République française Tribunal de Grande Instance de Paris

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République française Tribunal de Grande Instance de Paris
Administration des Douanes et Droits Indirects
c/
NORIEGA
République française
Au nom du Peuple français
Tribunal de Grande Instance de Paris
11ème chambre/1
N° d'affaire : 8935669013
Jugement du : 7 juillet 2010
n° : 14
NATURE DES INFRACTIONS :
T RÉALISATION D'OPÉRATION FINANCIÈRE ENTRE LA FRANCE ET
L'ÉTRANGER SUR DES FONDS PROVENANT D'INFRACTION À LA
LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS,
TRIBUNAL SAISI PAR : Opposition, formée par Manuel NORIEGA par
lettre postée le 11 octobre 2002 et reçue le 23 octobre 2002 par le Parquet de
PARIS, aux dispositions du jugement en date du 1er juillet 1999 rendu par la
11ème chambre, suivie d’un renvoi contradictoire en date du 12 mai 2010.
PERSONNE POURSUIVIE :
Nom
Prénoms
Né le
À
:
:
:
:
Fils de
Et de
Nationalité
Domicile
Situation familiale
Antécédents judiciaires
Mesures de sûreté
:
:
:
:
:
:
:
Situation pénale
Comparution
:
:
NORIEGA
Manuel, Antonio
11 février 1934 (selon ses déclarations à l’audience)
PANAMA CITY, PANAMA (selon ses déclarations à
l’audience)
Ricorte Tomas NORIEGA
Maria Félix MORENO
panaméenne
Actuellement détenu à Maison d'Arrêt de Paris-la-Santé
marié
déjà condamné
mandat d'arrêt à diffusion internationale délivré par la
juridiction de jugement en date du 1er juillet 1999,
demande d’extradition du 15 avril 2004, acte
d’extradition et renvoi effectif aux autorités judiciaires
françaises en date du 9 avril 2010, exécution du mandat
d'arrêt sur jugement et ordonnance de mise en détention
provisoire et mandat de dépôt en date du 27 avril 2010,
maintien en détention provisoire par juridiction de
jugement en date du 12 mai 2010,
prévenu détenu pour cette cause
COMPARANT assisté de Me Olivier METZNER, Me
Yves LEBERQUIER et Me Antonin LEVY avocats du
barreau de PARIS, qui déposent des conclusions de
nullité in limine litis et au fond visées par le président et
le greffier et jointes au dossier (D.1563).
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PARTIE INTERVENANTE :
Nom
Domicile
Comparution
: Administration des Douanes et Droits Indirects,
représentée par son Directeur Général en exercice,
agissant par le Directeur de la Direction Nationale du
Renseignement et des Enquêtes Douanières
: 22, rue de Charonne
75011 PARIS
: REPRÉSENTÉE par Me Vincent COURCELLE
LABROUSSE avocat du barreau de PARIS, qui dépose
des conclusions visées par le président et le greffier et
jointes au dossier ((P.137).
PARTIE CIVILE :
Nom
Domicile
Comparution
: République du PANAMA
: 15, rue de la Banque
chez Me Yves BAUDELOT
75002 PARIS
: REPRÉSENTÉE par Me Yves BAUDELOT avocat du
barreau de PARIS, qui dépose des conclusions visées
par le président et le greffier et jointes au dossier
(P.216).
PROCÉDURE D'AUDIENCE
Manuel NORIEGA a régulièrement formé opposition par lettre postée le 11
octobre 2002 et reçue le 23 octobre 2002 par le Parquet de PARIS à
l'exécution d'un jugement en date du 1er juillet 1999 rendu par la 11ème
Chambre qui, statuant par jugement rendu par défaut en application de l'article
412 du CPP l'a condamné à 10 ans d'emprisonnement délictuel, 1 amende
délictuelle de 75 000 000 francs (11 433 676,29 euros) et une amende
douanière de 15 000 000 francs (2 286 735,26 euros) pour :
T RÉALISATION D'OPÉRATION FINANCIÈRE ENTRE LA FRANCE ET
L'ÉTRANGER SUR DES FONDS PROVENANT D'INFRACTION À LA
LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS,
faits commis à Paris ou à Marseille et sur le territoire national, du 28 décembre
1988 au 22 décembre 1989 et depuis temps non couvert par la prescription,
faits prévus et réprimés par l’article 415 du Code des douanes (loi n/88-1149 du
23 décembre 1988, promulguée le 28 décembre 1988).
