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MDG 3 FUND
ETUDE SUR LES POLITIQUES
FONCIERES ET L’ACCES DES FEMMES
A LA TERRE AU TOGO
RAPPORT DEFINITIF
ADA Consulting Africa
Bureau d’Expertise, de Conseils et d’Assistance
pour le Développement en Afrique
777 Rue de l’OCAM
07 BP : 14 284
Tél Standard : (228) 220 09 33
Fax Standard : (228) 220 72 95
Tél Direct
: (228) 901 77 45/ 944 79 84
E-mail : [email protected]
LOME–TOGO
Juillet 2009
2
SOMMAIRE
1.
1.1.
1.2.
2.
2.1.
2.1.1.
2.1.2.
2.1.3.
2.1.4.
2.1.5.
2.1.6.
2.1.7.
2.2.
2.2.1.
2.2.2.
2.2.3.
2.2.4.
2.3.
2.3.1.
2.3.2.
3.
3.1.
3.1.1.
3.1.1.1.
3.1.1.2.
3.1.1.3.
3.1.2.
3.1.3.
3.1.3.1.
3.1.3.2.
3.1.3.3.
3.1.3.4.
3.2.
3.2.1.
3.2.1.1.
3.2.1.2.
3.2.2.
3.2.2.1.
3.2.2.2.
3.2.3.
3.2.3.1.
3.2.3.2.
3.2.4.
3.2.4.1.
Sommaire
Liste des tableaux
Liste des figures, photos et schémas
Liste des annexes
Liste des sigles et abréviations
RESUME
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : DONNEES GENERALES SUR LE TOGO ET PRESENTATION
DU PROJET DE WILDAF
BREVE PRESENTATION DU TOGO
PRESENTATION DU PROJET DE WILDAF
DEUXIEME PARTIE : APPROCHE METHODOLOGIQUE UTILISEE POUR LA
MISSION
PHASE PREPARATOIRE
Entretien d’approfondissement et de compréhension de la mission
Revue documentaire
Prise de contact de terrain
Elaboration des outils de collecte de données
Echantillonnage
Réunion de synthèse
Recrutement, formation des enquêteurs et contrôleurs (superviseurs) et constitution des
équipes
PHASE DE TERRAIN
Enquête quantitative
Enquête qualitative
Entretien spécifique avec les acteurs institutionnels
Organisation de la mission sur le terrain
TRAVAUX DE BUREAU
Dépouillement, Traitement et analyse des données collectées
Elaboration de rapports
TROISIEME PARTIE : RESULTATS DE L’ETUDE
NORMES POLITIQUES FONCIERES
Normes et politiques foncières aux niveaux international et régional
Normes et politiques foncières au niveau international
Normes et politiques foncières au niveau régional
Normes et politiques foncières au niveau sous-régional
Normes et politiques foncières au niveau national
Analyse critique de la politique et de la législation en matière successorale au Togo
Succession et la conformité aux normes internationales et régionales africaines de
promotion de droits de la femme
Succession et politique et lois en vigueur au Togo
Succession et pratiques traditionnelles
Succession et prise en compte du rôle de la femme dans le domaine agricole modes d'
RESULTATS DE TERRAIN
Modes d’accès à la terre et modes de faire valoir
Modes d’accès à la terre
Modes de faire valoir
Dynamique des transactions foncières dans les zones de l’étude
Evolution des transactions foncières des zones de l’étude
Impact de la dynamique des transactions foncières sur l’accès des femmes à la terre
Initiatives d’exploitation des zones aménagées et leur impact sur l’accès des femmes à la
terre
Initiatives des zones aménagées
Impact des initiatives des zones aménagées et leur impact sur l’accès des femmes à la
terre
Pratiques d’accès au foncier rural
Analyse des conditions d’accès au foncier
2
4
4
4
4
5
7
8
9
10
12
13
13
13
13
14
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14
15
15
15
15
16
16
16
16
17
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19
19
19
19
20
22
22
23
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27
27
28
32
32
32
34
34
34
35
36
36
3
3.2.4.2.
3.2.4.3.
3.2.4.4.
3.2.5.
3.2.5.1.
3.2.5.2.
3.2.5.3.
3.2.5.4.
3.2.5.5.
3.2.5.6.
3.2.6.
3.2.6.1.
3.2.6.2.
3.2.6.3.
3.2.7.
3.2.7.1.
3.2.7.2.
3.2.7.3.
3.2.8.
3.2.8.1.
3.2.8.2.
4.
4.1.
4.2.
4.2.1.
4.2.2.
4.2.3.
4.2.3.1.
4.2.3.2
4.2.3.3.
4.2.3.4.
4.2.3.5.
Analyse comparée des conditions d’accès à la terre des hommes et des femmes
Quelques bonnes pratiques d’accès des femmes à la terre
Analyse des fondements de pratiques d’attribution des terres
Impact du statut de la terre des femmes sur la productivité et la durabilité de
l’exploitation
Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques
Accès et utilisation des semences améliorées
Accès et utilisation des crédits agricoles
Accès et utilisation de la main d’œuvre
Types de cultures pratiquées
Accès à l’encadrement
Statut juridique des exploitations agricoles familiales et rôles différenciés des hommes et
des femmes dans la gestion de l’exploitation
Statut juridique des exploitations familiales
Rôles différenciés des hommes et des femmes dans la gestion de
l’exploitation
familiale
Impacts des rôles différenciés sur les activités des femmes
Obstacles et difficultés empêchant l’accès pérenne des femmes rurales à la terre
Difficultés d’ordre coutumier
Difficultés d’ordre social
Difficultés d’ordre économique
Analyse des recours pour les femmes en cas de déni de droit et d’éviction de la terre
Règlement selon le droit coutumier
Règlement selon le droit moderne
QUATRIEME PARTIE : CONCLUSION ET RECOMMANDATION
CONCLUSION
RECOMMANDATION
Reformes législatives et réglementaires
Elaborer et mettre en œuvre un plan de communication pour une appropriation des lois
relatives à la propriété foncière
Mesures socio-économiques et d’incitation pour accroître l’accès des femmes à la terre
Organisation de concours de village meilleur élève en application des textes en faveur
des femmes.
Aide à la constitution et à la dynamisation de groupements de femmes
Constitution d’une plate forme des OSC pour l’appui à l’accès des femmes à la terre dans
les milieux ruraux
Financement du foncier
Assistance technique adéquate des structures d’appui aux producteurs
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
37
38
38
39
39
40
41
42
42
43
44
44
45
46
47
47
47
47
47
47
49
51
52
53
53
54
55
55
55
55
55
56
57
59
4
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1
Tableau 2
Tableau 3
Tableau 4
Tableau 5
Tableau 6
Tableau 7
Tableau 8
Tableau 9
Tableau 10
Tableau 11
Tableau 12
: Différents modes d’accès rencontrés au niveau des exploitants agricoles
: Répartition des exploitants agricoles, héritiers des terres en fonction du sexe
: Répartition des exploitants agricoles suivant le mode d’accès par achat
: Répartition des exploitants agricoles suivant le mode de location
: Répartition des exploitants agricole suivant le mode d’accès par usufruit
: Descriptif des conditions d’accès à la terre des hommes
: Descriptif des conditions d’accès des femmes à la terre
: Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques en fonction du statut foncier
: Accès et utilisation des semences améliorées en fonction du statut foncier
: Niveau d’utilisation des crédits agricoles par sexe et par statut foncier
: Types de cultures pratiquées en fonction du statut foncier et du sexe (%)
: Taille des exploitations en fonction du genre et des modes d’accès (en %)
28
28
29
30
31
36
37
39
40
41
42
44
LISTE DES PHOTOS
Photo 1
Photo 2
Photo 3
Photo 4
Photo 5
Photo 6
: Séance de focus-group avec certaines autorités traditionnelles et certains groupements
:
:
:
:
:
Zones aménagées par l’Etat et certains groupements dans la région des Savanes
Association de cultures annuelles et cultures pluriannuelles
Hommes préparant le sol par billonnage et déterrant du manioc
Femmes exerçant les activités d’entretien, de récoltes et de vannage
Femmes assurant la transformation et la commercialisation des produits
16
35
42
45
45
46
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
: Termes de référence
: Tableau récapitulatif de l’échantillonnage
: Liste des personnes rencontrées
LISTE DES ABREVIATIONS
ACM
AGIRNA
ATPH
BADE A
CAPLAD
CEDEF
CONGAT
CREDI
CREMA
DRAEP
DSRP-C
ICAT
MAEP
OSC
PADES
PDRIS
PNUD
PROSEM
PTF
RADI
RAFIA
REFED/S
RNA
WILDAF
: Appui pour le Combat contre la Misère
: Appui à la Gestion Intégrée des Ressources Naturelles
: Association Togolaise pour la Promotion Humaine
: Banque Arabe pour le développement Economique en Afrique
: Centre d’Appui aux populations Locales en Auto-Développement
: Convention sur l’Elimination de toutes Formes de discrimination à l’Egard
des Femmes.
: Conseil Gestion Afrique Togo
: Centre de Recherche Action pour l’Environnement et le Développement Intégré
: Centre de Recherche et d’Action des Modèles d’Autopromotion
: Direction Régionale de l’Agriculture, de l’élevage et de la Pêche
: Document Stratégique pour la Réduction de la Pauvreté
: Institut de Conseil et d’Appui Technique
: Ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la Pêche
: Organisation de la Société Civile
: Programme d’Aide pour le Développement Economique et Sociale
: Projet de Développement Rural Intégré des Savanes
: Programme des Nations Unies pour le Développement
: Programme de Développement du Sud-Est Maritime
: Partenaire Technique et Financier
: Recherche Action pour le Développement Intégré
: Recherche Appui et Formation aux initiatives d’Auto-Développement
: Réseau des Femmes et Développement/Savanes
: Recensement National de l’Agriculture
: Women In Law and Development in Africa
60
63
64
5
RESUME
La terre est un moyen de production important dans les activités économiques et une source
principale de revenu en milieu rural. Les droits d’accès à la terre, d’utilisation et de contrôle de
cette dernière sont reconnus aux femmes en milieu rural par les lois et textes juridiques
internationaux et sous-régionaux dont le Togo est partie. Pourtant, des limitations diverses à la
capacité des femmes à posséder et à contrôler la terre entravent non seulement leur capacité à
mener des activités économiques mais aussi à réduire considérablement leur moyen de
subsistance de même que la contribution au développement de leur pays.
C’est pour faire un état des lieux sur l’accès différencié, l’utilisation et le contrôle de la terre par
les femmes et les hommes en milieu rural au Togo d’une part et les facteurs qui constituent des
obstacles pour les femmes pour une meilleure production agricole d’autre part que la présente
étude a été commanditée par WILDAF Togo, représentation Togolaise de Women In Law and
Development in Africa en vue de faire des propositions pour des réformes de politiques et lois
agro foncières.
Pour atteindre les objectifs assignés à l’étude, la mission a procédé à une analyse approfondie
de la documentation disponible et conduit une enquête de terrain dans les Régions des Savanes
(Cinkassé et Tône), Kara (Kozah, Doufelgou), Plateaux (Agou, Kloto) et Maritime (Yoto et Vo)
où vingt quatre (24) villages ont été touchés. Dans ces villages, 238 exploitants à raison de 120
femmes et 118 hommes et 44 groupements féminins ou mixtes, 46 autorités coutumières et
traditionnelles, 14 autorités administratives et judiciaires (Juges, préfets, Commandants de
Brigade) et 16 structures d’appui ont fait l’objet d’entretien individuel et de focus-group.
L’analyse des données montre qu’en matière de politiques et législations foncières, les principes
juridiques dans les protocoles, chartes et conventions dont le Togo est partie consacrent le
principe de l’égalité devant la loi ; ce qui laisse dire que les femmes devraient avoir accès à
l’héritage et à tous les autres modes d’acquisition de la terre tant que des citoyens hommes soit
disant du sexe fort peuvent en jouir. Pour les principes juridiques contenus dans les textes
nationaux, il convient de noter que le régime foncier togolais se caractérise par la coexistence
de deux systèmes, l’un dit coutumier et l’autre moderne. Ce dernier permet aux femmes
d’acquérir des biens immobiliers et d’en disposer à leur guise. Les textes de lois surtout le code
des personnes et de la famille donnent lieu à d’énormes difficultés d’application et par voie de
conséquence à l’exclusion des pauvres qui sont en majorité des femmes. L’analyse du cadre
juridique a révélé également que la question du genre n’a pas été clairement abordée par les
instruments juridiques nationaux.
Au plan d’héritage du patrimoine foncier, la loi togolaise, n’exclut pas, à priori, la femme de la
succession des biens de sa famille ou de son mari défunt. Seulement, les dispositions de la loi,
applicables à la succession ne sont valables qu’en cas de renonciation aux coutumes, lesquelles
coutumes ne sont pas souvent favorables à la femme en la matière.
Concernant l’accès à la terre par héritage, seulement 20 femmes sur 130 héritiers (soit 15,2 %)
sont héritières et ont accès à des superficies relativement moins grandes que celles obtenues
par les hommes. De plus leur héritage est accompagné dans la plupart des cas des mesures
restrictives de leur droit (refus de transmissions aux descendants, vente conditionnée). La
principale raison justificative du refus d’héritage de la terre à la femme est le régime
patrilinéaire adopté au Togo. En effet selon les collectivités et familles rencontrées, une femme
héritière ne pourra préserver l’héritage terre mais au contraire contribuera à son émiettement
et à son attribution à d’autres lignées (celles des époux).
Les transactions foncières sont très dynamiques et permettent aux femmes d’accéder à la terre
dans leur ensemble mais en cas de location, elles ne sécurisent pas l’exploitation de la femme
compte tenu du manque de contrat écrit et du non respect des engagements pris par les
propriétaires terriens. En dehors de l’héritage, le seul mode qui permet à la femme d’avoir un
contrôle durable sur son exploitation est l’achat mais les femmes n’ont malheureusement pas le
moyen pour accéder à la terre par ce mode qui n’est d’ailleurs pas courant dans certains milieux
6
ruraux. Cette situation ne favorise pas l’accès des femmes à la terre. Par ailleurs, divers
obstacles entravent l’accès des femmes à la terre dont les pesanteurs coutumières,
sociologiques et économiques.
Dans les processus de résolution des conflits fonciers, les femmes rurales rencontrées ne font
pas souvent recours à la justice de peur d’être mal vues par leur société. Elles recourent
souvent à leurs époux qui tranchent le problème à l’amiable ou les conseillent souvent
d’abandonner toute poursuite. La majorité des chefs traditionnels rencontrés dans le cadre de
cette étude n’ont pas l’habitude de trancher souvent des conflits fonciers entre homme et
femme ou entre femmes. Cependant, certains Chefs de villages/cantons du Sud-Est Maritime
dont Kpotavé, d’Atsitsogbé (Vo), et Tokpli (Yoto) d’une part et de Niamtougou (Doufelgou)
dans la Région de Kara d’autre part sont des pionniers dans ce processus de règlement des
conflits fonciers en faveur des femmes.
Pour exercer leurs activités agricoles, les femmes accèdent à la terre par usufruit (48,7 % soit
37 femmes) et par location (76,5 % soit 85 femmes) des cas. Par ces modes, elles accèdent à
de petites parcelles de terre dont la taille des superficies est comprise entre moins 0,25 et 2 ha
qu’elles exploitent dans une certaine insécurité foncière qui ne leur permet pas d’adopter les
techniques d’amélioration durables de leur production. Elles se contentent alors de faibles
rendements malgré les multiples besoins qu’elles ont à satisfaire. Les résultats montrent
également que les femmes ont un accès limité aux crédits agricoles, n’ont pas un accès
équitables aux informations sur les nouvelles techniques agricoles et ont des difficultés
à adopter les innovations d’intensification agricole susceptibles de les amener à
développer des systèmes et des entreprises agricoles durables et compétitifs.
La petitesse des exploitions détenues par les femmes tient aussi à leur précieux appui qu’elles
apportent aux hommes au sein des exploitations familiales qui sont détenues et gérées par ces
derniers. En effet, la femme non seulement s’occupe des enfants mais doit préparer et servir la
nourriture à son époux et aux autres actifs agricoles. Elle est aussi chargée de l’exécution des
travaux demandant une certaine attention particulière comme le semis, l’épandage d’engrais et
la récolte. Elles exécutent les travaux post récoltes tels que le vannage et s’occupe du
transport, de la commercialisation et dans certains cas de la transformation des produits
récoltés. Ces travaux exécutés en appui à l’homme l’empêchent de détenir des superficies
relativement grandes mais elles contribuent à une certaine stabilité et à la paix au sein du
ménage. Ces rôles complémentaires joués par l’homme et la femme dans les exploitations
familiales contribuent à la sécurité alimentaire et à la jouissance d’une vie décente de la famille.
Afin de permettre aux femmes d’avoir un accès durable à leurs exploitations, la mission, à l’issu
des différentes analyses formule les recommandations et orientations suivantes :
™ procéder à des réformes législatives et réglementaires qui
aura pour résultat
l’élaboration d’un code foncier national, la mise en conformité de certains cadres
juridiques existants avec les principes juridiques contenus dans les protocoles,
conventions et chartes internationaux ;
™ informer, l’éduquer et communiquer sur les textes de lois en faveur des femmes. Le
résultat attendu est l’information, l’éducation et la communication de toutes les couches
sur les droits des femmes en vue de briser les pesanteurs coutumières, sociologiques et
faire appliquer les réformes législative et réglementaire ;
™ la prise de mesures socio-économiques, d’incitation et d’application du concept genre
pour accroître l’accès des femmes à la terre : organiser un concours de village meilleur
élève en application des textes en faveur des femmes, favoriser la constitution et la
redynamisation des groupements de femmes, encourager la constitution d’une plate
forme des OSC pour l’appui à l’accès des femmes à la terre dans les milieux ruraux,
mettre en place un système de crédit foncier et d’épargne foncière à des taux d’intérêt
réduits destinés à favoriser l’accès des femmes à la propriété foncière, apporter
l’assistance technique adéquate des structures d’appui aux productrices et à leur
Organisation.
7
INTRODUCTION
La terre est un moyen de production important notamment dans les activités économiques et
une source principale de revenu en milieu rural. Les droits d’accès à la terre, d’utilisation et de
contrôle de cette dernière sont reconnus aux femmes en milieu rural par la Convention sur
l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes et le Protocole à la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux droits des femmes en
Afrique. Cependant des limitations diverses à la capacité des femmes africaines à posséder et à
contrôler la terre entravent sérieusement leur capacité à mener des activités économiques et
réduit ainsi considérablement leur moyen de subsistance de même que la contribution qu’elles
apportent au développement de leur pays.
C’est pour faire un état des lieux sur l’accès différencié, l’utilisation et le contrôle de la terre
par les femmes et les hommes en milieu rural au Togo, les facteurs qui constituent des
obstacles pour les femmes en vue de faire des propositions en guise de contribution à des
réformes de politiques et lois agro foncières que la présente étude a été commanditée.
Le présent rapport provisoire, fruit des différentes investigations et recherches documentaires,
est structuré comme suit :
9
Première partie : Données générales sur le Togo et brève présentation du projet
“Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”
9
Deuxième partie : Approche méthodologique utilisée pour la mission ;
9
Troisième partie : Résultats de l’étude ;
9
Quatrième partie : Recommandations.
8
PREMIERE PARTIE
DONNEES GENERALES SUR LE TOGO ET
BREVE PRESENTATION DU PROJET
“Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”
9
1.1. BREVE PRESENTATION DU TOGO
Le Togo couvre une superficie de 56.600 km². Il est limité par le Burkina Faso au Nord, le Golfe
de Bénin au Sud, la République du Bénin à l’Est et le Ghana à l’Ouest.
Localisé entre le 6ème et le 11ème degré de latitude Nord et entre 0° et 1°40 de longitude Est, le
pays est une étroite bande de terre de 600 km de long et disposant de 50 km de côte. Il est
organisé administrativement en cinq Régions comprenant du Sud au Nord : la Région Maritime,
la Région des Plateaux, la Région Centrale, la Région de la Kara et la Région des Savanes. La loi
n° 2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales a consacré
l’autonomie des collectivités locales que sont les régions, les préfectures et les communes.
Du point de vue géologique, le Togo se présente comme un corps central précambrien. Ce socle est
annoncé au Sud par un bassin sédimentaire à prédominance argilo-sablonneuse du Crétacé
alternant avec des formations plus récentes du tertiaire. Les mêmes caractéristiques se retrouvent
plus au Nord. Dans le bassin de la Pendjari, au Nord, elles interfèrent avec l’ensemble voltaïen de
l’Atakora.
Le territoire togolais appartient à l’ensemble aplani Ouest-africain constitué de roches primaires
supportant les stratifications sédimentaires relativement récentes et n’offre pas à ce titre, de
reliefs très affirmés.
La zone montagneuse forme la chaîne des monts du Togo qui constitue la partie principale d’un
ensemble plus vaste de la chaîne de l’Atakora. Cette dernière prend le centre du pays en
écharpe dans la direction Sud-Ouest Nord-Est.
Le paysage typique est composé de vallées profondes et étroites qui individualisent les
plateaux.
Dans la Région des Savanes se trouve la plaine d’inondation de l’Oti où ce fleuve et ses
affluents divaguent avant de s’échapper vers la Volta.
Entre le 6°30 et le 9°20 Nord, s’étend la vaste plaine orientale qui se prolonge vers le Sud
donnant le plateau de terre de barre qui domine la zone lagunaire et couvre plus de deux tiers
de la Région Maritime. Le plateau est traversé presqu’en diagonale par la dépression de la Lama
entrecoupée par de larges vallées du Mono, du Haho et du Zio.
La zone lagunaire, dont l’altitude est par endroits inférieure au niveau de la mer, comporte une
partie avec un plan d’eau discontinu. Le littoral forme une côte basse et sablonneuse présentant
par endroits un aspect escarpé sous l’influence de l’érosion côtière.
Le Togo fait partie du domaine intertropical, chaud et humide marqué par deux courants
éoliens principaux : la mousson, en provenance du Sud-Ouest porteuse de pluie et les alizés en
provenance du Nord-Est qui soufflent durant la saison sèche.
Trois zones climatiques étagées du Sud au Nord caractérisent le pays :
une zone subéquatoriale (de la côte à la transversale du 8° latitude Nord) à deux
saisons de pluie : avril-juillet et octobre-novembre ;
une zone guinéo-soudanienne, zone de transition (du 8° au 10° parallèle) où le
caractère bimodal du régime pluviométrique s’estompe avec une saison des pluies de
durée variable : avril-octobre ;
une zone soudanienne de type semi-aride (au Nord) avec une seule saison des
pluies : mai-octobre.
