Rapport - Centre International de Mathématiques Pures et Appliquées

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Rapport - Centre International de Mathématiques Pures et Appliquées
École de recherche
« Théorie algorithmique des nombres, cryptographie»
Nouakchott, Mauritanie
15-26 février 2016
1. Environnement local
Il y a déjà eu deux écoles CIMPA en Mauritanie. L'une en 1998 sur les mathématiques appliquées à l'économie et
l'autre en 2005 sur les modèles et outils mathématiques pour l'analyse et la régulation des systèmes de pêches. C'était
donc la troisième école CIMPA organisée en Mauritanie et une quatrième est prévue plus tard cette année sur les
équations aux dérivées partielles et le calcul scientifique.
La situation sécuritaire n'a pas posé de problème particulier bien que le pays soit classé en zone orange et malgré le
contexte actuel. Nous avons pu sortir quotidiennement sans inquiétude pour découvrir la ville et ses alentours mais
l'organisateur nous avait toutefois interdit de le faire seuls. Nous étions ainsi en permanence accompagnés par un
membre du de l'organisation dans nos déplacements.
Il n'y a qu'une seule université des sciences en Mauritanie. Elle a déménagé très récemment au nord de la ville. Le
campus est donc tout neuf et plutôt bien pensé. L'objectif était de transformer une université d'enseignement en une
université d'enseignement et de recherche. Ce projet est porté et mené à bien depuis plusieurs années par le président
actuel de l'université et va bien sûr dans le bon sens. Ainsi une école doctorale a ouvert récemment.
Les mathématiques font partie d'un département de mathématiques et d'informatique dirigé par Mohamed Vall Ould
Moustapha, spécialiste en EDP, et avec qui j'ai pu souvent échanger. C'est d'ailleurs lui qui organise l'école CIMPA
qui aura lieu en juin 2016 à Nouakchott.
Un master de mathématiques est déjà en place et la motivation principale de cette école était l'ouverture d'une option
Algèbre et Géométrie dans ce master. Malheureusement, cette ouverture ne s'est pas faite dans les temps pour que la
première promotion puisse suivre l'école CIMPA. La cause principale est que plusieurs algébristes ou géomètres ont,
depuis le dépôt de candidature pour l'organisation de cette école, été pris par des fonctions politiques. C'est
notamment le cas du porteur de ce projet (à la fois de Master et d'école CIMPA) qui a été nommé Directeur des
Stratégies et de la Programmation au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Si cet investissement politique de collègues algébristes ou géomètres devait perdurer, il serait fortement souhaitable
qu'un recrutement soit fait dans ces thématiques rapidement car il n'y a pas assez de forces vives locales pour faire
vivre une option Algèbre et Géométrie en Master, ce qui serait pourtant souhaitable vu qu'il n'y en a pas d'autre dans
le pays.
2. Organisation générale
Cette école était organisée par Mohamed Ould Douh (université de .Nouakchott, Mauritanie) et Abderrahmane Nitaj
(université de Caen, France) et avait lieu à Nouakchott. Elle faisait suite à une visite de Michel Waldschmidt qui était
venu faire un cours en 2014. C'est à cette occasion que le projet d'option Algèbre et Géométrie dans le Master a mûri
et que les 2 projets d'écoles CIMPA ont été lancées. L'école était hébergée dans les nouveaux locaux de l'université
qui ont donné entière satisfaction en dehors d'un tableau non adapté dans la salle de conférence.
Malheureusement, l'organisateur local était très pris par ses nouvelles fonctions au ministère. Malgré ses efforts, il n'a
pas pu se libérer suffisamment pour assurer sereinement l'organisation de l'école. De plus, la personne du
département la plus susceptible de le seconder était sérieusement malade toute la première semaine de l'école et n'a
donc pas pu non plus assurer ce rôle. Heureusement, Mohammed Ould Douh a pu compter sur le soutien de ses
collègues du département de mathématiques (pas nécessairement dans les thématiques de l'école) et l'organisation de
l'école a été globalement bonne. Ainsi un planning avait été préparé pour que l'école soit supervisée chaque jour.
Une cérémonie d'ouverture importante a été organisée le premier jour de l'école. Elle s'est déroulée en présence de la
secrétaire générale du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, du président de l'université d’accueil,
du doyen de la faculté des sciences et d'un attaché de l'ambassade de France et a fait l'objet d'un reportage le soir
même au journal télévisé national. J'y ai présenté rapidement le CIMPA et ses activités. J'en ai aussi profité pour
discuter de l'avenir de l'université de Nouakchott et de la place des mathématiques avec tous ces acteurs après la
cérémonie.
