Démocratie : Imaginaires politiques et religieux en
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Démocratie : Imaginaires politiques et religieux en
Équipe de recherche GRIPAL/CRSH Démocratie : Imaginaires politiques et religieux en Amérique latine Résumé de la Recherche L’analyse, tout comme l’énonciation, des processus dits de démocratisation en Amérique latine repose pour l’essentiel sur une conception minimaliste et procédurale de la démocratie qui tend à légitimer un « pacte entre élites modérées » pourtant responsable du maintien des « enclaves autoritaires » et de la marginalisation, de la sphère publique, des représentations « substantielles » du social. Cette conception restreinte de la démocratie souffre, cependant, d’un important déficit de légitimité, dont les symptômes les plus visibles sont la désaffection électorale, la résurgence de mouvements dits populistes et la cristallisation des frustrations sur des mouvements religieux. Ce déficit oblige non seulement à revenir sur le caractère restreint du compromis entre élites qui a permis la transition. Il conduit aussi à aller chercher ce que recouvre aujourd’hui le discours techniciste international programmant la consolidation démocratique. La comparaison avec l’Afrique est ici pertinente puisque, dans plusieurs sociétés africaines, le compromis entre élites a avorté. Là où, comme en Afrique du Sud, le « recodage » du politique par le religieux a rendu possible un réel changement de langue politique, la consolidation s’avère problématique. L'étude que développe l'équipe GRIPAL/CRSH cherche alors à resituer la problématique de la démocratisation dans un contexte plus large que les conceptions minimalistes et en grande partie normalisantes de la transitologie. En partant de la notion d'imaginaires, politiques ou religieux, les analyses conjointes que développe l'équipe permettront d'identifier et d'intégrer à un cadre théorique cohérent, diverses représentations du social qui tendent à structurer l'espace public malgré le fait qu'elles soient en grande partie ignorées des sciences sociales. Il est urgent d’opérer un travail théorique et empirique important si l’on veut sortir du dilemme qui semble être posé aujourd’hui entre une irrationalité attribuée d’ailleurs à tort au religieux et aux masses, et une conception totalement formelle de la démocratie. Pour cela, il faut être capable de développer un corpus théorique conséquent qui résiste aux évidences des théories de la démocratie procédurale et de disposer d’analyses concrètes d’autres sociétés que celles sur lesquelles raisonnent en général ces théories, et notamment celle de la stable democracy. Sortir du dilemme est un objectif supposant les étapes suivantes : 1) prendre acte de l’évolution des imaginaires politiques suite d’une part à l’acceptation politique dans les rapports Nord / Sud de la déshumanisation de masse (extrême pauvreté) et suite d’autre part à la fin de la guerre froide; 2) rendre compte de l’explosion du religieux par le rôle qu’il joue dans la traduction les uns dans les autres de ces imaginaires politiques en rapide évolution; 3) analyser l’effet des imaginaires politiques sur la manière dont sont lus les rapports de forces dans les différentes sociétés et rendre compte ainsi de représentations du politique distinctes selon les sociétés; 4) montrer le rôle d’occultation du discours techniciste internationalisé sur ces représentations et sur les marges, processus et acteurs sociaux, échappant au contrôle des élites; 5) de repérer dans des énoncés (plus ou moins contrôlés par divers niveaux et types de questionnaires) et leurs effets (y compris religieux), l’affirmation de droits porteurs d’une invention démocratique. L’étude porte principalement sur sept pays : cinq d’Amérique latine et deux d’Afrique. La variété des pays étudiés doit permettre d’éviter de rapporter les expériences démocratiques aux critères des théories politiques du Nord. De façon plus générale, alors que ces théories du Nord tendent à évacuer toute composante substantielle dans la définition de la " république procédurale ", les pays d’Amérique