La population du Togo est estimée par la Direction Générale de la Statistique et de la
Comptabilité Nationale (DGSCN) à 5 465 000 habitants en 2007, dont 50,6% de femmes et
49,4% d’hommes ; son taux d’accroissement moyen est de 2,4% (DSRP-C, 2009).
10
La population agricole qui représente 74,7% de la population totale du pays est constituée aux
trois quarts de petits agro-éleveurs dont 80% pratiquent l’élevage des espèces à cycle court.
Elle est très jeune avec un rapport de masculinité anormalement bas aux âges productifs
(64,6% des hommes ont moins de 20 ans contre 54,9% de femmes).
La population active, à majorité féminine (56,4% des actifs agricoles sont des femmes) compte
plus de 50% d’analphabètes avec un taux plus élevé chez les femmes (72,6%) que chez les
hommes (50,3%) ; l’alphabétisation n’a touché que 1,8% de ceux qui n’ont jamais été à l’école.
Seulement 5,2% de la population agricole sont membres d’une organisation professionnelle ;
7,6% des hommes sont membres d’un groupement contre 1,5% pour le sexe opposé.
L’accès au crédit est limité à 14,9% d’actifs agricoles du sexe féminin contre 11,5% pour le
sexe opposé.
Selon les résultats de l’enquête QUIBB réalisée en 2006, l’incidence de la pauvreté est estimée
à 61,7% de la population, soit près de 3 242 257 individus répartis dans 535 486 ménages. La
pauvreté est essentiellement rurale où l'incidence est de 74,3% représentant 79,9% des
pauvres. D’une manière générale, la région des Savanes est la plus pauvre avec une incidence
de 90,5 %, suivie des régions Centrale (77,7%), Kara (75,0%), Maritime (69,4%), Plateaux
(56,2%) et enfin Lomé (24,5%).
Les groupes des pauvres sont essentiellement des travailleurs à faible revenu, les paysans sans
terre et les groupes cibles affectés. Les pauvres existent bien en milieu rural qu’urbain.
1.2. BREVE PRESENTATION DU PROJET
Le projet “Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”
initié par le bureau sous régional du WILDAF pour l’Afrique de l'Ouest s’inscrit dans le cadre du
3ème objectif du Millénaire pour le Développement (OMD). Il intervient dans le contexte d’une
Afrique occidentale marquée par des inégalités fortes entre hommes et femmes dans les
rapports familiaux, notamment en matière de violence et d’héritage, dans le domaine de l’accès
aux ressources et opportunités économiques, au pouvoir et à la prise de décision. Les cibles
principales et bénéficiaires sont les femmes membres des coordinations d’organisations
paysannes au Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Ghana, et Togo. Les autres cibles en sont les
autorités traditionnelles, les populations (hommes et femmes), les coordinations d’organisations
paysannes et les autorités publiques.
Le projet a pour objectif global de permettre aux femmes membres des coordinations
d’organisations paysannes et des milieux ruraux des 5 pays d’Afrique de l'Ouest, de connaître
leurs droits, de les revendiquer afin d’en jouir au même titre que les hommes dans leur vie
familiale, communautaire et professionnelle, et de les faire appliquer au profit des femmes de
leurs milieux respectifs.
De manière spécifique, le projet vise à :
-
-
éduquer 250 (à raison de 50 par pays) femmes membres des coordinations
d’organisations paysannes, sur les droits qui leur sont reconnus dans le cadre familial,
communautaire, professionnel et en tant que citoyennes ;
contribuer à la réduction de la violence à l’égard des femmes en milieu rural par
l’implication des communautés dans la lutte contre le phénomène ;
assurer le respect des droits des femmes dans le règlement des conflits familiaux par les
instances familiales et communautaires, notamment en matière d’héritage ;
favoriser l’accès des femmes à la terre en pleine propriété ou dans des conditions de
sécurité.
Contribuer à la participation des femmes aux prises de décision au sein des
communautés et dans les coordinations d’organisations paysannes.
11
Les femmes bénéficiaires directes du projet travailleront en tant que volontaires et bénévoles et
mèneront les actions suivantes dont l’impact combiné rendra possible l’atteinte des résultats :
i)
Campagne sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Les composantes de la
campagne :
•
Les activités d’information et de sensibilisation en vue du changement des coutumes, des
connaissances, attitudes et comportements au regard des droits des femmes ;
Les conseils et assistance juridique aux femmes pour les aider individuellement à se servir
du droit pour résoudre les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans les cadres
familiaux, communautaire et celui de leurs activités économiques.
Les activités de lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural. Les femmes
paysannes ayant reçu la formation de parajuriste utiliseront à cet effet une approche
impliquant les communautés y compris les hommes, dans la lutte.
•
•
Les activités se mèneront à travers les comités communautaires qu’elles auront mis en place.
ii) Plaidoyer aux niveaux communautaire et national en vue de l’accès des femmes vivant en
milieu rural à l’héritage et à la propriété de la terre indispensables au développement de
leurs activités agricoles et commerciales,
iii) Plaidoyer pour la participation des femmes aux prises de décisions au niveau local.
Dans le cadre du plaidoyer pour l’accès des femmes à la propriété de la terre en milieu rural, il
est prévu une étude dont les résultats serviront de base pour les activités de plaidoyer.
12
DEUXIEME PARTIE
APPROCHE METHODOLOGIQUE UTILISEE
POUR LA MISSION
13
Le présent chapitre a pour objet de définir l'approche méthodologique adoptée pour atteindre
les objectifs tels que décrits dans les termes de référence. Les phases de la démarche que nous
proposons ci-dessous permettront, à notre avis, d’atteindre les résultats attendus et de couvrir
les différents volets des termes de référence. Notre approche a été régulièrement revue afin
d’assurer une fiabilité continue et meilleure en fonction de l’avancement de la mission lors des
travaux.
L’étude a été réalisée en trois (3) grandes phases successives et interdépendantes :
-
PHASE PREPARATOIRE ;
PHASE DE TERRAIN ;
PHASE DE BUREAU.
Chaque phase comporte des étapes.
2.1. PHASE PREPARATOIRE
2.1.1. Entretien d’approfondissement et de compréhension de la mission
L’équipe de la mission, au cours de cette étape, a eu un entretien avec les responsables
commanditaires de la mission (ONG WILDAF -TOGO) afin d'apprécier toutes les informations
relatives à cette mission.
Ce volet nous a permis notamment de :
-
Mieux comprendre les activités à entreprendre et formuler certaines hypothèses;
Valider et harmoniser notre compréhension des objectifs, contenu des travaux à
réaliser et des résultats de la mission;
Définir avec plus de précision, les attentes des commanditaires de la mission.
2.1.2. Revue documentaire
Afin d’appréhender les aspects liés à cette étude, le Consultant a pris connaissance du contenu
des différents documents y relatifs qui sont disponibles au niveau de WILDAF.
En plus de ce fonds documentaire, la mission a consulté d’autres documents disponibles ayant
trait à l’étude au niveau des différentes structures de la capitale et des différentes régions
(Maritime, Plateaux, Kara et Savanes).
Ces différents documents ont été analysés et synthétisés pour les besoins de l’étude. Le
Consultant a sélectionné les informations pertinentes et les a présentés sous une forme adaptée
aux besoins de l’étude. De plus, il a émis un avis sur la « validité » de ces informations.
L’inventaire des documents consultés est présenté dans la partie bibliographique.
2.1.3. Prise de contact de terrain
Il est important de souligner que la mission qui a été en charge de cette étude connaît
parfaitement les différentes régions pour avoir réalisé plusieurs études dans le domaine du
foncier ou dans d’autres domaines.
La mission a fait une brève prise de contact de terrain d’une durée de deux (2) jours dont le but
est de :
•
•
•
Avoir un premier contact avec les différents groupes cibles à rencontrer avant la
période de collecte de données ;
Etablir des relations de confiance entre le Consultant et les différents
responsables des structures intervenants dans le foncier ;
Recueillir des informations devant permettre de faire un planning de terrain
cohérent ;
14
•
•
Prévoir des difficultés éventuelles dès le démarrage de la collecte des données
sur le terrain et proposer des actions correctives ;
Orienter la méthodologie en tenant compte des réalités du terrain.
2.1.4. Elaboration des outils de collecte de données
Deux types d’outils ont été adoptés, à savoir les fiches d’enquêtes quantitatives pour la collecte
des données quantitatives et des fiches d’enquêtes qualitatives (les guides d’entretiens semistructurés ou de focus groups).
Des fiches techniques ont été également élaborées pour l’appréciation des superficies et des
types de cultures pratiquées.
2.1.5. Echantillonnage
La mission a déterminé un échantillon à partir d’un plan d’échantillonnage dont les grandes
lignes sont les suivantes :
™ Echantillonnage des préfectures
Les préfectures/Sous préfectures retenues pour la présente étude sont celles indiquées dans les
TDR par Région. Il s’agit de : Tône et Cinkassè dans les Savanes, Kozah, et Doufelgou dans la
Kara, kloto et Agou dans les Plateaux et Vo et Yoto dans la Maritime-Est.
™ Echantillonnage des villages
Les villages ciblés pour l’étude ont été sélectionnés d’après leur degré de pression foncière
(forte/moyenne/faible) et/ou la présence de zones aménagées, le niveau d’utilisation de la terre
par les femmes, …etc. Ainsi dans chaque préfecture, un échantillon raisonné de villages a été
retenu.
™ Echantillonnage des groupes cibles
•
Choix des Structures d’Appui
Les Structures d’Appui (ONG, structures étatiques) impliquées dans le développement agricole
sont retenues avec un taux de 10% à 100% par préfecture. Une attention a été accordée aux
Structures d’Appui impliquées dans le genre, particulièrement les Réseaux d’organisation de
femmes.
•
Choix des autres acteurs
Un échantillon raisonné des différents acteurs ci-dessous mentionnés a été tiré dans le cadre de
cette mission. Ils ont été choisis dans les groupes cibles suivants :
o Collectivités lignagères ;
o Exploitants agricoles propriétaires terriens ou non (50% femmes et 50%
hommes) ;
o Groupements féminins ou mixtes de producteurs agricoles ;
o Organisations mixtes ou non de producteurs agricoles,
o Autorités traditionnelles et coutumières ;
o Autorités judiciaires et administratives.
L’état récapitulatif de l’ensemble de l’échantillonnage est présenté en annexe 2
2.1.6. Réunion de synthèse
Une réunion de synthèse, qui a regroupé les consultants, les chargés d’étude de ADA Consulting
Africa et les responsables de WILDAF TOGO, a eu lieu à la fin de la prise de contact de terrain.
Elle a permis d’arrêter les lignes directives qui doivent être observées lors des travaux de
terrain. Cette réunion de synthèse a permis de discuter des observations, commentaires et
15
inquiétudes formulées par les commanditaires sur les outils de collecte et l’échantillonnage
proposés.
1.7. Recrutement, formation des enquêteurs et contrôleurs (Superviseurs) et
constitution des équipes.
Cette partie de la méthodologie a permis de former les enquêteurs qui appuieront les experts
sur le terrain pour :
-
une meilleure compréhension des termes de référence avec analyse approfondie des
points essentiels;
une prise de contact avec les instruments de saisie des données;
une étude des techniques de collecte des informations;
un test de simulation (test de remplissage des questionnaires).
A la fin de la formation, la mission a élaboré un plan de déploiement des enquêteurs et le
calendrier des enquêtes. Ainsi, les bases de la composition des équipes ont été jetées avec
l’organisation et le système de contrôle à mettre en place.
2.2. PHASE DE TERRAIN
Il s’agit des travaux d’enquête proprement dits qui ont été exécutés sur le terrain. L'objectif
poursuivi ici est de compléter les informations existantes par des informations susceptibles
d'éclairer les décisions, mais non disponibles. La démarche consiste à procéder à des enquêtes
directes sur le terrain. Ainsi, cette phase de collecte des données s’est appuyée sur les
éléments des TDR qui définissent deux axes à savoir : une enquête quantitative et une enquête
qualitative.
2.2.1. Enquête quantitative
L’enquête quantitative a été organisée autour des techniques suivantes :
™ Collecte des données statistiques
C’est une technique qui a permis à la mission de collecter les données existantes sur le foncier
(propriétés foncières et formes de mise en valeur), etc et faire un rapprochement avec les
données collectées sur le terrain.
™ Sondages et tests d’opinion
En vue de compléter les données des membres des différentes collectivités, la mission a
procédé à des sondages auprès d’un échantillon raisonné des autorités traditionnelles, des
coordinations d’organisations paysannes et les autorités gouvernementales.
™ Administration des questionnaires
Cette technique a permis aux différents producteurs/trices des différentes collectivités de
s’exprimer sur la nature de l’accès au foncier et les problèmes qu’engendre la succession au
niveau des femmes.
2.2.2. Enquête qualitative
L’enquête qualitative s’est appuyée sur les techniques suivantes :
™ Entretiens de focus-group
C’est une technique qui a permis de collecter des informations nécessaires auprès des
collectivités lignagères, des groupements féminins ou mixtes de producteurs/trices comme le
montre les photos ci-dessous.
16
Photo 01 : Séance de focus-group avec certaines autorités traditionnelles et certains groupements
™ Entretiens d’approfondissement
A partir de cette technique, la mission a approfondi certains points que les membres des
différents groupes n’ont pas eu le courage d’évoquer au cours des entretiens de focus-group
pour certaines raisons. Somme toute, il s’agit de disposer des informations complémentaires
pour une bonne analyse.
™ Observation participative
C’est une technique de l’approche qualitative qui a conduit les consultants à apporter une
appréciation sur les terres que cultivent les femmes par rapport aux hommes et d’en faire une
analyse comparative.
D’une manière générale, un accent particulier a été mis sur l’approche participative pour
permettre aux acteurs d’exprimer leurs opinions.
2.2. 3. Entretiens spécifiques avec les acteurs institutionnels
La mission a eu des entretiens avec des acteurs institutionnels et d’autres partenaires impliqués
dans cette problématique. Il s’agit des Organisations locales de Développement partenaires, les
structures étatiques d’encadrement du développement rural, les ONG, ... etc.
2.2.4. Organisation de la mission sur le terrain
La mission a eu trois réunions de coordination avec l’équipe de travail sur le terrain pour le
suivi, le cadrage et la gestion des enquêtes de terrain :
•
•
•
La première en début de mission : séance de travail de cadrage ;
la seconde en cours de mission : appréciation de l’évolution des travaux de terrain avec la
possibilité d’orientation et d’amélioration des guides d’entretien et des fiches techniques,
bref exposé des résultats intermédiaires et les premières tendances ;
la dernière en fin de mission de terrain pour évaluer l’ensemble des travaux sur le terrain et
tirer les premières conclusions de la mission.
2.3. TRAVAUX DE BUREAU
Ce sont les étapes de dépouillement, de traitement et d’analyse de données d’une part et de
rédaction de rapport d’autre part.
2.3.1. Dépouillement, Traitement et Analyse des données collectées
Ce volet de l’approche méthodologique comporte trois (3) sous-volets.
-
Vérification et validation des données collectées
On a apprécié la conformité des travaux de collecte et l'arrangement méthodique des données.
Ces données lorsqu’elles sont jugées suffisantes sont retenues pour le dépouillement ; dans le
cas contraire elles sont déclassées.
-
Dépouillement et traitement
Au niveau des enquêtes quantitatives, le dépouillement des outils de collecte, la compilation et
les traitements des données ont été faits à l’aide du logiciel SPSS Version 16.0 et parfois
17
manuellement. Des tableaux ont été confectionnés en fonction de la synthèse des informations
recherchées.
Au niveau des enquêtes qualitatives, le dépouillement des outils de collecte, la compilation et
les traitements des données ont été faits manuellement.
-
Analyse et interprétation des données
La mission a analysé et interprété les données obtenues suivant les résultats à obtenir.
2.3.2. Elaboration de rapports
•
Elaboration de la première version du document provisoire
Les résultats des enquêtes quantitatives et qualitatives avec les groupes cibles susmentionnés
et l’exploitation de la documentation disponible sont présentés sous une forme adaptée et
compréhensible pour tous. Ils ont servi à la rédaction du rapport provisoire dont les analyses
ont permis de cerner les indicateurs mentionnés dans les TDR.
•
Elaboration de la seconde version du document provisoire
L'objectif est de disposer d'un projet document finalisé à être validé, les travaux de ce volet
comportent :
-
-
la correction du rapport de la première version provisoire soumis aux commanditaires
tout en intégrant les observations, propositions et en tenant compte des
recommandations,
l’adoption du projet de rapport de seconde version au niveau de l'équipe de travail et sa
restitution au commanditaire.
18
TROISIEME PARTIE
RESULTATS DE L’ETUDE
19
3.1. NORMES ET POLITIQUES FONCIERES
Le corpus juridique relatif aux normes et politiques foncières au Togo regroupe des instruments
juridiques internationaux (conventions, traités et protocoles), des textes régionaux et
nationaux.
3.1.1. Normes et politiques foncières aux niveaux international, régional et sousrégional
3.1.1.1. Normes et politiques foncières au niveau international
Le droit de la femme à la propriété, qu’elle soit foncière ou non, est consacré par des
instruments juridiques internationaux, notamment :
™ la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée et proclamée par l’assemblée
générale des nations unies dans sa résolution 217 A III du 10 décembre 1948. La
Déclaration Universelle des droits de l’homme dit sans équivoque en son article 17 que
« toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa propriété».
™ la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes
(CEDEF) adoptée par l’ONU en 1979 et ratifiée par le Togo en 1983. Cette Convention pose
le principe du droit des femmes à la propriété par la formulation d’un droit fondamental
d’accès aux ressources naturelles.
3.1.1.2. Normes et politiques foncières au niveau régional
Au plan régional, on peut retenir :
™ la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples adoptée par l’OUA en 1981 et
entrée en vigueur au Togo en 1986 ;
™ le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits de
la Femme en Afrique adopté par la deuxième session ordinaire de la conférence de l’Union
Africaine à Maputo le 11 juillet 2003 et ratifié par le Togo en 2005. L’article 19 de ce
Protocole stipule que les femmes ont le droit de jouir pleinement de leur droit à un
développement durable.
o Aux termes de l’article 21.1, "La veuve a droit à une part équitable dans l’héritage des
biens de son conjoint. La veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial, de
continuer d’habiter dans le domicile conjugal. En cas de remariage, elle conserve ce
droit si le domicile lui appartient en propre ou lui a été dévolu en héritage".
o L’article 21.2 de ce Protocole dispose : "Tout comme les hommes, les femmes ont le
droit d’hériter des biens de leurs parents, en parts équitables".
3.1.1.3. Normes et politiques foncières au niveau sous-régional
A ces principaux textes internationaux, s’ajoutent des initiatives et travaux en cours dans le
cadre de l’Union Africaine, de la CEDEAO et de l’UEMOA, lesquels sont relatifs à l’accès des
femmes à la terre. De l’analyse de ces initiatives régionales et sous-régionales relatives aux
orientations et normes partagées en matière d’administration et de gestion du foncier, se
dégage, entre autres, la nécessité de :
-
élaborer des législations foncières et les mesures d’application des politiques foncières ;
transférer effectivement les compétences et ressources aux institutions foncières
locales ;
améliorer le statut foncier des femmes ;
respecter l’équité en vue de la promotion des femmes et des hommes vivant du secteur
agricole ;
20
-
renforcer les capacités des services de l’Etat, des collectivités locales et de la société
civile en matière foncière ;
mettre en place des tribunaux fonciers et des instances spécialisées de proximité ;
faire participer les différentes catégories d’acteurs, y compris les femmes, aux structures
de proximité.
Les textes internationaux énoncés plus haut, posent les principes d’égalité devant la loi, d’égale
protection de la loi, du respect de l’intégrité de la personne humaine, du droit à l’éducation, à la
propriété, de la non discrimination en raison du sexe…etc. Le Togo ayant ratifié lesdits
instruments, devrait les internaliser dans sa législation nationale afin de permettre à la femme
d’en tirer pleine jouissance autant que l’homme.
3.1.2. Normes et politiques foncières au niveau national
Il faut noter que le Togo a fait l’effort d’inclure dans les textes nationaux, les principes et
valeurs consacrés par les divers instruments internationaux cités ci-dessus. Il s’agit, entre
autres, de la Constitution de la IVème République, du Code des personnes et de la famille, de
l’Ordonnance n° 12 du 6 février 1974 portant réforme agro-foncière, du décret n°55-581 du 20
mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale au Cameroun et au Togo, promulgué au
Togo par l’arrêté n°561-55/C du 14 juin 1955 et du Décret du 23 décembre 1922 rendant
applicable sur le Territoire du Togo, le décret du 24 juillet 1906, portant organisation du régime
de la propriété foncière en Afrique Occidentale Française.
™ Constitution togolaise du 14 octobre 1992
La Constitution, actuellement en vigueur au Togo, a été adoptée par référendum constitutionnel
le 27 septembre 1992 et promulguée par le Président de la République le 14 octobre 1992. Elle
comporte 16 titres dont le second traite des droits, libertés et devoirs des citoyens. Les droits
reconnus sont, entre autres, le droit au développement (art. 12), le droit de propriété (art. 27),
etc. Aux termes de l’article 11 de ladite constitution, «la femme a les mêmes droits que
l’homme devant la loi ».
Ce texte qui constitue la loi fondamentale au Togo, consacre le droit des femmes d’acquérir des
biens immobiliers et d’en disposer à volonté. Ledit texte pose le principe de l’égalité devant la
loi ; ce qui suppose que les femmes devraient avoir accès à l’héritage et à tous les autres
modes d’acquisition de la terre en tant que citoyennes ; principe de l’égalité oblige.
™ Ordonnance n° 12 du 6 février 1974 portant réforme agro-foncière
L’ordonnance du 6 février 1974 avait des buts purement économiques dont la réalisation devrait
passer par la création d’un domaine foncier national, un véritable patrimoine commun national
de nature à permettre la réalisation de programme d’aménagement agricole en fonction des
exigences du développement de l’économie nationale. La consécration au Togo d’un régime
foncier complexe dans lequel le droit coutumier et le droit moderne coexistent est à l’origine de
l’exacerbation du problème d’accès à la terre. A la suite de la réforme agraire opérée par
l’ordonnance du 6 février 1974, les efforts déployés pour établir un système moderne
d’enregistrement des terres ont donné des résultats limités. La procédure est longue et
coûteuse si bien que la majorité des ruraux n’ont pas les moyens de la mettre en œuvre.
