Untitled - Quakers
Transcription
Untitled - Quakers
Library of the Geneva Monthly Meeting of the Society of Friends (Quakers) Bibliothèque du groupe de Genève de la Société des Amis (quakers) Liberté de conscience et tolérance chez Robert Barclay et John Locke Liens, Georges Liberté de conscience et tolérance chez Robert Barclay et John Locke / Georges Liens. - 2011. - P. 2-6. - In “Lettre des Amis ”, No 109, juin 2011. Quelques lignes manquantes au bas de la page 2 (la version en ligne est complète) LINK : http://www.swiss-quakers.ch/ge/library/e-documents/7970-GLiensBarclayLocke.pdf Barclay, Robert, 1648-1690 / Locke, John, 1632-1704 / Religious Tolerance > 17th Century The original copy of this document belongs to the Geneva Quaker library. La version originale de ce document appartient à la bibliothèque du groupe quaker de Genève. Geneva Quaker Library / Bibliothèque du groupe quaker de Genève 13 avenue du Mervelet, CH-1209 Genève www.swiss-quakers.ch/ge/library/ The rights of the publishers and authors are reserved. Les droits des éditeurs et auteurs sont réservés. 7970 12.6.2013 Creative Commons Attribution-Noncommercial-Share Alike 3.0 License http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/ LIBERTE DE CONSCIENCE ET TOLERANCE CHEZ ROBERT BARCLAY ET JOHN LOCKE Georges LIENS Cet article peut paraître ne présenter qu’un intérêt historique, et pourtant il y a encore aujourd’hui au moins un pays au monde où les malheureux accusés d’« apostasie » sont condamnés à la mort par pendaison ! L’histoire de la pensée européenne des derniers siècles, telle qu’elle est le plus souvent conçue de nos jours, laisse volontiers dans l’ombre les penseurs spécifiquement religieux au profit de ceux qui furent beaucoup plus résolument « laïcs ». C’est ainsi que l’on présente traditionnellement John Locke comme le grand champion de la liberté de conscience au XVII° siècle, et sa Lettre sur la tolérance, écrite en latin une dizaine d’années après l’Apologie de Barclay, comme « l’exposé classique du problème de la tolérance »(1). Or en fait, comme le souligne l’historien anglais Henry Kamen, ce texte si célèbre « ne témoignait pas d’autant d’originalité et de libéralisme que les plaidoyers analogues rédigés par d’autres écrivains européens antérieurs à Locke, car celui-ci se contentait de reprendre d’anciens arguments (2). A l’appui de cette constatation, je voudrais rappeler brièvement ici les relations étroites qui ont uni le philosophe aux Quakers et faire quelques rapprochements suggestifs entre sa Lettre et le chapitre XIV de l’Apologie, consacré à la liberté religieuse. I. Locke ami des quakers Benjamin Furley et William Penn La Lettre sur la tolérance, publiée d’abord anonymement en Hollande, en 1689, avait été écrite dans ce pays trois ans plus tôt, au cours de l’hiver 1685-1686. Locke se trouvait alors depuis quelque temps en exil aux Provinces-Unies du fait de ses opinions politiques, caché sous un faux nom parce que le gouvernement de Charles II avait demandé son extradition. Or à cette époque, l’un de ses meilleurs amis, chez qui il habita même un moment, était Benjamin Furley (1636-1714), un négociant anglais converti au quakerisme. Celui-ci, qui avait été l’un des collaborateurs directs de George Fox (notamment pour la rédaction de l ’Abécédaire, cet ouvrage visant à justifier la pratique générale du tutoiement), était, lui aussi, parti en exil, en 1677, à cause de ses convictions religieuses. A Rotterdam où il s’était établi, il jouissait de la considération de tous. Très cultivé, il entrera également en relation avec d’autres personnalités notoires, tels Leibnitz et Pierre Bayle. Sa bibliothèque, de près de 4500 volumes, où dominaient les ouvrages de spiritualité, était