Bericht_Ethik in den Akademien_f
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Rapport L’éthique au sein des Académies suisses des sciences État des lieux et perspectives dipl. biol., lic. théol. Sibylle Ackermann Birbaum, Berne Dr Hermann Amstad, Bâle Berne/Bâle, mars 2011 Académies suisses des sciences Secrétariat général de l’ASSM Petersplatz 13, CH-4051 Bâle Téléphone +41 (0)61 269 90 30, Fax +41 (0)61 269 90 39 e-mail : [email protected], www.samw.ch Table des matières Résumé................................................................................................................. 1 1 Contexte ............................................................................................................ 2 2 État des lieux .................................................................................................... 3 2.1 Une interprétation divergente de l’éthique................................................ 3 2.2 Un « positionnement » variable de l’éthique ............................................ 4 2.3 Exemples de traitement des thèmes éthiques ......................................... 4 2.4 Les avis des personnalités politiques....................................................... 5 3 Discussion des résultats ................................................................................. 7 3.1 Points forts ............................................................................................... 7 3.2 Points faibles ............................................................................................ 8 3.3 Définition de « l’éthique » ......................................................................... 9 4 L’éthique au sein des Académies : perspectives........................................ 11 4.1 Traitement des requêtes formelles et des priorités de contenu ............. 11 4.2 Centre de compétences éthiques........................................................... 12 4.3 Mission de formation .............................................................................. 12 4.4 Digression sur l’éthique économique ..................................................... 12 4.5 Les suites à donner ................................................................................ 13 Résumé La Loi sur la recherche attribue aux Académies suisses des sciences la mission de se pencher sur les questions éthiques. Les quatre Académies sœurs (sciences naturelles, sciences humaines et sociales, médicales et techniques) s’engagent dans ce domaine depuis de nombreuses années pour certaines d’entre elles. La mission leur incombe d’étudier l’éthique en commun, dans le cadre du groupement des Académies. L’engagement actuel dans le domaine de l’éthique fait l’objet d’une analyse : ses points forts et ses points faibles sont discutés en partant de la situation présente au sein des quatre Académies et du Ressort Éthique transdisciplinaire. Le rapport conclut en esquissant différents projets prioritaires qui pourront être traités à l’avenir en s’appuyant sur la Loi. Les questions générales d’éthique scientifique, l’intégrité scientifique et les thèmes concernant l’égalité des chances sont régulièrement abordés et donc institutionnalisés. Par ailleurs, il est nécessaire d’approfondir les points suivants : • la question de l’encouragement de la formation éthique prégraduée et postgraduée des (futurs) scientifiques par les Académies ; • la définition des priorités thématiques sur le plan éthique ; • le développement du Ressort Éthique, comme par exemple l’idée de le transformer en un service spécialisé au sens d’un centre de compétences éthiques. L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 1 1 Contexte « L’éthique » est l’une des missions explicitement attribuées aux Académies des sciences par la Loi sur la recherche.1 Les quatre Académies sœurs SCNAT, ASSH, ASSM et ASST2 se penchent avec une intensité variable sur les questions relatives à l’éthique. Un Ressort Éthique dirigé par le secrétaire général de l’ASSM existe depuis 2007 conformément au règlement, au sein de l’association faîtière, l’Académie suisse des sciences (ci-après : A+). En 2008, les travaux portant sur le contenu furent lancés au niveau d’A+ avec trois projets. Actuellement, c.