande violence dans sa juste colère mais aussi d’une grande
responsabilité, pour que s’ouvre enfin une mission de concertation. Nous avons une occasion
unique d’aboutir enfin à une réforme réelle, une réforme juste, durable.
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Avec beaucoup d’autres, nous avons choisi d’y mettre nos espoirs et notre engagement. Nous
ne pouvons tout simplement pas échouer.
Nous ne devons pas oublier dans quelle période nous vous disons cela. Partout les populismes
augmentent, partout des formes de censure plus ou moins larvée sont mises en œuvre. Nos
métiers sont attaqués, nos expertises sont mises en cause.
Nous avons besoin d’un ministère qui ne contribue pas à cette déconstruction, mais qui veille
au contraire sur la protection des professionnels qui portent en son nom les missions d’une
culture publique.
« Face à la crise morale, à la crise d’identité, à la montée de l’intolérance et du rejet de
l’autre, je crois profondément, intensément, que la culture fait partie de la solution »
Ce ne sont pas mes mots, mais ceux du Premier ministre la semaine dernière au vernissage
de l’exposition Niki de Saint-Phalle. Des mots importants, qui, s’ils se traduisent dans les
actes, peuvent redonner à la culture la place éminente qui lui revient.
A travers nos travaux, ce qui me frappe mais n’étonnera pas, c’est que nous voulons
seulement que la place des arts et de la culture soit reconnue dans le projet national. Qu'une
loi pour la création devienne la garantie républicaine de la place des artistes dans notre
société.
La volonté politique, son ambition, c'est de parier sur la culture. Pas seulement d’en
sanctuariser le budget, mais de parier sur nous, sur notre capacité à insuffler des visions
d'avenir. C'est toute une politique publique pour la culture qu’il faut refonder. Au nom de
l’intérêt général, il faut qu’elle entre dans le droit commun des citoyens.
Ce grand projet, nous l’attendons toujours.
Nous sommes prêts à relever ce défi,
Madeleine Louarn,
22 septembre 2014
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