La difficulté majeure est la dualité du régime juridique du foncier : un régime relevant du droit
moderne qui côtoie, sans pouvoir réussir à l’éliminer, le droit coutumier qui est encore très
vivace.
Somme toute, nous pouvons dire que la réforme agro-foncière initiée en 1974 n’a pas eu un
impact positif sur l’accès des Togolais à la terre en général et particulièrement les femmes pour
des raisons liées aux pratiques coutumières comme nous le verrons dans les développements
ci-dessous.
21
™ Décret n°55-581 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale
au Cameroun et au Togo, promulgué au Togo par l’arrêté n°561-55/C du 14 juin
1955
Le décret n°55-581 du 20 mai 1955 portant réorganisation foncière et domaniale au Cameroun
et au Togo, promulgué au Togo par l’arrêté n°561-55/C du 14 juin 1955 consacre une
conception plus restrictive qui limite le domaine privé de l’Etat et des autres collectivités
publiques aux biens et droits immobiliers détenus par ceux-ci sous les formes et conditions
prévues par le code civil ou le régime de l’immatriculation. La législation foncière coloniale n’a
pas réussi à réduire l’importance des droits fonciers coutumiers au Togo, surtout en milieu rural
où ils sont encore prédominants.
™ Décret du 23 décembre 1922 rendant applicable sur le Territoire du Togo, le
décret du 24 juillet 1906, portant organisation du régime de la propriété foncière
en Afrique Occidentale Française
Le décret du 23 décembre 1922 rendant applicable sur le Territoire du Togo le décret du 24
juillet 1906 portant organisation du régime de la propriété foncière en Afrique Occidentale
Française, a introduit au Togo, la notion de propriété au sens romain du terme et consacré une
rupture avec les règles foncières coutumières. Méconnaissant délibérément les caractéristiques
des coutumes foncières, elle attribue au Territoire, aujourd’hui l’Etat, la propriété des terres
vacantes et sans maîtres.
™ Ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980 portant Code des personnes et de la
famille
Le Code des personnes et de la famille reconnaît à la femme le droit de succession. En effet, ce
texte dispose en son article 400 que, "la loi ne considère ni la nature, ni l’origine des biens pour
en régler la succession".
Ce texte a reconnu à l’épouse survivante des droits dans la succession de son époux ; avant
son avènement, les femmes n’héritaient pas de leurs époux. Ainsi, la femme exerce l’autorité
parentale sur ses enfants et gère les biens de son mari décédé (article 242). La veuve succède
à son mari même si celui-ci a des parents et des enfants (article 430). Elle a droit au quart des
biens de son mari décédé si ce dernier a des enfants (article 431). Elle a droit à la moitié des
biens de son mari décédé si ce dernier n’a pas d’enfants (article 432). La veuve a droit à la
totalité des biens de son mari décédé si ce dernier n’a ni parents ni d’enfants (article 433).
Ces dispositions constituent une innovation apportée et qui devraient en principe améliorer
l’accès des femmes à la terre. Ce texte, bien appliqué, permettrait de faciliter l’accès de la
femme à la terre.
Au-delà de ces instruments juridiques nationaux, le Gouvernement togolais s’est engagé, dans
son Document Complet de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP-C) validé en atelier
national en avril 2009, à définir une nouvelle politique foncière qui reconnaisse et sécurise les
droits d’origine coutumière, dans un cadre juridique permettant d’évoluer graduellement vers
une plus grande individualisation tout en protégeant les droits des groupes vulnérables. Il sera
envisagé dans ce cadre : (i) la mise en place de marchés fonciers (de propriété ou locatif)
transparents et efficaces permettant une bonne transmission et une mise en valeur optimale
des ressources disponibles ; (ii) la recherche d’une plus grande décentralisation avec la
participation des populations locales et institutions coutumières à la gestion foncière et à la
gestion des conflits ; (iii) l’accès facile des femmes et des jeunes à la terre (y compris les
veuves et orphelins de patients décédés du sida); (iv) la réduction des risques de morcellement
des terres par le mode d’héritage, etc. Aussi, est-il envisagé d’initier un programme d’actions
pilotes au niveau des zones représentatives de la diversité foncière en vue d’identifier des
systèmes de gestion rationnelle de l’espace et des ressources naturelles en tenant compte à la
fois, des besoins et intérêts des populations, des priorités socio-économiques et écologiques du
22
Gouvernement. Le Gouvernement envisage aussi de récupérer, restaurer et remettre aux
propriétaires pour leur exploitation agricole, les terres qui, dégradées par l’extraction du
phosphate, sont laissées dans un état inexploitable.
3.1.3. Analyse critique de la politique et de la législation en matière successorale au
Togo
3.1.3.1. Succession et conformité aux normes internationales et régionales
africaines de promotion des droits de la femme
Au plan international, le Togo est Partie, entre autres, à la Convention sur l’Elimination de
toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes (CEDEF) et au Protocole à la Charte
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique. Des
dispositions de ces deux textes internationaux sont relatifs aux droits de la femme en général et
à la succession en particulier comme le relève l’analyse ci-après.
Aux termes de l’article 20 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples, relatif aux Droits de la Femme en Afrique, "Les Etats prennent les mesures légales
appropriées pour s’assurer que la veuve jouisse de tous les droits humains". L’article 21.1
dispose que "La veuve a droit à une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint. La
veuve a le droit, quel que soit le régime matrimonial, de continuer d’habiter dans le domicile
conjugal. En cas de remariage, elle conserve ce droit si le domicile lui appartient en propre ou
lui a été dévolu en héritage". L’article 21.2 de ce Protocole dispose : "Tout comme les hommes,
les femmes ont le droit d’hériter des biens de leurs parents, en parts équitables".
Aux termes de l’article 2 de la Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de
Discriminations à l’Egard des Femmes, les Etats Parties s'engagent, entre autres, à inscrire dans
leur constitution ou toute autre disposition législative appropriée, le principe de l’égalité des
hommes et des femmes, adopter des mesures législatives et d'autres mesures appropriées
assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard
des femmes, instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied
d'égalité avec les hommes. Par ailleurs, les Etats devront "abroger toutes les dispositions
pénales qui constituent une discrimination à l'égard des femmes".
L’article 5 de la Convention impose aux Etats de prendre des mesures appropriées pour
notamment, "modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l'homme et
de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou
de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou
l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes".
Aux termes de l’article 14.2 de la Convention, les Etats Parties s’engagent à prendre toutes les
mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans les zones
rurales afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, leur participation au
développement rural et à ses avantages et, en particulier, à assurer aux femmes le droit de
recevoir un traitement égal dans les réformes foncières et agraires et dans les projets
d'aménagement rural.
Enfin, son article 16.1 veut que les Etats Parties prennent toutes les mesures appropriées pour
éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage
et dans les rapports familiaux et, en particulier, assurer " les mêmes droits à chacun des époux
en matière de propriété, d'acquisition, de gestion, d'administration, de jouissance et de
disposition des biens, tant à titre gratuit qu'à titre onéreux".
Au plan national, l’article 50 de la Constitution précise que "les droits et devoirs énoncés dans la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et dans les instruments internationaux relatifs
aux droits de l’Homme ratifiés par le Togo, font partie intégrante de la présente constitution".
L’article 140 dispose en substance : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés
ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque
23
accord ou traité, de son application par l’autre partie". Ces dispositions prédisposent à une
meilleure prise en compte des droits de la femme au même titre que l’homme dans la
législation nationale. Ce qui n’est pas encore le cas.
En effet, la législation togolaise n’est pas conforme aux normes internationales et régionales
africaines de promotion des droits de la femme car l’ordonnance n° 80-16 du 31 janvier 1980
portant Code des personnes et de la famille, qui est toujours en vigueur, est antérieure à la
constitution et aux engagements internationaux. Elle n’a pas internalisé les dispositions de ces
textes, notamment en ce qui concerne la succession. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 391
de ce Code, les dispositions de loi relative à la succession ne sont "applicables qu’à la
succession de ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier en matière de successions".
Cette disposition supplétive consacre la primauté de la coutume. La loi n’est donc applicable
qu’en cas de renonciation à la coutume. Comme nous le verrons, plus loin, le régime de la
succession diffère d’une région à l’autre, et n’est pas toujours favorable à la femme, surtout en
milieu rural et en matière d’héritage foncier.
C’est ainsi que l’article 397 du Code des personnes et de la famille dispose que : "Le refus de la
veuve de se soumettre à des rites de deuil de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle
ou à sa délicatesse en peut constituer une injure envers le défunt constitutive d’indignité
successorale. Le caractère non injurieux du refus sera apprécié au regard de la coutume du
défunt". Comme on le voit, le code renvoie souvent à la coutume, laquelle coutume n’est pas
uniforme et dépend des régions du pays. Sans trop exagérer, nous pouvons dire que certaines
pratiques coutumières ne cadrent pas avec l’ère actuelle de promotion du genre. Il va sans dire
que la législation togolaise paraisse, à nos yeux, dépassée et qu’elle devrait être réécrite pour
non seulement prendre en compte l’égalité des sexes consacrée par la Constitution du 14
octobre 1992 mais aussi internaliser les dispositions des textes internationaux en matière de
droits de l’Homme et surtout de la Femme, auxquels le Togo est Partie et les initiatives
régionales et sous-régionales entreprises en la matière. D’ailleurs, comme il a été relevé plus
haut le Gouvernement s’est engagé dans le DSRP-C, à définir une nouvelle politique foncière
qui reconnaisse et sécurise les droits d’origine coutumière dans un cadre juridique approprié.
3.1.3.2.
Succession dans les politiques et lois en vigueur au Togo
La succession désigne généralement la transmission des biens d’une personne décédée. Elle est
donc un mode d’acquisition d’un bien. Aussi, permet-elle le transfert du droit de propriété d’un
bien à cause de mort. Le bien peut être un meuble ou un immeuble. Dans le cadre de l’étude, il
s’agit essentiellement de la terre agricole.
A l’instar de la succession en tant que mode d’acquisition de propriété, on peut citer les autres
modes d’appropriation tels que les contrats translatifs de propriété, notamment la vente et la
donation que nous n’analyserons pas ici.
La propriété foncière peut s’acquérir selon les coutumes africaines, par un fait matériel qui est
l’occupation ou la mise en valeur. L’acquisition de la terre par voie successorale fait
essentiellement appel à l’application des règles coutumières, qui posent plus de problèmes
qu’elles n’en résolvent.
Face aux insuffisances des règles coutumières, l’Etat a dû intervenir par des lois et règlements,
en matière foncière.
Aux termes des textes, notamment de l’article 391 du Code des personnes et de la famille, en
vigueur au Togo, les dispositions de loi relative à la succession ne sont "applicables qu’à la
succession de ceux qui auront déclaré renoncer au statut coutumier en matière de successions".
Il s’agit là d’une disposition supplétive, la primauté étant accordée à la coutume. La loi n’est
donc applicable qu’en cas de renonciation à la coutume. Ainsi, on est donc propriétaire du fait
de la loi ou de la coutume. Cette dualité du régime foncier togolais s’applique donc en matière
de succession de la terre. Mais quel que soit le droit, la loi ou la coutume, le problème de
succession reste entier, comme nous le verrons dans les développements ci-après.
24
Au Togo, la terre est un bien susceptible d’appropriation par voie héréditaire. La succession
s’applique aux terres déjà occupées par les collectivités et les individus. Le législateur togolais
n’établit pas de distinction entre les droits acquis par titre foncier et ceux acquis conformément
au droit coutumier. Mais l’introduction dans la législation moderne de l’élément "travail" comme
principal mode d’acquisition et de consolidation du droit de propriété foncière pose le problème
des terres qui ne sont pas mises en valeur, les terres incultes.
Aux termes de l’article 400 du Code des personnes et de la famille, "la loi ne considère ni la
nature, ni l’origine des biens pour en régler la succession". La nature du bien a donc peu
d’importance pour être attribué à une personne. L’article 27 de la Constitution du 14 octobre
1992 ne distingue pas non plus la nature des biens. La terre étant un bien, peut alors être
acquise par voie successorale. Ce qui suppose donc que tout citoyen togolais, sans distinction
de sexe, peut être propriétaire de terre. Ce qui n’est pas le cas pour la femme en milieu rural.
La transmission de la terre peut être légale ou testamentaire en matière successorale. En effet,
comme nous l’avons relevé plus haut, l’article 391 du code des personnes et de la famille laisse
la faculté à toute personne de faire régir la succession de ses biens, y compris la terre, par le
régime successoral légal. Cette option est faite devant un officier d’état civil ou par testament.
Si, contrairement à la coutume, la loi ne fait aucune distinction fondée sur la nature, ou sur
l’origine des biens, elle reconnaît en matière foncière, l’attribution préférentielle. Aussi, le
bénéficiaire de l’attribution aura-t-il la pleine propriété de l’exploitation. L’attribution
préférentielle consacre l’idée de partage de la terre du de cujus (du défunt). Le partage
successoral est le passage de la propriété privative du de cujus sur l’ensemble de ses terres en
plusieurs propriétés privatives.
Entre la mort de l’auteur commun et le partage des terres, on observe une période dite
d’indivision. Le partage des terres se fait selon un ordre successoral établi par le Code des
personnes et de la famille ; la structure de la parenté suit un ordre bien déterminé.
L’ordre successoral est en réalité, un classement des héritiers et il existe cinq (05) ordres
d’héritiers à savoir :
¾ les descendants ;
¾ les ascendants ;
¾ les collatéraux ;
¾ le ou les conjoints survivants ; et
¾ l’Etat.
Il faut préciser que cet ordre successoral, prévu par la loi, n’est applicable qu’en cas d’absence
de testament. Contrairement au droit coutumier qui exclut certains des héritiers potentiels
(surtout les femmes) du partage des terres, en droit moderne, tous les héritiers, surtout s’il
s’agit des descendants, peuvent hériter des terres de leur auteur. En effet, aux termes de
l’article 399 du Code des personnes et de la famille, "Les successions sont déférées aux enfants
et descendants du défunt, à ses ascendants, à ses parents collatéraux et à son conjoint
survivant dans l’ordre et suivant les règles (……) déterminées".
Il ressort de cette disposition légale que la loi n’établit pas de distinction entre les enfants du
défunt. Ainsi, tout enfant qu’il soit de sexe masculin ou féminin, peut hériter des terres de son
auteur. Quel que soit son sexe, l’enfant hérite de la terre de son père défunt, par voie
héréditaire, à la seule condition d’exister à l’ouverture de la succession. Aussi, la loi permet-elle
à un enfant simplement conçu à l’ouverture de la succession d’hériter. Sont donc incapables de
succéder, les enfants non encore conçus et ceux nés non viables.
25
L’existence d’un héritier n’est pas une condition suffisante, il faut en plus de l’existence, être
digne de succéder. Ainsi, aux termes de l’article 396 du Code des personnes et de la famille,
"Est indigne de succéder, celui qui a été condamné en tant qu’auteur, coauteur ou complice,
pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort ou porté des coups mortels au
défunt. Peut être déclaré indigne de succéder, celui qui a été condamné envers le défunt pour
sévices, délits ou injures graves et atteinte grave à l’honneur, à la considération ou aux intérêts
patrimoniaux du défunt ou de sa famille".
Tout enfant du défunt qui n’a pas été déclaré indigne pour les causes invoquées ci-dessus, peut
devenir propriétaire des terres du défunt. Au demeurant, l’on peut retenir que le pardon
accordé par le défunt fait cesser l’indignité.
Les héritiers qui peuvent succéder ou devenir propriétaires terriens à cause de mort, sont de
prime abord les enfants du de cujus ; ensuite, viennent les autres. La détermination des
héritiers soulève souvent deux problèmes essentiels : celui de l’envoi en possession et celui des
obligations des héritiers.
™ L’envoi en possession est l’acte par lequel les héritiers présomptifs appréhendent les
biens du défunt. La jouissance effective des terres transmises aux héritiers par voie
successorale, diffère d’une région à l’autre. Dans certaines régions, l’envoi en possession
intervient après l’inhumation ; ce qui suppose quelques jours seulement après le décès.
Dans d’autres régions, il intervient après la levée du deuil, qui peut durer plusieurs
années. Somme toute, l’envoi en possession ne peut intervenir avant l’accomplissement
des rites d’inhumation. Durant le temps qui sépare le décès et l’envoi en possession, des
mesures conservatoires peuvent être prises. Aussi, pourrait-on confier la gestion
provisoire des terres à un administrateur des biens. Il en est ainsi en cas d’indivision.
™ En contrepartie de l’envoi en possession, les héritiers sont tenus de régler le passif
(dettes) de leur auteur, le règlement du passif étant proportionnel à l’actif reçu. En
effet, aux termes de l’article 393 du Code des personnes et de la famille, "Les héritiers
sont saisis de plein droit sous l’obligation d’acquitter toutes les charges de la
succession". Il est bien évident qu’un héritier qui renonce à la succession n’est pas, en
principe, tenu du règlement du passif de son auteur. Cependant, les héritiers peuvent
renoncer à la succession du défunt ; mais cette renonciation ne saurait se justifier par le
fait que le passif est d’une valeur supérieure à celle de l’actif. Car les héritiers sont tenus
de rembourser certaines dettes de leur auteur.
Comme l’on peut le constater, la loi togolaise, n’exclut pas, à priori, la femme de la succession
des biens de sa famille ou de son mari défunt. Seulement, les dispositions de la loi, applicables
à la succession ne sont valables qu’en cas de renonciation aux coutumes, lesquelles coutumes
ne sont pas souvent favorables à la femme en la matière.
3.1.3.3.
Succession et pratiques traditionnelles
La question fondamentale posée en droit coutumier est de savoir si la terre est un bien
susceptible d’appropriation en matière successorale. D’aucuns diront que la terre ne saurait
faire l’objet d’héritage, car elle est un bien intransmissible, soit parce qu’elle est sacrée, soit
parce que les utilisateurs ne sont pas propriétaires, soit parce que le propriétaire de la terre est
un groupe familial c’est-à-dire la collectivité.
M. DELAFOSSE a pu écrire que "Le groupe étant en principe éternel, immuable, il ne saurait
s’agir ni de cession, ni de transmission par voie d’héritage ou autrement d’un droit dont la
possession dure indéfiniment et ne peut disparaître que dans le cas d’extinction totale ou une
émigration définitive du groupe familial considéré".
La famille étant une personne morale, ne peut transmettre un droit à cause de mort, parce que,
sauf cas exceptionnel, l’on ne peut parler de la mort d’une famille.
26
Cependant, l’on peut dire que la terre qui est un bien collectif avait appartenu à un individu :
l’auteur commun qui, à sa mort, la transmet à ses héritiers.
Au Togo, selon les milieux, l’héritage se transmet suivant la lignée paternelle ou celle
maternelle. La loi togolaise, en l’occurrence l’article 391 du Code des personnes et de la famille,
laisse la liberté aux citoyens de régler la succession par voie coutumière ; le droit coutumier,
comme nous l’avons dit plus haut, l’emportant sur le droit moderne.
Les modalités de transmission de la terre par voie successorale en droit coutumier consacrent la
transmission ab intestat qui est une transmission de succession en l’absence de testament ; le
testament n’étant pas connu des coutumes togolaises. Mais dans les rares cas où le testament
est utilisé, il ne s’agit en réalité que d’une confirmation des règles coutumières de dévolution
successorale. Aussi, le testateur est-il tenu, dans son testament, au respect de l’ordre coutumier
des héritiers. Il n’a pas, en principe, le droit de déshériter un de ses ayants-droits ; un principe
qui consacre une maxime romaine selon laquelle : "Les héritiers naissent, ils ne sont pas
institués".
Les coutumes togolaises connaissent deux systèmes successoraux : le système matrilinéaire et
le système patrilinéaire.
™ Dans le système matrilinéaire, les enfants ne font pas partie de la famille de leur père,
mais de celle de leur mère. De ce fait, ils n’accèdent pas à la succession du père lorsque
celui-ci décède. C’est la famille maternelle du père (le de cujus) qui hérite seule des
biens du défunt. La tradition veut que tout bien acquis de la terre ne fasse pas l’objet de
partage ; la terre étant un bien collectif. Ce système a des conséquences
désavantageuses, surtout pour les enfants qui passent la majeure partie de leur vie à
travailler la terre avec leur père dont ils n’hériteront jamais. Il en est de même pour leur
mère. Cependant, le système matrilinéaire a presque disparu dans nos sociétés
contemporaines.
™ Le système patrilinéaire est le plus usuel de nos jours et il convient de rappeler que
dans la plupart des coutumes togolaises, la terre est un bien collectif, appartenant à la
famille. Seuls l’usage ou l’exploitation sont individuels. Ce qui nous intéresse ici, c’est la
transmission, pour héritage, de la terre par son premier propriétaire. A la mort du
premier propriétaire, les terres que ce dernier exploitait, sont transmises à ses héritiers.
L’héritier, par excellence ici, est la famille du défunt, car c’est elle qui hérite de la terre.
Il arrive souvent qu’avant sa mort, l’auteur commun interdise tout partage en pleine propriété
de la terre et en confie la gestion à son fils aîné. Le partage ayant le même effet translatif que
la vente et la donation, il est donc interdit.
Outre la terre, les champs de l’auteur commun font l’objet de transmission successorale. Le
caractère collectif du foncier en droit coutumier n’empêche pas qu’un individu puisse être
titulaire de biens fonciers et personnels qu’il peut transmettre à ses héritiers directs. Ce sont
principalement : le droit de culture et les champs personnels du de cujus.
En droit coutumier, la détermination des héritiers repose sur le lien de sang avec le défunt, qui
habilite à recueillir les biens personnels de ce dernier. En matière foncière, il s’agit
essentiellement du droit de culture et des champs personnels. Le défunt ne peut, en principe,
limiter leurs droits par l’institution de légataire universel. Ce qui n’est, en réalité, qu’une
conséquence de l’absence de testament. Mais si, en principe, tous sont habilités à recueillir, par
voie successorale, les biens personnels du de cujus, l’ordre de concours diffère selon les degrés
de parenté.
Traditionnellement dans le domaine foncier, la vocation successorale a souvent reposé sur des
critères matériels tels que la règle de prime géniture, la discrimination fondée sur le sexe, etc.