latine et d’Afrique sont devenus, malgré les crises qu’elles traversent et le discours international qui les encombrent, le champ où l’invention démocratique est peut-être la plus pressante. Face aux frustrations et aux souffrances, se produisent —en réponse à la délégitimation (ou l’absence) des langues politiques— des discours dans lesquels des droits nouveaux se définissent. Il s’agit de rendre visibles ces affirmations de droits d’une part en évitant que le discours techniciste les récupèrent et d’autre part en les démaillotant de leur gangue religieuse sans nier le rôle du religieux dans certains « recodages » du politique. Du point de vue de la philosophie politique, il s’agit de donner, sur des bases concrètes répertoriées dans des pays variés, des éléments pour penser la démocratie comme une réalité normative. La recherche prétend apporter un instrument conceptuel et social susceptible de tenir compte des alternatives démocratiques, afin de permettre aux forces démocrates de se représenter les ensembles sociaux qui les concernent autrement que dans la perspective formelle des théories de la transition, tout en dépassant la simple opposition (du type anti-mondialisation). L’analyse des langues politiques que développe l’équipe a en effet permis de montrer comment la position anti-mondialisation incorpore dans son bagage conceptuel les fondements de ce contre quoi elle lutte. 1.1. DESCRIPTION DÉTAILLÉE Problématique Les théories politiques de la transition et de la consolidation démocratique sont devenues un champ important de la science politique (O’Donnell, Stepan, Schmitter, Przeworski, Whitehead, Schedler, Morlino, Hermet, Banegas, Oxhorn, Éthier, Ducantenzeiler, Daloz, Quantin). Elles sont plus riches que le corpus général des théories de relations internationales car s’y glissent toujours malgré les prétentions empiriques quelques préoccupations normatives. Celles-ci sont cependant corsetées dans un premier cercle par les conceptions de la polyarchie (Dahl, 1989) et dans un second cercle par le condominium Rawls-Habermas (1997) qui tend à retirer de la démocratie l’idée d’un projet substantiel. Or pourtant l’invention démocratique (Lefort, 1983) ne peut être réduite à l’objectif de l’égalité sociale, surtout lorsque cet objectif est subordonné au pur respect de règles procédurales. Dans le cas des pays du Nord, la question du caractère substantiel de la démocratie a été traitée dans le débat entre théoriciens de l’équité et communautaristes, et Charles Taylor (1989, 1994) étant certainement un provocateur utile dans ce débat (voir aussi Boismenu et al 1992, Mouffe, 2000). Dans le cas des pays d’Amérique latine et d’Afrique, l’enjeu est polysémique car la consolidation démocratique, sans être mise en question, reste aléatoire même si une « culture politique démocratique » (Duarte, 1998) peut parfois (mais dans certains cas de façon biaisée) être identifiée. Le risque est que la théorie se rabatte sur des considérations prospectives forcément fragiles, ou bien se replie sur des considérations normatives mais qui, importées du Nord, pourraient être stériles. Il y a lieu de sortir de la science politique au sens strict et d'explorer les imaginaires (Castoriadis, 1975, Beaucage, 1998). Mais bien qu’on puisse associer dans un même syntagme imaginaires politiques et religieux, il faut immédiatement souligner qu’il s’agit de deux ordres de phénomènes différents. Dans un discours politique où la lutte entre le bien et le mal est devenue une composante lexicale importante non seulement dans les pays du Sud mais aussi du Nord (cfr le discours du Président Bush du 12 septembre 2001, relayé par celui du Président Chirac le 18 septembre), il devient impératif de construire théoriquement la distinction entre imaginaire politique et visions religieuses pour ensuite déterminer leurs interactions. Dans une étape ultérieure, on peut espérer avoir une autre lecture des régimes politiques latino-américains et africains. À partir des places distribuées par le discours dans son énonciation (Foucault, 1969, Angenot, 1989), la forme que prennent les différentes représentations