L'affaire a été appelée, successivement, aux audiences du :
- 12 mai 2010, pour audience au fond et renvoyée pour examen au fond,
- 28, 29 et 30 juin 2010, pour audience au fond et renvoyée pour délibération,
- et ce jour, pour prononcé du jugement.
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À l'appel de la cause, le président a constaté l'identité du prévenu et a donné
connaissance de l'acte qui a saisi le tribunal.
Les débats ont été tenus en audience publique.
Le président a donné connaissance des faits motivant la poursuite.
Les conseils du prévenu ont déposé des conclusions aux fins de nullité et ont
été entendu en sa plaidoirie au soutien des moyens soulevés.
Puis, les parties entendues et le ministère public ayant pris ses réquisitions, le
tribunal a joint l'incident au fond, après en avoir délibéré.
Le président a instruit l'affaire et a interrogé le prévenu sur les faits et a reçu
ses déclarations.
Me Yves BAUDELOT avocat du barreau de PARIS, au nom de la République
du Panama, partie civile, a été entendu, après dépôt de conclusions visées par
le président et le greffier, en ses demandes et plaidoirie.
Me Vincent COURCELLE-LABROUSSE avocat du barreau de PARIS, au
nom de l’Administration des Douanes et Droits Indirects, a été entendu, après
dépôt de conclusions visées par le président et le greffier, en ses demandes et
plaidoiries.
Le ministère public a été entendu en ses réquisitions.
Me Yves LEBERQUIER, puis Me Olivier METZNER avocats du barreau de
PARIS, ont été entendu en leur plaidoirie pour Manuel NORIEGA, prévenu.
Manuel NORIEGA, prévenu, a eu la parole en dernier.
Le greffier a tenu note du déroulement des débats.
Puis à l'issue des débats tenus à l'audience publique du 30 juin 2010, le
tribunal a informé les parties présentes ou régulièrement représentées que le
jugement serait prononcé le 7 juillet 2010 à 13h30.
À cette date, le Tribunal vidant son délibéré conformément à la loi, lecture a
été faite de la décision.
MOTIFS
SUR L'ACTION PUBLIQUE :
1) Sur les conclusions in limine litis
a) Sur la demande de nullité de l’extradition en raison de la violation de
la troisième Convention de Genève
Il résulte des dispositions de l’article 696-36 du Code de procédure pénale que
la juridiction de jugement est compétente, dans le cas d’espèce, pour statuer
sur la nullité de l’extradition.
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Toutes les parties l’ont d’ailleurs admis à l’audience du 28 juin 2010.
L’article sus-visé prévoit qu’aussitôt après l’incarcération de la personne
extradée, le Procureur de la République l’avise qu’elle a le droit de demander
que soit prononcée la nullité de l’extradition dans les conditions de forme et
de délai prévues par ce même article.
Cet avis a effectivement été donné à Manuel Antonio NORIEGA par le
Procureur de la République le 27 avril 2010.
L’article sus-visé prévoit par ailleurs que la requête en nullité présentée par la
personne extradée doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée et faire l’objet
d’une déclaration au greffe de la juridiction compétente ; lorsque le demandeur
est détenu, la requête peut également être faite au moyen d’une déclaration
auprès du chef de l’établissement pénitentiaire.
En l’espèce, aucune requête en nullité n’a fait l’objet d’une déclaration au
greffe de la juridiction compétente ou d’une déclaration auprès du chef
d’établissement pénitentiaire.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la demande de nullité de
l’extradition.
b) Sur l’exception d’incompétence du Tribunal pour juger Manuel
Antonio NORIEGA à raison de son immunité de chef d’État
À l’audience du 28 juin 2010, toutes les parties ont admis, qu’au moment des
faits qui lui sont reprochés, Manuel Antonio NORIEGA exerçait les fonctions
de chef d’État du PANAMA, analyse que partage le Tribunal.
Il est également constant que Manuel Antonio NORIEGA n’exerce plus
aujourd’hui ces fonctions.
Le Tribunal doit donc rechercher si les faits de blanchiment reprochés au
prévenu participaient de l’exercice de ses anciennes fonctions, ou si ce délit,
à le supposer établi, a été commis à des fins privées et par des moyens
purement personnels.
