discours de nicolas sarkozy

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discours de nicolas sarkozy
Intervention de M. Nicolas SARKOZY
Ministre d'Etat
Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire
Planète PME
Palais des Congrès de Paris – Mardi 13 juin 2006
C’est un honneur d’être à nouveau présent parmi vous cette année, en compagnie de personnalités
aussi symboliques que Monsieur Lech WALESA, un homme courageux qui a incarné l’espérance pour
la famille européenne qui était injustement privée de liberté.
Renaud DUTREIL et moi sommes parfois accusés de trop aimer la liberté. Pourtant cette idée n’a
jamais permis de justifier des dictatures… Nous n’allons donc pas nous en excuser. Nous croyons en
l’économie de marché et en la liberté, nous nous reconnaissons dans des personnalités telles que Lech
WALESA, Jean-Paul II et Vaclav HAVEL. Les idées de liberté ont toujours apporté le progrès dans le
monde.
Lech WALESA, nous nous étions rencontrés à Gdansk le mois dernier où vous m’aviez reçu. C’est un
grand honneur d’être à vos côtés aujourd’hui.
« Quel est le premier problème de la France ? » me demandent souvent des amis étrangers.
Le premier problème de la France réside dans le fait que « le travail ne paye plus ». Derrière le travail
se placent les notions d’effort, de mérite et de récompense. Notre pays est le seul au monde à avoir
vécu pendant quelques mois avec un Ministère du temps libre, révélateur de cet état d’esprit ! Mais
c’est le travail qui est une valeur d’émancipation, quand le chômage est une valeur d’aliénation.
Le travail n’est pas l’ennemi. Si la France possède moins de croissance qu’ailleurs, cela s’explique par
le fait que les Français travaillent moins qu’ailleurs. J’ai l’intention de marteler cette idée afin de la
faire partager à l’ensemble du pays.
Si le PIB par habitant aux Etats-Unis est d’un tiers supérieur à celui de la France, ce n’est pas à cause
d’un miracle mais parce que le temps travaillé pendant une vie est d’un tiers supérieur à celui de
l’ensemble des salariés dans notre pays. Nous cumulons la durée annuelle de temps de travail la plus
faible de l’OCDE et le taux d’emploi parmi les plus faibles chez les jeunes et les seniors. En
conséquence, la France produit moins de richesses que les autres. Alors certes, notre productivité par
travailleur est très bonne, mais principalement parce que seule une partie des Français travaillent dans
notre pays.
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L’idée simple à faire comprendre est que le travail crée le travail. Il est donc indispensable de revenir
sur la funeste loi des 35 heures. Cette loi est d’ailleurs le seul produit français qui ne s’exporte pas. Ni
Tony BLAIR ni José Luis ZAPATERO n’en veulent. Les 35 heures ont été inventées en France et
pour la France. Cette loi, qui a bloqué la distribution du pouvoir d’achat aux salariés les plus modestes
et qui freine les entreprises dans la création de richesses, d’emploi et de croissance, doit être
supprimée.
En finir avec les 35 heures dans l’entreprise, c’est aussi en finir dans la Fonction publique. De
nombreux fonctionnaires souhaitent travailler plus pour gagner davantage. Il est profondément injuste
que ceux qui souhaitent travailler plus ne puissent pas le faire. J’ajoute que le travail des seniors, qui
souhaitent poursuivre leur activité, doit être favorisé. Il est inouï que l’Etat continue de dépenser 5
milliards d’euros par an pour retirer nos aînés du marché du travail au moyen du système des
préretraites.
Tout notre modèle social doit être orienté vers le travail et vers l’incitation au travail. Il n’est pas
acceptable qu’une allocation sociale continue à être versée sans que soit exigée une contrepartie
d’activité ou de recherche effective d’emploi. Ce n’est pas une affaire de libéralisme ou d’idéologie
mais de bon sens. Ceux qui travaillent et qui paient des impôts doivent être assurés que ceux qui
reçoivent des allocations le méritent.
Je souhaite que la prime pour l’emploi, actuellement versée à plus de 8 millions de ménages, soit
recentrée et renforcée afin d’inciter fortement à la reprise d’un emploi. Une politique sociale doit faire
preuve de courage : celui de choisir ceux qui en ont le plus besoin. La solidarité nationale dans un pays
endetté et compte tenu du déficit de la France possède des limites. Je souhaite que l’on encourage les
heures supplémentaires qui représentent un pouvoir d’achat et une croissance supplémentaires pour les
Français et la France.
Mon projet politique est simple : je crois au travail et je pense que les Français ne travaillent pas assez
et ne gagnent donc pas assez. Nous devons réconcilier notre pays avec ces valeurs.
Revaloriser le travail, c’est aussi libérer les chefs d’entreprise de la peur d’embaucher et délivrer les
employés de la précarité.
Le paradoxe actuel en France résulte d’un double constat terrible : d’un côté existe chez les salariés
une sentiment de précarité immense, de l’autre côté, les employeurs se plaignent d’un manque criant
de liberté et de souplesse.