-à-d.. fin 2010, six thèmes sont en cours de traitement : l’intégrité scientifique, Women for Science (GT Gender), une prise de position portant sur les travaux menés sur les chimères, les recommandations concernant « Le conseil scientifique dans le champ politique », un congrès sur « La recherche avec des êtres humains » et une prise de position relative à « La dignité de l'animal et la pesée des intérêts dans la Loi fédérale sur la protection des animaux ».3 Début 2010, le responsable du Ressort Éthique a chargé l’auteure de ce rapport de réaliser une enquête consacrée à « L’éthique au sein des Académies ». Deux objectifs principaux ont été formulés pour ce projet : • • L’échange d’informations : les quatre Académies sont informées des activités éthiques (développées par les trois autres) et de la manière dont elles sont évaluées au sein des différentes Académies. Clarification des missions : les missions communes dans le domaine de l’éthique doivent être examinées et débattues de manière globale ; de plus, il est nécessaire d’aborder la direction que peuvent et doivent prendre ces efforts. Des interviews ont été réalisées en mai et juin 2010 avec les secrétaires généraux et deux à trois représentants de chaque Académie ainsi qu’avec des personnalités politiques.4 Un rapport interne intermédiaire de 19 pages a été rédigé en s’appuyant sur ces entretiens. Il a servi de base à un workshop, organisé en novembre 2010 en présence de douze représentants des Académies : son objectif était d’approfondir et de clarifier la problématique. 1 L’article 9 de la Loi sur la recherche précise : « Les Académies renforcent la conscience et l’exercice d’une responsabilité fondée sur l’éthique dans l’acquisition et l’application des connaissances scientifiques. » 2 SCNAT = Académie des sciences naturelles (autrefois ASSN), ASSH = Académie suisse des sciences humaines et sociales, ASSM = Académie suisse des sciences médicales, ASST = Académie suisse des sciences techniques. L’ordre choisi correspond à la date de création. 3 Les informations concernant les projets se trouvent dans les rapports annuels 2008 et 2009 ainsi que dans le rapport semestriel 2010. 4 Une interview d’une heure environ a été réalisée avec chacune des personnes suivantes : Secrétaires généraux (SG) Autres (proposition SG) Expertes/experts SCNAT Jürg Pfister Patrick Matthias (Beat Sitter) ASSH Markus Zürcher Erwin Koller Beat Sitter ASSM Michelle Salathé Christian Kind Samia Hurst Hermann Amstad ASST Rolf Hügli Ulrich Lattmann et Kaspar Eigenmann Personnalités politiques : Josiane Aubert conseillère nationale PS, Kathy Riklin conseillère nationale PDC, Theophil Pfister conseiller national UDC L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 2 2 État des lieux La convention de prestations passée avec la Confédération helvétique attribue les missions de reconnaissance précoce, d’éthique et de dialogue aux Académies. Cela revient à dire qu’elles doivent traiter les questions éthiques à un autre niveau que celles qui relèvent par exemple de la linguistique, de la chirurgie ou de la géologie. Les interviews réalisées avec les dix représentants des Académies ont confirmé un engagement élevé en faveur des questions éthiques ; d’autre part, elles ont montré que les Académies sœurs s’efforcent de trouver la conduite appropriée à tenir avec la problématique. En même temps, on a constaté des lacunes au niveau des connaissances ainsi qu’un besoin d’informations (entre les Académies sœurs et le Ressort Éthique d’A+) concernant l’engagement éthique des quatre Académies. Le rapport intermédiaire a permis d’écarter les hypothèses erronées et de fournir des informations de première main. 2.1 Une interprétation divergente de l’éthique La première question de chaque interview était la suivante : Comment interprètet-on l’éthique dans votre Académie ? Les quatre Académies défendent des conceptions divergentes quant à la représentation de l’éthique, au rôle qu’elle doit jouer et à sa signification. Ce point concerne la manière dont les quatre Académies se sont constituées et développées, les missions qui leur reviennent et l’image qu’elles se font d’elles-mêmes. SCNAT Pour la SCNAT, l’éthique revient en premier lieu à observer une conduite responsable avec les connaissances, à ne pas négliger les faits, à révéler les controverses là où cela est nécessaire et à lancer des débats dans des domaines délicats. ASSH Selon l’ASSH, la mission éthique consiste à traiter des sujets en rapport avec des valeurs, des normes et des principes tels que la justice ou la responsabilité. ASSM L’ASSM définit l’éthique comme la réflexion sur l’action juste face au patient, la communication la concernant ainsi que l’élaboration et la mise en application des directives éthiques correspondantes. ASST Les représentants de la ASST ont exposé deux interprétations distinctes de l’éthique : l’interprétation étroite se limite au traitement de questions relatives à l’éthique de la technique ; l’interprétation plus large comprend des aides à l’orientation à l’intention de la société et des instances de décision : elle fonctionne par l’intermédiaire