Le Tribunal considère que les faits, à les supposer établis, ont effectivement
été commis par le prévenu à des fins privées puisqu’il s’agissait de profiter
impunément, à titre personnel, des fonds obtenus grâce à sa participation à un
trafic de stupéfiants ; les moyens employés s’agissant non pas de l’infraction
de trafic de stupéfiants, mais de celle de blanchiment, c’est-à-dire des dépôts
d’espèces sur des comptes équivalents à des comptes numérotés et le transfert
de ces espèces, via différents comptes ouverts dans plusieurs pays, sur des
comptes ouverts en FRANCE au nom de membres de sa famille ou de
proches, sont des moyens qui auraient pu être mis en oeuvre par n’importe
quel délinquant et qui sont totalement indépendants des fonctions exercées par
un chef d’État.
Il convient en conséquence de rejeter l’exception d’incompétence.
2) Sur la prescription
Il résulte des dispositions des articles 8 et 412 du Code de procédure pénale
et des dispositions de l’article 133-3 du Code pénal que :
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- le jugement de condamnation prononcé par défaut le 1er juillet 1999 a fait
courir à l’encontre de Manuel Antonio NORIEGA le délai de prescription de
la peine, lequel est de 5 ans ;
- l’opposition à ce jugement formée, avant l’expiration de ce délai, par le
condamné par lettre postée le 11 octobre 2002 reçue le 23 octobre 2002 par le
Parquet de PARIS a interrompu la prescription de la peine et constitué le point
de départ d’un nouveau délai triennal de prescription de l’action publique, la
poursuite ayant repris son cours.
Ultérieurement, ce délai a été interrompu par la demande d’extradition du 15
avril 2004 puis suspendu jusqu’au 9 avril 2010, date de l’acte autorisant
l’extradition et le renvoi effectif de Manuel Antonio NORIEGA aux autorités
judiciaires françaises qui jusqu’à cette date étaient dans l’impossibilité d’agir
envers Manuel NORIEGA.
Il convient en conséquence de rejeter l’exception de prescription.
3) Sur le fond
Le 22 décembre 1989, le Directeur inter-régional de la Direction Nationale du
Renseignement et des Enquêtes Douanières (D.N.R.E.D.) écrivait au
Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de PARIS pour
porter à sa connaissance qu’un contrôle effectué en vertu des dispositions de
la loi douanière au siège d’une agence parisienne du Crédit Industriel et
Commercial avait permis de déceler des mouvements financiers à partir des
comptes bancaires ouverts par des non résidents ou des résidents sous statut
privilégié qui pourraient se révéler constitutifs d’infractions en matière de
blanchiment de capitaux tant du point de vue du droit pénal que du droit
douanier (D1).
Selon ce courrier, ces mouvements financiers avaient été exécutés ou
s’apprêtaient à l’être à partir des comptes détenus notamment par Felicidad
NORIEGA épouse de Manuel NORIEGA.
À ce courrier, était joint un procès-verbal de constat établi le 21 décembre
1989 à l’agence Breteuil du C.I.C. (D4).
Ultérieurement (D130), seront remis aux enquêteurs un procès-verbal de
constat établi le 21 décembre 1989 au siège du C.I.C. (D70) et un procèsverbal de constat établi le 21 décembre 1989 au service “ monnaies et
matières ” de la banque Paribas (D33).
Il était également remis aux enquêteurs des pièces fournies par un représentant
du siège du C.I.C. :
- la liste des comptes ouverts au nom de l’ambassade du PANAMA, de
l’ambassadeur et de la famille NORIEGA (D75) ;
- un tableau concernant les capitaux ayant transité par les comptes Francs
et Devises de Gaspar WITTGREEN, ambassadeur du PANAMA en FRANCE
à compter de mars 1989 (D73).
Le représentant du C.I.C. notait que les comptes de Monsieur WITTGREEN
recevaient, en sus des fonds destinés à faire face aux frais du PANAMA, des
capitaux en francs et en devises qui vont soit vers un compte numéroté en
AUTRICHE, soit vers un compte de Madame NORIEGA.
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Il notait également qu’un compte avait été ouvert en avril 1989 au nom de
Mademoiselle ou Madame NORIEGA par virement de 1 232 000 USD en
provenance d’un compte de Monsieur Manuel Antonio NORIEGA.
