du deni freudien a l`apsychognosie

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du deni freudien a l`apsychognosie
DU DENI FREUDIEN A L’APSYCHOGNOSIE
De FOUQUET
Myriam KOZLOWSKI, psychologue
Centre Gilbert RABY
SERVICE QUALITE
Elément de référence/communication présenté lors de la journée organisée à
l’attention des médecins du travail le jeudi 11 juin 2009
Le déni a été décrit, à l’origine, par FREUD pour désigner un mode de défense dans les
psychoses et les perversions.
Le terme de « déni », au sens psychanalytique, concerne un refus de reconnaître la réalité d’une
perspective traumatisante qui, si elle se rapporte au « complexe de castration » ne se résume
pas exclusivement à lui (« je sais bien, mais quand même »).
Rappelons la différence avec la dénégation, mécanisme de défense du champ névrotique (« j’ai
rêvé d’une femme, mais ce n’était pas ma mère »…) qui relève du refoulement.
Le déni représente un système d’opérations défensives se rattachant au clivage maintenant hors
du champ de la conscience, des perceptions, pensées sentiments contradictoires.
Le déni peut, somme toute, concerner autant la réalité externe que la réalité interne et celle donc
du fonctionnement psychique ; ainsi, la clinique de la maladie alcoolique montre généralement
que le refoulement manque à ces patients qui utilisent le déni, mécanisme psychique plus
coûteux et qui convoque le clivage, comme corollaire dans le fonctionnement psychique.
1. LE CONCEPT DU DENI CHEZ LE MALADE ALCOOLIQUE
Le déni est un mécanisme de défense qui consiste à nier, contre toute évidence, l’excès d’alcool,
mécanisme inconscient consistant à ne pas voir ce qui est insupportable (« la dépendance à
l’alcool, être alcoolique ») écrivait le docteur FOUQUET.
Il existe une composante interactionnelle du déni qui vient s’ajouter à sa définition strictement
psychanalytique. Chez le malade alcoolique, le déni concerne la perte de contrôle par rapport à
la consommation, le déni de souffrance (la sienne, la souffrance familiale et plus généralement le
déni du rôle de l’alcool en général dans chaque problème).
Il existe une échelle du déni élaborée par Green et Goldsmith (1988).
Concernant le déni, plus spécifique à la maladie alcoolique, le docteur FOUQUET a décrit
l’apsychognosie comme l’état résultant d’une éthylémie permanente, provoquant une perte de la
capacité de se juger et de s’apprécier par rapport aux autres.
La perte de la perception de soi s’associe à un déni de la temporalité du sujet avec maintien des
apparences, une pseudo-adaptation qui peuvent rester longtemps réversibles.
Ainsi, la prise en compte progressive et spécifique du déni, en tant que fait pathologique, a
marqué un tournant fondamental dans la clinique relationnelle en général. L’idée que le travail
autour du déni, en tant qu’entrave aux soins, est le principe élémentaire de la prise en charge
thérapeutique du malade alcoolique (parallèle à faire avec le destin du transfert aux temps
pionniers de la psychanalyse). Le docteur VACHONFRANCE se référait à la notion d’aliénation,
le malade alcoolique comme étranger à lui-même (ALIEN), aliénation aux autres, au temps, à sa
propre réalité, à sa maladie, à sa guérison, à sa mort.
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De FOUQUET
Myriam KOZLOWSKI, psychologue
Centre Gilbert RABY
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Elément de référence/communication présenté lors de la journée organisée à
l’attention des médecins du travail le jeudi 11 juin 2009
2. LES DIMENSIONS DU DENI
Essayons de repérer les manifestations du déni de la maladie alcoolique tant au niveau de la
clinique symptomatique que de la clinique relationnelle.
2.1. Déni de la consommation d’alcool en tant que telle
Dimension symptomatique du déni tellement banalisée mais cependant très destructrice
dans la relation déclenchant contre-attitudes et réaction de rejet (recours à la recherche
de preuves (alcoolémie, bilan sanguin)) « je ne bois pas, jamais d’alcool ».
2.2. Déni de la quantité absorbée
Une étape paraît parfois franchie par cette acceptation relative de la réalité de la
consommation, mais c’est un nouveau moyen d’évitement car le patient recourt à la
minimisation ou la banalisation « juste un verre au moment du repas ».