célèbre ; le catalogue en est encore conservé au British Museum (3). Bien plus, une amitié étroite et de longue date unissait Locke à William Penn, plus jeune que lui de douze ans. En 1682, Locke a aidé Penn à établir le remarquable Cadre constitutionnel (Frame of Government) de la Pennsylvanie, qui inspirera, au siècle suivant, la constitution des Etats-Unis. Le texte original de ce Frame, écrit de la main même de Penn, et conservé dans les archives de la « Société historique de Pennsylvanie », comporte, entre les lignes, des notes et des commentaires de Locke (4). En 1685, donc très peu de temps avant la rédaction de la Lettre sur la tolérance, Penn voulut intervenir en faveur de l’exilé auprès du gouvernement des Stuarts, mais Locke lui demanda de n’en rien faire, « ne pouvant obtenir de pardon, lui écrivit-il alors, puisqu’il n’était coupable d’aucun 1/6 crime ». Quelques années plus tard, en 1693, ce fut Locke qui tenta de défendre, auprès de Guillaume III, le fondateur de la Pennsylvanie, alors accusé de haute trahison et même privé pendant quelque temps de sa colonie, à cause de ses sympathies pour Jacques II, le souverain détrôné. A son tour, Penn le pria de s’en abstenir(5). Cette amitié si profonde de Locke avec deux des figures les plus marquantes du Quakerisme laisse à penser qu’il a dû lire avec attention et intérêt l’œuvre de Barclay. Et lorsque l’on examine la Lettre sur la tolérance à la suite du chapitre XIV de l’Apologie – écrite une dizaine d’années plus tôt -, on ne peut manquer d’être frappé par la similitude de l’argumentation et même par l’étroite parenté entre certaines phrases. Sans vouloir conclure de façon formelle à une influence directe sur John Locke du livre de Barclay – ou d’autres ouvrages quakers écrits en faveur de la tolérance, telle surtout La grande cause de la liberté de conscience, œuvre composée par William Penn en 1670 - , je vais me contenter de présenter quelques-uns des passages de la Lettre sur la tolérance où la ressemblance avec le chapitre de l’Apologie est la plus manifeste (6). II. L’Eglise selon Barclay et Locke « La tolérance à l’égard de ceux qui ont des opinions religieuses différentes, affirme Locke, est si conforme à l’Evangile et à la raison qu’il semble monstrueux que des hommes puissent n’y point voir dans une si claire lumière » (p. 9). « Ce prétendu pouvoir [de contrainte] du magistrat, déclare Barclay, est à la fois contraire à la nature de l’Evangile et incompatible avec lui. (…) En second lieu, faire ainsi violence aux consciences est contraire à la saine raison et à la loi de la nature elle-même » (XIV, 2 et 4). Pour Locke, l’impérieuse nécessité de la tolérance dérive de la nature même de l’Eglise : « L’Eglise me semble être une société libre d’hommes volontairement réunis pour adorer publiquement Dieu de la façon qu’il jugent lui être agréable et propre à leur faire obtenir le salut.(…) Mais, dira-t-on, il ne peut y avoir une vraie Eglise qui n’ait un évêque ou un prêtre, chargé, pour la gouverner, d’une autorité venue, par une succession continue et ininterrompue, des apôtres eux-mêmes.(…) Ce qui est dit [par le Christ] semble suggérer tout autre chose : « Là où deux ou trois se réuniront en mon nom, je serai au milieu d’eux »[Mat. 18, 20]. On verra bien s’il manque quelque chose à une assemblée au milieu de laquelle se trouvera le Christ, pour qu’elle soit une vraie Eglise. Rien du moins n’y manque en vue du vrai salut : en ce qui nous concerne, cela suffit » (pp. 17 et 19). Voilà qui est tout proche de la définition des « Eglises particulières du Christ » donnée dans l’Apologie (en X, 3 et 4) : tout comme Barclay, Locke rejette la « succession apostolique » entendue comme une continuité d’ordre purement