de l’éthique appliquée de la technique, de la garantie de formations prégraduées et postgraduées en matière d’éthique et de l’encouragement d’une culture de l’éthique (dans la recherche et les applications) qui s’étend jusqu’à l’économie. Lors des interviews, les experts ont indiqué l’importance prise à leurs yeux par l’éthique dans six domaines distincts. Deux d’entre eux se sont révélés particulièrement importants pour toutes les Académies : • la mission consistant à prendre position, au sens de la participation à l’élaboration du discours éthique, de la publication de prises de position, de la rédaction de réponses de consultation, du conseil politique, etc. ; L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 3 la réflexion portant sur les craintes sociales et les réserves d’ordre éthique de la population ainsi que le renforcement de la confiance qu’elle accorde à la science. Les personnes interrogées s’accordent sur la responsabilité et la mission – incombant aux Académies – de s’engager dans ces domaines. Toutes les Académies considèrent l’égalité des chances et l’intégrité scientifique comme des thèmes importants, en grande partie déjà appliqués et institutionnalisés (cf. la brochure parue en 2008 : « L’intégrité dans la recherche scientifique. Principes de base et procédures »). Deux thèmes ont fait l’objet d’évaluations très diverses : permettre la réflexion et assumer la responsabilité. Enfin, les estimations divergent face à la problématique suivante : L’étude de questions fondamentales portant sur l’activité scientifique, l’élaboration de directives éthiques et leur application – « assumer la responsabilité » est ici l’élément-clé – ainsi que la formation des (futurs) scientifiques sur le plan éthique font-elles partie des missions éthiques des Académies et, si oui, quelle est leur importance ? • 2.2 Un « positionnement » variable de l’éthique Au cours des interviews, de grandes différences sont apparues entre les quatre Académies en ce qui concerne le degré d’institutionnalisation et le positionnement de l’éthique. À la SCNAT et à l’ASSH, on constate un fort lien aux personnes ; à l’inverse, on relève une institutionnalisation élevée de l’éthique à l’ASSM. La ASST, pour sa part, possède une commission d’éthique institutionnalisée, intégrée de manière plutôt lâche dans l’organisation. Notons qu’il n’existe pas forcément de corrélation entre l’ancrage institutionnel et le degré réel de pratique de l’éthique. Il serait erroné de postuler la nécessité d’une institutionnalisation élevée pour le traitement des thèmes éthiques au sein des Académies. 2.3 Exemples de traitement des thèmes éthiques La forme d’organisation propre aux Académies – comportant un système de milice et de longues procédures décisionnelles – ne leur permet pas d’examiner quotidiennement les données d’un problème. Ce point ne représente pas un problème particulier pour le domaine éthique, puisqu’il est question d’une démarche continue et d’une étude bien fondée de thèmes essentiels. Le modèle d’entreprise des Académies convient et l’activité bénévole de nombreux experts fournit les compétences nécessaires. De par leurs structures et les images bien distinctes qu’elles ont d’elles-mêmes, les quatre Académies fixent les priorités de leurs engagements éthiques de différentes manières. Si l’ASSM présente un programme étendu qui tente de traiter tous les thèmes importants propres à l’éthique médicale et de les communiquer ou de les introduire sous une forme adéquate, la situation se présente tout différemment dans les autres Académies. Des manifestations, des publications et des débats isolés concernant des problèmes éthiques choisis caractérisent ici l’engagement. SCNAT La SCNAT effectue en majorité un traitement éthique implicite, mais continu à tous les niveaux. Différentes commissions de la « Platform Science and Policy » (SAP) traitent des domaines éthiques choisis de manière explicite, comme par exemple le génie génétique ou le fossé L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 4 nord-sud dans la recherche. Prendre position et faire face aux réserves du public sont considérés comme les piliers essentiels de l’activité éthique. ASSH Si l’ASSH ne dispose pas de commissions éthiques particulières, l’éthique y joue malgré tout un rôle important, de par l’engagement de personnalités isolées. La mission et l’importance de l’éthique font l’objet d’une réflexion différenciée, tandis que des publications et des manifestations ont régulièrement lieu sur des thèmes éthiques. L’ASSH possède une longue tradition en matière de traitement de thèmes d’ordre éthique ; lors des entretiens, de nombreuses idées ont été évoquées sur la manière