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LETTRE MENSUELLE JUIN 2014 N°81 « Eclairer l’actualité économique et financière pour mieux anticiper et maîtriser les risques » L’incertitude : moteur essentiel de la croissance économique. En économie libérale, la croissance reste la récompense d’une prise de risque réel. C’est pourquoi, en prétendant élimer le risque, la réglementation tue la croissance, et c’est aussi pourquoi les banquiers centraux mélangent de plus en plus « forward guidance » et aléa monétaire Les banquiers centraux ont retrouvé le devant de la scène économique et financière en ce début d’été, avec une dialectique assez nouvelle qui marque sans doute un tournant dans la façon dont la crise a été gérée jusqu’à ce jour de part et d’autre de l’atlantique. traitements trop discriminants des actifs d’Etat par rapport à ceux du secteur privé. L’Europe, en la personne de Monsieur Draghi, a poursuivi une approche basée sur le volontariat : la liquidité n’est pas poussée dans le marché par la BCE mais tirée par la demande des banques Sur la fragmentation, comme l’ont bien explicité les règles relatives aux opérations de TLTRO, la BCE va autoriser les banques à agir comme des groupes, et permettre ainsi que des filiales dans des pays en excédent de ressources puissent « contribuer à refinancer » des filiales dans des pays avec des déficits de ressources. S’agissant des commerciales. La BCE évoque sans cesse de « gros canons » qu’elle tient prêts à l’action mais qui, pour le moment, n’ont jamais servi : c’est la dissuasion. actifs du secteur privé, le programme d’achat d’ABS va directement permettre d’élargir le stock d’Actif de Haute Qualité accessible aux banques. Aux Etats-Unis, à l’inverse, la Fed a plutôt pratiqué la prévention en appliquant un programme quantitatif précis en dates et en montants. Aux Etats-Unis, le discours du Docteur Yellen a profondément évolué et a pris à revers bien des observateurs avertis de la vie économique outre-Atlantique: « Comme je l'ai souligné dans ma déclaration d'ouverture, il est important pour les participants au marché de reconnaître qu'il existe une incertitude sur ce que sera le chemin La différence en matière d’évolution des bilans respectifs des banques centrales est pour le moins spectaculaire ! des taux d'intérêt [court terme], et que cela est nécessaire car il y a des incertitudes sur ce que sera le chemin de l’économie ». La présidente de la Fed souhaite ainsi clarifier le fait que la « forward guidance » n’exclut en rien l’incertitude et n’est pas un engagement ferme des autorités monétaires : la réalité économique reste le seul juge de paix et cette réalité est très incertaine. En insistant lourdement sur ce point, Madame Yellen souhaite rappeler qu’en économie libérale, trop de certitude ou de transparence engendre des comportements d'aléa moral qui finissent par déboucher sur des bulles financières. Les grands équilibres économiques ont donc besoin d’incertitude pour perdurer. La différence en matière de succès économiques est beaucoup moins marquée, si l’on s’en tient au moins aux dernières statistiques d’activité relatives au premier trimestre de l’année. Lors de sa dernière réunion, Monsieur Draghi a inscrit son action dans le temps, la fameuse « forward guidance ». Elle relève cependant toujours du volontariat. Avec le « Targeted Longer-Term Refinancing Operations (TLTRO), chacun emprunte selon ses besoins et les perspectives données semblent coïncider avec le calendrier réglementaire et les entrées en vigueur progressives des ratios de liquidités : Liquidity Coverage LCR (2018) et Net Stable Funding NSFR (2019). En revanche la BCE continue à traiter les handicaps structurels du vieux continent que sont la « fragmentation » de la zone euro et les Olivier Dyer, CEO * : [email protected] ( : 06 72 18 00 82 C’est un peu le syndrome Argentin : en choisissant de « pegger » sa devise au dollar en 1991, le gouvernement d’alors pariait sur le fait que la stabilité du peso allait engendrer la croissance et éliminer définitivement tout risque de crise. Onze années plus tard (2002) l’éclatement du peg et la chute du peso ont montré qu’il n’en était rien. Et l’Argentine gère encore en 2014, les conséquences de cette situation en étant toujours menacée de faillite. A la même époque, le serpent monétaire européen et ses règles « certaines » ont servi de multiples fois de point d’appui à des prises de positions spéculatives (FRF, ITL, GBP). Elles n’ont ici pas empêché la création de l’Euro. En revanche elles ont précipité la décision que la Livre n’en fasse pas partie. L’absence de volatilité donne l’illusion d’une absence de risque. Utiliser de la transparence et réduire la volatilité a donc ses limites en matière de pilotage économique : ce ne peut être qu’un état transitoire. Page Page11 LETTRE MENSUELLE JUIN 2014 N°81 « Eclairer l’actualité économique et financière pour mieux anticiper et maîtriser les risques » Un tel phénomène est bien illustré par l’évolution de la part des actifs des banques américaines détenue sous forme de cash (cf. graphique Banques Commerciales US : Cash). Cette part s’est littéralement envolée depuis le début de l’année 2008 après s’être considérablement réduite les 35 années précédentes. C’est une conséquence directe du durcissement de la réglementation, en particulier celle relative à la liquidité. Se pose alors la question de savoir si le Quantitative Easing et la réglementation nous orientent vers un monde réellement moins risqué ou s’ils nous donnent l’illusion d’une disparition du risque. En effet, jamais la volatilité des marchés financiers n’a été aussi basse qu’aujourd’hui. C’est à dire, jamais les investisseurs ne se sont sentis aussi confortables, expliquant qu’outre-Atlantique, les indices boursiers battent sans cesse des records. Et jamais donc, l’environnement n’a été aussi favorable à l’accumulation de postions spéculatives. Si l’histoire est une source d’enseignement (cf. graphique S&P et Prix Olivier Dyer, CEO * : [email protected] ( : 06 72 18 00 82 des Options) on ne peut être que très inquiet aujourd’hui de la béatitude qui parait frapper les intervenants de la sphère financière. C’est la même inquiétude qu’a exprimé Madame Yellen lors de son discours prononcé à l’issue de la réunion du comité de la Fed : au delà des apparences présentes, le monde reste fondamentalement incertain et d’une certaine façon dangereux. C’est pourquoi elle va poursuivre l’arrêt des injections indifférenciées auxquelles elle se livre depuis deux ans, et dont l’exemple du Japon de ces 30 dernières années a bien démontré que cela n’avait pas apporté de réponses satisfaisantes à la crise. Et c’est tout le sens de l’action de la BCE lorsqu’elle cantonne son action strictement au volontariat et uniquement au financement des PME. Personnes ne sait avec précision quels montants vont être injectés, ni d’ailleurs à quel prix puisque les taux sont devenus variables. Cela remet les ménages et les entreprises au cœur du processus de décision économique, ce qui est le fondement même de l’économie libérale. Page Page22