En effet, dans presque toutes les régions du Togo, les filles étaient exclues du partage des
27
terres du défunt. En ce qui concerne les terrains ruraux, les filles sont souvent écartées de la
succession afin d’éviter que les biens fonciers ne sortent du patrimoine de la famille paternelle.
La terre étant dans nos coutumes, un bien collectif, la fille en se mariant introduirait des
"étrangers" (ses enfants), qui viendraient déposséder la collectivité de son patrimoine foncier.
Elle hérite bien sûr d’autres biens de son auteur, mais pas de la terre ! En dehors des filles qui
sont définitivement exclues du partage des terrains ruraux, existent des héritiers qui ne sont
pas encore capables de mettre en valeur la terre.
Les héritiers reçoivent des parts variables en fonction de leur ordre de naissance. En effet, l’aîné
reçoit, en plus de sa part, celles des héritiers mineurs incapables de mettre en valeur leurs parts
et a la responsabilité de subvenir à leurs besoins. Mais, celui-ci a l’obligation de les leur
transmettre quand ils auront la capacité de s’en occuper. Ce qui suppose qu’avant l’âge majeur,
les héritiers mineurs ne peuvent poser aucun acte juridique relativement à la terre acquise en
héritage. Ils sont temporairement exclus non pas du partage de l’héritage, mais de la gestion
du bien dont ils sont propriétaires. Les héritiers mineurs sont donc privés de la capacité
d’exercice.
L’on peut aussi relever que certaines règles coutumières consacrent un dédoublement du droit
foncier : il y a d’une part, le droit d’appropriation qui appartient à la collectivité (la famille) et
d’autre part, le droit d’usage (droit de culture) qui appartient aux individus, membres de la
collectivité. Ce dédoublement suscite des problèmes car il assujettit l’individu à la collectivité,
qui est l’unique propriétaire et peut à tout moment retirer le droit de culture à l’individu.
Comme il a été développé, la situation de la femme togolaise en matière de transmission des
terres de sa famille ou de son mari, par voie successorale, n’est pas reluisante.
3.1.3.4.
Succession et prise en compte du rôle de la femme dans le domaine
agricole
Il découle des développements ci-dessus que dans la plupart des coutumes togolaises, la
femme est exclue du partage des terres rurales alors qu’une forte proportion de femmes
togolaises exerce dans le domaine agricole (56,4% de la population active en 2004).
Malheureusement, des pesanteurs socioculturelles et psychologiques, les us et coutumes en
vigueur dans les différents milieux, avec des variantes, ne lui facilitent pas l’accès à la terre, qui
constitue le principal facteur de production.
En matière d’accès à la terre, nos enquêtes ont révélé que le principal mode est la cession par
héritage (54,6%), ensuite viennent : l’usufruit (47,1%) et la location (31,9%) (Voir tableau 1 cidessous. Traditionnellement, les femmes n’héritent de terres ni de leurs parents, ni de leur
mari. Elles ne peuvent donc accéder à la terre que par location ou par prêt, pour jouir d’un
usufruit qui ne leur assure pas non plus une sécurité dans l’exploitation. L’insécurité foncière a
pour conséquence l’incapacité des femmes à pratiquer des cultures pérennes, (elles ne font en
général que des cultures vivrières), de faire des investissements durables, bref de jouir
durablement de la mise en valeur de la terre.
Il ressort de nos enquêtes de terrain que si certaines coutumes reconnaissent à la femme le
droit d’accéder à la terre par héritage, de son auteur, elles ne lui confèrent pas le droit de la
transmettre en héritage à ses enfants. L’héritière ne peut vendre les terres reçues en héritage
qu’à certaines conditions, comme nous le verrons plus avant.
3.2. RESULTATS DE TERRAIN
3.2.1. Modes d’accès à la terre et modes de faire-valoir
D’une manière générale, la terre agricole est appropriée collectivement par les lignages
fondateurs des villages et chaque lignage exerce un droit sur une partie du terroir. C’est le droit
coutumier qui continue de régir l’accès aux terres au niveau des différents terroirs comme le
souligne la Note de Politique Agricole de la République du Togo. Cependant, les détenteurs de
28
droits d'appropriation cèdent des droits d'usage (temporaires ou permanents) ou des droits
d'appropriation à des individus ou à des groupes d'individus par des conventions formelles ou
informelles.
3.2.1.1. Modes d’accès à la terre
Les formes d’acquisition de la propriété foncière dans les zones de l’étude se résument en
acquisition par succession ou héritage et en acquisition par achat. Les formes d’accès conférant
des droits d’usage aux bénéficiaires regroupent la location, l’hypothèque, l’usufruit et le
métayage.
Les entretiens individuels avec les 238 exploitants agricoles tous sexes confondus sur les modes
d’accès à la terre présentent les résultats qui sont consignés dans le tableau 1.
Tableau 1 : Différents modes d’accès rencontrés au niveau des exploitants agricoles
Mode d'accès
Effectifs
Pourcentages (%)
Héritage
130
Usufruit
112
Location
76
Achat
13
Hypothèque
6
Métayage
4
Don
0
Source : Résultats des enquêtes ; ADA Consulting Africa ; 2009
54,6
47,1
31,9
5,5
2,5
1,7
0
Il ressort de l’analyse des résultats que la propriété par héritage (54,6%) est le principal mode
d’accès à la terre agricole au niveau national. L’usufruit vient en seconde position avec un taux
de 47,1%. Cette importance relative de l’usufruit peut s’expliquer par le fait qu’il prend en
compte les prêts à titre gratuit et les attributions coutumières aux niveaux paternel, conjugal et
amical.
De même, ces résultats montrent que la location reste très importante avec un taux de 31,9%.
Ceci s’explique par l’évolution de l’agriculture de subsistance vers l’agriculture commerciale, le
niveau de pauvreté entraînant la monétarisation de la terre et l’effet de la pression
démographique qui accentue les contraintes de disponibilité des terres cultivables au niveau de
certains terroirs.
L’achat ne représente qu’un taux de 5,5% alors que l’hypothèque et le métayage ne sont
respectivement que de 2,5% et 1,7%. Le faible taux de l’hypothèque s’explique par sa pratique
dans la Région Maritime uniquement alors que le métayage est en voie de disparition.
Quant à l’acquisition par donation, la mission a constaté qu’elle est devenue quasi-inexistante
dans les collectivités couvertes par l’étude.
™ Accès par succession ou héritage et analyse de son importance
¾
Accès par succession ou héritage
L’accès à la terre par succession ou héritage s’effectue selon le droit coutumier à l’intérieur du
lignage. Le droit foncier coutumier étant patrilinéaire, il favorise plus les hommes que les
femmes du lignage. La répartition des exploitants agricoles, héritiers des terres en fonction du
sexe est présentée dans le tableau 2.
Tableau 2 : Répartition des exploitants agricoles, héritiers des terres en fonction du sexe
Régions
Maritime
Plateaux
Kara
Savanes
Total
préfectures
Vo
Yoto Kloto Agou
Kozah Doufelgou Tônes
Cinkassé
Masculin
4,5% 8,9% 10,7%
7,1% 10,7%
13,4%
17,0%
12,5% 84,8%
Féminin
0,0% 0,0% 8,0%
5,4%
0,0%
1,8%
0,0%
0,0% 15,2%
Total
4,5% 8,9% 18,8% 12,5% 10,7%
15,2%
17,0%
12,5% 100,0%
Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009
29
D’une manière générale, 84,8% des héritiers de droit de propriété foncière sont des hommes et
15,2% seulement sont des femmes.
On note une disparité dans la répartition des femmes selon les régions et les préfectures, les
cantons/villages d’une part et au sein des lignages et familles d’autre part.
Les femmes héritières sont rencontrées dans les préfectures de Kloto, d’Agou et de Doufelgou
avec un taux respectif de 8%, 5,4% et 1,8%. Ces taux s’expliquent par le changement de
vision apparue dans certaines familles qui reconnaissent que les femmes ont les mêmes droits
que les hommes en matière de succession alors que d’autres dans le même milieu sont
farouchement opposés à l’accessibilité des femmes à l’héritage foncier. Il est important de
souligner que la succession n’est pas testamentaire. Ainsi, certains parents de leur vivant pour
contourner le principe coutumier attribuent les terres à leurs filles en présence des membres de
la famille.
Encadre 01 : Persistance du droit coutumier
Le groupement Féminin DOGBEDA du village de Lavié-Agoviépé dans la préfecture de Kloto
raconte : « Dans notre village, le droit coutumier est encore très vivace et les chefs des lignages
sont très conservateurs de la coutume. Certes, pour certains chefs de lignages aujourd’hui, il est
normal de faire bénéficier le foncier paternel à la femme. Mais accorder à la femme tous les droits
privatifs que confère l’héritage est hors de question. La survivance de la coutume fait que même le
chef traditionnel du village qui a pris part à une formation sur le droit de l’accès à la terre des
femmes, n’a pas voulu effectuer la restitution à ses notables, de peur d’entrer en conflit avec les
anciens du village ».
Cependant, il convient de souligner que ces héritières n’ont pas le droit de faire hériter le
foncier paternel à leurs enfants mais ont le droit de le faire valoir indirectement sans
consultation préalable et de le vendre en cas de besoins urgents (problèmes de santé
uniquement) sur consultation et décision du conseil de famille.
Il est important de signaler que les taux nuls observés dans les préfectures de Vo, Yoto dans la
région Maritime, Kozah dans les préfectures la région de la Kara, Tône et Cinkassé dans la
région des Savanes révèlent que les différentes familles demeurent attachées aux principes
coutumiers. Toutefois, ceci n’exclut pas l’existence de quelques cas de femmes héritières dans
ces milieux.
¾ Analyse de l’importance de l’héritage
L’acquisition par succession devient indispensable dans la gestion efficace de l’exploitation
compte tenu de l’insécurité foncière liée aux modes de faire valoir indirect. L’appropriation par
succession tient non seulement son importance de l’insécurité foncière mais aussi de la garantie
pour l’octroi du crédit agricole, de la liberté et de l’autonomie de gestion et de la protection
contre l’inflation en matière foncière.
A la lumière tout ce qui précède, il est important de remarquer une marginalisation très
accentuée des femmes en matière de succession foncière.
™ Accès par achat
L’accès à la terre par achat confère à l’acquéreur un droit de propriété. Les données de
l’enquête sont indiquées dans le tableau 3.
30
Tableau 3 : Répartition des exploitants agricoles suivant le mode d’accès par achat
Régions
Maritime
Plateaux
Kara
Savanes
Préfectures
Vo
Yoto
Kloto
Agou
Kozah
Doufelgou
Tône
Cinkassé
Total
Masculin
15,4%
23,1%
7,7%
15,4%
0%
23,1%
0%
0%
84,6%
Féminin
0,0%
15,4%
0,0%
0,0%
0%
0,0%
0%
0%
15,4%
Total
15,4% 38,5% 7,7% 15,4%
0%
23,1%
Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009
0%
0% 100,0%
En général, les résultats révèlent que ce mode d’accès à la terre n’est pas très fréquent dans les
différentes collectivités enquêtées. C’est ainsi que sur les échantillons sondés dans les
préfectures de la Kozah, de Tône et dans la sous-préfecture de Cinkassé, aucun exploitant n’a
accédé à la terre par achat. Le faible taux de ce mode d’acquisition semble trouver son sens
dans la crainte de manque de terres cultivables pour les descendants dans la mesure où la
vente rend plus facilement aliénable la terre en faisant perdre le patrimoine foncier.
Parmi les treize (13) acquéreurs de la terre par achat (localité), onze (11) soit 84,6% sont des
hommes et deux (02) soit 15,4% sont des femmes. La totalité des femmes ayant acquis la terre
par achat sont rencontrées dans la préfecture de Yoto. On constate un faible niveau d’achat par
les femmes par rapport aux hommes alors qu’il n’existe pas de restriction vis-à-vis du sexe en
matière d’acquisition par achat.
Ce constat s’explique par le pouvoir d’achat relativement faible des femmes par rapport aux
hommes en milieu rural.
™ Accès par location
La location de la terre est un mode d’accès qui était relativement peu connu dans le système
traditionnel mais qui est très pratiqué actuellement. Le paiement de la rente foncière est de
deux ordres dans le cadre de la location : en nature ou en espèces. Les entretiens individuels
avec les exploitants agricoles ont abouti aux résultats suivants (Tableau 4).
Tableau 4 : Répartition des exploitants agricoles suivant le mode de location
Régions
Maritime
Plateaux
Kara
Savanes
Yoto
Kloto
Agou
Kozah
Doufelgou
Tônes
Cinkasse
Total
Préfectures
Vo
Masculin
10,5%
5,3%
2,6%
2,6%
1,3%
5,3%
10,5%
13,2%
51,3%
Féminin
7,9%
6,6%
1,3%
1,3%
0,0%
1,3%
14,5%
15,8%
48,7%
Total
18,4% 11,8%
3,9%
3,9%
1,3%
6,6%
Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009
25,0%
29,0%
100,0%
A l’analyse du tableau 4, il se dégage que 51,3% des locataires sont des hommes alors que
48,7% en sont des femmes. Les forts taux de location sont notés dans la préfecture de Tône et
la sous préfecture de Cinkassé qui sont respectivement 25% et 29%.
L’accès par location est entrain de prendre de l’ampleur aussi bien pour les allochtones que
pour les autochtones en raison du manque de terres fertiles ou du souci d’augmenter les
superficies emblavées. Ces dernières raisons servent de motivation chez les exploitants
agricoles sans distinction majeure de sexe.
Le taux très important des femmes qui louent les terres de cultures explique le phénomène de
la marginalisation dont elles sont victimes au niveau de la succession.
™ Accès par hypothèque
En agriculture, une hypothèque (garantie réelle), selon les règles coutumières, est un droit
accordé à un créancier sur une terre en garantie d'une dette, sans que le propriétaire de la
terre n’en soit dépossédé. Ce mode d’accès a cours dans le cas où le détenteur de droit de
propriété est confronté à un besoin pressant de liquidité. Le propriétaire foncier confère au
31
créancier un droit d’usage de la terre hypothéquée jusqu’au moment où il lui rembourse le
crédit en totalité.
Selon les résultats de l’étude, la mise en hypothèque est un mode rare et n’est observée
seulement que dans le Sud-Est Maritime plus précisément dans la préfecture de Vo. Dans ce
milieu, six (6) exploitants agricoles dont quatre (4) femmes et deux (2) hommes ont accédé à la
terre par ce mode.
Ce mode d’accès ne garantit pas la pérennité de l’unité de production de l’exploitant dans la
mesure où le propriétaire peut en tout moment rembourser le prêt et entrer en possession de
sa terre.
™ Accès par usufruit
L'usufruit un droit réel principal, qui confère à son titulaire le droit d’utiliser la chose (l’usus) et
celui d’en percevoir les fruits (le fructus) mais non celui d’en disposer.
C’est un mode d’accès qui évolue vers la location. Les bénéficiaires sont le plus souvent des
personnes liées par un lien de parenté ou d’amitié.
Les résultats des enquêtes sont présentés dans le tableau 5 ci-dessous.
Tableau 5 : Répartition des exploitants agricole suivant le mode d’accès par usufruit
Régions
Maritime
Plateaux
Kara
Savanes
Yoto
Kloto
Agou
Kozah
Doufelgou
Tônes
Cinkasse
Total
Préfectures
Vo
Masculin
4,7%
5,5%
1,6%
1,6%
5,5%
3,9%
1,6%
0%
24,4%
Féminin
6,3% 10,2%
10,2%
6,3%
11,8%
11,0%
10,2%
9,4%
75,6%
Total
11,0% 15,7% 11,8%
7,9%
17,3%
15,0%
Source : Résultats des enquêtes, ADA Consulting Africa ; 2009
11,8%
9,4%
100,0%
L’étude révèle que l’usufruit est le mode le plus répandu après l’héritage. L’analyse par sexe au
niveau des différentes régions et préfectures illustre que les taux des femmes, qui accèdent à la
terre par usufruit, sont nettement supérieurs à ceux des hommes. Ce taux est en moyenne de
75,6% pour les femmes contre 24,4% pour les hommes.
Ceci se justifie par le fait que dans toutes les collectivités locales, les droits fonciers des femmes
se restreignent souvent aux droits d’utiliser (usus) et de faire fructifier la terre (fructus). Ces
droits sont obtenus soit d’un parent (masculin) quand la femme vit dans la maison paternelle
soit du mari ou de ses parents quand la femme est mariée. Quant aux hommes, ils ont accès
par usufruit au cas où le père est vivant ou lorsque le foncier paternel est placé sous le contrôle
du chef de lignage qui l’attribue aux descendants pour droit d’usage, comme il a été relevé plus
haut.
™ Accès par métayage
Le métayage est un type de bail de la terre dans lequel un propriétaire (bailleur) confie à un
métayer le soin de cultiver une terre en échange d'une partie de la récolte. C'est une
association où le propriétaire apporte le capital (terre), et le métayer son travail. Le bailleur
souvent intervient directement dans la gestion de l'exploitation (le choix des productions, etc.),
mais c'est le métayer qui gère au quotidien. Le terme "métayage" vient étymologiquement de
"moitié" signifiant un partage par moitié des produits, mais cela peut être différent selon les
localités, et la négociation lors de la conclusion du contrat fixe le plus souvent la part du bailleur
au maximum au tiers.
Les données des enquêtes montrent que le métayage est un mode de tenure foncière de faible
envergure, car, pratiqué seulement que par quatre (4) exploitants agricoles. Il demeure en
vigueur dans certaines localités de la région des plateaux. Il n’est rencontré que chez les
hommes dont trois (3) dans la préfecture de Kloto et un (1) dans la préfecture d’Agou.
32
Au regard de l’analyse ci-dessus, il ressort que très peu de femmes sont propriétaires de terres
agricoles (proportion relativement faible par rapport aux hommes). A cet effet, elles s’adonnent
plus au mode de faire valoir-indirect alors que les hommes souvent propriétaires, font la mise
en valeur directe.
3.2.1.2. Mode de Faire-valoir
Les systèmes de gestion d’exploitation rencontrés sur le terrain consacrent deux modes de
faire-valoir : le faire-valoir direct et le faire-valoir indirect.
™ Faire valoir-direct
Le paysan exploite lui-même la terre qu’il possède selon un droit de propriété. Les exploitants
en faire-valoir direct sont souvent aidés par une main d’œuvre familiale ou salariée. Ce mode de
faire-valoir est du ressort des paysans jouissant de l’appropriation par succession (54,6%) et/ou
par achat (5,5%).
Suivant les sexes, il est important de souligner que les femmes ne représentent que 15,2%
dans le cas de l’héritage et 15,4% dans le cas de l’achat à pratiquer le faire-valoir direct. Ce qui
sous-tend le phénomène d’insécurité foncière dont elles sont victimes.
™ Faire valoir-indirect
Ce mode allie l’agriculture de tenure et l’économie d’association. L’association se manifeste sous
la forme d’une conjugaison entre le capital foncier qui est pris en charge par le propriétaire
foncier (bailleur) et les travaux culturaux qui sont du ressort de l’exploitant. Dans une autre
mesure, le propriétaire bénéficie seulement d’une redevance en nature ou en espèces. Ainsi, le
propriétaire cède ses parcelles à l’exploitant pour leur mise en valeur. Ce mode de faire valoir
regroupe le métayage et le fermage (location).
¾ Métayage
Le métayer ne possède ni la terre et parfois, ni le capital d’exploitation. Il a pour obligation de
verser au propriétaire une partie de la récolte en fonction de la production. Le système « Dibima-dibi » qui signifie en Ashanti « tu manges je mange » en est un exemple. Ce système, en
vigueur dans les plantations de café-cacao et de palmiers, est en voie de disparition comme les
taux sus-indiqués le montrent.
¾ Fermage (Location)
L’exploitant (e) agricole ne possède pas la terre mais la loue. Aussi, verse-t-il une somme fixe
au propriétaire pour location. Dans ce mode de mise en valeur, le fermier apporte tous les
moyens de production à l’exception de la terre. Les exploitants locataires (31,9%) utilisent cette
forme de mise en valeur.
Suivant les sexes, la proportion des femmes qui utilise ce mode est de 48,7% contre 51,3%
pour les hommes. Bien que les deux sexes sont souvent victimes du phénomène d’insécurité
foncière, il faut souligner que ce phénomène, au niveau des femmes est plus accentué.
Eu égard à ce qui précède, il se dégage que les différentes modalités de transfert temporaire de
droit de culture jouent un rôle extrêmement important dans les dynamiques foncières. Elles
sont les modes privilégiés d’accès à la terre des catégories sociales « dominées » surtout les
femmes.
L’analyse du mode de faire-valoir indirect à partir du fermage et du métayage, paraît limitative
pour décrire la diversité des formes de droits délégués sur le foncier rencontrés sur le terrain.
C’est le cas du prêt à titre gratuit ou l’usufruit (47,1% dont 75,6% de femmes) qui est un
transfert temporaire des droits d’exploitation accordé par un détenteur de droits fonciers
permanents et transmissibles.
33
3.2.2. Dynamique des transactions foncières dans les zones de l’étude
3.2.2.1. Evolution des transactions foncières dans les zones de l’étude
Les transactions foncières constituent les mouvements de cession des terres à titre définitif ou
non. Elles sont considérées comme : « l’ensemble des conventions formelles ou informelles par
lesquelles les détenteurs de droits d’appropriation (le plus souvent coutumier) cèdent des droits
d’usage (temporaires ou permanents) ou des droits d’appropriation à des individus ou à des
groupes d’individus » (Bobakebé, 2002).
Elles comprennent actuellement des formes très diversifiées, de la vente de terre à l’ensemble
des formes que recouvre l’expression de droits délégués. En effet, les droits délégués sont
l’ensemble des modalités d’accès à des droits d’exploitation sur des terres agricoles appropriées
par un tiers. C’est donc un transfert non définitif des droits d’exploitation en dehors du cadre
familial. Dans les zones couvertes par l’étude, les droits délégués recouvrent plusieurs modes
d’accès à la terre à savoir : le métayage, la location, l’usufruit en dehors du cadre familial et
l’hypothèque.
La vente de terre autrefois redoutée par les chefs de famille ou de collectivités est pratiquement
devenue une réalité dans les milieux ruraux du Togo. Elle offre la possibilité de pouvoir disposer
d’un droit de culture permanent sur une parcelle de terre. Aussi, cette forme de transaction
foncière est-elle très convoitée par les producteurs. Mais le degré de vente de terre varie d’une
région à une autre et est plus accentué dans les Régions Maritime et des Plateaux que dans les
Régions de la Kara et des Savanes.