La D.N.R.E.D. avait également joint à son courrier initial les photocopies des
deux mandats d’arrêt délivrés en 1988 par la justice américaine incriminant
Manuel Antonio NORIEGA du chef d’infractions à la législation sur le trafic
de stupéfiants commises entre 1981 et 1986 ; ces mandats d’arrêt émanaient
du district de la Floride du Sud et du Middle District de Floride, division de
Tampa (D145 à D189, D190 à D204).
Une information était ouverte le 22 décembre 1989 contre personne non
dénommée du chef de blanchiment du produit de trafics de stupéfiants et de
participation à des opérations financières internationales portant sur ledit
produit (D123).
Par commissions rogatoires des 22, 27 et 28 décembre 1989, le magistrat
instructeur saisissait de l’enquête le contrôleur général détaché à la
D.N.R.E.D. (D238, D240, D242, D243, D244).
Dans ce cadre, les enquêteurs apprenaient l’existence de mouvements de fonds
suspects entre la FRANCE et le PANAMA à partir de comptes ouverts dans
une agence marseillaise du Crédit Lyonnais aux noms de NORIEGA DE
BEAUCHAMP et APARICIO NILZA (D127).
Ils apprenaient également que les autorités américaines avaient adressé le 23
décembre 1989 une commission rogatoire internationale aux autorités
judiciaires françaises afin de voir geler tous les avoirs de Manuel NORIEGA
sur le territoire français dans la mesure où ces avoirs semblaient provenir
d’une activité de blanchiment du produit de trafic de stupéfiants.
Il était en particulier fait état d’un compte ouvert à l’agence Breteuil du C.I.C.
au nom de Pedro VEGA susceptible d’être ambassadeur du PANAMA en
GRANDE-BRETAGNE (D128, D129).
Dans cette commission rogatoire internationale, tout comme dans l’un des
mandats d’arrêt susvisé, il est fait état des déclarations de Steven KALISH,
trafiquant de drogue qui avait mis en cause Manuel NORIEGA pour lui avoir
permis de blanchir des sommes d’argent considérables représentant le produit
d’un trafic de cocaïne et de marijuana entre la COLOMBIE et les ÉTATSUNIS.
Steven KALISH avait avoué avoir pu faire transiter entre 1983 et 1984 plus
de 5 millions de dollars par la BANAIKO NAK ou la B.C.C.I. au PANAMA
contre une commission de 5 % versée au Général.
Au mois de décembre 1983, il avait passé un accord avec Manuel NORIEGA
pour blanchir environ 100 millions de dollars via les banques panaméennes.
À cette occasion, Steven KALISH avait offert à ce dernier plus de
100 000 dollars en espèces et en bijoux. Dans le courant des mois de janvier
et février 1984, il avait encore versé 750 000 dollars à Manuel NORIEGA.
Ces sommes s’étaient ajoutées aux 500 000 dollars payés par Steven KALISH
en septembre et octobre 1983.
Steven KALISH avait reconnu qu’en 1983, le trafic de marijuana auquel il
s’était livré avait généré un chiffre d’affaire de plus de 60 millions de dollars.
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En 1984, Manuel NORIEGA avait reçu à nouveau un million de dollars pour
avoir autorisé le transit par le PANAMA d’une nouvelle livraison de drogue
aux ÉTATS-UNIS.
Pour terminer cette affaire, Steven KALISH aurait dû lui verser une somme
de 3 millions de dollars supplémentaire.
Selon l’enquête américaine, une partie de cet argent était à l’origine des
virements effectués sur les comptes ouverts en FRANCE.
Les enquêteurs, dans le cadre d’une commission rogatoire délivrée par le juge
français, procédaient au blocage du solde des comptes suivants, qui
représentaient un montant total d’environ 15 MF :
« * C.I.C. Agence BG 88, avenue de Breteuil à PARIS 15ème
Mme NORIEGA Felicidad, épouse de Manuel NORIEGA
BG 40 409-19
solde 878 295,85 F
Mme NORIEGA Felicidad
Mlle NORIEGA Loréna, fille de Manuel NORIEGA
compte joint : BG 40 401.62
solde 7 792 002,89 F
Mlle NORIEGA Thays, fille de Manuel NORIEGA
BG 40414-89
solde 33 935,36 F
M. VEGA-TREJO Guillermo, ambassadeur du PANAMA en GRANDEBRETAGNE
BG 40 056-08
solde 57 987,37 F
compte en $ US
solde 3 490,24 F
M. Gaspard WITTGREEN, ambassadeur du PANAMA en FRANCE
BG 40 057-15
solde 95 674,86 F
Compte en dollars
solde 36 $ 02
* BANCO DE BRASIL 49/51 avenue George V PARIS 8ème
Mme Sandra NORIEGA de BEAUCHAMPS
n/ 27.421
en Francs
solde 106 211,60 F
en dollars US solde 26 422,91 $
* B.N.P. Agence St FERREOL 59, rue St Ferréol MARSEILLE
Mlle APARICIO OROCU Nilza, ex-consul général du PANAMA à
MARSEILLE
cpte n/015 34176
solde 5 400 000 F »
Il s’agit des comptes dont le solde créditeur a été confisqué par la décision du
1er juillet 1999 frappée d’opposition.