extérieur, et, citant ce verset de Matthieu si cher aux Quakers (cf. Apologie, X, 17), il met l’accent sur la présence spirituelle du Christ au milieu de l’assemblée de ses fidèles recueillis, sans distinction entre laïcs et membres du clergé. III. Les règles de discipline dans l’Eglise Parlant ensuite des règles de discipline indispensables à la bonne marche d’une telle Eglise, le philosophe explique : « Premièrement, aucune Eglise n’est tenue, au nom de la tolérance, de garder en son sein celui qui, en dépit des avertissements, s’obstine à pécher contre les lois établies dans cette société ; si on lui permettait de les violer impunément, c’en serait fait de cette société, car ses lois constituent les conditions de la communauté et l’unique lien de la société. Néanmoins, il faut prendre garde de n’ajouter au décret d’excommunication, ni des paroles injurieuses, ni des violences, qui portent 2/6 atteinte soit au corps, soit aux biens de celui qui est expulsé.(…) L’excommunication n’ôte et ne peut ôter à l’excommunié aucun de ses biens civils ou aucun de ceux qu’il possédait en tant que personne privée. (…) Toute la force de l’excommunication se réduit à ceci, c’est que, une fois déclarée la décision de la société, l’union qui existait entre le corps et l’un de ses membres est dissoute. (…) « Deuxièmement, aucune personne privée ne doit en aucune façon porter atteinte aux biens civils d’autrui ou les détruire sous prétexte qu’il professe une autre religion ou pratique d’autres rites. Tous ses droits d’homme et de citoyen doivent lui être conservés comme des droits sacrés ; ils ne relèvent pas de la religion : on doit se garder de faire violence ou de faire tort aussi bien à ce chrétien qu’à un païen. La règle de justice doit être ajoutée aux devoirs de la bienveillance et de la charité. C’est ce qu’ordonne l’Evangile, c’est ce que conseille la raison, et aussi la société formée par la nature entre les hommes » (pp. 23 et 25). La similitude est frappante avec le passage où Barclay expose que les seules sanctions auxquelles puisse recourir l’Eglise sont d’ordre spirituel : « Si une Eglise chrétienne voit certains de ses membres tomber dans quelque erreur, et si, après leur avoir adressé des instructions et des avertissements adéquats, conformes aux règles de l’Evangile, elle les trouve obstinés, il lui est parfaitement permis de les retrancher de sa communion par le glaive de l’Esprit et de les priver de ces droits dont ils bénéficiaient en tant que membres de cette Eglise, mais non pas de les retrancher du monde par le glaive temporel ou de leur ravir les droits qu’ils ont en commun avec tous les hommes. Ils en jouissent, en effet, non pas comme chrétiens ou comme membres de cette Eglise, mais comme hommes et membres de la création » (XIV, 1). IV. Séparation radicale entre l’Eglise et l’Etat L’analyse que fait Locke des causes des persécutions entre Chrétiens est, elle aussi, toute proche de celle de l’Apologie : « Ce n’est pas de la diversité des opinions, qui ne peut être évitée, mais du refus de la tolérance qui aurait pu être accordée à ceux qui soutiennent des opinions diverses, que sont nées et que se sont produites la plupart des luttes et des guerres de religion dans le monde chrétien tandis que les chefs de l’Eglise étaient poussés par la cupidité et par le désir de domination, (…) malgré les lois de l’Evangile, malgré les conseils de la charité ils prêchèrent la spoliation et l’extermination des schismatiques et des hérétiques et ils mélangèrent deux choses radicalement différentes : l’Eglise et l’Etat » (p. 95). La nécessité de cette séparation entre l’Eglise et l’Etat n’a pas été moins formellement affirmée par Barclay : « L’Evangile est totalement étranger à l’autorité et