Les droits délégués d’exploitation de terre qui confèrent à leurs détenteurs un droit de culture
temporaire ont connu une évolution dans les pratiques. Le métayage a complètement disparu
dans les Régions Maritime, Kara et Savanes au profit de la location. Par contre, dans la région
des Plateaux (préfecture d’Agou et de Kloto), le métayage est encore pratiqué mais la location
de terre avec une redevance en espèces devient un mode de transaction foncière de plus en
plus privilégié. Cependant, ce mode concerne plus les hommes que les femmes. Les
hypothèques relatives à la terre n’étaient pas autrefois fréquentes. Aujourd’hui, du fait des
situations socio-économiques difficiles, cette forme de transaction foncière est pratiquée dans
les milieux ruraux et est plus remarquée dans la Région Maritime surtout dans le Sud-Est
Maritime.
Les pratiques des transactions foncières ont évolué sous l’effet conjugué de la pression
démographique et du contexte socio-économique difficile que traverse le monde rural togolais.
La terre a presque perdu son caractère sacré et est devenue un bien marchand. La location de
terre, il y a quelques décennies, n’était pas connue dans certains milieux ruraux du Togo. Mais,
elle est devenue le mode d’accès à la terre le plus utilisé dans les transactions foncières. Car
elle procure plus de ressources financières aux propriétaires terriens que les autres formes de
droits délégués que sont le métayage et l’usufruit en dehors du cadre familial.
Dans les zones de l’étude, il y a quelques décennies les contrats de transactions foncières
étaient oraux. Aujourd’hui, les producteurs prennent conscience de la nécessité de sécuriser les
transactions foncières remarquables surtout dans les Régions Maritime et Plateaux. Cependant,
ces contrats écrits ont un caractère informel. Toutefois, on retrouve des contrats écrits
formalisés initiés par certaines ONGs et projets dont la Colombe et le PROSEM (Projet du SudEst Maritime) dans le Sud-Est Maritime, l’ONG ATPH (Association Togolaise pour la Promotion
Humaine) dans le Sud-Ouest Maritime. L’introduction de ces contrats écrits entre dans la
dynamique de sécuriser les cessions de terre afin d’éviter toute tentative inopinée de
récupération de la terre par les propriétaires terriens.
Les transactions foncières liées à la location dans les milieux ruraux couverts par l’étude sont
très dynamiques à cause de leur souplesse et du gain qu’elles en procurent aux acteurs. En
effet, d’un coté, il est plus facile à un homme ou à une femme n’ayant pas la maîtrise foncière
de pouvoir accéder à des parcelles de terre sans trop de formalités, de pouvoir l’exploiter et
34
jouir des fruits. De l’autre côté, le cédant (le propriétaire) en tire un profit pécuniaire ou en
nature. Toutefois, il faut noter que le caractère informel des contrats entretient une dynamique
de transaction entraînant l’insécurité foncière pour les exploitants.
La dynamique des transactions foncières offre aujourd’hui à la femme des possibilités de
pouvoir accéder à des terres cultivables indépendamment du cadre familial qui souvent ne lui
reconnaît pas un droit de propriété. Cependant, l’absence de mesures de discrimination positive
en termes de réduction des coûts de location et/ou d’achat pour les femmes rurales d’une part
et leurs ressources financières limitées d’autre part constituent des facteurs limitant qui ne leur
permettent pas de profiter de cette opportunité.
3.2.2.2. Impact de la dynamique des transactions foncières sur l’accès des femmes
à la terre
Les transactions foncières offrent la possibilité de détenir un droit de culture temporaire ou
définitif et favorisent tant bien que mal l’accès des femmes à la terre.
Aujourd’hui, la vente de terre permet à la femme de devenir facilement propriétaire. Lors des
différents entretiens, les femmes ont fait savoir qu’elles ont maintenant la possibilité d’acheter
la terre pourvu qu’elles disposent de moyens financiers. Cependant, du fait de la pauvreté
(manque de moyens financiers), les femmes des zones de l’étude ont affirmé qu’elles éprouvent
de difficultés à accéder à la terre par cette forme de transaction qui pourra leur procurer un
droit de propriété. Par contre l’ampleur du caractère marchand que prenne la terre pourrait
renforcer les attitudes des hommes à évincer les femmes ou à les dénier de leur droit de
propriété sur la terre dans la mesure où les hommes seront plus pousser à tirer le maximum de
profit pécuniaire de la vente/location des terres.
La location et l’usufruit en dehors du cadre familial offrent, de nos jours, à la femme la
possibilité d’avoir accès à la terre cultivable. Toutefois, avec les problèmes d’éviction que
connaissent les femmes, ces modes ne leur garantissent pas un accès durable à la terre.
ENCADRE 02 : Femmes et insécurité foncière
Je me nomme Sozangbé APETSI, cultivatrice à Katihoe (Vo). J’ai accédé par location à une
portion de terre d’environ un hectare pour une période de dix ans avec contrat à l’appui. La rente
versée était de 50 000 fcfa. J’ai exploité la terre pendant cinq (05) ans. Au cours de la sixième
année, le propriétaire m’a remboursé le reste de ma rente foncière sans que le contrat soit arrivé
à terme. Pour me rembourser, le propriétaire terrien a pris de l’argent chez un autre exploitant à
qui il désire relouer cette portion de terre. Suite à mon refus de quitter la parcelle, il m’a menacé
en ces termes : « Si tu viens encore dans mon champ et qu’il t’arrive quelque chose, je n’en serai
pas responsable ». J’ai jugé mieux de prendre mon argent que de mettre ma vie en danger.
Eu égard à ce qui précède, il convient de souligner que les transactions foncières sont
dynamiques et très monétarisées. Quoique l’achat offre la possibilité à la femme de devenir
propriétaire, elle n’arrive pas à le saisir à cause de ses moyens financiers limités. Aussi,
l’ampleur de la vente et de la location des terres risque t-elle de renforcer l’éviction et de déni
de droit aux femmes dans les collectivités rurales.
3.2.3. Initiatives d’exploitation des zones aménagées et leur impact sur l’accès des
femmes à la terre
3.2.3.1. Initiatives des zones aménagées
L’aménagement consiste en une série d’opérations destinées à préparer les bas-fonds en vue de
leur exploitation. Il est parfois réalisé sous une forme moderne ou rudimentaire. Les opérations
d’aménagement une fois réalisées peuvent servir durant plusieurs années.(Photo 02).
35
Photo 02 : Zones aménagées par l’Etat et certains groupements dans la région des Savanes
Les initiatives d’exploitation des zones aménagées sont du ressort de divers groupes
intervenant dans le développement rural. Au Togo, il existe des zones aménagées qui sont la
réalisation du gouvernement togolais avec l’appui des bailleurs de fonds ou des Partenaires
Techniques et Financiers (PTF). C’est le cas de la vallée rizicole de Kovié financée initialement
par les Chinois et actuellement par la Banque Arabe pour le Développement Economique en
Afrique (BADEA) dans la Région Maritime et de quelques bas-fonds aménagés par le Projet de
Développement Rural Intégré des Savanes (PDRIS) avec l’appui financier du Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD).
Des zones aménagées de façon rudimentaire sont l’œuvre de certaines Organisations non
gouvernementales et des Groupements dans le but d’aider les producteurs à bien exploiter les
bas-fonds. C’est l’exemple de l’ONG ARGIRNA dans les villages de la partie Est de la préfecture
de l’Ogou : Kèlèkpè N’gbéri, Kotchadjo et Abégba, de RAFIA dans les villages de Tidonti, Kpong.
Les zones aménagées offrent des facilités d’exploitation. Mais leur aménagement est
généralement coûteux. De plus, les bas-fonds aménagés permettent de pratiquer la culture du
riz ordinairement lucrative et des cultures de contre saison (cultures maraîchères en général).
Ce qui attire beaucoup de producteurs hommes ou femmes.
Le contrôle et la gestion des zones aménagées sont d’une importance capitale pour les
producteurs du fait que celui qui dispose de terre en propriété dans les zones aménagées
pourra facilement obtenir des retombées pécuniaires.
Vu l’importance que les populations locales accordent à des zones aménagées, l’accès est-il le
même pour la femme et l’homme ? Les femmes ne sont-elles pas plus défavorisées dans l’accès
aux zones aménagées ?
3.2.3.2. Impact des initiatives des zones aménagées sur l’accès des femmes à la
terre
Dans les zones aménagées de la vallée de Zio, le processus d’acquisition de terre pour la
riziculture est le même pour les femmes que pour les hommes. Cependant, les femmes, par
manque de moyens, n’ont pas facilement accès aux terres.
Selon le droit coutumier, la femme dans le village de Ziowounou dans le périmètre irrigué de
Kovié peut être propriétaire terrienne. Mais peu d’entre elles font la riziculture. La plupart sont
des manœuvres qui sont payées en nature. Les propriétaires terriens de la zone de riziculture
de Kovié, sont regroupés en un collectif comprenant les femmes (Meertens, 2001).
Les modes d’accès en vigueur dans les zones aménagées de la vallée de Zio sont par ordre
décroissant : l’héritage (l’héritage concerne majoritairement les hommes), la location, l’achat.
Les autres modes (prêts à titre gratuit, métayage et hypothèque) sont très insignifiants et sont
en voie de disparition. Très souvent, la grande majorité des propriétaires terriens (par achat et
héritage) n’exploitent pas les terres aménagées mais préfèrent les mettre en location.
Les femmes et les hommes sont soumis aux mêmes conditions d’accès à la terre en ce qui
concerne la location. Ainsi, un (1) hectare de terre est loué à 20 000 fcfa en espèce ou contre
100 kg de riz en nature.
36
Il faut souligner que dans les zones aménagées de la vallée de Zio, 74% des exploitants sont
des hommes. Les femmes en particulier, sont généralement confinées dans le rôle d’appui à
leurs maris (repiquage, désherbage manuel, application d’engrais, récolte, etc.) et ne jouent
pas de rôle important dans le contrôle et la gestion des terres.
Les femmes exploitantes accèdent aux terres de la vallée rizicole généralement par location.
Cette dernière constitue un facteur d’alourdissement de leurs charges d’exploitation. Elles sont
ainsi amenées à désister très tôt, ou obligées de se contenter de petites superficies, d’autant
qu’elles éprouvent souvent des difficultés à mobiliser la main-d’œuvre familiale et elles n’ont
pas toujours les moyens de recruter la main d’œuvre salariée (MAEP, 2008).
Dans les villages de la Région des Savanes, le projet PDRIS a aménagé des bas-fonds pour les
cultures maraîchères et le riz. Au niveau du maraîchage, le projet, pour mesure de
discrimination positive, a retenu un quota de 25% de superficies exploitables pour les femmes
dont l’accès à la terre est essentiellement la location. Mais en réalité, les hommes n’ont pas
respecté cette disposition et occupent toujours plus de 75% des superficies exploitables.
Quant à la riziculture, elle est une activité essentiellement féminine dans la Région des Savanes.
Les femmes, majoritaires, accèdent aux bas fonds rizicoles par location.
3.2.4. Pratiques d’accès au foncier rural
3.2.4.1. Analyse des conditions d’accès au foncier
™ Conditions d’accès des hommes à la terre dans les milieux ruraux
Les différents modes d’accès des hommes à la terre dans les zones de l’étude concernent
l’héritage, l’achat, la location, le métayage, l’hypothèque et l’usufruit. Le tableau 6 donne un
descriptif des conditions d’accès par rapport à chaque mode rencontré.
Tableau 6 : Descriptif des conditions d’accès à la terre des hommes
Modes
Conditions d’accès à la terre
d’accès
Héritage
Etre un descendant direct d’un propriétaire terrien. Il s’acquiert par succession du père
aux fils et résulte du partage de l’héritage paternel après le décès du père. L’homme a
un droit privatif sur la terre acquise par héritage.
Achat
Avoir les moyens financiers pour acheter la terre. La terre est accordée à l’homme en
présence de témoins. La signature du contrat de vente est effectuée entre le vendeur,
l’acquéreur et les témoins auprès du chef du village ou non.
Location
Elle s’obtient après négociation entre un propriétaire de terre et un homme autochtone
ou allochtone désireux d’exploiter la terre par ce mode. L’accès est conditionné par le
payement d’une redevance en espèce ou en nature. Selon les modalités définies avec le
propriétaire, le payement peut se faire au début de la campagne agricole ou à la fin.
L’interdiction de faire des cultures pérennes constitue aussi l’une des conditions d’accès.
Des fois, un contrat formel ou informel est écrit entre les deux acteurs en présence de
quelques témoins.
Métayage
Pour accéder à la terre par métayage, il suffit qu’un producteur s’adresse à un
propriétaire de terre désireux de mettre en valeur sa terre par ce mode. La transaction
est faite parfois en présence de témoins. Des fois, le preneur offre de la boisson locale
(Sodabi ou Tchoukoutou) pour sceller l’accord. Le métayer est tenu de respecter les
clauses. A la fin, la récolte est partagée en trois parties. Le propriétaire prend 1/3 et le
métayer les 2/3.
Usufruit
Pour les hommes, ce mode renferme les prêts de terre. Là, sur demande de l’exploitant,
le propriétaire met une parcelle de terre à sa disposition sans une contrepartie réelle. Le
preneur offre le plus souvent de la boisson locale (Sodabi ou Tchoukoutou) comme
symbole de la cession du droit de culture. Une partie de la production est donnée au
propriétaire à volonté.
37
Hypothèque
Le propriétaire débiteur remet une parcelle de terre à son créancier pour garantir le
payement de sa dette. La durée de l’hypothèque est variable et peut s’étaler de
quelques jours à plusieurs années.
Source : ADA Consulting Africa ; 2009
™ Conditions d’accès des femmes à la terre dans les milieux ruraux
Les différents modes d’accès des femmes à la terre dans les zones de l’étude se limitent à
l’héritage, l’achat, la location, l’usufruit et parfois l’hypothèque. Le tableau 7 montre un
descriptif des conditions d’accès par rapport à chaque mode rencontré.
Tableau 7 : Descriptif des conditions d’accès des femmes à la terre
Modes
Conditions d’accès à la terre
d’accès
Héritage
Etre une fille descendante directe d’un propriétaire de terre. Il s’acquiert par succession
du père aux filles et résulte du partage de l’héritage paternel après le décès du père.
Cependant, dans la plupart des cas, des conditions leur sont imposées : elles n’ont ni le
droit de la vendre, ni de la faire hériter par leurs enfants.
En cas de l’héritage maternel, aucune restriction n’est imposée.
Achat
Avoir les moyens financiers pour acheter la terre. La terre est accordée à la femme en
présence de témoins parmi lesquels son mari. La présence de ce dernier n’est pas
obligatoire. La signature du contrat de vente est effectuée entre le vendeur, l’acquéreur
et les témoins auprès du chef du village ou non.
Location
La location de terre est permise à la femme à condition qu’elle accepte les conditions de
payement de la redevance. Mais, la présence de son mari est parfois requise. A cela
s’ajoutent les interdictions de faire des cultures pérennes.
Usufruit
La femme jouit de l’usufruit dans trois conditions : être l’épouse d’un propriétaire
terrien ; appartenir à une famille disposant de terre ; entretenir des relations de bon
voisinage avec des propriétaires terriens. Suivant les cas, il est interdit ou non à la
femme de faire des cultures pérennes.
Hypothèque
Le propriétaire débiteur remet une parcelle de terre à son créancier pour garantir le
payement de sa dette. La durée de l’hypothèque est variable et peut s’étaler de
quelques jours à plusieurs années.
Source : ADA Consulting Africa ; 2009
3.2.4.2. Analyse comparée des conditions d’accès à la terre des hommes et des
femmes
D’une manière générale, les hommes ont des conditions d’accès à la terre plus favorables que
les femmes. En effet, les hommes et les femmes exercent un contrôle très inégal sur la terre.
Les hommes ont la possibilité d’aliéner et de transmettre à leurs descendants la terre alors que
les femmes se voient souvent refuser ce droit. A part ces deux restrictions, les femmes
disposent des mêmes droits que les hommes sur les terres qui font objet d’héritage.
Dans la pratique, en termes de superficie, les hommes héritent plus que les femmes. Toutefois,
dans certaines familles, le partage est fait à part égale.
En cas de location, les conditions imposées à l’homme en terme de payement de la redevance
sont les mêmes que celles de la femme. Mais, il est ordinairement demandé à la femme, la
présence de son mari lors des conclusions d’accords de cession de terre entre le propriétaire de
terre et la femme locataire.
Les conditions exigées à l’homme pour le métayage sont les mêmes pour la femme : le partage
des récoltes au prorata de 1/3 pour le propriétaire et de 2/3 pour les métayers (homme ou
femme). En matière d’usufruit, la femme dispose de plus d’opportunités que l’homme.
38
Après analyse, il convient de noter qu’en général les conditions d’accès à la terre sont plus
favorables aux hommes qu’aux femmes. En matière de succession, l’accès et le contrôle de la
terre par l’homme et la femme sont inégaux.
3.2.4.3. Quelques bonnes pratiques d’accès des femmes à la terre
L’accès par achat et l’héritage sont des moyens par lesquels la femme accède durablement à la
terre. Mais compte tenu des difficultés financières, seulement une minorité de femmes ont
accès à la terre par achat.
Les locations de terre avec des contrats écrits formalisés constituent aussi une forme de bonnes
pratiques susceptibles de permettre à la femme une exploitation durable.
De même, l’attribution de la terre aux filles du vivant de leur père ainsi que l’attribution de
quota de superficies à occuper par les femmes dans les zones aménagées constituent de
bonnes pratiques rencontrées sur le terrain.
3.2.4.4. Analyse des fondements des pratiques d’attribution des terres
™ Fondements des pratiques
Les pratiques d’attribution des terres dans les milieux ruraux entre hommes et femmes trouvent
leurs justifications au niveau de la valeur que l’on accorde à la femme et à l’homme selon les us
et coutumes dans le monde rural.
En effet, la femme est appelée à quitter la famille souche pour rejoindre la famille conjugale à
laquelle elle s’assimilerait presque entièrement. En outre, la femme est considérée dans la
coutume togolaise comme un sexe ne pouvant pas pérenniser la lignée paternelle. En réalité, le
petit garçon est mieux accueilli par rapport à la petite fille dès la naissance depuis la cellule
familiale dans la société togolaise. Cette situation résulte du fait que la structure de la société
togolaise est régie par un régime de filiation patrilinéaire. L’enfant appartient au lignage et aux
clans paternels. Il porte le nom de son père, le perpétue, respecte les interdits et reste un
symbole de prestige social. La jeune fille n’est pas valorisée comme le jeune garçon. Elle ne
bénéficie donc pas de certains privilèges dont l’accès à la terre par succession pouvant
l’accompagner dans son épanouissement.
Ainsi, par souci de conservation du patrimoine foncier, la terre ne serait pas l’affaire de la
femme. Dans cette perspective, l’héritage qui confère un droit privatif sur la terre n’est pas
accordé à la femme au même titre que l’homme.
Il est essentiel de mentionner qu’afin de faire hériter la terre à leurs filles, certains parents de
leur vivant, pour contourner le principe coutumier, attribuent des terres à leurs filles afin de les
mettre à l’abri du déni de droit à leur mort. Cet avis est annoncé au conseil de famille, à
certains sages ou à certaines personnes influentes de la famille ou du village. Cet avis peut être
aussi annoncé à titre de vente à leur (s) fille (s).
™ Analyse de l’évolution des fondements
De nos jours, on observe l’accès des femmes (même si elles sont minoritaires) à l’héritage
foncier dans certains milieux ruraux. Les raisons qui justifient l’attribution de terre en héritage à
la femme trouvent leur origine dans les faits suivants:
-
-
l’évolution des mentalités vers la reconnaissance des droits de la femme sous l’effet des
actions de promotion de l’équité-genre (participation à des dépenses de sa famille
d’origine : dépenses des funérailles des parents, traitement des maladies des parents,
etc.);
la formation et la sensibilisation des garants des us et coutumes (chefs traditionnels,
notables, leaders d’opinions, etc.) ;
l’émergence d’une élite féminine.
39
3.2.5. Impact du statut de la terre des femmes sur la productivité et la durabilité de
l’exploitation
L’agriculture est l’activité principale des femmes en milieu rural. Elles attendent d’elle la
satisfaction de leurs propres besoins et ceux de leurs enfants ou de leur foyer entier. Toutefois,
elles demeurent majoritairement non propriétaire de terre. Ce qui a des répercutions négatives
sur la gestion de l’exploitation. En effet, l’impact du statut des femmes sur la productivité et la
durabilité des exploitations est ci-dessous analysé par rapport à l’accès et l’utilisation des
facteurs de production par sexe et statut foncier.
3.2.5.1. Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques
La première ressource vitale dont dispose le monde rural est la terre. Compte tenu de son état
dégradé dans la plupart des zones couvertes par l’étude, elle mérite d’être restaurée et gérée
d’une façon durable. Les options de gestion de la fertilité des sols les plus pratiquées sont :
l’utilisation d’engrais minéraux, le compostage, les plantes de couverture et les pratiques agroforestières. Les résultats portant sur l’utilisation des engrais minéraux et des plantes fertilitaires
sont présentés dans le tableau 8.
Tableau 8 : Accès et utilisation des engrais minéraux et organiques en fonction du statut foncier
Statut
foncier
Propriétaires
Non
propriétaires
Propriétaires
et non
propriétaires
Sexe
Masculin
Féminin
S/Total
Masculin
Féminin
S/Total
Masculin
Féminin
Utilisation d'arbres
fertilitaires et des
plantes de couverture Total (%)
(%)
Oui
Non
22,0
71,2
93,2
1,7
5,1
6,8
23,7
76,3
100
0,80
16,4
17,2
0,80
82,0
82,8
1,6
98,4
100
22,8
50,9
73,7
5,3
Utilisation
d'engrais
minéraux (%)
Total (%)
Oui
49,2
3,40
52,5
7,4
13,1
20,5
45,6
Non
44,1
3,40
47,5
9,8
69,7
79,5
28,1
93,2
6,8
100
17,2
82,8
100
73,7
21,1
26,3
10,50
15,75
26,3
S/Total
28,1
71,9
Source : Enquête ADA Consulting Africa, 2009
100
56,14
43,85
100
L’analyse des données du tableau 8 révèle que l’utilisation des plantes de couverture (Mucuna)
et des arbres fertilitaires (Leucaena leucocephala, Samanea saman, albizia sp, cajanus cajan,
etc) est très faible. Cette faiblesse s’est traduite au niveau des non propriétaires, des
propriétaires et les propriétaires et non propriétaires par des taux respectifs de 1,6%, 23,7% et
28,1%.