dont le champ éthique pourrait être développé. ASSM Le traitement de sujets éthiques joue un rôle fondamental à l’ASSM. L’éthique y fait partie intégrante, à tous les niveaux et jusqu’aux organes supérieurs. La Commission centrale d’éthique (CCE) observe les évolutions dans la recherche et la pratique, examine les points qui exigent des réflexions éthiques et élabore des directives médico-éthiques. En outre, diverses sous-commissions approfondissent des questions éthiques particulières. L’ASSM élabore des prises de position politiques et des publications relatives à des problématiques éthiques ; par ailleurs, elle organise des congrès et des formations à l’intention des spécialistes. La plupart du temps, le personnel médical perçoit l‘ASSM de manière positive, comme une instance morale. Le législateur apprécie que l’ASSM déclenche les débats éthiques de manière précoce, qu’elle fasse ses propres expériences et diminue les résistances. ASST La ASST dispose d’une commission d’éthique qui organise des congrès et des formations postgraduées consacrés à des thèmes éthiques. On peut cependant constater certaines lacunes au niveau du traitement des questions relatives à l’éthique de la technique. La ASST connaît des changements profonds et il sera prochainement nécessaire d’élucider l’étendue, la forme et les contenus de l’engagement de la ASST au niveau éthique. Au cours des interviews, on s’est également informé de l’état actuel et théorique du traitement du domaine éthique dans les quatre Académies. Si dans l’ensemble, toutes les Académies sont satisfaites de l’étendue de leurs activités éthiques, elles entrevoient néanmoins un potentiel d’améliorations qualitatives. Face aux importants problèmes sociaux liés à des aspects éthiques, plusieurs personnes interrogées attirent l’attention sur la nécessité d’un engagement éthique nettement supérieur afin de remplir la mission fixée par la loi. 2.4 Les avis des personnalités politiques L’analyse portant sur « L’éthique au sein des Académies suisses des sciences » incluait également l’interview de personnalités politiques. Les trois conseillers nationaux interrogés pensent que les Académies réunissent des personnes remarquables et que le travail fourni est de bonne qualité. Elles s’accordent sur le fait qu’il incombe aux Académies, en leur qualité de médiatrices entre la science et la société, d’aborder les questions éthiques. Les personnes interrogées éva- L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 5 luent de manière variable l’importance de l’éthique, en comparaison avec d’autres missions des Académies. Deux des politiciens interrogés considèrent les Académies comme les seuls organes – indépendants, scientifiquement fondés et possédant suffisamment de recul face à l’activité quotidienne – habilités et capables d’identifier des questions éthiques importantes et de les communiquer aux responsables et à la population. Outre le mandat de prestations, il en résulte une responsabilité dont les Académies doivent être conscientes. Aux dires des conseillers nationaux, les Académies doivent se pencher sur des questions éthiques pressantes et déposer les résultats de leur précieuse réflexion éthique auprès des pouvoirs publics. Une collaboration avec les commissions nationales d’éthique CENH et NEK-CNE est considérée comme fructueuse. En plus des domaines relevant de la médecine, de la recherche en sciences naturelles et de la technique (par ex. pour les questions ayant trait à l’énergie), les thématiques suivantes ont été proposées : Comment la petite Suisse peutelle continuer à bien vivre à l’heure de la mondialisation ? En quoi consiste l’intérêt général et quelle serait la conduite sensée à adopter ? Comment les nouveaux médias influencent-ils l’interprétation de la démocratie ? L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 6 3 Discussion des résultats Le 5 novembre 2010, un atelier fut organisé, réunissant presque toutes les personnes interrogées des Académies. Il comportait trois objectifs : l’évaluation du rapport intermédiaire, la clarification de l’interprétation de l’éthique pour le groupement des Académies et le débat portant sur les missions du Ressort Éthique A+. Il ne s’agissait pas ici d’uniformiser les concepts éthiques existant au sein des différentes Académies. Comme on peut le voir sur le croquis ci-contre, le traitement des thèmes éthiques par les Académies est largement autonome. L’atelier avait pour but de clarifier la définition de l’éthique au sein du domaine commun, les thèmes éthiques qui doivent être traités au niveau d’A+ et la forme du traitement. 