Les enquêteurs de la Brigade Financière également saisis de l’enquête dans le
cadre de commissions rogatoires délivrées le 11 janvier 1990, le 6 février
1990, le 8 février 1990, les 13 et 17 juillet 1990, étudiaient le fonctionnement
des comptes dont le solde avait été bloqué (D938).
Ils notaient que les comptes bancaires ouverts en FRANCE aux noms de
Manuel NORIEGA, de son épouse Felicidad NORIEGA, de Gaspar
WITTGREEN, ex-ambassadeur du PANAMA en FRANCE et de Nilza
DORIS APARCIO CROCU, ex-consul général du PANAMA à MARSEILLE,
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se caractérisaient par des mouvements de fonds importants, en provenance de
l’étranger, de MIAMI, de NEW-YORK, de LONDRES, de HAMBOURG, de
HANOVRE et de VIENNE.
Ils notaient :
- des virements de comptes à comptes notamment entre Gaspar
WITTGREEN et Felicidad NORIEGA et réciproquement ;
- l’existence de comptes numérotés crédités de sommes substantielles et
de comptes à terme avec virements productifs d’intérêts conséquents ;
- des virements de sommes significatives provenant de l’étranger ayant
servi notamment à l’acquisition d’un patrimoine immobilier.
Ils relevaient ainsi tant au moyen des constatations effectuées sur les
documents saisis que par l’audition des responsables d’établissements
bancaires concernés que :
« - le 14 décembre 1984, la B.C.C.I. à Washington a donné pour instructions à la
B.C.C.I. à Londres de débiter un compte “ prêt ” ouvert au nom de Gaspar
WITTGREEN d’une somme de 200.000 dollars pour la virer à la B.C.C.I. PARIS
sur un compte ouvert au nom de ce dernier pour l’acquisition d’un appartement.
- le 9 janvier 1987, un compte à terme numéroté 0300 1745, ouvert à la B.C.C.I.
à Londres, créditeur d’une somme de 2.193.818 dollars, a été “ cassé ” afin que
soit virée une somme de 20.000 dollars à la B.C.C.I. à PARIS remise directement
et en espèces à Madame Felicidad NORIEGA.
- entre janvier 1985 et octobre 1989, une somme de 900.000 dollars environ, à
laquelle il convient d’ajouter 5 millions de francs a transité sur le compte ouvert
au C.I.C. à PARIS au nom de Gaspar WITTGREEN.
Ces ordres de virement proviennent pour l’essentiel des banques suivantes :
- DEUTSCH SUDAMERIKANISCHE BANK à Miami (plus particulièrement)
- BANCO NACIONAL à PANAMA,
- SECURITY PACIFIC à New York (USA)
- DEUTSCH SUDAMERIKANISCHE à Hambourg (RFA)
- UNION des BANQUES SUISSES à Zurich
- C.I.C. NEW YORK
- B.C.C.I. à Londres
De plus, ont été également relevés deux transferts de fonds importants :
- le 6 mars 1989 - transfert de la somme de 376.830 dollars provenant du C.I.C.
UNION EUROPEENNE INTERNATIONALE ET COMPAGNIE - New York - sur
le compte ouvert au C.I.C. à PARIS, au nom de Gaspar WITTGREEN, puis
reversement sur un compte ouvert même nom, auprès de la DIE ERSTE
OSTERREICHISCHE SPARKASSE BANK à Vienne (Autriche).
- le 22 mars 1989 - transfert d’une somme de 230.000 dollars, venant du C.I.C.
à New York, transitant selon les mêmes modalités que précitées sur le compte
C.I.C. ouvert à PARIS, puis reversés sur le même compte ouvert à Vienne.
Par ailleurs, sur le compte ouvert au nom de Manuel NORIEGA, au C.I.C.