politiques (Corten, 1999, Doran, 2000b, Beaucage, 2001) selon ces régimes peut être établie. Ultimement, il s’agit de dégager dans les marges des rapports de forces ainsi représentés les facteurs d’invention démocratique et ce qui peut conduire à un changement durable de langue politique (Faye, 1972). Le cas sud-africain est à cet égard emblématique (Darbon, 2000). Objectifs Devant des phénomènes qui apparaissent souvent chargés d’irrationalité, il est fondamental que nous ayons des instruments pour en comprendre la signification y compris pour notre propre image de la démocratie. Le religieux n’est pas nécessairement incompatible avec la démocratie (Gifford, 1995) mais il peut avoir pour effet de saturer les imaginaires politiques. L’irrationalité ne provient pas nécessairement du religieux mais de la manière dont le religieux est utilisé non seulement pour diaboliser l’adversaire (Corten, 2000) mais pour faire « dévorer la syntaxe de la langue politique » (Corten, Fridman, Deret, 1999). Dans un monde sans âme et sans émotion, le religieux est souvent, Marx le disait, l’expression des opprimés (Boudewijnse et al., 1998). Mais cette epression ne préfigure pas des formes politiques. Des analyses concrètes l’ont montré à partir de la nébuleuse pentecôtiste (Corten, 1995, 1999). Par contre, le religieux a un rôle de traduction dans les imaginaires politiques (Corten & Mary, 2001). Dans la période contemporaine, les imaginaires politiques ont eu tendance à se transformer rapidement d’une part suite à la fin de la guerre froide et d’autre part en raison de l’évolution des rapports Nord/ Sud. Ce qu’on appelle la résurgence du religieux indique un rôle remarquable de ce dernier dans les traductions de ces imaginaires en rapide évolution. Ce rôle de traduction explique que le religieux cristallise de plus en plus dans les sociétés d’Amérique latine et d’Afrique les frustrations et les attentes de populations aspirées dans des processus aussi bien de disparités sociales que de revendication de droits (Cleary & Stewart Gambino, 1997) bloqués par la mise en place de « démocraties stables ». Les imaginaires politiques tendent alors à être saturés. Considéré dans une perspective multi et interdisciplinaire, l’objectif immédiat de cette recherche est triple. Il est d’abord de repérer les formes religieuses qui jouent dans la traduction des imaginaires politiques - le pentecôtisme, ce protestantisme du tiers-monde (Bastian, 1994, Garrard-Burnett, Stoll, 1993, Freston, 2001, Corten & Marshall-Fratani, 2001) en est un exemple notable. Cela implique de distinguer clairement imaginaires religieux et imaginaires politiques (Geschiere, 1995). Il est dans un deuxième temps de dégager les imaginaires politiques pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’apprécier leurs effets sur la représentation du politique dans des sociétés déterminées, et donc sur la vision des rapports de forces conditionnés par la langue politique). Les imaginaires donnent une virulence à certains procédés discursifs de cette langue (Bailey, 1983). Il est dans un troisième temps de rapporter ces effets à des critères nécessairement normatifs de la démocratie en essayant d’identifier l’affirmation de nouveaux droits (Taylor, 1989). Selon nous, la démocratie doit en effet être définie de façon normative comme la prise en charge par la population de la définition de choses « bonnes ». Les pays d’Amérique latine et d’Afrique (Campbell, 1989) traversant des mutations que révèle l’explosion du religieux sont les régions où la démocratie est sans doute la plus obscurcie, mais où, par contre, l’invention démocratique (Lefort, 1983) est la plus intense. Fondamentalement, cette recherche tourne évidemment autour de la question de la nature du ou de la politique, ce qui n’exclut pas de reconnaître sa nécessaire fragilité (Revault d’Allonnes, 1999). L’objectif plus général de cette recherche est de sortir du dilemme qui semble être posé aujourd’hui et qui demande de choisir entre une irrationalité attribuée d’ailleurs à tort au religieux et une conception totalement formelle de la démocratie ( Schedler, Diamond, Plattner :1999). La littérature En raison de son caractère multi-disciplinaire, cette recherche croise plusieurs littératures. En parlant ici de consolidation démocratique, on ne se limite plus spécifiquement à la dimension de « politique comparée », la stratégie de recherche résidant dans le fait de sortir de ce créneau. En fait, la discussion sur la transition et la consolidation démocratique est faussée par le fait qu’on essaye d’appliquer aux sociétés d’Amérique latine et d’Afrique des critères externes (Hermet, 2001, Weffort, 1992, 1993). Au niveau de la transition (Hurbon, 1997, Armony, 2000), n’est prise en compte que la question de la violence étatique sans qu’elle ne soit rapportée à la violence civile. Or, plusieurs pays d’Amérique latine et plus encore d’Afrique sont immergés dans la violence civile (Lebot, 1994, Faure, 2000). Au niveau de la consolidation, lorsqu’on veut aller plus loin que la définition d’une stabilité comme consensus entre élites modérées autour de l’acceptation durable de règles, on donne un primat absolu aux notions d’égalité sociale dans une perspective de théorie de la modernisation (Weffort, 1992). On reste rivé à la définition des droits tels qu’on la trouve encore dans le Rapport sur le développement humain PNUD 2000 : droits civiques, politiques économiques, sociaux et culturels. On néglige par contre l’expression de droits en tant que telle, qui, elle, est législatrice et constitue ce faisant une invention démocratique. Car on oublie fondamentalement que la démocratie c’est être législateur de ses droits (Lefort, 1983). C’est cette expression (législative) qui est la « substance » de la démocratie comme réalité normative. Démocratie signifie le fait d’être partie prenante dans la possibilité de dire les « choses bonnes » pour la société à laquelle on appartient. Historiquement aujourd’hui, l’affirmation des droits en Amérique latine et en Afrique relève de la manière dont l’individu, avec ses propres ressources, parvient à ne pas se laisser emporter par la spirale de la violence civile et par la déshumanisation de masse produite par la misère absolue (Corten, 2000). Cette affirmation introduit un élément normatif qui perturbe le « calcul rationnel » des élites et qui permet aux populations de s’émanciper de la manipulation de leurs imaginaires. Lien entre la recherche proposée et les activités courantes Les recherches antérieures du responsable de ce projet (André Corten) ont débouché sur l’observation du rôle de traduction du religieux dans les imaginaires politiques. Pour aller plus loin, il s’agit de mieux cerner la nature de la modification des imaginaires politiques sous l’effet du discours internationalisé (à dominante économique), d’avoir des instruments non plus simplement prospectifs mais analytiques sur le type de régime qui s’installe sous le terme de consolidation démocratique et d’identifier les inventions démocratiques qui sont souvent observables au niveau microsocial. Pour cela, des compétences en matière d’analyse du discours économique et d’anthropologie sont nécessaires (Bibeau & Corin, 1994). André Corten combine une analyse de l’énonciation à une analyse politique sur les représentations du politique et le fait à travers un vaste effort d’enquête des manifestations religieuses de type pentecôtistes. Les chercheurs associés (Victor Armony, Pablo Semán, Ari Oro Pedro, Margaita Zires, etc.) sont susceptibles d’élargir considérablement cette approche en donnant la possibilité d’articuler le micro-social au macro-social, l’énoncé premier d’une syntaxe à toute la circulation du discours, de même que de mesurer l'impact des réformes institutionnelles prônées par les tenants de la « bonne gouvernance » au niveau international (Campbell, 1997, 2000a et b) et d’aboutir ainsi à comprendre les conditions de changement d’une langue politique (Peñafiel, 2000, Doran 2000b). Au niveau théorique, le propos est de mettre au point une méthodologie pour apprécier l’effet des imaginaires politiques sur la représentation du politique en incluant le rôle croissant du discours internationalisé. L’acceptabilité