Lecture commentée de l`article de Philippe Perrenoud : « Différ

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Lecture commentée de l`article de Philippe Perrenoud : « Différ
Lecture commentée de l’article de Philippe PERRENOUD : « Différenciation de
l’enseignement : résistances, deuils et paradoxes », publié in Cahiers pédagogiques, 1992, n° 306, pp.
49-55. Repris dans Perrenoud, Ph., La pédagogie à l’école des différences, Paris, ESF, 1995, 2e éd. 1996,
chapitre 4, pp. 119-128. http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/life
Cet article commence par un préambule proposant une définition de l’enseignement
différencié : « différencier, c’est organiser les interactions et les activités de telle sorte que
chaque élève soit constamment ou du moins très souvent confronté aux situations didactiques
les plus fécondes pour lui ».
Tout le monde s’accorde qu’il faille en finir avec le déni des différences ( de rythme, de
motivations, de capacités, etc. des élèves), ce qui est le propos de la pédagogie différenciée.
Sa mise en œuvre concrète, par contre, provoque des résistances de tous ordres.
La première catégorie de résistances est de l’ordre du deuil, la deuxième est liée aux
contradictions fondamentales de l’acte pédagogique – l’auteur parle ici de paradoxes.
1. Faire son deuil – ses deuils !
Philippe PERRENOUD cite, sans prétendre à l’exhaustivité, un certain nombre de deuils, de
renoncements auxquels l’enseignant doit faire face s’il souhaite s’inscrire dans une démarche
de différenciation. Il précise aussi qu’il semble nécessaire d’accompagner les enseignants
dans cette traversée afin de leur permettre de « reconstruire des satisfactions
professionnelles » associées à ces nouvelles pratiques.
• première idée à quitter : « l’échec scolaire n’est pas une fatalité » ; placés dans des
conditions adéquates d’apprentissage, 80% des élèves peuvent maîtriser 80% du
programme
• deuxième renoncement : « l’autre n’est le seul responsable » ; même si de réelles
pesanteurs existent – sociologiques, administratives, il n’est pas question de se
réfugier derrière l’attente que tout doit changer avant de commencer à revisiter ses
propres pratiques.
• troisième deuil : « la pédagogie différenciée n’est pas de l’improvisation, donc
pure liberté de l’enseignant » ; elle requiert rigueur, anticipation, organisation,
donc un ensemble de contraintes qui semblent de prime abord rébarbatives et
inconfortables. Elles sont, cependant, un gage de professionnalisation.
• quatrième deuil : « la pédagogie différenciée ne permet pas de faire l’économie de
la confrontation » avec l’élève résistant, ou l’élève en échec malgré tout, bref,
l’élève qui ne correspond pas à l’idéal pour que « ça » marche !
• cinquième deuil : « les routines doivent pouvoir être abandonnées » ; il faut
accepter de remettre sans cesse en cause ses pratiques, ses « routines », ses
certitudes didactiques pour s’adapter à toute situation nouvelle.
• sixième deuil : « celui de son autonomie » – la pédagogie différenciée fonctionne
mieux si elle est conçue en équipe pédagogique.
• dernier deuil évoqué : « celui du pouvoir » de l’enseignant seul maître à bord, dans
une relation descendante et constamment contrôlée.
2. Les paradoxes
Ils sont inhérents à la complexité des processus d’enseignement et d’apprentissage.
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le premier paradoxe réside dans la difficulté de faire coïncider pédagogie
différenciée et respect des contraintes liées aux programmes et aux certifications
diverses.
le deuxième paradoxe réside dans le fait que la pédagogie différenciée, louable
dans ses objectifs - faire reculer l’échec scolaire, peut sembler l’être moins dans
ses moyens ; en effet, elle accentue de facto la pression sur des élèves, qui, pour
certains, ne demandent rien d’autre que « de rire ou de ne rien faire » !
le troisième paradoxe consiste à savoir trouver l’équilibre entre encourager l’élève
en difficulté et ne pas le décourager en le mettant en face de la réalité de ses
progrès.
L’auteur conclut en disant que la mise en œuvre de la différenciation se heurte à des
exigences qui semblent inconciliables. Elle ne peut se mettre en œuvre que dans le cadre de
stratégies collectives, en équipes pédagogiques ou même dans le cadre d’un établissement.
Elle repose nécessairement sur une réflexion par les enseignants sur leurs représentations,
leurs blocages, leurs croyances afin de mettre en place d’autres postures, intérieures d’abord,
pédagogiques ensuite.