2.3. Déni de la maladie alcoolique tant sur le plan de l’atteinte somatique que psychique
(anosognosie et asomatognosie)
« Je bois comme tout le monde, cela ne peut pas faire de mal ». Ceci pour être comme
tout le monde (docteur MAISONDIEU).
2.4. Déni de la dépendance alcoolique
« Je pense m’arrêter si, ou quand je le veux ». Il s’agit d’un aspect fondamental du déni
qui persiste même à un stade avancé de la prise en charge (malgré sevrages et cures
suivis de rechutes). Ce déni constitue peut-être une étape clé des résolutions de la
relation patient – thérapeute lorsqu’il tend vers sa réduction.
2.5. Déni du corps
Dans son versant somatique (asomatognosie)
Déni de la dégradation physique, des complications somatiques de la maladie
alcoolique, déni du risque vital.
Cet aspect du déni correspond souvent à une attitude de toute puissance avec répétition
des conduites à risque.
2.6. Déni du corps dans son versant libidinal (image du corps en tant qu’investi par la psyché)
Se traduisant tant par le manque de soins fondamentaux apportés au corps (incurie) que
par un déni de la sexualité.
2.7. Déni de la temporalité
Avec difficultés à retracer l’histoire chronologique et déni des antécédents familiaux.
2.8. Déni de la subjectivité
Qui s’exprime de la perte identitaire, la déresponsabilisation, le On à la place du Je. La
subjectivité se trouvant projetée sur l’alcool « je n’y peux rien, c’est l’alcool ».
2.9. Déni du fonctionnement psychique
(Apsychognosie de Fouquet)
Perte de l’intérêt pour l’activité psychique, pour la vie affective et fantasmatique et
s’approche des tableaux cliniques de la pensée opératoire ou de l’aléxythimie.
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Le déni du fonctionnement psychique trouve une autre dimension pathologique dans le
déni du retentissement psychique de l’alcoolisme qu’il s’agisse d’anxiété, de troubles des
conduites, de dépression (je n’ai pas de problèmes).
2.10. Déni de la réalité sociale
Au sens large, tant dans son déterminisme sur la pathologie alcoolique (contexte socioaffectif, évènement traumatique) qu’à l’inverse dans l’impact de l’alcoolisme sur
l’environnement du patient et ses liens avec lui.
Dans le même registre, déni des conséquences familiales (conflits, violences, incestes),
sociales (marginalisation, infractions, délits, dangerosité) et professionnelles de
l’alcoolisme (ce n’est pas à cause de l’alcool que j’ai perdu mon travail).
Cette énumération n’est évidemment pas exhaustive, elle témoigne des différents
niveaux psychiques sur lesquels opère le déni et cherche à mettre en évidence la
complexité des mécanismes, enjeu des territoires psychiques concernés.
Le déni est variable, fluctuant, sujet à des apparitions et des disparitions, au gré de la
dynamique relationnelle du patient et du thérapeute, et avec son entourage.
La prise en charge du patient malade alcoolique gagne à être évaluée en fonction de la
place et de la qualité du déni qui s’instaure et évolue dans la dynamique de la relation
soin.
On ne peut bien sûr pas le maîtriser, mais on apprend à mieux le repérer, l’explorer
dans ses diverses dimensions et ceci, dans une visée d’évaluation diagnostique et
pronostique, aussi pour tenter de relancer le travail relationnel au-delà du discours
répétitif porteur d’échec.
Rechutes co-conséquence de l’échec de la sortie du déni
1. LES DIFFERENTES RECHUTES
A. Les fausses rechutes
Elles concernent des patients qui sortent de cure et qui n’étaient pas engagés réellement
dans un processus de soin. La cure était plutôt envisagée comme un prétexte de remise
en forme. La reprise de l’alcoolisation n’est pas étonnante dans un contexte où le patient
a fait une cure sous la pression de la famille ou du travail, ou encore sous contrainte
judiciaire.
B. Les rechutes dites « sèches »
C’est le cas de patients qui continuent à boire dans leur tête. Le processus de deuil de
l’alcool n’est pas entamé. Sa tenue « sans alcool » s’effectue dans une tension
permanente « tenir le coup ». L’alcool reste encore trop valorisé comme moyen privilégié
de gérer et résoudre les tensions. Il reste l’objet magique qui vient répondre à toutes les
situations redoutées par le patient ou qu’il s’estime incapable de gérer.
C. Les rechutes symptômes
Le patient a été demandeur de cure par un véritable dégoût de son existence où l’alcool
était désigné comme seul responsable de sa souffrance. La suppression de l’alcool est
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une réalité nécessaire mais non suffisante. La rechute est le symptôme des difficultés du
patient à réorganiser sa vie sans alcool.
