Chine, Indonésie, Inde : le tiercé gagnant de la crise
Transcription
Chine, Indonésie, Inde : le tiercé gagnant de la crise
TOPIC Juin 2009 Chine, Indonésie, Inde : le tiercé gagnant de la crise On perçoit en Chine, en Indonésie et en Inde les premiers signaux d’une reprise mondiale. La crise économique lamine tous les pays du monde, développés comme émergents, sauf quelques pays d’Asie : la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam, qui auront des croissances prévisibles en 2009 de respectivement 8,3%, 5,8%, 3,7% et 3,5%. La croissance chinoise s’appuie sur ses investissements fixes et sa demande domestique… La Chine a enregistré son score le plus «bas» au premier trimestre 2009, avec 6,1% de croissance, mais un rebond à +7% au deuxième trimestre et +8% au troisième est prévisible. L’année 2009 devrait se conclure par +8% de croissance moyenne (en ligne avec les objectifs affichés) pour atteindre 10% en 2010. Le tiercé gagnant de la crise mondiale est formé des trois géants asiatiques, en tous cas par la population (45% de l’humanité à eux trois). Qui plus est, leur rebond, après la morosité - très relative - des deux derniers trimestres, est très vif, en avant-garde d’une reprise mondiale dont on perçoit les premiers signaux. La Chine s’appuie sur ses deux béquilles : ses investissements fixes et sa demande domestique, stimulés par un robinet de crédits bancaires massifs. Les investissements fixes ont explosé depuis l’annonce du plan de relance en novembre dernier : +30,5% sur les 4 premiers mois de l’année (en glissement annuel). Le relâchement des règles d’attribution des crédits et les réductions successives du taux de réserves obligatoires ont créé un appel d’air dont tout le monde a profité, à commencer par les spéculateurs : alors que toutes les bourses mondiales s’effondraient, celle de Shanghai s’est envolée de … + 37% en quatre mois. Le fabuleux élargissement du crédit bancaire au cours des derniers mois permet à nombre d’entreprises d’engranger des prêts à bon compte, dont la finalité est tout à fait incertaine pour la plupart. A terme, la montée en flèche des prêts dits «non-performants» dans le bilan des banques chinoises est un vrai risque, dont le gouvernement est parfaitement conscient. …stimulés par des crédits bancaires massifs. Plus sérieusement, du côté de la demande domestique, certains secteurs, comme l’immobilier et l’automobile, ont repris du poil de la bête. Au cours de ce premier trimestre, la Chine a dépassé pour la première fois les Etats-Unis en termes de vente de voitures, grâce aux généreuses subventions accordées par le gouvernement. Le commerce de détail est solide : +16% sur une base annuelle. Les mesures prises par le gouvernement, conjuguées à la baisse des prix, a incontestablement favorisé le pouvoir d’achat des ménages, ruraux comme urbains. Pour poursuivre son effort, Pékin a annoncé une nouvelle vague de mesures de stimulation, comme la création de sociétés de crédit à la consommation, à titre expérimental dans quatre métropoles chinoises (Pékin, Shanghai, Tianjin, Chengdu). Elles devraient permettre aux particuliers d’emprunter à hauteur de 5 fois leur revenu mensuel. Des subventions, visant cette fois-ci les ménages urbains, doivent aussi inciter les ménages à renouveler leurs voitures et leurs produits électroménagers. Le plan de relance de 4 000 Md.RMB (586 Md.USD sur deux ans) annoncé en novembre à grands sons de trompe est fortement biaisé, car il inclut des projets largement planifiés (comme la reconstruction du Sichuan) et se défausse des trois quarts de la somme annoncée sur les provinces, dans des conditions d’un grand flou artistique. Mais les exportations et la production industrielle continuent à faire grise mine. Les exportations continuent à faire grise mine. Les mesures de soutien à ce secteur ne manquent pas, et le gouvernement ne cesse d’en adopter de nouvelles : taxes et subventions à