3.1 Points forts Au début de l’atelier, les points forts des activités actuelles des Académies dans le domaine de l’éthique ont été rassemblés en partant des résultats des interviews. Ils peuvent être regroupés en quatre domaines. Légitimation et compétence pour le traitement des thèmes éthiques : Les Académies sont perçues comme des organes indépendants et scientifiquement fondés qui constituent un relais entre la science, la société et les instances (politiques) de décision. Les pouvoirs publics et (une partie) de la classe politique estiment les résultats des travaux éthiques. De par l’image qu’elles se font d’elles-mêmes, les Académies sont habilitées et qualifiées pour se pencher de manière exhaustive et critique sur les questions éthiques et encourager le débat. N’étant pas liées sur les plans politique, économique ou universitaire, elles peuvent mener des réflexions éthiques indépendantes. D’autre part, leur caractère interdisciplinaire et leurs compétences leur offrent le potentiel nécessaire pour provoquer une réaction dans le domaine éthique. Présence de nombreux engagements éthiques : Dans les quatre Académies sœurs, de nombreuses réflexions, publications et manifestations de grande valeur portant sur des questions éthiques ont (eu) lieu, incluant aussi bien des déclarations déterminantes pour l’avenir concernant des problèmes éthiques spécifiques que des « coups de maître » tels que les publications relatives à la responsabilité du scientifique. L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 7 Interdisciplinarité et transdisciplinarité : Les différentes approches des Académies dans le domaine de l’éthique ainsi que la diversité thématique sont perçues comme un avantage. Les Académies ont la chance de se diriger sans délai vers des experts d’autres domaines et de collaborer étroitement, ce qui représente un avantage important face à la complexité des thèmes éthiques. La volonté d’un engagement commun : La volonté de faire systématiquement de l’éthique un axe directeur des Académies et de collaborer existe. L’éthique est également ancrée à la base. Les Académies sont motivées pour la mettre en valeur dans les domaines sociaux et politiques. 3.2 Points faibles Lors du workshop, des points faibles concernant les engagements éthiques actuels ont été rassemblés parallèlement aux points forts. Ils ont presque tous été cités à plusieurs reprises et concernent quatre domaines. Une interprétation divergente de l’éthique : Les différentes interprétations de l’éthique mènent à une idée floue de la mission commune des Académies en matière d’éthique, en raison de l’hétérogénéité des thèmes et des intérêts. Les souhaits portent ici sur une interprétation de base commune du domaine de l’éthique et une vision partagée de l’action nécessaire. L’absence d’effet : Dans toutes les Académies, il est d’ores et déjà question d’éthique et d’un effort pour appliquer les intentions. Eu égard au potentiel, l’effet réel produit est toutefois faible dans plusieurs Académies et au niveau du groupement. Une ignorance du potentiel de synergie : Toutes les Académies s’engagent clairement pour les questions éthiques et ont accumulé un savoir spécialisé en la matière. Les quatre Académies sont cependant trop peu informées des efforts de leurs consorts et n’ont pour cette raison généré que peu de synergies jusqu’ici. Une faible perception depuis l’extérieur : L’examen des questions éthiques, tel qu’il se déroule au sein des différentes Académies, n’est pas du tout ou peu perçu depuis l’extérieur. Les résultats des réflexions éthiques ne parviennent pas aux groupes cibles et la perception est réduite, ce qui s’explique pour une part par des canaux de communication trop peu établis dans le domaine de l’éthique. Les Académies doivent s’efforcer de communiquer davantage leurs requêtes dans ce domaine. L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 8 3.3 Définition de « l’éthique » En l’absence d’une définition de l’éthique valable pour le groupement des Académies, une discussion approfondie portant sur cette question a eu lieu au cours dd l’atelier. Les réflexions qui ont été menées sont résumées ci-dessous et complétées à l’aide d’explications concernant les termes techniques, orientations et méthodes propres à l’éthique. Distinction entre morale et éthique La notion de morale désigne les conventions, normes sociales de comportement, droits et devoirs vécus et en vigueur dans une culture, que ses membres en aient conscience ou non. En éthique, il est question de la réflexion sur la morale. L’éthique se considère comme une réflexion scientifique qui examine de manière critique la validité des exigences morales et leur caractère obligatoire ; de plus, elle analyse les formes universelles d’une « existence de qualité », de la cohabitation juste et de l’attitude responsable. À cette occasion, elle entreprend une réflexion critique portant sur les traditions morales. L’éthique va au-delà de la reconnaissance du bien, s’intéresse aux conditions qui entravent ou encouragent l’application du bien et s’engage en faveur de la réalisation de ce qui est reconnu comme bon. Distinction entre éthique descriptive et éthique normative Celui qui se penche sur l’éthique appliquée touche aux valeurs : celles-ci sont des objectifs qui servent de critères directeurs lors de prises de décisions éthiques. De nombreuses sciences humaines et sociales réalisent des études portant sur les valeurs. Les analyses méthodiquement contrôlées produites par ces disciplines sont des contributions à l’éthique descriptive. Il est capital de positionner correctement ces travaux qui ne sont pas menés par de véritables éthiciens professionnels. L’éthique normative s’intéresse à la responsabilité fondée sur le plan éthique : « Que doit-il y avoir ici ?». Elle offre des aides qui permettent de répondre à la question « À quoi correspondent la décision et l’action responsables ? » en désignant les valeurs et les principes éthiques concernés (souvent en contradiction lors d’un conflit éthique concret) et en rendant transparentes les hiérarchisations effectuées au moment de l’analyse. Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, l’éthique normative doit faire face aux exigences de l’intelligibilité interculturelle. Pendant le workshop, on a unanimement constaté que des missions reviennent aux Académies, tant dans le domaine de l’éthique descriptive qu’en ce qui concerne l’éthique normative. Plusieurs personnes ont souligné la responsabilité d’un engagement dans le domaine de l’éthique normative, sans pour autant rejeter l’éthique descriptive. Il faudra à l’avenir prêter plus d’attention à la contribution de l’éthique descriptive, même si celle-ci reste insuffisante pour la mise en application de la mission présente dans la Loi sur la recherche. Orientations éthiques On distingue différentes orientations éthiques. L’éthique d’organisation utilise des déclarations liées aux connaissances et les exigences qui en découlent pour définir l’attitude juste sur le plan éthique. Elle peut fournir des jugements essentiels tout en présentant un inconvénient : ses exigences sont considérées comme L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 9 incontestables. La validité des normes doit pouvoir être clarifiée au sein du dialogue, car le système de valeurs et le niveau de connaissances d’une société sont soumis à des changements. L’éthique de responsabilité (ou encore l’éthique des conséquences, l’éthique conséquentialiste et la téléologie) juge une action en fonction de ses conséquences et met les chances et les risques en parallèle. Le concept de responsabilité tient lieu de terme clé : qui est responsable de quoi, pour quoi, pour quelle raison, devant quoi, quand et comment ? Les opinions propres à l’éthique de responsabilité restent révisables, car une nouvelle représentation des chances et des risques peut se présenter en même temps que les nouvelles connaissances. Dans l’éthique de conviction (ou encore l’éthique absolutiste et la déontologie), on tient compte du type d’action en soi. Les intentions sous-jacentes d’un acte vont déterminer si celui-ci est autorisé sur le plan éthique ou non. Le meurtre intentionnel par exemple reste toujours interdit. Dans la pratique, il n’est pas toujours possible de distinguer clairement les trois approches – l’éthique d’organisation, l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction – qui possèdent chacune des éléments légitimes. Une donnée se précisa au cours du workshop : l’interprétation de l’éthique propre au groupement des Académies se conforme à l’éthique de responsabilité, correspondant en cela aux priorités thématiques et aux méthodes rassemblées dans le rapport intermédiaire. Le groupement des Académies entend appliquer la méthode de l’éthique discursive au cours du processus décisionnel éthique. L’objectif n’est pas de partir de prémisses normatives, mais de trouver, à travers l’échange d’arguments, une décision éthique qui pourra être approuvée par l’ensemble des personnes concernées. L’approche de l’éthique discursive compte sur le fait que les meilleures raisons finissent par s’imposer librement dans le cadre d’un véritable dialogue. Éthique scientifique L’éthique scientifique examine d’une part les méthodes d’acquisition des connaissances, les procédés employés par la recherche, l’image que les disciplines ont d’elles-mêmes et la réflexion des théories scientifiques. Elle analyse d’autre part les