Ce faible niveau d’utilisation est plus prononcé chez les femmes que chez les hommes quel que
soit le statut foncier. En effet, les hommes propriétaires de terre utilisent plus les plantes de
couverture que les femmes propriétaires, soit 22% d’hommes contre 1,7% de femmes alors
qu’au niveau des exploitants non propriétaires, l’utilisation des plantes de couverture est
quasiment nulle que l’on soit homme ou femme. Ainsi, 0,80% de femmes et 0,80% d’hommes
n’ayant pas la maîtrise foncière utilisent les plantes de couverture. Cette situation est liée au
statut foncier des exploitantes agricoles. En réalité, l’insécurité foncière qui gangrène les non
propriétaires ne favorise pas l’utilisation des plantes de couverture. Le risque de retrait inopiné
des parcelles décourage sérieusement les femmes. Cette situation n’est pas de nature à
favoriser la production des femmes où elles sont majoritairement non propriétaires de terre.
Parmi les exploitants agricoles qui disposent les deux statuts, les hommes sont plus enclins à
l’adoption des plantes de couvertures que les femmes, soit 22,8% d’hommes contre 5,3% de
femmes.
Quant à l’utilisation des engrais minéraux par les exploitants agricoles, il se dégage à la lecture
du tableau 8 que les hommes propriétaires utilisent plus d’engrais que les femmes propriétaires,
40
soit 49,2% d’hommes contre 3,4% de femmes. Cette différence s’explique entre autres par les
coûts élevés des engrais, le manque de systèmes et de mécanisme de distribution rapprochés
qui engendrent des coûts de transactions (transport, durée d’attente, etc.) qui seraient plus
élevés pour les femmes que pour les hommes en raison des coûts d’opportunité plus importants
découlant des activités abandonnées.
Au niveau des non propriétaires, les hommes et les femmes emploient moins d’engrais. La
proportion de femmes utilisant des engrais est de 13,1% contre 7,4% pour les hommes. On
note une légère avance des femmes sur les hommes. Cette ascendance au niveau des femmes
se justifie par le fait que les femmes non propriétaires sont souvent des usufruitières sur les
parcelles de leur mari où elles ne sont pas très inquiétées à utiliser les engrais minéraux tant
que leur époux est en vie.
Par ailleurs, parmi les exploitants qui ont les deux statuts, le degré d’utilisation d’engrais par les
hommes est de 45,6% contre 10,5% de femmes.
A l’exception des femmes non propriétaires en ce qui concerne l’utilisation des engrais
minéraux, l’accès et l’utilisation des engrais minéraux et organiques par les propriétaires, non
propriétaires (utilisation d'arbres fertilitaires et des plantes de couverture) et des
propriétaires/non propriétaires cumulant les statuts fonciers sont très en défaveur des femmes.
3.2.5.2. Accès et utilisation des semences améliorées
En dehors des engrais minéraux et organiques, les semences améliorées constituent une
catégorie non négligeable d’intrants agricoles dans le processus d’intensification agricole.
L’utilisation des semences améliorées permet l’amélioration des rendements. Le tableau 9
montre l’utilisation des semences en fonction du statut foncier et du sexe.
Tableau 9 : Accès et utilisation des semences améliorées en fonction du statut foncier
Variétés cultivées
Statut foncier
Propriétaires
Non
propriétaires
Propriétaires
et non
propriétaires
Sexes
Masculin
Féminin
S/Total
Masculin
Féminin
S/Total
Masculin
Féminin
S/Total
Variétés
améliorées
(%)
11,9
1,7
13,56
8,2
32
40,2
3,5
8,7
12,2
Variétés
locales (%)
3,4
1,7
5,08
5,7
45,9
51,6
7
3,5
10,5
Variétés
améliorées et
locales (%)
78
3,4
81,35
3,3
4,9
8,2
63,15
14,0
77,19
Total
(%)
93,2
6,8
100
17,2
82,8
100
73,7
26,3
100
Source : Résultats des enquêtes ADA Consulting Africa ; 2009
L’analyse des résultats du tableau 9, montre une disparité dans l’utilisation des variétés
cultivées en fonction du statut foncier et du sexe de l’exploitant.
En effet, les exploitants agricoles propriétaires combinent beaucoup plus dans leurs
exploitations les variétés locales et améliorées (81,35%) que l’utilisation pure de variétés locales
(13,56%) et de variétés améliorées (5,08%). Les hommes utilisant les deux variétés combinées
sont nettement supérieurs aux femmes soit 78% d’hommes contre 3,4% de femmes.
L’utilisation de la variété améliorée seule est notée auprès de 11,9% des hommes contre 1,7%
des femmes. En ce qui concerne la variété locale, son degré d’utilisation pure est de 3,4% pour
les hommes contre 1,7% de femmes. En effet, les variétés améliorées sont utilisées
essentiellement pour le maïs et accessoirement pour le riz. L’utilisation des variétés améliorées
se démontre par leur meilleure productivité et leur cycle plus court.
Pour les non propriétaires de terre, les femmes ont une forte propension à l’utilisation des
variétés locales que les hommes, soit 45,9% de femmes contre 5,7% d’hommes. Au niveau des
variétés améliorées, les femmes sont nettement en avance sur les hommes soit 32% de
femmes contre 8,2% d’hommes. Ceci s’explique non seulement par le fait que les femmes les
41
utilisent dans le souci d’améliorations des rendements mais aussi par le fait qu’elles ne font
essentiellement que des cultures annuelles dont le maïs.
Pour les exploitants ayant les deux statuts (propriétaires et non propriétaires), il y a une forte
adoption des variétés locales et améliorées. Ainsi, parmi les deux sexes utilisant les deux
variétés, les hommes sont majoritaires, soit 63,1% d’hommes contre 14,03% de femmes.
Il ressort des résultats ci-dessus que malgré les bonnes performances reconnues pour les
semences améliorées dans la productivité des spéculations des produits agricoles, le taux de
leur utilisation par les femmes reste encore faible. Les raisons qui expliquent ce niveau faible
d’utilisation sont entre autres le prix élevé des variétés sélectionnées, l’absence de systèmes de
distribution rapprochés, le coût élevé et l’inaccessibilité temporaire ou permanente des engrais
minéraux qui sont très indispensables pour les semences améliorées.
3.2.5.3. Accès et utilisation des crédits agricoles
La disponibilité et l’accessibilité des crédits agricoles jouent un rôle important dans
l’approvisionnement des intrants (engrais, semences sélectionnées) et l’utilisation de la main
d’œuvre salariée. Le niveau d’utilisation des crédits agricoles par sexe et par statut foncier est
résumé par le tableau 10.
Tableau 10 : Niveau d’utilisation des crédits agricoles par sexe et par statut foncier
Statut
Utilisation de crédit (%)
Total
Sexes
foncier
(%)
Oui
Non
Masculin
25,4
67,8
93,2
Propriétaires Féminin
5,1
1,7
6,8
S/Total
30,5
69,5
100
Non
Masculin
0,8
16,4
17,2
propriétaires Féminin
11,5
71,3
82,8
S/Total
12,3
87,7
100
Propriétaires Masculin
21,1
52,6
73,7
et non
Féminin
7
19,3
26,3
propriétaires S/Total
28,1
71,9
100
Source : Résultats des enquête ADA Consulting Africa ; 2009
Les données du tableau 10 révèlent qu’au sein des propriétaires terriens, les hommes (25,4%)
accèdent aux crédits plus que les femmes (5,1%) pour la production agricole alors que parmi
les non propriétaires, les femmes (11,5%) ont plus accès aux crédits que les hommes (0,8%).
Il faut mentionner que malgré cette situation, l’accès aux crédits des femmes non propriétaires
est en faible proportion.
Quant aux exploitants propriétaires et non propriétaires, les hommes utilisent plus de crédits
que les femmes, soit 21,1% d’hommes contre 4% de femmes.
Cette faiblesse dans l’utilisation des crédits provient des facteurs comme l’insécurité foncière
d’une part les aléas climatiques et le manque de débouchés rémunérateurs pour les produits
agricoles d’autre part.
En ce qui concerne les sources de financement de la production agricoles, les enquêtes
indiquent que les hommes font recours aux crédits des IMF et des usuriers. Ceci se justifie par
le fait que les hommes ont la possibilité non seulement de présenter leurs terres pour garantie
mais leur capacité d’épargne plus important. Les femmes, dans leur grande majorité, qui
accèdent aux crédits, l’obtiennent pour l’exercice des Activités Génératrice de Revenu (AGR) et
non pour l’exercice d’activité agricole. Les quelques rares femmes ayant reçu les crédits
rencontrés au cours de l’étude ont été obligées de convertir une partie des crédits reçus pour
les AGR dans la gestion de leur exploitation agricole. Ceci ne leur permet pas de rentabiliser les
crédits et de les rembourser suivant l’échéancier prévu.
42
Au clair, il se dégage de l’analyse précédente que le manque de système de crédits agricoles
adaptés aux statuts des femmes renforce davantage l’incapacité des femmes à faire des
investissements (acquisition des intrants) rentables et durables en agriculture.
3.2.5.4. Accès et utilisation de la main d’œuvre
Le facteur travail est un élément fondamental pour la valorisation des intrants agricoles en
particulier de l’exploitation en général. Dans les zones couvertes par cette étude, le travail est
fourni par deux principales formes de main d’œuvre : la main d’œuvre familiale et celle
extérieure (salariale et entraide).
La main d’œuvre familiale est beaucoup plus mobilisée par le chef de ménage souvent homme.
Les femmes pour exploiter leur propre unité agricole font recours à la main d’œuvre extérieure
(67%) pour la réalisation des activités concernant principalement les travaux de préparation de
sols et de sarclage.
La contrainte majeure à l’utilisation de cette main d’œuvre est le manque de moyens financiers
car elle devient actuellement de plus en plus chère. Ainsi, la situation économique des femmes
en milieu rural ne peut leur permettre que d’emblaver des unités de petites tailles en dehors
des exploitations familiales. Les difficultés de mobilisation de la main d’œuvre (familiale et
salariale) en temps réel par les femmes compromettent la rentabilité et la durabilité de son
exploitation.
3.2.5.5. Types de cultures pratiquées
Les cultures pratiquées par les exploitants agricoles sont étroitement liées à leur statut foncier.
Dans les zones de l’étude, les unités de production portent soit les cultures annuelles, soit les
cultures pérennes ou les deux à la fois (Tableau 11).
Tableau 11 : Types de cultures pratiquées en fonction du statut foncier et du sexe (%)
Types de cultures
Cultures
Statut foncier
Sexes
Cultures
Cultures
Annuelles et
Annuelles
Pérennes
Pérennes
Masculin
0
1,7
91,5
Propriétaires
Féminin
0
0
6,8
S/Total
0
1,7
98,3
Non
Masculin
15,6
0
1,6
propriétaires
Féminin
82
0
0,8
S/Total
97,5
0
2,5
Propriétaires
Masculin
0
1,8
71,9
et non
Féminin
3,5
0
22,8
propriétaires
S/Total
3,5
1,8
94,7
Total
93,2
6,8
100
17,2
82,8
100
73,7
26,3
100
Source : Résultats des enquête ADA Consulting Africa ; 2009
Le tableau 11 souligne qu’au sein des propriétaires terriens, 98,3% font à la fois les cultures
annuelles et pérennes, 1,7% pratiquent les cultures pérennes alors qu’aucun ne pratique les
cultures annuelles pures. Ce dernier constat se comprend par le fait qu’en milieu rural les
propriétaires terriens pratiquent souvent l’association des vivriers avec les cultures
pluriannuelles. Il est très important de noter que toutes les femmes propriétaires associent
également les deux types de cultures dans leurs champs.
Photo 03 : Association de cultures annuelles et cultures pluriannuelles
43
Du côté des non propriétaires, aucun exploitant ne fait les cultures pérennes car cette pratique
culturale est interdite dans les clauses de mise en valeur indirecte dont ils jouissent les fruits.
Mais il se dégage du tableau ci-dessus que 97,5% des non propriétaires dont 82% de femmes
contre 15,6% d’hommes pratiquent les cultures annuelles. Ce fort taux des femmes pratiquant
les cultures annuelles confirme les proportions élevées enregistrées pour les femmes qui
accèdent à la terre par location (48,7%) et par usufruit (75,6%).
En ce qui concerne les propriétaires et non propriétaires terriens, les enquêtes ont montré qu’ils
pratiquent les cultures pérennes pures, les cultures annuelles pures et les deux à la fois dont les
taux sont respectivement de 1,8%, 3,5% et 94,7%. Il faut noter que les 3,5% pratiquant les
cultures annuelles sont des femmes.
En somme, les femmes majoritairement non propriétaires ne font que les cultures vivrières. Une
amélioration de leur statut foncier serait un facteur important pour leur permettre de pratiquer
aussi bien les cultures vivrières que de rente. Car lorsque la femme accède à la terre par
héritage ou par achat, elle peut y conduire une exploitation de manière à tirer le maximum de
ressources. Elle peut investir et adopter les innovations (options de gestion de la fertilité des
sols, utilisation de semences améliorées, etc.) pour augmenter la productivité de façon durable
et sans crainte. De même, elle peut faire la production des cultures tant pérennes qu’annuelles.
Ainsi, elle pourra obtenir une amélioration de son revenu et de ses conditions de vie.
3.2.5.6. Accès à l’encadrement
Le transfert de technologies aux producteurs est une étape prépondérante pour l’intensification
agricole qui favorise une plus grande utilisation des techniques et pratiques améliorées. Dans
les milieux couverts par cette étude, deux catégories de structures encadrent les paysans. Il
s’agit de l’Institut de Conseils et d’Appui Technique (ICAT) et des Organisations Non
Gouvernementales (ONG) intervenant le dans le développement agricole.
A la lumière des entretiens individuels et de focus group, il ressort qu’en dépit du rôle
prépondérant des femmes dans l’agriculture, elles ont un contact limité avec les services de
vulgarisation et d’appui conseils. En effet, elles n’obtiennent pas leur juste part des conseils
d’encadrement et de vulgarisation, ni d’autres services délivrés par le biais des services de
vulgarisation et d’appui conseils (semences et engrais). De fait, les investigations sur le terrain
montrent quelques contraintes qui restreignent leurs participations aux séances de
démonstrations des structures d’appui. Ainsi, les responsabilités ménagères entravent parfois la
mobilité des femmes, empêchant leurs participations aux réunions et formations. Le faible
niveau d’instruction des femmes entrave également leur participation effective aux formations,
aussi ont-elles souvent de difficultés à cerner les techniques culturales enseignées.
Cependant, certaines structures d’appui dans le souci de promouvoir l’égale participation des
femmes et des hommes dans le processus de développement agricole en particulier et
communautaire en général, ont introduit dans leurs stratégies d’intervention l’approche genre.
C’est le cas de l’IFDC-Afrique qui, en partenariat avec ICAT, ITRA, RAFIA, etc, a intégré
l’approche genre dans sa stratégie de développement du programme GIFS afin de permettre
aux femmes et aux hommes de bénéficier des formations équitables en matière de
l’Apprentissage Participatif et Recherche Action (APRA) appliqué à la Gestion Intégrée de la
Fertilité des Sols (GIFS) dans les zones Sud, Centre et Nord du Togo. Cependant, le taux de
participation des femmes (environ 10%) demeure toujours faible à cause des motifs ci-dessus
mentionnés.
Il convient de retenir que les femmes, ne disposant pas de terre en propriété, manquant de
moyens financiers, n’ayant pas accès aux informations sur les nouvelles techniques agricoles,
ont des difficultés à adopter les innovations d’intensification agricole susceptibles de les amener
à développer des systèmes et des entreprises agricoles durables et compétitifs.
44
3.2.6. Statut juridique des exploitations agricoles familiales et rôles différenciés des
hommes et des femmes dans la gestion de l’exploitation
3.2.6.1. Statut juridique des exploitations familiales
Les exploitations familiales sont détenues et gérées par le chef de ménage qui est souvent
l’homme. Toutefois, certaines femmes sont des chefs de ménages. Les femmes chefs
d’exploitation sont en majorité des veuves mais certaines d’entre elles sont des femmes mariées
dont les époux ne sont pas sur place et elles ont la responsabilité de subvenir à tous les besoins
de la famille. Le chef de ménage est l’autorité principale autour de qui se forment le ménage et
l’unité de production. Il est le centre de décision et de contrôle de l’exploitation.
En ce qui concerne les localités touchées par l’étude, en dehors des exploitations familiales dont
le chef de ménage qui est surtout l’homme contrôle la gestion. Toutefois, il existe des centres
de décision secondaires qui s’opèrent au niveau des unités de production gérées par des
femmes. Cependant, qu’on soit en face de l’unité de production contrôlée par l’homme et celle
gérée par la femme, la taille varie beaucoup suivant le sexe et le mode d’accès (Tableau 12).
Tableau 12 : Taille des exploitations en fonction du genre et des modes d’accès (en %)
Modes
d'accès
Sexes
Taille des exploitations
< 0,25 ha
[0,25 -0,5 ha [
[0,5 - 1 ha [
[1 -2 ha [
[2-5 ha [
[5 - 10 ha [
Héritage
Homme
Femme
Total
2,68
0,89
3,57
3,57
9,82
13,39
11,61
3,57
15,18
24,11
0,00
24,11
33,93
0,89
34,82
8,04
0,00
8,04
≥ 10 ha
0,89
0,00
0,89
Total
84,82
15,18
100,00
Location
Homme
Femme
Total
0,00
2,56
2,56
11,54
19,23
30,77
6,41
15,38
21,79
20,51
10,26
30,77
10,26
1,28
11,54
2,56
0,00
2,56
0,00
0,00
0,00
51,28
48,72
100,00
Usufruit
Homme
Femme
Total
0,94
6,60
7,55
6,60
26,42
33,02
3,77
19,81
23,58
8,49
14,15
22,64
3,77
8,49
12,26
0,00
0,00
0,00
0,94
0,00
0,94
24,53
75,47
100,00
Source : Résultats des enquêtes ; ADA Consulting Africa, 2009
L’analyse des résultats du tableau 12 montre que les femmes exploitent des superficies moins
grandes que les hommes, quels que soient les modes d’accès. En effet, les exploitants ayant
accédé à la terre par héritage ont des parcelles dont la taille des exploitations emblavées de
plus de 5 ha, moins de 1 ha et entre 1 et 5 ha correspondent respectivement aux proportions
de 8,93%, 32,14% et 58,93%. Plus précisément, pour les exploitants de moins de 1 ha, on
remarque que 17,86% sont du sexe masculin et 14,28% sont du sexe féminin. Quant aux
producteurs dont la taille des exploitations se situe entre 1 et 5 ha, 58,04% sont des hommes
alors que 0,89% sont des femmes. Par ailleurs, on constate qu’aucune femme n’exploite une
superficie héritée de plus de 5 ha ; seuls les hommes en dispose mais dans une proportion
faible (8,93%).
En ce qui concerne les exploitants locataires de terre, 2,56%, 42,31% et 55,12% ont des
exploitions de tailles respectives de plus de 5 ha, entre 1 et 5 ha et moins de 1 ha. Au niveau
des exploitations de moins de 1 ha, les hommes occupent une proportion de 17,95% contre
37,17% pour les femmes. Pour les exploitations de taille comprise entre 1 et 5 ha, 30,77% des
exploitants sont du sexe masculin tandis que 11,54% sont du sexe féminin. Les superficies de
plus de 5 ha sont exclusivement exploitées par des hommes (2,56%).
Dans le cas des producteurs jouissant de l’usufruit, 0,94% exploitent une superficie de plus de5
ha, 34,9% sont dans la fourchette de 1 à 5 ha et 64,14% emblavent moins de 1 ha. En effet,
pour les exploitants de moins de 1 ha, 11,31% sont des hommes et 52,83% sont des femmes.
Pour les producteurs dont la taille des exploitations se situe entre 1 et 5 ha, 12,26% sont des
hommes et 22,64% sont des femmes. Comme dans les cas précédents, aucune femme
n’exploite une superficie en usufruit de plus de 5 ha.
En bref, la taille des différentes superficies des exploitations emblavées par les femmes sont
relativement petites et comprises dans la plupart des cas entre moins 0,25 ha et 2ha. Cette
45
situation ne les favorise pas à l’amélioration de leurs conditions de vie du fait que la grande
majorité sont des agricultrices de profession.
3.2.6.2. Rôles différenciés des hommes et des femmes dans la gestion de
l’exploitation familiale
Traditionnellement en milieu rural, les hommes ont la suprématie sur les femmes. Au sein des
exploitations, l’homme est le premier responsable quel que soit son statut foncier : jouissance
de droit de culture temporaire, propriétaire individuel ou collectif ou locataire.
L’homme gère donc la terre, décide des cultures à pratiquer, des superficies à cultiver et des
périodes de travail de chaque membre sur ses différents champs. C’est lui qui gère également
la main d’œuvre familiale et extérieure notamment son utilisation dans les champs de famille
placés sous son autorité. C’est également lui qui supporte les dépenses et qui gère les récoltes
et les revenus des champs familiaux. Il s’occupe de la production des principales cultures
vivrières (maïs, igname, sorgho, niébé, etc.), des cultures de rente (café, cacao, coton, palmier
à huile, teck etc.) et de toutes autres cultures qui pourront lui procurer un revenu suffisant.
L’homme a également obligation d’attribuer à sa femme des parcelles. Au cas où il n’est pas
propriétaire terrien, de l’aider à emprunter ou à louer des parcelles pour cultiver des champs
personnels. Il est important de signaler que surtout dans les familles polygames, les chefs de
ménages laissent plus de terre à exploiter aux femmes de manière à permettre à chacune
d’elles de produire suffisamment pour couvrir ses propres besoins et ceux de ses enfants.
Au sein des exploitations, on assiste à une division du travail. Généralement, les hommes sont
sollicités pour les travaux exigeant un effort physique important tel que le défrichement, le
fauchage, le nettoyage, le labour, le battage etc. (Photo 04).
Photo 04 : Hommes préparant le sol par billonnage et déterrant du manioc
Dans les ménages, la femme seule s’occupe de toutes les activités ménagères, du champ de
son mari et de son propre champ en plus des charges de mère et d’épouse. Dans les champs
familiaux, elles sont sollicitées pour des travaux demandant beaucoup d’attention, de patience,
de persévérance ou d’endurance notamment le semi, le désherbage, le vannage et le
décorticage, le transport et la commercialisation des produits (Photos 05). La femme apporte
également un appui précieux à l’homme dans l’exploitation et se charge de préparer et de servir
la nourriture à son époux, aux autres actifs agricoles du ménage ou aux ouvriers prestataires de
services.