A noter qu'après les remerciements d'usage, l'organisateur français a profité de l'occasion pour présenter le contenu de
l'école, les intervenants et les étudiants par pays. Cela a permis de donner un intérêt scientifique à cette cérémonie.
Cela n'avait pas été prévu, mais l'emploi du temps du vendredi doit être adapté dans les pays musulmans comme la
Mauritanie. On pourrait même envisager des cours du dimanche au jeudi car les étudiants arrivent en retard aux cours
de l'après midi. Par exemple cette école s'est finalement terminée le vendredi à 13h et les derniers cours n'ont pas pu
avoir lieu.
Il y a tout de même eu une brève cérémonie de clôture avec le président de l'université, le vice-président et le doyen
de la faculté des sciences. Les participants ayant assisté à tous les cours s'y sont vu remettre une attestation de
participation à l'école. Après de courtes interventions de l'organisateur local, de moi-même et du président de
l'université, les étudiants étrangers ont demandé à prendre la parole pour remercier l'organisation, le CIMPA et les
intervenants. Cette sympathique initiative a été très appréciée et les étudiants locaux ont donc fait de même.
3. Participant-e-s
Une cinquantaine de participants devaient participer à cette école dont une majorité de locaux. En pratique il y avait
entre 30 et 35 participants (en plus des intervenants) dans la salle de conférence.
Les 12 participants internationaux venaient d'Algérie, du Bénin, du Cameroun, de Côte d'Ivoire, du Mali, du Maroc
et du Sénégal. 7 d'entre eux étaient financés par le CIMPA , 2 par la société mathématique de Côte d'Ivoire, 1 par
l'IMSP (projet de la banque mondiale au Bénin) et les 2 algériens étaient financés par leur gouvernement. Parmi ces
12 étudiants, on ne comptait qu'une seule étudiante. Heureusement, il y en avait plus au niveau local pour une
proportion finale autour d'un tiers de participantes.
Le gros point noir de cette école était le niveau en algèbre des étudiants locaux. Il était très faible en tous cas par
rapport au niveau des étudiants étrangers ce qui a obligé les intervenants à un grand écart périlleux (avec des
questions de niveau L1 et d'autres de niveau D sur un même résultat par exemple). Cela est du au fait qu'il n'y a pas, à
ce jour, d'option d'Algèbre dans le Master de mathématiques sur place. Cette école CIMPA était censée initialiser une
telle option, mais elle n'a pas pu être mise en place à cause des responsabilités politiques prises par certains membres
du département dont l’instigateur de cette option. Les étudiants locaux sont ainsi tous des analystes et ce problème ne
devrait donc pas se poser lors de l'école CIMPA organisée en juin dans la même université. Les étudiants étaient
toutefois motivés car dès que le niveau des prérequis d'algèbre était moins élevé, ils posaient beaucoup de questions.
un formulaire d’évaluation a été distribué le dernier jour afin de récolter les retours des étudiants. Ces retours se sont
globalement avérés positifs, y compris en ce qui concerne le niveau des cours qui ont été jugé ni trop faciles ni trop
difficiles probablement grâce aux efforts pédagogiques déployés par les intervenants pour s'adapter à un public si
hétérogène.
4. Cours
7 intervenants étaient initialement prévus mais 2 n'ont pas pu venir à l'école.
La première annulation, celle de C. Swart, a eu lieu très tôt (elle a accouché en décembre) et a donc pu être gérée
facilement par les organisateurs et le conseil scientifique de l'école qui avaient décidé de répartir le contenu des cours
manquant aux autres intervenants.
La seconde annulation a été d'une tout autre nature puisque A. Azizi a été bloqué à l'aéroport au Maroc par la douane
marocaine qui ne voulait pas le laisser partir sans visa alors que la Mauritanie ne délivre de visa qu'à l'aéroport d'arrivée. Il
semble que ce blocage soit en partie causé par des problèmes diplomatiques entre le Maroc et la Mauritanie. Ces cours
ont donc été repris en dernière minute par les autres intervenants et ont permis de placer des séances de TP en Maple
qui se sont avérées très productives car les étudiants, en particulier les locaux, y étaient actifs.
L'un des intervenants n'est resté que 3 jours ce qui a obligé les organisateurs à condenser un peu trop ses cours mais
les autres sont restés durant toute la durée de l'école ce qui était une très bonne chose pour le développement des
relations avec les étudiants et les enseignants-chercheurs locaux.