à PARIS, il est plus particulièrement apparu qu’entre mars et juillet 1985, une
somme de 950.000 dollars lui avait été créditée, au moyen de trois virements
provenant respectivement du C.I.C. à New York et de la B.C.C.I. à Londres.
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Les intérêts cumulés de cette somme l’ont porté à 1.230.000 dollars,
transférés le 10 avril 1989 sur un compte ouvert dans le même établissement
(C.I.C. Paris) au nom de Madame ou Mademoiselle NORIEGA.
En décembre 1989, sur instructions de Madame NORIEGA, ces 1.230.000
dollars étaient convertis en francs afin que soient émis deux chèques en faveur de
Mme APARICIO CROCU Nilza Doris, à Marseille (compte ouvert à ce nom
bloqué à hauteur des deux chèques émis de 4.800.000 frs et 600.000 francs,
représentant d’ailleurs les deux seuls mouvements enregistrés sur ce compte. Le
complément de la somme initialement évoquée devait être transféré à
Luxembourg, au profit de l’Ambassade du Panama. Mais cette opération n’a pas
été réalisée (compte bloqué).
Pour illustrer la complexité des mouvements de fonds enregistrés et destinée
à masquer leur origine, il a été également constaté que :
- le 27 juillet 1989, sur le compte ouvert au C.I.C. à PARIS, au nom de Gaspar
WITTGREEN, a été versé un chèque de Banque tiré sur la Banque Veuve Morin
Pons.
- le 14 septembre 1989, un autre chèque de banque, tiré sur le même établissement
(Banque Veuve Morin Pons) a également été versé sur le compte C.I.C. ouvert au
nom de Gaspar WITTGREEN.
- Enfin, le 26 septembre 1989 a été versé toujours sur le même compte une somme
de 1.891.260 francs, mais tiré sur la Banque de France par la Banque Paribas.
Des investigations effectuées à ce sujet, il est apparu que les deux chèques de
banque émis par la Banque Veuve Morin Pons ont pour origine et donneurs
d’ordres les succursales de la DEUTSCH SUDAMERIKANISCHE BANK, situées
à Panama et à Hambourg.
Pour ce qui concerne le chèque de banque émis par Paribas, il a pour
donneur d’ordre la DEUTSCH SUDAMERIKANISCHE à PANAMA.
Il est à noter que, par la suite, ces différents montants ont été versés par
Gaspar WITTGREEN sur le compte C.I.C. ouvert au nom de Madame NORIEGA
à PARIS. »
Les enquêteurs de la Brigade Financière notaient également que trois
appartements situés à PARIS avaient été acquis directement ou indirectement
par les membres de la famille NORIEGA et leurs proches :
« 1) au nom de Madame NORIEGA Felicidad née SIEIRO
le 12 janvier 1983, un appartement situé au 21ème étage de la Tour TOTEM à
Paris 15ème, 55 63 quai de Grenelle, a été acheté par Madame NORIEGA, au
prix de 2.500.000francs. Il s’agit du lot 130 (21ème étage) du lot 285 (cellier 4ème
étage) et d’un parking en sous sol niveau 2.
2) au nom de la société CAPRICORNIO INTERNACIONAL S.A.
En décembre 1984, un appartement situé au 91 93 quai d’Orsay à PARIS 75007,
a été acheté au nom de la société CAPRICORNIO INTERNACIONAL S.A., par
son représentant et mandataire en France, Gaspar WITTGREEN. Il s’agit du lot
numéro 18, 4ème étage (appartement) et 7ème étage (deux chambres de service dépot de malles - cave - box)
Pour réaliser cette opération, Gaspar WITTGREEN a versé un premier chèque
de 150.000 francs, tirés sur un compte ouvert à son nom à la B.C.C.I. à PARIS.
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Puis, un second chèque de 2.850.000 francs a également été tiré sur un compte
ouvert à la B.C.C.I. à PARIS au nom de la société CAPRICORNIO
INTERNACIONAL S.A.
Mais il est apparu par la suite que ce compte CAPRICORNIO avait été crédité
selon un ordre de virement provenant de la B.C.C.I. à Londres, et tiré sur un
compte “prêt” ouvert au nom de Gaspar WITTGREEN, créditeur de
400.000 dollars. Que ce compte prêt était garanti par un autre compte numéroté,
appartenant en fait à NORIEGA, et lui-même créditeur à l’époque de la somme
de 695.000 dollars.