Acceptons de considérer que l’entreprise n’est pas l’ennemi du salarié et que le salarié a intérêt à ce
que l’entreprise fonctionne. L’employeur et son employé doivent regarder l’avenir ensemble.
L’incertitude et la lourdeur de la procédure de licenciement pèsent sur le chef d’entreprise. L’idée que
les chefs d’entreprise licencient pour le plaisir date du 19e siècle. Il faut autoriser les chefs d’entreprise
à embaucher, et à se séparer de leurs salariés lorsqu’ils n’ont plus de travail à leur donner. L’essentiel
n’est pas de sauver des emplois qui n’existent plus mais d’aider à la création d’emplois nouveaux,
pour que celui qui perd un emploi puisse en trouver un nouveau.
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La profitabilité des entreprises doit également être restaurée. Loin des bénéfices des entreprises du
CAC 40, dont 80% des bénéfices sont réalisés à l’étranger, plusieurs études récentes soulignent une
moindre rentabilité économique des entreprises françaises, à hauteur de 76% de celle de leurs
concurrentes américaines, britanniques et allemandes. Cette moindre rentabilité découle de l’« impôt
réglementaire » constitué par la complexité des contraintes et du poids des prélèvements obligatoires.
L’égalité républicaine ne signifie pas une même vie pour tous mais une récompense proportionnelle à
l’effort fourni par le travail ou à la prise de risques. L’idée de la profitabilité, clé de l’économie de
marché, doit être acceptée.
Afin de baisser les prélèvements obligatoires, la réduction des dépenses publiques se révèle
absolument nécessaire. La vérité doit être énoncée aux Français : tous les départs à la retraite dans la
fonction publique ne pourront pas être remplacés, si l’on souhaite réduire la dette et diminuer le déficit
de la France. Depuis 22 ans, notre pays dépense plus qu’il ne gagne.
L’économie réalisée par le non-remplacement des fonctionnaires irait pour moitié à la réduction de la
dette et pour moitié à l’augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires moins nombreux et qui
travailleront davantage. Ce système gagnant-gagnant permettrait de réduire la dette de la France sans
porter préjudice à la fonction publique. Rappelons que 45% des dépenses de l’Etat correspondent aux
salaires et aux pensions de retraite et 15% aux intérêts de la dette, soit au total près des deux tiers du
budget de la Nation.
Je souhaite également que la relation entre les administrations et les entreprises évolue d’une logique
de défiance vers une dynamique de confiance. L’Administration devra distinguer la majorité des
entreprises de bonne foi de l’infime minorité des entreprises malhonnêtes. De nombreux progrès sont à
réaliser. Ainsi l’imposition forfaitaire annuelle devrait être supprimée pour les entreprises qui ne
gagnent pas d’argent.
Je souhaite également que nous concevions une politique ambitieuse pour le développement de nos
PME, en favorisant l’accès à la commande publique, en réservant notamment une partie de la
commande publique européenne aux PME.
Inspirons-nous aussi du modèle des Etats-Unis. Bien que libéraux, ils défendent fermement leurs
intérêts quand cela devient nécessaire. Ainsi, les entreprises qui produisent aux Etats-Unis bénéficient
d’une fiscalité allégée.
Je crois à la dynamique du commerce international, à la liberté mais aussi à la réciprocité. Ouvrons
notre marché au prorata de l’ouverture des autres marchés. En Chine, il est difficile de réaliser de
grandes affaires sans que soit imposé un partenaire ou un associé officiel. Au Japon ou en Allemagne,
la pénétration du réseau de distribution est très difficile. Enfin, pour que la concurrence soit loyale, le
commerce international doit intégrer les critères de respect de l’environnement, du travail des enfants
et des prisonniers politiques et d’autres règles démocratiques.
Le droit des faillites doit également être amélioré. Aujourd’hui, parmi les 40 000 dépôts de bilan
d’entreprises déposés chaque année, 80% aboutissent à une liquidation pure et simple. Il convient de
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parvenir dans la majorité des cas à une solution contractuelle des difficultés, si possible en phase
amiable.
Dans le cas de la disparition de l’entreprise, la rémunération des mandataires de justice doit être
révisée afin de mieux récompenser ceux qui parviennent à indemniser rapidement les salariés et tous
les partenaires de l’entreprise défaillante. La puissance publique, en abandonnant le privilège du
Trésor et de la Sécurité sociale, pourrait faciliter la résolution de ces difficultés.
La question de la transmission est un sujet essentiel. A l’avenir, plus de 500 000 entreprises seront à
reprendre. Or, une entreprise n’est pas un élément de patrimoine comme les autres. Les droits de
succession qui représente une punition pour les créateurs de sociétés viables doivent être supprimés,
de même qu’il doit être possible de transmettre le patrimoine, acquis par son travail, à ses enfants, sans
être punis. Les arguments budgétaires à ce sujet sont à écarter car les recettes des successions et des
plus-values apparaissent dérisoires au regard du manque à gagner que représente la disparition d’une
entreprise après le retrait de son fondateur.