Photo 05 : Femmes exerçant les activités d’entretien, de récoltes et de vannage
46
Elles jouent aussi un rôle important dans la transformation des produits agricoles. Elles achètent
souvent ces produits mais au moment des récoltes, certaines se servent de leur produit récolté.
Dans les régions méridionales, le maïs produit peut être transformé en galettes (klanko), en
boules d’akassa (akpan, égblin), etc. Le manioc quant à lui, est vendu frais, utilisé pour les
besoins du ménage ou alors transformé en gari ou tapioca. Dans les régions septentrionales, le
sorgho ou le mil est transformé en boisson locale communément appelée Tchoukoutou. La
transformation permet aux femmes d’ajouter de la valeur à leur produit.
Photo 06 : Femmes assurant la transformation et la commercialisation des produits
3.2.6.3. Impacts des rôles différenciés sur les activités des femmes
™ Impacts négatifs
Les activités exercées ci-dessus occupent tellement certaines femmes qu’elles n’ont plus le
temps de s’occuper de leurs propres activités champêtres. Elles ne disposent pas non plus de
moyens financiers pour supporter les charges d’une main-d’œuvre salariée de plus en plus
coûteuse et ne peuvent mobiliser les autres actifs du ménage car ils servent au prime abord
dans le champ du chef de ménage. Ces contraintes ne permettent pas aux femmes d’exploiter
de grandes superficies ou d’avoir un contrôle durable sur une portion de terre exploitée.
L’agrandissement du champ du chef de l’exploitation amène parfois la femme à abandonner son
propre champ.
L’acquisition des intrants de haute productivité en l’occurrence les engrais vivriers exige des
démarches que les femmes ne peuvent faire seules en raison de leurs occupations familiales
(prise en charge des enfants, manque de temps pour répondre à tous les rendez-vous
infructueux dans les DRAEP à la recherche d’engrais) et du manque de moyens de transport
(elles se servent minoritairement de vélos utilisés par les hommes sur de longue distance).
Le statut foncier de la femme en cas de location de terre ne permet pas d’adopter et
d’appliquer les technologies de haute productivité (engrais, semences améliorées etc.) même si
la femme dispose de moyens financiers. Par ailleurs, une femme qui renouvelle trop son contrat
de location est perçue comme entretenant des relations douteuses avec le propriétaire terrien.
De plus, une femme qui parvient à obtenir de bons rendements est perçue dans certaine
société comme une sorcière (cas dans la région de la Kara).
Toutes ces contraintes sus évoquées limitent la production de la femme, réduisant ainsi
considérablement ou annulant son revenu et la maintiennent dans un cercle de pauvreté. La
femme rurale éprouve notamment des difficultés à satisfaire ses besoins les plus élémentaires
(acquisition de pagnes et d’objets de beauté), ainsi que ceux du ménage (achat de poisson, de
sel, de pétrole, de savon, des vêtements pour enfants, etc.) que la plupart des époux leur
confient au fur et à mesure que la taille du foyer augmente et que les membres prennent de
l’âge.
™ Impacts positifs
La participation de la femme aux activités agricoles du chef de ménage et la réalisation de ses
propres activités (agricoles et génératrices de revenus) pour soutenir le foyer contribuent à un
équilibre et à une stabilité de ce dernier (équité et une justice sociale au niveau du foyer,
respect mutuel des partenaires, association de la femme aux prises de décision).
47
3.2.7. Obstacles et difficultés empêchant l’accès pérenne des femmes rurales à la
terre
3.2.7.1. Difficultés d’ordre coutumier
Pour pouvoir subvenir à ses besoins, l’homme, tout comme la femme rurale, a besoin
d’exploiter la terre qui est considérée comme une richesse dans toutes les familles. Cependant,
les traditions en milieu rural ne favorisent pas l’héritage de la terre par les femmes qui est
pourtant un mode d’accès pérenne à cette ressource. Dans toutes les régions, les raisons
évoquées sont similaires et se résument comme suit :
•
la terre est un bien inaliénable or la femme de par son statut pourrait disséminer les
biens fonciers hors de la famille patrilinéaire ;
•
le sexe féminin est considéré dans les coutumes togolaises comme un sexe faible ne
pouvant préserver l’unité et la cohésion du lignage ; elle ne peut bénéficier des mêmes
droits que le sexe masculin considéré comme le sexe fort ;
l’enfant du sexe féminin est considéré comme n’appartenant pas entièrement à sa
famille d’origine, parce qu’elle sera amenée à rejoindre son mari pour s’assimiler
presque entièrement à la famille de celui-ci.
•
Ces contraintes liées à l’acquisition de la terre par voie successorale des femmes commencent
par subir des inflexions dans certaines localités où les actions des ONG à savoir la Colombe,
ATPH et CREDI dans la Région Maritime œuvrant pour la promotion du droit de la femme
amorcent des changements non négligeables.
3.2.7.2. Difficultés d’ordre social
Comme cité dans les difficultés d’ordre coutumier, selon le rang social, le sexe féminin est et
demeure un sexe faible. Cette discrimination d’ordre social renforce la marginalisation de la
femme au niveau du partage de l’héritage surtout celui foncier dans les familles.
Le manque d’information des femmes sur leurs droits d’une part et le taux élevé
d’analphabétisme de la population agricole féminine au Togo, estimé à 72,6% (RNA, 1996)
d’autre part, constituent aussi un obstacle majeur ne leur permettant pas d’engager des
procédures de revendication et de recouvrement de leurs droits en cas de déni et d’éviction.
Suivant l’organisation sociale dans les collectivités rurales, l’assignation des membres de la
famille devant les tribunaux par les femmes pour les litiges en général et les problèmes fonciers
en particulier, est très mal vue et constitue donc un inhibiteur pour les femmes. A cause des
menaces dont sont victimes les femmes dans leurs tentatives de recours au droit aussi bien
coutumier que moderne dans certaines localités, celles-ci finissent par se résigner.
3.2.7.3. Difficultés d’ordre économique
Les femmes participent moins que les hommes aux autres formes de transactions marchandes
portant sur la terre en raison de leur caractère onéreux. La location avec rente en espèce exige
des sommes d’argent relativement importantes qu’un nombre restreint de femmes peut réunir.
De surcroît, l’achat de terre, un mode accordant des droits complets de propriété, est très
onéreux et hors de portée de la plupart des femmes.
En clair, le développement du marché foncier reflète une vulnérabilité croissante à la pauvreté
de larges fractions de femmes paysannes.
3.2.8. Analyse des recours pour les femmes en cas de déni de droit et d’éviction de
la terre
3.2.8.1. Règlement selon le droit coutumier
48
Le règlement des problèmes fonciers est le vécu quotidien des autorités traditionnelles. Les
problèmes relatifs à l’accès des femmes à la terre sont de deux ordres : le déni de droit et les
évictions.
Le déni de droit porte sur le refus d’accorder aux femmes le droit d’hériter, au même titre que
les hommes, le foncier paternel. En ce qui concerne les évictions, les conflits proviennent de: la
double ou triple location d’un même terrain, le non respect de la durée de location, le transfert
d’une locataire vers un autre terrain après qu’elle ait mis de l’engrais sur le premier terrain, le
retrait après l’aménagement du sol par dessouchage et défrichement (Encadré 3), les difficultés
de paiement du loyer terrien, l’absence ou la remise en cause de contrat.
ENCADRE 03 : L’usufruit et l’insécurité foncière
Je m’appelle Alobahouin AMETEPE, je suis cultivatrice à Katihoe (Vo). J’exploite en usufruit une
portion de terre de mon beau-père. Après le décès de ce dernier, un de mes beaux-frères m’a
demandé d’étendre ma parcelle en occupant une portion couverte de chiendent et d’arbustes.
J’ai dépensé une somme de cent quinze mille (115 000) francs cfa empruntés auprès des
usuriers pour dessoucher le champ. Au début de la campagne suivante, il m’a chassée de la
parcelle. N’eut été les conseils de mon père j’aurais divorcé de mon mari.
Dans les milieux ruraux couverts par l’étude, les femmes qui osent recourir au règlement par
voie coutumière suivent une hiérarchie. En effet, les femmes ont d’abord recours à leur mari qui
porte le problème soit chez le chef de famille ou le chef du village. Au cas où l’une des parties
n’est pas satisfaite du verdict, elle porte l’affaire au niveau du chef du canton. Cependant,
particulièrement pour les cas de déni de droit concernant la femme, certains chefs du village
ou de canton renvoient l’affaire au tribunal (Encadre 04). Par ailleurs, certaines femmes font
abstraction de cette hiérarchie et se plaignent directement auprès des chefs de canton.
Encadré 04 : Règlement du déni de droit par la justice
Le chef du village de Yokélé dans la préfecture de Kloto raconte : « dans mon village avait existé
une femme qui a eu 7 enfants dont 6 filles et 1 garçon. La femme avait des terres que ses enfants
mettaient en valeur de son vivant. Après sa mort, le seul garçon des enfants a défendu à ses
sœurs de continuer par mettre en valeur les parcelles de leur mère. Il s’apprêtait à vendre la terre
héritée de leur mère quand les filles sont venues se plaindre à moi. J’ai fait porter l’affaire devant
le tribunal de Kpalimé. C’est là qu’elle a été tranchée, et les filles ont été établies dans leur droit
après un partage équitable des parcelles entre les héritiers.
Les verdicts rendus au niveau des chefs de famille ou de village de même qu’au niveau du chef
de canton sont en général équitables pour les cas d’éviction. Cependant, il ressort des
entretiens avec les notables et chefs d’une part et des entretiens individuels et de groupes de
femmes d’autre part, que les verdicts ne sont pas souvent respectés par les propriétaires
(hommes) qui procèdent par des menaces spirituelles. Ces dernières renforcent la résignation
des femmes.
ENCADRE 05 : Non respect de contrat écrit et l’insécurité foncière
Je me nomme Sozangbé APETSI, cultivatrice à Katihoe (Vo). J’ai accédé à une portion de terre
d’environ un hectare en location pour un délai de dix ans avec un contrat à l’appui. La rente
versée était de 50 000 fcfa. J’ai exploité la terre pendant cinq ans. Au cours de la sixième année,
le propriétaire est parti prendre de l’argent chez un autre et est passé me remettre le montant
restant sans l’épuisement du contrat ; j’ai riposté et il m’a menacé que si je viens encore dans son
champ et quelque m’arrive qu’il ne sera pas responsable. J’ai jugé mieux de prendre mon argent
que de mettre ma vie en danger.
49
En cas de déni de droit, comme les coutumes ne reconnaissent pas le droit d’accès à la terre
par héritage à la femme, la majorité des chefs traditionnels n’abordent pas le problème. Mais
d’autres renvoient les parties en conflit au tribunal moderne. Néanmoins, certaines autorités
traditionnelles sensibilisées et formées par l’ONG la Colombe dans le Sud-Est Maritime sur les
droits d’accès des femmes à la terre par voie successorale et les chefs para-juristes ont
commencé par mener des actions d’amélioration du système coutumier relatif aux droits
fonciers des femmes (Encadré 06). En effet, les chefs des villages et de cantons de Kpotavé,
d’Atsitsogbé (Vo), de Tokpli (Yoto), de Niamtougou (Doufelgou) sont des pionniers dans ce
processus.
ENCADRE 06 : Application de la loi coutumière et la loi moderne par un chef de canton
Je suis Togbui DEGBE Yawovi Toudji IV, chef canton de Tokpli. En tant que chef traditionnel, j’ai
bénéficié, dans le cadre de la promotion des droits des femmes, d’une formation de la part de l’ONG
la Colombe (sise à Vogan) relative à l’accès des femmes à la terre. De retour dans mon village, j’ai
convoqué les notables et à la suite de la restitution, nous avons décidé d’établir dans la collectivité
de Tokpli l’accès équitable des hommes et des femmes à la terre par voie successorale. Nous avons
commencé l’application effective. Ainsi, les familles KPOKOSSIOU, ELO et TOROSSI ont-elles accepté
et respecté le verdict que nous avons prononcé à leur égard.
Je tiens à préciser que les femmes en situation de déni de droit foncier abondent chez nous mais
elles ont peur d’être envoûtées par les hommes et renoncent à revendiquer leur droit auprès du
trône et encore moins au tribunal.
Actuellement, j’applique selon les cas la loi coutumière et la loi moderne dans la collectivité de
3.2.8.2. Règlement selon le droit moderne
Le règlement des conflits fonciers selon le droit moderne, se fait par les autorités judiciaires qui
existent dans chaque préfecture. Le juge est l’autorité compétente chargée du règlement de ces
conflits.
Les problèmes fonciers sont récurrents selon les juges rencontrés mais ceux portés par les
femmes en situation de déni de droit ou d’éviction sont relativement faibles par rapport aux
hommes. Dans le cadre de cette étude, aucune des femmes victimes de déni de droit ou
d’éviction de terre interrogées ne s’est plainte à la justice. Ce comportement des femmes se
justifie par l’ignorance, la recherche d’un règlement à l’amiable, le poids de la coutume, la peur
d’être mal vue par la société ou la peur d’être envoûtée.
En dehors des juges, certains plaignants saisissent les préfets ou les Commandants de Brigade.
Ces derniers les orientent souvent vers la justice ou essaient parfois de trancher le problème si
possible. C’est le cas du préfet d’Agou qui a tranché un problème de déni de droit d’accès à
l’héritage foncier dans une famille à Agou Gadzépé (Encadré 07). Les quelques rares problèmes
fonciers portés par les femmes devant les tribunaux, sont tranchés suivant le droit moderne
consacré par le Code des personnes et de la famille sans tenir compte de l’article 391, dans le
souci de prendre en compte les dispositions prévues dans les instruments juridiques régionaux
et internationaux relatifs aux droits des femmes en matière de succession, ratifiés par le Togo.
ENCADRE 07 : Règlement selon le droit moderne
Dans le village d’Agou Gadzépé, un homme avait 6 filles. A sa mort, ses frères directs ont
confisqué ses terres et ont refusé d’en donner à leurs nièces car, pour eux, les terres de leur feu
frère leur revenaient de droit selon la coutume.
Ils ont commencé par vendre les terres quand les filles se sont plaintes auprès du préfet. Ce
dernier a tranché en leur faveur conformément au droit moderne en vigueur.
50
Pour le règlement des conflits fonciers les juges se basent sur le code civil, le code des
personnes et de la famille, les coutumes non contraires à la loi nationale en vigueur et la
constitution togolaise.
51
QUATRIEME PARTIE
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
52
4.1. CONCLUSION
Au regard de l’évaluation des cadres juridiques, il ressort que les principes juridiques dans les
protocoles, chartes et conventions dont le Togo est partie consacrent le principe de l’égalité
devant la loi ; ce qui laisse dire que les femmes devraient avoir accès à l’héritage et à tous les
autres modes d’acquisition de la terre tant que des citoyens hommes soit disant du sexe fort
peuvent en jouir, principe de l’égalité oblige. Pour les principes juridiques contenus dans les
textes nationaux, il convient de noter que le régime foncier togolais se caractérise par la
coexistence de deux systèmes, l’un dit coutumier et l’autre moderne. Ce dernier permet aux
femmes d’acquérir des biens immobiliers et d’en disposer à leur guise. Les textes de lois surtout
le code des personnes et de la famille donnent lieu à d’énormes difficultés d’application et par
voie de conséquence à l’exclusion des pauvres qui sont en majorité des femmes. L’analyse du
cadre juridique a révélé également que la question du genre n’a pas été clairement abordée par
les instruments juridiques nationaux, ce qui nécessite des réformes législatives
et
réglementaires. Par ailleurs, il ressort des enquêtes que beaucoup de femmes se retrouvent
dans des ménages soit pour avoir reçu la dot, soit pour avoir vécu avec des hommes de qui
elles ont eu des enfants. Malheureusement, devant la loi, elles ne sont pas considérées comme
mariées et par conséquent, ne peuvent prétendre à aucun droit dans la succession de leurs
époux. Cette situation ne favorise pas l’accès des femmes à la terre.
En matière d’accès à la terre, l’héritage, l’usufruit et la location sont les plus courants. Les faire
valoir direct et indirect sont les formes de mise en valeur des terres dans les différentes
localités. Les modes d’accès des femmes à la terre sont majoritairement l’usufruit et la location.
Cette situation de précarité de la femme se justifie par le dualisme juridique (droit moderne
rivalise avec le droit coutumier). Ainsi sous le droit coutumier, les droits des femmes à la terre
font partie d’un système plus large de distribution des terres ancestrales. La terre est toujours
perçue comme appartenant d’abord aux chefs, ensuite à l’homme, chef du ménage. L’homme
chef du ménage peut, et par la coutume doit, attribuer une terre à son épouse.
Les transactions foncières dans les milieux ruraux sont très dynamiques et souples. En dehors
de l’usufruit et du métayage, les autres formes de transactions foncières à savoir la vente et la
location sont très monétarisées. Les transactions foncières offrent des opportunités à la femme
d’accéder facilement à la terre cultivable. Parmi les transactions foncières monétarisées, la
vente accorde à la femme la liberté de gestion de l’exploitation de façon durable. Par contre, la
location rétrécit la possibilité d’une exploitation durable des parcelles obtenues par le
truchement de ce mode. De fait, la location et les autres formes de droit délégué comme
l’usufruit et le métayage donnent des ouvertures à la femme pour accéder à des terres
cultivables. Toutefois, les différents entretiens de terrain ont révélé qu’ils constituent des nids
d’insécurité foncière.
Les hommes sont, en général, détenteurs des superficies relativement grandes. Ils sont en
majorité héritiers et peuvent produire aussi bien des cultures pérennes que celles annuelles. Ils
sont les chefs des exploitations qu’ils conduisent pour obtenir une production maximale selon
les moyens dont ils disposent. Les femmes quant à elles, détiennent des superficies
relativement petites et font souvent des cultures annuelles. Dans une exploitation familiale
l’homme et la femme exercent des activités complémentaires pour le bien-être de leur ménage.
La femme apporte une précieuse contribution qui permet à l’homme d’assurer une sécurité
alimentaire et une vie descente à son ménage. Les résultats montrent aussi que les femmes, ne
disposant pas de terre en propriété, ont un accès limité aux crédits agricoles, n’ont pas un
accès équitables aux informations sur les nouvelles techniques agricoles et ont de difficultés à
adopter les innovations d’intensification agricole susceptibles de les amener à développer des
systèmes et des entreprises agricoles durables et compétitifs.
Le problème foncier relatif à la femme se rencontre dans toutes les régions et les causes y
afférentes sont similaires. L’obstacle majeur à l’accès des femmes au foncier est relatif à la
coutume. Selon la coutume au Togo la femme n’accède pas à la terre par héritage pour la
53
simple raison qu’elle est appelée à partir pour se marier dans une autre famille. Pour garder
l’intégrité et la pérennité du patrimoine foncier, les femmes sont exclues de cet héritage. Les
explications tirées de la tradition semblent non convaincantes parce que même si la femme est
amenée à s’assimiler à la famille de son mari, elle ne pourra pas pour autant hériter dans cette
nouvelle famille. En matière d’accès durables aux ressources naturelles en générale et à la terre
en particulier, le sexe féminin en milieu rural au Togo est donc très marginalisé. Devant cette
injustice, la solution pourrait venir d’un changement de mentalité, d’une mobilisation nationale
et de réformes législative, et réglementaire pour promouvoir l’accès équitable et durable des
femmes à la terre.
4.2. RECOMMANDATIONS
4.2.1. Reformes législatives et réglementaires
Les textes de lois applicables au Togo en matière foncière sont multiples et multiformes,
désuets et d’interprétation difficile. Dans leur mise en œuvre, ces textes donnent lieu à
d’énormes difficultés et par voie de conséquence à l’exclusion des pauvres qui sont en majorité
des femmes. Il importe de procéder à des réformes législatives et réglementaires.
La sécurité foncière pour tous au Togo et plus spécialement pour les femmes implique
nécessairement le vote par les autorités étatiques, de nouveaux textes (Elaboration et vote d’un
code foncier unique) lois et la mise en conformité de certains cadres juridiques existants (Code
des Personnes et de la famille).
En ce qui concerne les nouveaux textes, ils devront nécessairement :
™ Réécrire le code foncier en conformité avec les instruments juridiques internationaux,
régionaux et sous-régionaux ratifiés par le Togo;
™ Adopter le plus rapidement possible le Code Togolais des Personnes et de la Famille
révisé ;
™ consacrer dans la législation foncière les dispositions des textes internationaux
interdisant toute discrimination à l’égard des femmes ;
™ mettre en place un cadre institutionnel multisectoriel cohérent de gestion du foncier
rural ;
™ transférer effectivement les compétences et ressources aux institutions foncières
locales ;
™ clarifier le cadre institutionnel de gestion des conflits au niveau local et améliorer
l’efficacité des instances locales de résolution des conflits ;
™ rapprocher les institutions et services fonciers des usagers ;
™ renforcer les capacités des services de l’Etat, des collectivités locales et de la société
civile en matière foncière ;
™ mettre en place des tribunaux fonciers et des instances spécialisées de proximité ;
™ créer une synergie entre les institutions de proximité en matière de gestion foncière et
les organes des collectivités locales ;
™ faire participer les différentes catégories d’acteurs, y compris les femmes, aux structures
de proximité ;
™ formaliser, valider et enregistrer les transactions foncières locales ;
™ aborder clairement la question du genre ;
™ promouvoir la pleine citoyenneté des femmes et le respect de leurs droits ;
™ prescrire la forme écrite à tous les modes d’accès à la terre ;
™ constituer un système juridique idéal dans lequel les lois s’appliquent et s’interprètent de
façon équitable et efficace pour toutes les couches de la population ;
™ prévoir une réglementation judicieuse des marchés fonciers urbains et ruraux ;
™ faciliter l’accès des femmes à la propriété foncière en levant les différentes barrières
liées : au poids de la tradition, à l’ambiguïté des statuts de certaines terres due à
l’existence du système traditionnel, au caractère onéreux, à la complexité et à la
54
longueur de la durée de la procédure d’immatriculation des terres, et du règlement des
conflits par nos juridictions ;
™ prévoir des sanctions rigoureuses en cas de violation de la loi en matière foncière ;
™ créer un titre de propriété fiable pour tous (Homme comme Femme) en supprimant les
titres de propriété précaire car les femmes dont la propriété est sécurisée peuvent dire
leur mot dans la conduite des affaires de la cité sans craindre d’être dépossédées de
leurs terres ;
™ prévoir un mécanisme de règlement équitable et rapide des litiges.