D. Les rechutes « Test »
Le patient explique qu’il tient à tester la maîtrise du produit. Ce type de ré-alcoolisation
est vécu dans la honte et dans la culpabilité et peut entraîner un syndrome dépressif
réactionnel avec possibilité de passage à l’acte suicidaire.
Cependant ce sont des rechutes très fréquentes qui, si elles sont prises à temps, peuvent
permettre d’accéder à l’intégration de l’abstinence en travaillant sur la nature du déni
même, de la réalité de la dépendance. D’où l’importance de l’étayage, en particulier celui
réalisé par les Mouvements d’Anciens Alcooliques.
E. Les rechutes « masochistes »
Considérées comme équivalentes aux suicidaires.
F. Les rechutes répétitives
Ce sont celles qui nous interpellent le plus. Les sujets alternent entre abstinence et
rechutes. Il s’agit de patients qui ont pris pleinement conscience de leur alcoolodépendance, ont intégré l’abstinence totale et définitive comme la garantie d’une
évolution personnelle avec les recommandations alcoologiques proposées : thérapies,
soins, associations, engagement dans le travail de thérapie. On voit donc apparaître une
contradiction entre différents niveaux de la personnalité.
-
Deux logiques qui s’opposent qui suggèrent la mise en œuvre de phénomènes en
grande partie inconscients qui court-circuitent cette élaboration. La compulsion de
répétition, qui met en échec un véritable changement du fonctionnement psychique.
Ces ré-alcoolisations convoquent l’existence de plusieurs facteurs :
-
Les facteurs individuels
Les facteurs liés à l’environnement
Interactions qui mettent en lumière les phénomènes de co-dépendances.
G.
Les facteurs individuels
Il s’agit souvent de troubles de la personnalité profonde de dépressions ou autres.
L’alcool joue une fonction de régulation dans l’organisation psychique du sujet.
Ces dysfonctionnements de personnalité amènent ces patients à être pris en charge
d’une façon globale : cure, postcure, groupes, psychothérapie visant à restaurer la
personnalité.
Soulignons l’importance de la régularité et de la fixité du cadre thérapeutique. (du côté des
soignants, peut-être ne pas répéter ainsi les mêmes prises en charge, rechutes
immédiates, cure rapidement après, rechute, re-cure …).
Il faut savoir passer la main, savoir attendre, travailler non pas dans « l’AGIR » et le tout
« tout de suite » mais sur une élaboration mentale secondaire, pour ne pas renforcer les
répétitions.
H.
Les facteurs liés à l’entourage
Il est important de repérer les facteurs liés à l’entourage qui pourrait favoriser ou jouer
un rôle déterminant dans ces ré-alcoolisations récidivantes dans une visée systémique.
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Dans certains milieux professionnels sous pression, l’alcoolisme de l’un est le garant du
bon fonctionnement des autres.
Dans la famille, le malade alcoolique peut être mis en place du bouc émissaire, étant
rendu responsable de tout ce qui ne va pas au sein de la famille (confère la notion de
système).
Le malade alcoolique peut trouver dans sa situation des bénéfices secondaires, car le
malade alcoolique dans la relation d’aide ou assisté, aidé, suscite de l’intérêt (confère,
personnalités déprimées ou immaturité). Il sait que son symptôme pourra lui apporter
aide, réconfort, sur le plan social ou médical. Renforcement chez le soignant ou la
famille du sentiment d’être utile.
Peut-être aussi le patient cherche-t-il à communiquer à travers l’alcool ?
- Son agressivité,
Veut-il tester l’amour de l’autre.
« Méta- communiqué » ?
Les rechutes multiples du malade peuvent être, en quelque sorte, l’écran d’un
dysfonctionnement familial ou d’un groupe social.
C’est aussi le témoin de la force des relations de co-dépendances grâce auxquelles
l’entourage a réussi à préserver le sentiment de son identité, résistance au changement,
comportements pervers inconscients pour réintroduire l’alcool dans la vie du patient.
Une ré-alcoolisation est toujours grave et redevient matière à réélaborer la place et le
degré du déni.
La rechute peut être considérée comme une étape (si on prend le soin d’en analyser le
sens) dans une progression logique dans la construction de l’abstinence.
Penser toujours au traitement, les groupes psychothérapeutiques et thérapie familiale.
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