Il est temps de cesser de faire la fortune de la Belgique, de la Suisse, de la Grande-Bretagne et d’autres
pays en leurs envoyant tous les Français qui gagnent de l’argent. Voilà une idée surprenante : dès que
quelqu’un réussit et acquière un patrimoine, on lui recommande de dépenser son argent ailleurs !
Lorsqu’une personne a travaillé durement toute sa vie pour acquérir un patrimoine financier ou une
entreprise, il est normal qu’elle puisse transmettre ce patrimoine en franchise d’impôts à ses enfants ou
à ses successeurs.
L’égalité des chances ne consiste pas à priver les enfants de la chance d’être nés dans une famille qui a
travaillé toute la vie mais à donner les mêmes chances de réussir aux enfants sans patrimoine.
Transmettre à ses enfants le fruit de son travail est un des sens de la vie. Je suis pour le travail et je
crois à la famille, mais je m’arrête là.
Il sera essentiel, lors des prochains rendez-vous de 2007, de lever la chape de plomb qui empêche de
dire ce que pense le peuple français sur des sujets tels que le travail, le patrimoine, la réussite,
l’entreprise ou l’immigration. Aujourd’hui, des idées totalement éloignées des souhaits profonds des
Français sont imposées à la classe politique dirigeante de gauche et de droite. Quand un homme de
droite est populaire, il est qualifié de « populiste », tandis qu’un homme de gauche est qualifié de
« proche du peuple ».
Un grand pays avec une économie puissante est un pays où la réussite n’est pas suspecte. Je trouve
formidable que de jeunes Français partent à l’étranger pour réussir. Cependant l’idée que tous nos
meilleurs jeunes soient obligés de partir pour réussir est inadmissible. La réussite, la promotion
sociale, l’espérance d’être propriétaire de son logement, d’avoir une vie plus agréable, une meilleure
école pour ses enfants, sont des valeurs qui donnent du sens à la vie.
Je souhaite réconcilier les Français avec l’idée de réussite. Il y a 30 ans, dans toutes les familles de
France, l’avenir semblait une promesse, aujourd’hui, il apparaît comme une menace. Le devoir des
représentants politique est de refaire de l’avenir une promesse pour ceux qui le méritent. La politique
sociale ne peut rien si celui qui en bénéficie ne se prend pas en main.
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J’admets que mon discours n’est pas très technique et que des millions de Français peuvent le
comprendre…Et alors ? Je pense qu’un projet électoral et politique doit être l’occasion pour une
société de confronter les valeurs qu’elle souhaite mettre en avant. Les valeurs en lesquelles je crois et
qui m’ont permis de gravir les échelons s’appellent le mérite, la récompense, l’effort, des valeurs
républicaines. Avant l’instauration de la République, la réussite dépendait du milieu de naissance. La
République a apporté une voie royale à la réussite, celle de la « méritocratie ». Le travail et la prise de
risques doivent alors être récompensés. L’injustice consiste à donner le diplôme à tous les étudiants,
ceux qui ont travaillé et ceux qui n’ont pas travaillé. L’injustice consiste à payer tout le monde de la
même manière.
Je ne crois pas ni à l’égalitarisme ni aux vertus de l’assistanat. Je crois à la valeur de l’autorité sans
laquelle aucun système ne fonctionne. De grandes réformes compliquées de l’Education Nationale ne
sont pas nécessaires. Je défendrai quelques idées simples telle que l’obligation pour les élèves de se
lever lorsque le maître entre en classe en signe de respect à l’autorité qu’il représente. La défense du
droit de grève pour les collégiens ou les lycéens de moins de 16 ans est une aberration dans un pays où
les études sont gratuites et financées par ceux qui travaillent. L’école est une chance. La banalisation
de l’absentéisme scolaire est un scandale qui devrait être puni par une mise sous tutelle des familles ou
une suppression des allocations familiales. La famille est un lieu où s’exercent des droits mais aussi
des devoirs.
La meilleure façon de développer un esprit d’entreprise en France consiste à dire aux jeunes qui
choisissent cette voie qu’elle ne sera pas décevante. J’aimerais qu’en France la réussite soit plus
récompensée et l’échec moins sanctionné. Celui qui échoue vraiment est celui qui ne tente rien.
L’échec fait parti de la vie. La voie de la réussite n’est pas linéaire : des escaliers doivent parfois être
descendus mais ils peuvent aussi être remontés.
La France n’est pas un vieux pays, ni une nostalgie, c’est un pays à nul autre pareil, ouvert à la
création, à l’innovation, à la réussite, à la récompense. La France est ce pays nouveau qui doit
accueillir sur son territoire tous ceux qui souhaitent créer, innover, bâtir… La France doit redevenir un
pays neuf. Pourquoi nos voisins européens réussissent-ils à atteindre le plein emploi, alors que notre
pays n’y parvient pas ? Nous sommes trop imprégnés d’idées d’un autre siècle. Nous devons épouser à
bras ouverts ce siècle qui est le nôtre, non pas par esprit d’idéologie, ni pour opposer le libéralisme au
socialisme, mais pour donner un emploi à chacun.
Chers amis, je crois que ces changements nécessaires sont possibles. Si vous y croyez aussi, alors il va
falloir m’aider.
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