conséquences éthiques de la recherche, tant dans l’activité scientifique qu’au niveau de l’introduction des technologies dérivées et des répercussions sociales de ces dernières. Au cours du workshop, la hiérarchisation des questions fondamentales par rapport aux aspects traitant de l’application a provoqué d’intenses discussions. Tous s’accordaient sur le fait que les unes et les autres pouvaient coexister. Plusieurs participants soulignaient l’exigence normative de l’éthique telle qu’elle est imposée aux Académies par la Loi sur la recherche. Dans ce sens, elles doivent d’une part se pencher sur des thèmes tels que la responsabilité incombant aux sciences, les conséquences du progrès scientifique et la réflexion qui prend pour objet les propres actes scientifiques ; d’autre part, les Académies doivent élaborer et mettre en application des recommandations, directives et règles concernant l’attitude juste. L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 10 4 L’éthique au sein des Académies : perspectives À l’avenir également, il reviendra aux quatre Académies sœurs de traiter séparément les questions éthiques relatives à leurs disciplines (éthique de la technique, éthique médicale, éthique des médias, etc.). Elles ont pour mission de reprendre de manière adéquate des questions éthiques concernant par exemple la nanotechnologie, le génie génétique en agriculture, les tests génétiques en médecine ou les études sociologiques en milieu hospitalier. Si les quatre Académies coopèrent au niveau du groupement pour les questions éthiques, un rôle particulier revient toutefois à l’ASSH : c’est elle qui devrait prendre l’initiative en ce qui concerne les questions de méthodologie ou lorsqu’il s’agira de clarifier à quels spécialistes avoir recours dans le domaine éthique et pour quelles missions. 4.1 Traitement des requêtes formelles et des priorités de contenu À juste titre, certains thèmes éthiques ne sont pas abordés isolément par chaque Académie. Il en résulte donc des missions permanentes pour le Ressort Éthique incluant les requêtes formelles suivantes : • Intégrité scientifique / propriété intellectuelle ; • Égalité des chances / genre ; • Questions générales relatives à l’éthique scientifique et à l’éthique de la recherche. Si des groupes de travail – qui existent depuis la création du Ressort Éthique – reprennent les thèmes propres aux deux premiers domaines cités, la réflexion portant sur le troisième point peut quant à elle devenir une nouvelle mission. Outre les aspects formels, il est possible de fixer des priorités au niveau du contenu. De nombreuses questions éthiques se posent aujourd’hui dans le champ de forces incluant l’individu, la société, l’avenir, la paix et l’écologie. La société déplaît, tandis que les questions relatives à la mondialisation et à la durabilité sont pressantes et encouragent une réflexion portant sur les valeurs. Le champ des questions urgentes issues de l’éthique appliquée est immense et la mission du Ressort Éthique n’est en aucun cas de l’accepter « dans sa totalité ». À l’inverse, la situation ne serait pas non plus idéale si le Ressort n’examinait que des questions très spécifiques. La particularité du Ressort Éthique A+ est d’être interdisciplinaire. La collaboration entre les disciplines permet aux Académies de remplir une fonction de traductrices et de montrer aux scientifiques et aux utilisateurs ce qui se produit avec une technique ou un développement dans le milieu social. Les méthodes éthiques doivent cependant être connues et les questions fondamentales éthiques clarifiées chez les participants au dialogue, afin d’élaborer des prises de position éthiques face à des questions isolées. En ce qui concerne le Ressort Éthique, il est nécessaire d’examiner si des thèmes liés à d’intenses conflits de valeurs et choisis de manière exemplaire doivent être sélectionnés et traités. Pour illustrer cela, plusieurs idées ont été abordées au cours du workshop : missions de l’école, assurances sociales, répartition de ressources limitées, décès. Un tel sujet pourrait être traité de manière approfondie autour de l’éthique, pendant plusieurs années et sous différents angles, dans L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 11 le cadre de manifestations, formations postgraduées, prises de position, publications et interventions médiatiques. 