Ainsi, le lien étroit entrer le prêt obtenu par Gaspar WITTGREEN et la garantie
donnée par Manuel NORIEGA, sans qui cette acquisition n’aurait pas été
possible, montre bien qu’il s’agit en fait d’un montage financier destiné à
masquer la véritable identité du propriétaire de l’appartement incriminé, lequel
selon toute vraisemblance est Manuel NORIEGA, par personne ou société
interposées.
- au nom de la société GASWITT INVESTMENT
(dont le siège social est également à Panama et dont le Président est Gaspar
WITTGREEN)
En octobre 1982, un appartement sis 228 rue de l’Université à PARIS 75007 a été
acquis par la société Gaswitt Investment, au prix de 1.810.000 francs. La société
précitée étant représentée par Gaspar WITTGREEN.
Le financement de cette opération a été effectué au moyen de chèques de banque,
tirés sur la Banque Nationale de Paris, avec pour donneur d’ordre la Deutsch
Sudamerikanische à Hambourg. En l’état, il n’a pas été possible de remonter plus
avant les investigations.
Cependant, compte tenu des relations étroites révélées dans le cadre de cette
enquête, notamment par des mouvements de fonds importants entre les comptes
“WITTGREEN et NORIEGA”, il est possible que l’achat de l’appartement précité
ait été effectué au moyen de fonds dont l’origine entre bien dans l’objet des
investigations en cours. »
Ces trois acquisitions d’appartements faisaient l’objet de réquisitoires
supplétifs des 25 juin 1990 et 17 juillet 1990 du chef de recel de trafics de
stupéfiants (D229, D235).
Les enquêteurs de la Brigade Financière établissaient un tableau synoptique
des opérations financières de blanchiment et des schémas détaillés de certaines
filières (D948 à D952).
Dans le cadre d’une autre commission rogatoire délivrée le 11 janvier 1991,
les enquêteurs de la Brigade Financière, qui continuaient à enquêter sur les
comptes susvisés, s’intéressaient aux opérations créditrices ayant pu avoir les
ÉTATS-UNIS pour origine et dressaient le 22 mars 1991 un procès-verbal
récapitulant ces opérations (D9797) :
« En date du 14.12.84 ordre de versement de 200 000 dollars de la B.C.C.I.
Washington à la B.C.C.I. Londres puis à la B.C.C.I. Paris sur le compte de
Gaspar WITTGREEN relativement à l’achat de l’appartement situé 93, quai
d’Orsay Paris 7ème :
Le 14-12-1984 Mr Amjad AWAN gestionnaire des affaires de Manuel NORIEGA
à Washington, a donné l’ordre à la B.C.C.I. londres 45, Edgware Road W2
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Jugement n° 14
Londres de débiter le compte numéroté 0101571 de 200 000 Dollars pour les
créditer sur le compte, de Mr Gaspar WITTGREEN ambassadeur du Panama, à
la B.C.C.I. Paris.
Ce virement était garanti par un dépôt de 695 270 dollars sur un autre compte
numéroté 03001734 également à la B.C.C.I. Londres.
Ces comptes numérotés appartiennent vraisemblablement à Manuel NORIEGA
comme le laissent supposer les déclarations de Mr CALIOUNGHI, Directeur
B.C.C.I. Paris (audition du 23.5.90 P-V 127 1er envoi) et les annotations du
document placé sous Cote N/ 33.
La B.C.C.I. ne disposait à Washington que d’un bureau de représentation et ne
tenait aucun compte client.
Mr Amjad AWAN est actuellement détenu à la Maison Fédérale de EL RENO
AKLAHOMA Etats-Unis.
En date du 6/3/1989 transfert de la somme de 376 830 Dollars du C.I.C. NewYork au C.I.C. Paris.
Ce versement a eu pour origine la B.C.C.I. Paris d’ordre de Mme NORIEGA
Felicidad pour être crédité sur le Compte N/ 38 BG 140005715 WITTGREEN au
C.I.C. Paris.
S’agissant d’un versement en dollars cette opération s’est faite par un compte de
“clearing”, compte interne du C.I.C. à New-York pour toutes les opérations en
dollars.
En date du 7 mars 1989 transfert de la somme de 230 000 Dollars du C.I.C.
New-York au C.I.C. Paris, compte WITTGREEN.