au gouvernement des Etats politiques, comme le Christ l’a expressément déclaré lorsqu’il a dit que son Royaume n’était pas de ce monde » (XIV, 2). V. Vraie nature de la religion Cette radicale séparation, explique Locke, provient de ce que la vraie religion est une question d’engagement personnel, de conviction intérieure, qui ne peut avoir de valeur que si elle résulte d’une démarche sincère et entièrement libre : « C’est dans la foi que consiste la force et l’efficace de la religion vraie et qui assure le salut. Quoi que l’on professe seulement des lèvres, quelque culte extérieur que l’on pratique, si l’on n’est pas persuadé du fond du cœur que telle est la vérité et que cela plaît à Dieu, non seulement cela ne contribue pas au salut, mais même y met obstacle. En effet, de cette façon, au lieu d’expier nos péchés par la pratique de la religion, on ajoute, comme pour les couronner, la simulation de la religion et le 3/6 mépris de la puissance divine ; ce qui advient lorsque l’on offre à Dieu, très grand et très bon, le culte dont nous croyons qu’il lui déplait. « En second lieu, le soin des âmes ne saurait appartenir au magistrat civil parce que tout son pouvoir consiste dans la contrainte. Mais comme la religion vraie et salutaire consiste dans la foi intérieure de l’âme, sans quoi rien ne vaut devant Dieu, telle est la nature de l’entendement humain qu’il ne peut être contraint par aucune force extérieure ; que l’on confisque les biens, que l’on accable le corps par la prison et la torture, ce sera en vain, si l’on veut par ces supplices changer le jugement de l’esprit sur les choses.(…) Il faut, pour changer un sentiment dans les âmes, une lumière que ne peut en aucune façon produire le supplice des corps » (pp. 13 et 15). C e sont là autant d’idées qu’a déjà développées Barclay : « Toutes les souffrances corporelles qu’il est possible d’infliger à un homme ne peuvent forcer son entendement, surtout dans le domaine spirituel et surnaturel. (…) [Les coups] peuvent bien faire périr le corps, mais jamais instruire l’âme. Car l’âme est un agent libre et ne peut être amenée à accepter ou à rejeter tout ce qui est question de conviction que par des moyens conformes à sa nature. Chercher à contraindre les esprits d’une autre manière, c’est agir avec les hommes comme s’ils étaient des bêtes dénuées d’entendement. (…) De cette façon, on peut, il est vrai, faire des hypocrites, mais jamais des chrétiens(…). Les hommes ainsi contraints par la violence, bien loin de devenir des membres de l’Eglise, sont rendus dix fois plus esclaves de Satan qu’ils ne l’étaient auparavant, car, à leur erreur vient s’ajouter l’hypocrisie, le pire des maux en matière de religion, et celui que l’âme du Seigneur abhorre plus que tout » (XIV, 4). VI. Les prescriptions évangéliques : paix et amour du prochain Lorsque Locke rappelle les prescriptions évangéliques de paix et d’amour du prochain, qui impliquent donc l’entier respect des convictions d’autrui, c’est en des phrases dont le mouvement même est identique à celui des passages où Barclay se fait le plus pressant pour amener son lecteur à l’esprit de tolérance : « On ne saurait s’étonner qu’ils ne se servent pas d’armes permises à la milice chrétienne, ceux qui (quoi qu’ils prétendent) ne militent pas pour la vraie religion et pour l’Eglise chrétienne. Si, comme le chef de notre salut, ils désirent d’un cœur pur le salut des âmes, ils marchent sur les traces et ils suivent l’exemple parfait du Prince de la Paix qui, lorsqu’il envoya ses compagnons pour subjuguer les nations et les faire entrer dans l’Eglise, les arma, non du fer, ou du glaive, ou de la violence, mais de l’Evangile, de l’annonce de la paix et de la sainteté de leur exemple et de leurs mœurs.