l’exportation, assurance–crédit export etc. En vain : en avril, les exportations ont connu leur sixième mois consécutif de baisse, à -22,4% (soit 90 Md.USD en avril 2009 contre 119 en avril 2008). Les grandes régions exportatrices comme le Guangdong ou le Zhejiang, sont sinistrées. Comme les importations baissent plus vite encore, l’excédent commercial cumulé s’établit à de nouveaux records : 330 Md.USD sur un an, qui viennent gonfler les déjà énormes réserves de change. La production industrielle tourne toujours au ralenti (version chinoise) : +5,1% de croissance au 1er trimestre, contre +16,2% l’année dernière. Elle devrait continuer à ce rythme pendant encore un semestre avant de redémarrer en douceur dans la deuxième partie de l’année. L’Indonésie est une valeur sûre de l’Asie en cette période troublée, qui Les s’est estompée de notre cartographie de façon très surprenante, comme si pour nous fondamentaux elle était restée engluée dans la crise d’il y a dix ans. indonésiens sont Les fondamentaux de l’Indonésie sont excellents et en amélioration excellents. constante, malgré la crise mondiale. La dette de l’Etat est passée de 60% du PIB en 2003 à 33% en 2009 (France ~74%). La balance des paiements est presque équilibrée, à -0,4% du PIB en 2009 (-12% en France vraisemblablement). La balance commerciale est très positive. Le système bancaire est assaini. Les investissements fixes ont bondi de +43% en quatre ans, à 26% du PIB aujourd’hui. Le budget de l’Etat n’est en déficit que de -3% du PIB (France ~ -6,5% en 2009). La croissance devrait s’infléchir à +3,7% en 2009 pour se redresser à près de 5% en 2010. Les élections législatives d’avril 2009 se sont déroulées en toute quiétude, et les prochaines élections présidentielles de juillet 2009 s’annoncent sans bouleversements majeurs. Le président S. B. Yudhoyono jouit d’une grande popularité et devrait se voir reconduire dans ses fonctions à l’issu du scrutin de l’été. La place boursière de Jakarta traduit ce regain de confiance en la robustesse des fondamentaux économiques et la stabilité politique indonésienne : elle a pris +38,4% depuis le début de l’année. La demande domestique résiste bien,… La demande domestique résiste bien, représentant plus de 60% du PIB. Au 1er trimestre 2009, elle a crû de +5,8% par rapport à la même période l’année dernière, soit 3,4 points de croissance. Le plan de relance de 6,4 Md.USD annoncé début janvier 2009, prévoyant d’immenses transferts de liquidités, ou encore l’augmentation des salaires des fonctionnaires. A cela s’ajoute la baisse des prix des denrées alimentaires et des matières premières, libérant au passage le pouvoir d’achat des ménages. Beaucoup d’observateurs ont revu tout récemment leurs prévisions à la hausse pour l’Indonésie. Certes, les investissements fixes et les exportations, fortement liés à la demande et aux flux extérieurs, se contractent, mais moins qu’ailleurs. Les entreprises indonésiennes, qui avaient profité ces dernières années des flux d’investissements directs étrangers, se voient aujourd’hui privées de capitaux neufs par suite de la contraction de l’activité mondiale. …et la politique pro-business du gouvernement incite à se réintéresser au pays. L’Inde a été plus touchée que prévu par la tourmente mondiale… …mais la large victoire du Congrès a dopé l’optimisme indien. L’Indonésie est certes peu dépendante de la demande extérieure, puisque les exportations ne représentent - contrairement à bien d’autres pays de la région que 19% de son PIB (contre plus de 35% pour la Chine continentale). La faible demande extérieure joue son rôle, mais aussi la baisse des prix des biens et surtout des abondantes matières premières vendus par l’Indonésie à l’étranger. Pour autant, la balance commerciale reste stable, puisque les importations suivent la même courbe que celle des exportations. Le manque d’investissements et la faiblesse des exportations touchent de plein fouet les