d’une langue politique doit être distinguée des paramètres qui prétendent régir les exigences du développement économique. Aussi doit être introduite dans l’analyse une dimension économique pour démonter ces prétentions. L’économie politique est une critique de l’économie qu'il est nécessaire de mener car le discours internationalisé a pour effet de présenter le marché comme la réalité par excellence. À tel point que le religieux lui-même est aspiré par cette problématique de marché. Non seulement les pasteurs sont souvent des business man mais les théoriciens du religieux, à vrai dire dans la tradition de Weber et de Bourdieu, parlent de « marché de biens du salut ». S’impose aussi l’introduction d’une dimension anthropologique. Si même le religieux n’est qu’une forme proto-politique (et qui ne deviendra pas politique), l’analyse anthropologique permet de relever des modes hybrides. Ainsi, par exemple, la revendication des droits peut se faire par l’utilisation de rituels d’origine religieuse (Steil, 2001). L’analyse de l’énonciation, tant à partir de grands corpus que des énoncés « spontanés » recueillis dans des récits de vie, ne permet pas de rendre compte à elle seule des questions d’acceptabilité et de naissance de langues politiques. Des techniques quantitatives adaptées aux grands corpus doivent permettre d’étayer une problématique en termes macro-politiques. Plusieurs de ces limitations avaient été soulignées dans la troisième partie du livre Alchimie politique du miracle (Corten, Fridman, Deret) et cette nouvelle recherche donne l’occasion de déboucher sur de nouvelles avenues de recherche. L’équipe actuelle, constituée de praticiens de l’analyse du discours, de l’économie politique et d’anthropologie, permet d’élargir l’approche et de décloisonner une étude sur le religieux dont tout l’impact ne pouvait ressortir. L’élargissement procède aussi du fait que les pentecôtismes sur lesquels portaient les recherches de Corten, aussi importants soient-ils, ne sont plus dans cette recherche qu’une des multiples composantes pour l’examen du religieux dans le politique. Importance et originalité La théorie politique ne parvient souvent pas à se dégager des imaginaires politiques qui la portent. Nous partons de la position que toute la théorisation sur l’espace public depuis Kant —théorisation tellement importante dans la philosophie et la théorie politiques contemporaines (Arendt, Habermas)— en est une manifestation. Pour nous, l’espace public conçu en termes de transparence est un imaginaire politique. L’originalité de cette recherche est de proposer de référer, grâce à une critique interne de l’économie conjuguée à une analyse du discours, les phénomènes abordés à leurs critères internes de légitimité. Une fois dégagé de critères externes, le chercheur devrait être capable d’aborder de front la question de la normativité dans la définition de la démocratie. Il devrait pouvoir assumer une position permettant d’accorder le statut de « chose bonne » à l’affirmation de certains droits. Mais obnubilée par les dérives totalitaires, la pensée politique contemporaine occidentale ose rarement poser la question des choix normatifs. Pour l’Amérique latine et l’Afrique, lorsqu’on ne suit pas cette tendance au renoncement, on est tenté de chercher des alternatives dans les « constructions identitaires ». Celles-ci sont souvent des démarches spéculaires que notre approche doit permettre de dépasser. Un troisième élément d’originalité de cette recherche consiste à repérer, dans une approche anthropologique et sociologique, l’affirmation de droits indépendamment des catégories de droits attribués généralement à la citoyenneté. La notion de citoyenneté trop liée à la formation de l’État-nation doit être elle-même mise en question dans le contexte actuel de d’internationalisation du discours que d’aucuns appellent (non sans incorporer les paramètres de ce discours internationalisé) mondialisation. Cadre théorique Cette recherche puise dans cinq corpus théoriques principaux. D’abord dans la thématique des imaginaires, on prend en compte le télescopage Castoriadis / Lacan qui