4.2 Centre de compétences éthiques Au cours des entretiens, la proposition fut émise, consistant à faire du Ressort Éthique un service spécialisé au sens d’un centre de compétences éthiques qui assurerait des prestations pour l’ensemble des Académies. Les points suivants furent nommés et en partie discutés pendant le workshop : • créer et communiquer une interprétation de l’éthique commune à toutes les Académies ; • faire ressortir le potentiel des Académies dans le domaine éthique ; • créer une vue d’ensemble des activités éthiques en cours dans les différentes Académies ; • assurer l’échange et la coordination entre les Académies dans le domaine éthique ; • rassembler les besoins concernant les thèmes exigeant un traitement éthique et les proposer aux Académies ; • former et entretenir un pool d’experts, composé de tous les principaux acteurs dans le domaine de l’éthique (éthiciens professionnels et autres), qui sera mis à disposition en cas de besoin ; • s’orienter au-delà de la Suisse ; • communiquer vers l’extérieur au sujet des activités éthiques des Académies. 4.3 Mission de formation Aux termes de la Loi sur la recherche, les Académies renforcent la conscience et l’exercice d’une responsabilité fondée sur l’éthique dans l’acquisition et l’application des connaissances scientifiques. Il en découle la question de savoir sous quelle forme les Académies garantiront la formation prégraduée et postgraduée des scientifiques qui s’impose. Une sensibilisation aux questions éthiques et une formation appropriée de l’ensemble des scientifiques dans les différentes disciplines devraient être engagées par l’intermédiaire des Académies. Dans le domaine de la formation et au niveau transdisciplinaire, il est possible d’élaborer les contenus d’un cursus éthique qui pourra être repris par toutes les disciplines et filières d’études. Signalons que l’Académie norvégienne applique un modèle pareil avec un grand succès. On ne peut fonder un tel engagement sur la seule obligation des Académies à appliquer la Loi sur la recherche sans y ajouter les intérêts particuliers de ces dernières : un objectif important consiste à former les étudiants d’aujourd’hui – les futurs responsables économiques et politiques – à la pensée éthique. 4.4 Digression sur l’éthique économique De nombreux entretiens ont abordé la nécessité d’un traitement fondé des questions relevant de l’éthique économique. Chez diverses personnes interrogées, une certaine perplexité régnait quant à l’action nécessaire, s’expliquant par l’absence d’une Académie suisse des sciences économiques et les liens lâches unissant les économistes à l’ASSH. Des explications furent données au cours du workshop pour rendre compte de l’éthique économique, bien établie dans les L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 12 universités suisses, et des nombreuses initiatives et institutions qui se penchent sur la problématique, même en l’absence d’une telle Académie. Une approche interdisciplinaire des questions liées à l’éthique économique est intéressante dans la perspective des Académies. Dans ce sens, les Académies ou le Ressort Éthique ont la possibilité d’approcher les centres de compétences d’éthique économique et d’envisager une activité commune. L’idée a été lancée de se consacrer à ce sujet au cours du prochain workshop consacré à « L’éthique au sein des Académies suisses des sciences » qui se tiendra à l’automne 2011. 4.5 Les suites à donner Une équipe d’une certaine importance devrait se mettre à l’œuvre si l’on souhaitait traiter immédiatement tous les sujets évoqués dans les interviews et au cours du workshop. Or cela n’est ni possible ni approprié. Au niveau du groupement des Académies, il s’agira dans un premier temps de sonder les possibilités de collaboration dans le cas des thèmes éthiques transdisciplinaires importants. La question de savoir si le Ressort Éthique peut et doit prévoir des « prestations » éthiques orientées vers l’application peut être examinée à long terme. Le 1er décembre 2010, l’ASSM (à laquelle est rattachée le Ressort Éthique A+) a engagé une éthicienne professionnelle qui s’occupe du Ressort Éthique, à raison d’une activité à temps partiel de 20 %. En sa qualité de théologienne et de biologiste, Madame Sibylle Ackermann est associée à l’ASSH et à la SCNAT ; de par sa fonction de vice-présidente bénévole de la Commission d’éthique de la ASST, elle se trouve également en rapport avec l’Académie technique. Elle sera en contact étroit avec les quatre Académies et poursuivra les idées et domaines abordés. Un workshop consacré à « L’éthique au sein des Académies suisses des sciences » se tiendra à nouveau à l’automne 2011 et réunira les quatre secrétaires généraux ainsi que d’autres personnes de chaque Académie. Outre cette réunion – répétée annuellement, au besoin –, une proposition fut émise concernant la mise en place d’un comité directeur qui inclurait l’ensemble des Académies et serait chargé de communiquer sur l’éthique. L’éthique au sein des Académies suisses des sciences 13