Les cours se sont globalement très bien déroulés et ont été d'un bon niveau malgré la difficulté d'un public très
hétérogène. La salle où avait lieu les cours était très agréable et confortable mais n'était pas équipée d'un tableau ce
qui a posé problème pour certains cours. Des tableaux blancs amovibles ont été utilisés mais cette solution de
dernière minute n'était pas idéale (tableaux qui tombent, difficiles à effacer, trop petits, pas assez d'espace de
circulation).
5. Exposés de recherche
Le mercredi de la seconde semaine, un mini workshop a été co-organisé avec le département de mathématiques et
informatique. Des intervenants de l'école et des membres du département ont ainsi présenté leur thématique de
recherche. Nous avons eu des exposés de théorie des graphes, de cryptographie basée sur les réseaux, de géométrie
hyperbolique et d’algorithmique et complexité. C'est une expérience intéressante qui permet à tout le monde de
profiter de l'école pour mieux se connaître scientifiquement.
2 sessions d'exposé de participants ont également été organisées. C'est formateur et intéressant pour tous de voir ce
sur quoi ils travaillent. Les exposés étaient corrects mais il manque clairement aux étudiants les bases de comment
faire un bon exposé. Ce serait bien d'inciter les organisateurs des futures écoles à organiser un mini cours sur le sujet
et un mini cours aussi sur comment rechercher des articles, des livres, bref se faire une bibliographie et comment
accéder à l'information et aux contenus.
6. Structure d'accueil
Les intervenants étaient logés dans un hôtel sécurisé qui coûte malheureusement assez cher mais qui était une
demande du CIMPA. L’hôtel en question était très bien et les conditions d'hébergement étaient très bonnes. Les
étudiants étrangers étaient logés dans une annexe de l'hôtel à proximité dans de très bonnes conditions également. Ils
étaient toutefois 2 par chambre afin de diminuer les coûts.
L’hôtel étant en centre ville, une navette, gracieusement prêtée par l'école des mines, assurait le transfert des
intervenants et des étudiants vers l'université.
Les petits déjeuners et les dîners étaient pris à l'hôtel et regroupaient les étudiants étrangers et les intervenants. Les
repas du midi, également assurés par l'hôtel, étaient pris en commun sur place à l'université mais malheureusement
souvent servis très en retard. Heureusement la pause du midi était suffisamment longue pour que ça ne pose pas de
retard dans le programme. Globalement les repas étaient de bonne qualité mais assez similaires d'une fois sur l'autre
et 2 fois par jour pendant 13 jours ça fait vite beaucoup.
7. Ambiance
L'ambiance était globalement bonne. Les pauses étaient suffisamment longues pour permettre des échanges et les
étudiants étrangers ont vécu en permanence ensemble pendant toute la durée de l'école. L'organisateur local a su se
rendre disponible en soirée (probablement au détriment de sa famille) pour partager les dîners avec nous et/ou nous
emmener nous promener ce qui fait que nous avons quand même pu être en contact permanent avec lui.
Une excursion au banc d'Arguin a été organisée pour les intervenants et les participants étrangers pendant le weekend entre les 2 semaines d'école y compris une nuit en tente dans le désert et un méchoui. Cela a grandement
participé à la cohésion du groupe et a favorisé les échanges entre intervenants et participants. Il était
malheureusement impossible que les étudiants locaux se joignent à nous. De même, je n'ai pas pu m'y joindre étant
trop malade mais les retours des étudiants comme des enseignants étaient excellents.
La cohésion du groupe des étudiants étrangers était donc excellente mais un peu moins entre les 2 populations (pas
de dîner ensemble, pas d'excursion commune mais surtout centres d’intérêts mathématiques différents)
8. Événements satellites et contacts
Si les fonctions ministérielles de l'organisateur local de cette école ont été préjudiciable au déroulement de l'école,
elles ont été très bénéfiques sur 2 autres points : l'obtention de financements locaux (cf section 10) et l'organisation
de rencontres avec les autorités. J'ai ainsi pu être reçu ou invité à dîner (souvent avec les autres intervenants de
l'école) par le président de l'université, le doyen de la faculté des sciences, plusieurs attachés de l'ambassade de
France et finalement par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et son conseiller français « prêté »
par l'ambassade de France (comme dans tous les ministères visiblement). Les sujets de discussion ont été variés mais
les 4 axes principaux de ces discussions à retenir sont
 La pertinence et l'organisation d'une option Algèbre et Géométrie dans le Master de Mathématiques.