est une constante du discours ordinaire des sciences sociales d’aujourd’hui. Il y a ensuite les théories de la transitologie et de la consolidation, dont O'Donnell s'avère un des principaux tenants. On constate une évolution de l’acceptation des paradigmes de la polyarchie à une réflexion plus ouverte, mais qui reste prisonnière des cadres de la théorie politique générale et de la domination de ce champ par le condominium Rawls-Habermas. Un troisième champ est l’étude des nouveaux mouvements religieux et du ou des fondamentalismes. À l’opposé des conceptions à la Huntington (1996) sur les chocs de civilisation, on tentera de voir comment le religieux contemporain, à travers son « expérientalisme » (Cox, 1996) est le moment de formation de rassemblements sociaux populaires (Doran, 2001). Le quatrième corpus doit permettre de boucler la boucle mais en séparant pourtant radicalement le religieux du politique. Se libérant des théories de T.H. Marshall (1950) sur la citoyenneté, il s’agit de penser les nouvelles catégories de droit qui surgissent dans des sociétés placées dans une lutte contre la déshumanisation provoquée par la misère absolue (Corten, 2000). Le cinquième corpus concerne le statut du politique et de sa fragilité essentielle. Le ou la politique est à la fois l’effet de récits sur des rapports de forces —une machine narrative aveugle— et à la fois l’affirmation, par le « peuple ignorant » de ces effets, de droits auxquels un nom est donné lorsqu’une nouvelle langue politique est sur le point de surgir les rendant ainsi acceptables. Stratégie de recherche La stratégie générale de recherche consiste à sortir du cadre étroit de la politique comparée en s’intéressant à l’étude des imaginaires. Cette stratégie repose sur la complémentarité entre un souci de rigueur théorique nécessitant la mise au point d’un système conceptuel et une grande expérience de terrain. Un atout majeur de cette recherche est en effet la grande familiarité de terrain et l’expertise que le chercheur principal et les co-chercheurs ont de différents terrains dans différents champs qui s'avèrent complémentaires en regard de la problématique de l'équipe. C’est en effet à partir de données de terrain, notamment discursives, qu’une avancée dans la connaissance peut être proposée. Méthodologie La méthodologie principale est l’analyse d’énoncés stabilisés (disponibles) et non-stabilisés (à recueillir). Les énoncés stabilisés sont notamment ceux du discours technique international et de certains locuteurs politiques nationaux. Par une critique d’économie politique et une analyse du discours, il s'agit de traiter et de démonter les grands ensembles textuels, tels les rapports de la Banque Mondiale, d’autres organismes internationaux et les discours d’hommes politiques (disponibles dans l’édition, la presse ou internet). Il s’agit aussi d’étudier des textes de fiction qui nous permettent de repérer dans des textes disponibles des éléments des imaginaires. Pour la collecte et l’analyse des énoncés non-stabilisés : Application d’un même questionnaire de type semi-fermé dans 4 + 3 pays d’Amérique latine et 3 pays d’Afrique. Total de l’échantillon : 2 000. Le questionnaire, inspiré de celui de Houtart et Remy (2000), comprendra en outre une batterie de mots clés pour provoquer des énoncés produits par associations libres. Dans cinq pays (3 d’AL et 1 d’Afrique) réunion d’énoncés permettant à travers des biographies sociales dans diverses associations volontaires. Une biographie sociale est le recueil de récits croisés de vie de personnes appartenant à un même groupe (Corten & Tahon, 1984). Ces énoncés seront analysés par des techniques qualitatives et quantitatives d’analyse de questionnaires et d’analyse du discours (assistée ou non par ordinateur). 1.2 LISTE DE CITATIONS Angenot, Marc, 1889 : un état du discours social, Longueil, LePréambule, 1989. Armony, Victor, Représenter la nation: le discours présidentiel de la transition démocratique en Argentine, Montréal : Éditions Balzac, 2000. Beaucage, Pierre, "Les enfants du jaguar et du colibri. 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