entreprises exportatrices, qui sont actuellement en situation délicate. La politique pro-business de l’équipe gouvernementale est une forte incitation pour les investisseurs étrangers à se réintéresser à l’Indonésie, première économie de l’ASEAN, et de loin. L’Inde est certes moins exposée à la tourmente internationale, car elle a embrassé la mondialisation beaucoup plus tard que d’autres. Mais l’Inde a été plus touchée que prévu par le ralentissement mondial. Sa production industrielle a chuté de 2,3% en un an, et ses exportations (12% de son PIB) ont diminué de 33% en avril, septième mois consécutif de baisse. Les secteurs liés aux industries exportatrices continuent leur traversée du désert, le secteur manufacturier affichant un repli de 1,4% au 1er trimestre. Même les deux principaux moteurs de la croissance de ces dernières années, les investissements fixes et la demande domestique, ont été atteints. Touchée par un resserrement des financements, l’Inde reste néanmoins l’une des économies les plus performantes derrière la Chine, avec 5,8% de croissance au 1er trimestre 2009 (notre TOPIC d’avril 2009 fait un point complet sur la situation indienne). L’optimisme indien a été dopé par la large victoire du Parti du Congrès à la mi-mai. On craignait une coalition bancale, où le Parti du Congrès serait obligé de négocier point par point sa politique économique avec le Parti communiste ou avec les nationalistes hindous, ce qui ne laissait présager rien de bon pour les réformes. Mais c’est finalement un Parti du Congrès vainqueur qui sera à la tête du gouvernement central. Le Premier ministre, Manmohan Singh, est reconduit pour un deuxième mandat dans ses fonctions, ce qui n’était pas arrivé depuis Nehru. Le Ministre des finances change de titulaire au profit d’un conservateur senior. D’ores et déjà, le « nouveau » gouvernement devrait mettre en place tout un ensemble de réformes attendues depuis longtemps : la réforme de la législation du travail, l’ouverture de certains secteurs économiques aux investisseurs étrangers, des réformes économiques orientées vers le marché, des programmes d’assistance sociale etc. Pour financer le tout, outre un déficit budgétaire «extensible», le gouvernement central pourrait être amené à privatiser certains groupes ou services publics. En l’espace de deux mois, l’optimisme semble de nouveau de mise. Le L’Inde reste une secteur tertiaire a profité d’une embellie au 1er trimestre. Les dépenses sociales ont valeur montante. augmenté de +12,5%, suivi du secteur financier (+9,5%), de l’immobilier (+9,5%) et de la construction (+6,8%). Les dépenses gouvernementales, engagées par les trois plans de relance successifs, n’y sont pas pour rien : elles ont augmenté de +12,5% au 1er trimestre en glissement annuel. De quoi creuser encore davantage le déficit budgétaire indien, qui devrait atteindre cette année 10% du PIB. Le business s’ouvre lentement aux étrangers : Wall Mart aujourd’hui, bientôt Carrefour. A son propre rythme, l’Inde reste une valeur montante. J.G. & H.B. Dernières prévisions de croissance en % 2008 2009 2010 ETATS-UNIS EUROLAND G.B. POLOGNE 1.1 0.7 0.7 4.9 -3.0 -4.3 -3.4 -0.8 1.2 0.7 1.9 1.3 JAPON COREE SINGAPOUR -0.7 2.2 1.1 -6.3 -3.0 -8.0 1.1 2.9 2.5 CHINE INDE INDONESIE 9.0 6.4 6.1 8.3 5.8 3.7 10.9 6.6 4.5 BRESIL RUSSIE AFRIQUE DU S. TURQUIE 5.1 5.6 3.1 1.1 -1.5 -7.5 -1.6 -7.0 3.0 3.0 2.6 4.5 Chine: croissance par trimestre (en rythme annuel) % g.a. 11,6 12 10,6 10,4 10 9 8,5 8 7 6,8 6 6,1 4 1Q 2Q 3Q 4Q 1Q 2Q 3Q 4Q 1Q 2Q 3Q 4Q Source: Goldman Sachs, Juin 2009 Les moteurs de la croissance chinoise Indicateurs pour 2009 % g.a. en % du PIB Chine Inde Indonésie France Budget de l’Etat -3,5 -10,0 -3,2 -6,5 Balance courante +9,0 -1,3 -0,4 -12,5 35 30 25 Source: Goldman Sachs, juin 2009 20 15 10 5 avr-08 mai-08 juin-08 juil-08 AOUT sept-08 oct-08 nov-08 DEC 08 janv-09 FEV 09 mars-09 avr-09 08 INVESTISSEMENT CONSOMMATION LIQUIDITE (M2)