(…) « L’Evangile atteste, en plusieurs endroits, que les véritables disciples du Christ doivent attendre et souffrir de graves persécutions : mais je ne me souviens par d’avoir lu dans le Nouveau Testament que la vraie Eglise du Christ devrait persécuter les autres, ou les tourmenter ou les contraindre à accepter ses propres croyances, et les conduire à la foi par la force, l’épée et les flammes » (pp. 9 et 21). Il y a là comme un écho de ces lignes de l’Apologie : Jésus « a abondamment montré par son propre exemple (…) que ceux qui sont les propagateurs [de l’Evangile] doivent souvent souffrir par la main des impies, mais jamais faire souffrir eux-mêmes les impies. Lorsqu’il envoie ses disciples en mission, il leur dit qu’il les envoie comme des agneaux parmi les loups, afin qu’ils se tiennent prêts à être dévorés, mais non pas à dévorer ; il leur dit qu’ils seront fouettés, emprisonnés et mis à mort à cause de leur conscience, mais jamais qu’ils devront fouetter, emprisonner ou mettre à mort » (XIV, 2). Ou 4/6 encore une correspondance étroite avec cette autre phrase de Barclay : Jésus « appelé par excellence le Prince de la Paix, a expressément défendu toute violence à ses enfants et leur a ordonné, tout au contraire, de suivre son exemple et de faire preuve de patience, de charité, de longanimité et des autres vertus dignes d’un chrétien » (XV, 13). (On notera également dans le texte de Locke l’emploi de l’expression « le chef de notre salut », empruntée à l’Epître aux Hébreux, comme dans l’Apologie, en XIV, 4.) VII. Liberté de conscience chez les Quakers et simple tolérance limitée chez Locke Outre ce manque d’originalité dans l’argumentation, il est certain aussi, comme l’affirme Henry Kamen, que la Lettre de Locke fait preuve de beaucoup moins d’esprit de liberté que les plaidoyers écrits antérieurement en faveur de la tolérance. Ceci est tout particulièrement vrai, là encore, des textes de Penn et de Barclay. Les quakers, en effet, réclamaient l’entière liberté de conscience expression explicitement employée par Barclay (7) – à la fois pour eux et pour toutes les confessions chrétiennes sans exception, y compris pour les catholiques. Locke, en revanche, excluait ces derniers des mesures de tolérance, en faisant valoir qu’ils devaient obéissance au pape, considéré par lui comme un prince étranger : « L’Eglise dans laquelle chacun passe ipso facto au service et dans l’obéissance d’un autre prince, ne peut avoir le droit d’être tolérée par le magistrat », soutient-il en effet (p. 81) (8). Enfin et surtout, John Locke n’a jamais été que le théoricien tardif de la tolérance, alors que Penn et Barclay, à la suite de Roger Williams, le fondateur de la colonie de Rhode Island, ont mis en pratique la liberté religieuse de la manière la plus large qui soit, en Pennsylvanie et dans le New Jersey oriental (dont Barclay a été le gouverneur), plusieurs années avant la composition de la Lettre sur la tolérance (9). Notes 1. Henry Kamen, L’Eveil de la tolérance, traduction de Jeanine Carlander, Hachette, 1967, p. 235. 2. Id., p. 232. 3. Ces quelques indications sur Benjamin Furly sont fournies par Edith Philips dans The good Quaker in French Legend, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1932, p. 19. Cf. aussi William I. Hull, Benjamin Furly and Quakerism in Rotterdam, Lancaster Press, 1941. 