Les réformes entraînant ainsi la modification du droit foncier et du droit d’héritage des femmes
au Togo, constitue une stratégie directe pour améliorer l’accès des femmes à la terre et à la
propriété foncière. Elles permettront de renforcer l’accès des femmes au droit foncier et
faciliteront la transaction foncière. Ce qui entraînera forcément des avantages économiques et
sociaux.
4.2.2. Elaborer et mettre en œuvre un plan de communication pour une
appropriation des lois relatives à la propriété foncière
Les enquêtes ont révélé sans aucun doute que les Femmes Togolaises ignorent leurs droits et
que pour améliorer leur situation, il y a lieu qu’elles soient informées sur lesdits droits que
consacrent les textes de droit togolais. Les pouvoirs publics et les OSC pour favoriser l’accès des
femmes à la terre devront sensibiliser et informer les populations. Les premiers concernés sont
les parents pour les amener à faire :
™ des donations de terre selon la procédure légale (acte authentique) pour éviter par la
suite que leurs donataires parmi lesquels figurent beaucoup de femmes soient
dépossédées de leur terre faute de preuve et se trouvent empêchées de pratiquer
l’agriculture ou d’autres activités génératrices de revenus ;
™ des testaments qui règlent les problèmes de succession.
La communication et l’information consistent à faire prendre conscience à tout le monde et en
particulier aux femmes que la sécurisation de la terre est un facteur important de
développement. Elles permettront d’éduquer et de sensibiliser à grande échelle, d’améliorer la
connaissance générale des textes de loi en matière foncière. Les femmes qui constituent plus
de la moitié de la population seront alors en mesure de comprendre leurs droits et être
capables de les défendre. Ce qui leur permettra de contribuer considérablement et efficacement
au développement du Togo. De même, par le canal de la sensibilisation et de l’information,
l’analphabétisme juridique sera diminué, la lutte contre la spéculation foncière et l’exclusion des
femmes seront efficacement menées.
Pour une sensibilisation réussie, l’implication de tous s’avère nécessaire notamment celle des
autorités religieuses, des chefs traditionnels, des Chefs de ménage qui ont une influence
certaine sur leur public, des leaders d’opinion et des ONG qui serviront d’interface entre les
administrations foncières et les femmes propriétaires. Enfin, les hommes et les garçons doivent
être nécessairement associés à cette campagne. Leur contribution est essentielle à la
discrimination sexiste. Ils peuvent être des alliés puissants dans la lutte pour l’accès des
femmes à la terre. La réussite de la sensibilisation et de l’information passe également par le
renforcement et la création des cliniques de consultation foncières (expérience des parajuristes) qui sont des espaces d’aide juridique aux citoyens en particulier les femmes.
Par ailleurs, le plan de communication doit s’adresser aussi aux acteurs judicaires en renforçant
leur capacité dans l’application des textes juridiques internationaux ayant valeur juridique
supérieure aux lois nationales.
55
4.2.3. Mesures socio-économiques et d’incitation pour accroitre l’accès des femmes
à la terre
En matière foncière, l’inégalité entre le sexe masculin et féminin est très accrue parce que
malgré l’existence de textes et de l’effort politique, la Femme même intellectuelle continue
d’être considérée comme inférieure au regard de la tradition.
Ayant des ressources limitées, la femme ne peut alors s’acquérir des terres. Pour améliorer son
statut et lui permettre d’accéder au même titre que l’homme au patrimoine foncier, il y a lieu en
dehors de son information, éducation et dialogue permanent, de prendre des mesures
spécifiques la concernant sur les plans socio-politique et économique.
4.2.3.1. Organisation de concours de village meilleur élève en application des textes
en faveur des femmes.
Les gouvernants locaux en partenariat avec les OSC peuvent décider de mesures sociales et
d’incitation de leurs administrés en vue d’une application des textes en faveur des femmes. Il
s’agit de retenir les villages ayant fait leurs preuves en matière d’application des textes en
faveur de l’accès des femmes à la terre et de les récompenser par la mise en place à leur profit
de microprojets de développement (Adduction d’eau ; construction d’infrastructures
sociocommunautaires)…etc.
4.2.3.2. Aide à la constitution et à la dynamisation de groupements de femmes
Les femmes en groupement seront plus fortes, leurs efforts conjugués leur permettront
d’emblaver plus de superficies et d’avoir par conséquent plus de moyens financiers et de
pouvoir bénéficier de crédits importants.
Il sera judicieux de renforcer ceux qui existent déjà par l’appui technique et financier, susciter
et aider à la création desdits groupements dans les zones où ils sont inexistants. La bonne
organisation de ces groupements et leur cohésion leur permettront de déléguer facilement leurs
représentantes dans les instances de décision sur la problématique de la gestion foncière et
d’organiser des visites d’échanges d’expériences entre groupements.
4.2.3.3. Constitution d’une plate forme des OSC pour l’appui à l’accès des femmes à
la terre dans les milieux ruraux
Wildaf-Togo doit poursuivre ses efforts pour l’accès des femmes à la terre au Togo en s’ouvrant
à d’autres OSC intervenant en milieu rural en constituant une plate forme qui aura pour
mission:
™ d’organiser des campagnes de sensibilisation sur le rôle de la femme dans le processus
de développement et l’importance de leur accès durable aux ressources naturelles en
générale et à la terre agricole en particulier ;
™ de promouvoir l’éducation et l’alphabétisation fonctionnelle des femmes ;
™ de faire le plaidoyer auprès des leaders d’opinion et des autorités traditionnelles ;
™ de faire le plaidoyer auprès des élus locaux, maires et autres en vue de leur
engagement constant à favoriser les actions des femmes : il s’agit pour les élus locaux,
autorités administratives d’aider les femmes dans l’accomplissement des formalités
administratives, de développer à leur profit des programmes spécifiques de
sensibilisation et de formation.
4.2.3.4. Financement du foncier
Les propositions qui paraissent judicieuses ici surtout pour les zones de fortes pressions
foncières sont le crédit foncier et l’épargne foncière à des taux d’intérêt réduits qui seront
56
destinés à favoriser l’accès des femmes à la propriété foncière. Pour ce faire, la mise en place
d’une Banque Agricole s’avère indispensable.
En ce qui concerne le crédit foncier, il pourra consister en un crédit pour achat au profit d’une
agricultrice. Dans ce genre de crédit, la femme ne deviendra propriétaire, qu’après avoir
totalement remboursé l’institution financière prêteuse. Mais il y a lieu d’assortir ces crédits d’une
assistance technique pour le renforcement des capacités des bénéficiaires pour éviter des
impayés.
Quant à l’épargne-foncier, elle offre au bénéficiaire la possibilité d’obtenir un crédit foncier en
épargnant. Ces différents crédits encourageront les bénéficiaires à investir dans la terre. Ainsi
après avoir remboursé totalement les institutions financières prêteuses, les emprunteuses
pourront, si elles le désirent, acheter de nouvelles terres pour l’agriculture ou pour une autre
activité génératrice de revenus. Ce qui rendra les femmes autonomes et contribuera à la
relance de l’économie.
Mais au cas où certaines femmes, pour des raisons ou d’autres opteront pour la location des
terres, il faudrait alors prévoir dans ces cas, des baux sécurisés qui ne les exposent pas à la
dépossession des terres sur lesquelles elles exercent leurs activités. Ces baux doivent être
constatés par écrit et portés sur des terres ayant des titres de propriété fiables reconnus par
l’administration foncière. Ce qui permettra de garantir la sécurité aux preneurs.
4.2.3.5. Assistance technique adéquate des structures d’appui aux producteurs
S’il est exact qu’en accordant des crédits aux femmes, elles pourront disposer de moyens pour
acquérir des terres, il demeure aussi vrai que dans certains cas, le crédit n’est parfois pas
l’élément le plus important. Il faut également l’appui-accompagnement technique. La mission
recommande aux structures techniques (gouvernementales et non gouvernementales) d’appui
aux producteurs de faire obtenir aux femmes agricultrices et leur groupement la part juste aux
matériels, innovations et technologies agricoles. En effet, il faut faire bénéficier aux femmes
leur juste part des conseils de vulgarisation, de renforcement des capacités, d’alphabétisation et
d’autres services (semences améliorées, engrais, crédits délivrés par le biais du système de
vulgarisation agricole, eau et électricité).
57
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Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Protocole à la charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux Droits de la
Femme en Afrique.
59
ANNEXES
60
Annexe 1 : Termes de référence
Etude : les politiques foncières et l’accès des femmes à la terre
Projet: “Using law as a tool for rural women’s empowerment in West Africa”
I. Contexte
Les présents termes de référence pour le recrutement de deux consultants s’inscrivent dans le
cadre d’un projet sous-régional intitulé « Using law for rural women’s empowerment in West
Africa». Il s’agira d’utiliser la loi comme outil pour l’autonomisation des femmes rurales. Ce projet
initié par le bureau sous-régional du WILDAF pour l’Afrique de l’ouest s’inscrit dans le cadre du
3ème Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD). Il intervient dans le contexte d’une
Afrique occidentale marquée par des inégalités fortes entre hommes et femmes dans les rapports
familiaux, notamment en matière de violence et d’héritage, dans le domaine de l’accès aux
ressources et opportunités économiques, au pouvoir et à la prise de décision. Les cibles
principales et bénéficiaires sont
les femmes membres des coordinations d’organisations
paysannes au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, et Togo. Les autres cibles en sont les
autorités traditionnelles, les populations (hommes et femmes), les coordinations d’organisations
paysannes, et les autorités gouvernementales.
Le projet a pour objectif global de permettre aux femmes membres des coordinations
d’organisations paysannes et des milieux ruraux des 5 pays d’Afrique de l’Ouest, de connaître
leurs droits, de les revendiquer afin d’en jouir au même titre que les hommes dans leur vie
familiale, communautaire et professionnelle, et de les faire appliquer au profit des femmes de
leurs milieux respectifs.
De manière spécifique, le projet vise à :
-
éduquer 250 à raison de 50 par pays) femmes membres des coordinations
d’organisations paysannes, sur les droits qui leur sont reconnus dans le cadre familial,
communautaire, professionnel et en tant que citoyennes ;
contribuer à la réduction de la violence à l’égard des femmes en milieu rural par
l’implication des communautés dans la lutte contre le phénomène ;
assurer le respect des droits des femmes dans le règlement des conflits familiaux par les
instances familiales et communautaires, notamment en matière d’héritage ;
favoriser l’accès des femmes à la terre en pleine propriété ou dans des conditions de
sécurité.
contribuer à la participation des femmes aux prises de décision au sein des
communautés et dans les coordinations d’organisations paysannes.
Les femmes bénéficiaires directes du projet travailleront en tant que volontaires et bénévoles et
mèneront les actions suivantes dont l’impact combiné rendra possible l’atteinte des résultats :
i)
Campagne sur les droits des femmes et l’égalité des sexes. Les composantes de la
campagne sont :
• Les activités d’information et de sensibilisation en vue du changement des coutumes,
des connaissances, attitudes et comportements au regard des droits des femmes ;
• Les conseils et assistance juridique aux femmes pour les aider individuellement à se
servir du droit pour résoudre les difficultés auxquelles elles sont confrontées dans les
cadres familiaux, communautaire et celui de leurs activités économiques.
• Les activités de lutte contre les violences faites aux femmes en milieu rural. Les
femmes paysannes ayant reçu la formation de parajuriste utiliseront à cet effet une
approche impliquant les communautés y compris les hommes, dans la lutte. Les activités
se mèneront à travers les comités communautaires qu’elles auront réussi à mettre en
place.
ii)
Plaidoyer aux niveaux communautaire et national en vue de l’accès des femmes vivant en
milieu rural à l’héritage et à la propriété de la terre indispensables au développement de
leurs activités agricoles et commerciales,
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iii) Plaidoyer pour la participation des femmes aux prises de décisions au niveau local.
Dans le cadre du plaidoyer pour l’accès des femmes à la propriété de la terre en milieu rural, il
est prévu une étude dont les résultats serviront de base pour les activités de plaidoyer.
A cet effet, le WILDAF-TOGO Cherche à recruter deux consultants pour la conduite d’une étude
au plan national sur les politiques foncières et l’accès des femmes à la terre.
II. Objectifs de l’étude.
La terre est un moyen de production important notamment dans les activités économiques et
une source principale de revenu en milieu rural. Les droits d’accès à la terre, d’utilisation et de
contrôle de cette dernière sont reconnus aux femmes en milieu rural par la Convention sur
l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes et le Protocole à la
Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, relatif aux droits des femmes en
Afrique. Cependant des limitations diverses à la capacité des femmes africaines à posséder et à
contrôler la terre entravent sérieusement leur capacité à mener des activités économique et
réduit ainsi considérablement leur moyen de subsistance de même que la contribution qu’elles
apportent au développement de leur pays.
L’étude vise à faire un état des lieux sur l’accès différencié, l’utilisation et le contrôle de la terre
par les femmes et les hommes en milieu rural, les facteurs qui constituent des obstacles pour
les femmes en vue de faire des propositions en guise de contribution à des réformes de
politiques et lois agro foncières.
De manière spécifique, l’étude devra :
•
Entreprendre une compilation et une analyse critique des politiques et lois foncières, de la
législation en matière successorale, du point de vue :
- de la conformité aux normes internationales et régionales africaines de promotion des
droits de la femme ;
- de la prise en compte du rôle des femmes dans le domaine agricole ;
- de la capacité de ces politiques et lois à permettre aux femmes d’accéder à la terre
ainsi que la nature juridique des droits que les politiques et lois leur confèrent sur
cette terre (usufruit, propriété, autre droit plus précaire ?) ;
•
Déterminer les différents modes d’accès à la terre en milieu rural, par les hommes et les
femmes et l’importance en particulier de l’accès par l’héritage ;
•
Analyser les pratiques d’accès des hommes et femmes à la terre en milieu rural
(conditions d’accès, fondements des pratiques) ;
•
Déterminer l’impact du statut de la terre sur l’exploitation qui en est faite par les femmes,
la productivité et la durabilité de l’exploitation ;
•
Analyser les rapports entre le statut juridique des exploitations agricoles familiales, les
rôles différenciés des hommes et des femmes, la production agricole et l’impact sur les
hommes et les femmes ;
•
Analyser la dynamique des transactions foncières en milieu rural et leur impact sur l’accès
des femmes à la terre ;
•
Analyser les initiatives de zones d’exploitation aménagées et leur impact différencié sur les
hommes et les femmes travaillant en milieu agricole ;
•
Relever les obstacles et difficultés qui empêchent les femmes rurales d’avoir un accès
pérenne et un contrôle sur les terres de cultures ;
•
Analyser l’efficacité des recours (instances formels et informels de règlement des conflits)
disponibles pour les femmes en cas d’éviction de la terre ;
•
Identifier quelques bonnes pratiques ;
62
•
faire des recommandations :
9 pour un plaidoyer efficace pour l’adoption des reformes législatives et politiques.
9 Pour l’attribution par les autorités coutumières des terres aux femmes paysannes en
propriété ou dans des conditions pérennes.
L’étude doit permettre de recueillir des informations et données aussi détaillées que possible et
suffisantes, y compris des études de cas, pour permettre aux coordinations nationale et sous
régionale du projet, de mener un plaidoyer pour l’adoption de réformes législatives et
politiques, notamment foncières, auxquelles participeront les parties prenantes du projet.
III. Produits attendus
Les chercheurs nationaux auront à produire dans chaque pays:
- un rapport d’étude en format électronique et sous forme papier
- un document de synthèse pouvant servir au plaidoyer.
IV. Organisation de la mission
Le consultant doit produire au plus tard 9 semaines après le démarrage de l’étude un rapport
provisoire qui sera
transmis au WiLDAF-TOGO pour observations et remarques qui
parviendront au consultant au bout de 2 semaines. Le consultant tiendra compte des
observations et remarques du WiLDAF-TOGO dans l’élaboration d’une deuxième version qui
devra faire l’objet d’un atelier de validation dans les 4 semaines qui suivront la production de la
deuxième version. La version définitive devra être prête au plus tard 2 semaines après l’atelier
de validation.
V. Délai de la mission
Selon notre estimation, cette étude ne devra en aucun cas dépasser 40 jours.
VI. Profil des consultants clés
L’étude sera confiée à un bureau d’étude ou à une équipe de consultants associés, ayant de
solides références en matière d’études foncières et en milieu rural au Togo.
L’équipe de consultants experts devant conduire l’étude devra avoir les profils suivants :
1 juriste, chef de mission. Il devra être titulaire d’un diplôme universitaire en droit, de
préférence en droit rural ; avoir une bonne expérience du droit foncier. Il devra avoir au moins
5 ans d’expériences dans le domaine du droit rural et avoir effectuer au moins 3 missions de
consultation en matière d’études foncières en milieu rural.
1 sociologue. Il devra être titulaire d’un diplôme universitaire de sociologie de préférence
sociologie rurale, ou dans une discipline connexe. Il devra avoir au moins 5 ans d’expériences
dans la pratique d’enquête sociologiques en milieu rural et au moins 3 missions de consultation
en matière d’études socio-économiques, en milieu rural.
Annexe 2 : Tableau récapitulatif de l’échantillonnage
Régions
Nombre
d’Exploitants
agricoles
10
10
10
Groupements
féminins ou
mixtes
2
2
2
Nioukpourmah
10
2
2
Babogou
10
2
2
Goandjoaga
09
2
2
Moldjaga
10
2
2
Wiodè
10
2
2
Kozah
Atchangbadè
09
2
Doufelgou
Waldè
Raouka
Koukou
10
10
10
Ténéga
Gbalavé Tchadomé
Préfectures /
Sous
préfecture
Villages
Cinkassè
Fanworgou
Garo
Sam-Naba
Savanes
Tône
Kara
Kloto
Plateaux
Agou
Vo
Maritime
Est
Yoto
Total
8
Yokélé
Lavié Agoviépé
Nyogbo
Nyamessi
Mamissi
Katihoé
Akogoé
Séva
Sika-Condji
Tchékpo-Dévé
24
Autorités
traditionnelles et
coutumières
Autorités
judiciaires et
administratives
2
2
2
Organisations
d’appui/préfecture
2
-
2
RAFIA
REFED
2
3
DRAEP, PADESS,
ACM
2
2
2
2
2
2
2
ICAT
10
2
2
10
1
2
10
10
10
10
10
10
10
10
10
10
2
1
1
1
2
2
2
2
2
2
2
2
2
0
2
2
2
2
2
2
238
44
46
1
ICAT, RADI, CAPLAD
1
CONGAT, ICAT
1
ICAT, CREDI,
COLOMBE
2
ICAT, CREMA
14
16
Annexe 3 : Liste des personnes rencontrées
Noms et prénoms
AGBEKA Georgette
Fonctions
Responsable
Communication-Genre
et Droit de l’Homme
Structures
Adresse
ONG RADI
Tél : 4410808/3357373,
BP :489 Kpalimé
AHONDO Fiagan
Coordinateur
ONG CAPLAD
NOUNYAVA Kokou
Préfet
Préfecture d’Agou
ATAYI-TCHEKOUVI Ayayi
Responsable
Organisation Payanne
ONG CONGAT
QUIST Réné/ ADJOHONOU
Kodjo
Chargés de Projets
ONG la Colombe
Tél : 9465431, BP : 166
Kpalimé, E-mail :
[email protected]
Tél : 9334367/4471046
Agou
Tél : 3357543/9184668, Email : [email protected]
Tél : 333 10 83
E. mail :
[email protected]
FOLLY Kossi
Chef d’Agence/
Responsable
Agriculture durable
Président du Tribunal
DELOU Kokou
Animateur
ONG CREMA
GBADOE Akouété
FIABOE Mawuli
Directeur Préfectoral
Chef d’Agence
DPAEP (Vo)
ICAT Tabligbo
Tél : 333 10 97
Tél : 959 87 60 ; BP : 31326
Lomé
Tél : 339 61 73
Tél : 234 58 30
ATTIGANKOU Alex
Chef d’Agence
ICAT Vogan
Tél : 234 58 29
KOUGNIDO Ablam
Secrétaire Général
Préfecture de Yoto
El Hadj –A.S. MOSSYAMBA
Préfet
Bureau de
préfecture
KOKOROKO Koku Dzifa
Juge
Justice
LARE Monoka Raymond
Directeur de Délégation
ICAT Région des
Savanes
ADZIGAN Kodjo/
AGBANGLO Lucas
ONG CREDI
Tribunal de Vogan
Tél : 333 10 18
Vogan
Tél : 334 03 14
770 80 10 / cel: 903 39 05
770 88 79 / 983 60 25
[email protected]
770 85 62 / 901 95 42
[email protected]
DAMETOUGLE Totitiebe
KABISSA Confort
KAMOUA Matieyedou
Chef Division
Promotion féminine
Chef de programme
Coordinatrice
Chef d’agence
Mr KADJAMA Di-Rem
Préfet
Mr PALANGA Kolu
Secrétaire Général
Mr ADJESSOUM Komi
Président du Tribunal
Mr AWIDJOLO Toutourém
David
Président du Tribunal
Tribunal de Kara
Mr DONSO Kpatcha
Gendarme
Brigade Territoriale
de Kara
Mme SAMA-TCHALLA
Mazalo
Directrice
ONG ACM
Tél. 660 00 81
Mr KPANDIKA Trikotna
Responsable Agrofoncier
DRAEP Kara
Tél. 660 60 50
Mr BATCHALE Agouda
Directeur
ONG PADES-Kozah
Mr KENDO Blao Bidam
Agent de
l’ICAT Niamtougou
KOUDJALE Georges
Affaires sociales
770 80 29 / cel : 938 51 34
ONG RAFIA
REFED
Agence ICAT
Préfecture de
Doufelgou
Préfecture de
Kozah
Tribunal de
Niamtougou
770 84 56 / cel : 918 60 47
770 84 56 / cel : 925 83 89
770 84 56 / cel : 933 95 64
Tél. 665 00 34
Tél. 660 60 80
Tél. 665 01 64
BP : 571 ; Tél. 913 30 03
e-mail :
[email protected]
s/c Tél. 982 52 80
BP : 22 Pya Kozah
Tél. 909 47 47
BP : 92 Niamtougou
Tél. 062 02 74