Une telle formation paraît nécessaire et importante à tous les niveaux hiérarchiques (algébristes
locaux, chef du département, doyen de la faculté des sciences, président de l'université) mais
nécessite plus de forces vives effectives dans ces thématiques à l'université.



L'action de l'ambassade de France pour le développement de la recherche en Mauritanie et
particulièrement de la recherche mathématique notamment par le biais d'un concours de
Mathématiques organisé avec le concours de l'école polytechnique (Prix Yahya Ould Hamidoune)
mais aussi par un soutien important aux actions telles celles du CIMPA.
De l'organisation de l'enseignement supérieur en Mauritanie, de son évolution et des difficultés
rencontrées (faible taux d'entrée à l'université, beaucoup d’échec et d'abandon, recherche peu
développée, très nombreuses heures supplémentaires effectuées dans le privé pour compléter le
salaire, non retour des meilleurs étudiants partis faire leurs études à l’étranger).
Mise en place par le ministère d'indicateurs pour mesurer le fonctionnement de l'enseignement
supérieur, et questionnements l'évaluation des enseignants-chercheurs et des formations.
Pour l'anecdote, lorsque nous avons été conviés à l'ambassade de France à l'occasion d'une réception et le responsable
de la coopération et de l'action culturelle (numéro 2 de l'ambassade derrière l'ambassadeur) a rendu un hommage
appuyé au CIMPA mais complètement faux…
Nous avons profité de cette école pour apporter 3 valises de livres provenant de bibliothèques personnelles de
chercheurs de l'université de Lille pour le fond bibliothécaire Hamidoune. Cependant, il ne nous est pas apparu très
clairement de l'utilisation qui serait faite de ces livres en particulier en terme d'accès et de possibilité d'emprunt pour
les étudiants. Mais gageons qu'il en sera fait bon usage.
J'ai également pu discuter avec Y. Moine qui veut organiser une école en géométrie algébrique et singularités. Je l'ai
encouragé dans ce sens mais je l'ai mis en garde sur le fait que cela ne pourra se faire que si une option Algèbre et
Géométrie est finalement mise en place car il n'est pas question de recommencer une école qui ne concerne pas ou
peu les étudiants locaux. Il faut aussi noter que Y. Moine est lui aussi très impliqué politiquement (ancien député et à
la tête d'un nouveau parti).
9. Impact et effets à long terme
Cette école n'aura malheureusement pas eu l'effet escompté du fait que l'option Algèbre et Géométrie du Master n'ait
pas ouverte avant la tenue de l'école. C'est très dommage mais il apparaît quand même clairement qu'il y a une forte
volonté d'ouvrir à court terme une telle option, y compris de la part de la direction du département de maths et des
instances de l'université. Et cette école a permis de rediscuter de remettre ce projet sur la table avec tous les acteurs.
Elle ne devrait donc pas avoir été vaine si cette option finit par ouvrir. De plus, de part la visibilité qu'elle a eue, elle
aura permis de mettre en valeur le travail effectué par le département de mathématiques et d'informatique. Enfin elle
aura de toutes façons participé à la formation des jeunes de la région, y compris des locaux même si cela ne
concernait pas directement leurs thématiques prioritaires car les intervenants ont bien su s'adapter au public.
10. Budget
La participation du CIMPA s'est élevée à environ 13000€ et le budget total de cette école était de 50000 € environ.
Cette participation a permis de financer les vols de certains participants ainsi que le logement des participants
étrangers. L'organisateur local a pu obtenir des financements locaux conséquent (par rapport à ce à quoi on est
habitué dans la région) et il devrait en être de même pour la prochaine école organisée en juin. En dehors du CIMPA,
les principaux financements venaient de
 Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (environ 3800 €),
 Université des Sciences et de Médecine de Mauritanie (environ 4400 €),
 FST (environ 8400 €)
 Ambassade de France (3745 €),
 IMU-CDC (2000 €),
 ICIAM (2000 €),
 ICTP (2000 €),
 Projet PRMAIS (500 €)
Certains intervenants ont pu financer leur voyage grâce à leurs institutions (universités de Caen, Paris 6, Rennes 1). Il
est également à noter que la société mathématique de Côte d'Ivoire a financé les voyages de 2 participants ivoiriens,
l'IMSP du Bénin a financé le voyage d'un de ses étudiants et la Direction Générale de la Recherche Scientifique et du
Développement Technologique algérienne a financé les voyages des deux participants algériens à cette école.
Sylvain Duquesne

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