4. M. R. Brailsford, The Making of William Penn, Londres, Longmans, 1930, p. 348. Auparavant, en 1669, Locke avait été amené à rédiger la constitution de la Caroline (colonie qui ne sera divisée en deux qu’en 1729). Il l’avait conçue dans un esprit très nettement conservateur et aristocratique, favorisant les grands propriétaires aux dépens des autres colons. Le Frame de William Penn, au contraire, se montre résolument démocratique. Il semble bien que les idées politiques de Locke, telles qu’il les a exposées plus tard dans ses deux célèbres Traités du gouvernement civil (1690) aient justement évoluées d’une façon radicale sous l’influence de William Penn. 5. William Charles Braithwaith, The second Period of Quakerism, 2° ed., Cambridge University Press, 1961, p. 167. 6. Il faut signaler ici que John Locke avait commence dès 1660 à rédiger des textes sur cette question. Ces écrits, qui sont en quelque sorte des ébauches de la Lettre sur la tolérance, ne furent publiés qu’en 1961, à Turin, par Carlo Viano dans Scritti editi e inediti sulla tolleranza. On en trouvera une présentation dans : John Locke, Lettre sur la tolérance, traduction et introduction par Raymond Polin, Paris, P.U.F., 1965, pp. XXXIX, XL et LIX – LXXXVII. Les citations de la Lettre sur la tolérance qui vont suivre sont tirées de cette édition. Pour éviter de multiplier les notes, ces citations seront suivies de l’indication de la page où elles s’y trouvent. De même les citations de l’Apologie de Barclay seront suivies de l’indication du chapitre et du paragraphe d’où elles proviennent. La traduction est celle que j’ai fait paraître chez Dervy, à Paris, en 1993, sous le titre : La Lumière intérieure 5/6 source de vie – Apologie de la vraie théologie chrétienne (…). Il y en a encore des exemplaires disponibles au Centre Quaker International, 114, rue de Vaugirard, 75006 Paris. Le lecteur pourra s’y reporter pour avoir une vue complète de ce que dit Barclay, dans le chapitre XIV, au sujet de la liberté de conscience. 7. Cf. Apologie, XIV, 1 et 4. Dans ce dernier paragraphe, Barclay affirme catégoriquement que la liberté de conscience « constitue une partie innée et naturelle du christianisme ». 8. En fait, la pensée de Locke manque de clarté sur ce point, car il affirme quelques pages plus loin : « En conclusion, nous réclamons que l’on accorde les mêmes droits à tous les citoyens. Est-il permis d’adorer Dieu à la façon de Rome ? Que cela soit permis, aussi bien qu’à la façon de Genève. Est-il permis de parler latin en public ? Que cela soit aussi permis dans les temples » (p. 91). En revanche, lorsque Charles II, par sa Déclaration d’indulgence de mars 1672, suspendit pour un temps l’effet des lois pénales contre les non-conformistes et les catholiques, Locke, qui avait été consulté, s’était prononcé contre l’inclusion de ces derniers dans cette mesure de tolérance (cf. Lettre sur la tolérance, trad. Polin, p. XC). 9. Dans la constitution rédigée en 1669 pour la Caroline, Locke avait fixé que sept pères de famille pouvaient s’associer pour fonder une Eglise, pourvu qu’elle enseignât la croyance en Dieu et la nécessité de certaines formes de culte. Mais toute personne au-dessus de dix-sept ans qui n’appartenait pas à une Eglise ne pouvait occuper aucune fonction ni demander protection à la loi (Léon Lemonnier, La Formation des Etats-Unis, Paris, Gallimard, 1948, pp. 218-219). En Pennsylvanie, en revanche, il n’y avait aucune condition restrictive en matière de liberté religieuse, et nul n’était astreint à participer à un quelconque culte public. A ce sujet, Voltaire, malgré toute son admiration pour Locke, fait judicieusement observer : « Cette loi [de Penn] est encore plus indulgente, plus humaine que celle qui fut donnée aux peuples de la Caroline par Locke, le Platon de l’Angleterre, si supérieur au Platon de la Grèce. Locke n’a permis d’autres religions publiques que celles qui seraient approuvées par sept pères de famille. C’est une autre sorte de sagesse que celle de Penn » (Questions sur l’Encyclopédie, article Eglise). Article paru dans la “Lettre des Amis ”, No 109, juin 2011. 6/6