Ce versement a pour origine L’Union des Banques Suisses à Londres sur un ordre
de SHIN SHIN and Co à Panama après avoir transité, l’opération s’étant faite en
dollars, par un compte de passage à la Chase Manhattan Bank et le C.I.C. NewYork, puis crédité au C.I.C. Paris sur le compte WITTGREEN.
En date du 26 Septembre 1989 émission d’un chèque d’un montant
1 891 260 Frs par la Banque PARIBAS au profit de Gaspar WITTGREEN : (Cote
N/ 28)
Ce virement provient d’une somme de 1 999 500 Frs précédemment virée par la
Manufacturers Hanover Trust New-York sur la Manufacturers Hanover France
puis au compte Deutsche Sudamerikanisch Bank dans les livres de la Banque
PARIBAS.
Le compte d’origine mouvementé à la Manufacturers Hanover Trust New-York
270, Park Avenue New-York n’a pu être identifié.
Par contre le numéro de l’opération M T I 641006 à la Manufacturers Hanover
France (audition Mr DANAN- Cote N/ 35).
En date du 14 Mars 1985 un virement de 9 000 Dollars sur le compte 23 BGI
4018195 de Manuel NORIEGA au C.I.C. Paris :
L’origine de ce versement est un ordre de Gaspar WITTGREEN à la B.C.C.I.
Paris qui a crédité le C.I.C. New York pour le compte du C.I.C. Paris.
En date du 27 Mars 1985 un virement de 843 249 dollars sur le compte de
Manuel NORIEGA au C.I.C. PARIS :
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Jugement n° 14
L’origine de ce versement est un ordre de Manuel NORIEGA au C.I.C. Londres
qui a crédité le C.I.C. New-York pour le Compte C.I.C NORIEGA à Paris.
En date du 11 Juillet 1985 un virement de 99 990 dollars sur le compte de
Manuel NORIEGA au C.I.C. PARIS :
L’origine de ce versement est la B.C.C.I. Londres qui a crédité le C.I.C. New-York
pour le compte de NORIEGA C.I.C. Paris. »
Dans le cadre de leur mission d’assistance à l’exécution de la commission
rogatoire internationale délivrée le 27 mai 1991 aux autorités judiciaires
américaines, les enquêteurs de la Brigade Financière effectuaient par ailleurs
du 17 au 25 septembre 1991 une mission auprès des autorités judiciaires et
policières des ÉTATS-UNIS à WASHINGTON, NEW-YORK et TAMPA en
présence du magistrat instructeur et d’un représentant du Parquet.
Ils résumaient ainsi les principaux résultats de cette mission (D994) :
« MISSION A WASHINGTON LES 18 ET 19 SEPTEMBRE 1991
# Le 18 septembre 1991 dans la matinée nous nous sommes transportés au
Quartier Général de D.E.A. 700 Lincoln Place à PENTAGONE CITY (VIRGINIE)
où nous avons rencontré Mme Cindy CHRISFIELD, Senior Attorney Chief
Counsel et Mme Lenora SOWERS, Intelligence Research Specialist de la
Financial Investigative Section du D.E.A.
Sur place, les analyses de mouvements financiers aboutissant sur les comptes
ouverts en FRANCE aux noms de Manuel NORIEGA, sa famille et Gaspar
WITTGREEN et découverts au travers de l’enquête menée aux ETATS-UNIS nous
ont été expliqués.
Plus particulièrement, il nous a été indiqué qu’un compte “prêt” ouvert au nom
de Manuel NORIEGA à la BANK OF CREDIT AND COMMERCE
INTERNATIONAL (B.C.C.I.) De LONDRES (ROYAUME-UNI) agence de
Edgeware Road sous le numéro 140 00361 avait servi à l’acquisition d’un
appartement sis à PARIS quai d’Orsay.
D’après une lettre signée de Manuel NORIEGA en date du 6 septembre 1984 et
adressée à la B.C.C.I. LONDRES, les intérêts et le remboursement de ce compte
prêt devaient être réglés par les intérêts servis sur quatre autres comptes ouverts
à la B.C.C.I. LONDRES aux noms de :
- Manuel NORIEGA compte agence Edgeware Road n/ 030 01734
compte agence Cromwell N/ 030 16120
- Felicidad NORIEGA compte agence Edgeware Road n/ 030 01745
compte agence Sloane n/ 030 08864.
Il nous était également précisé que le compte 030 01734 de Manuel NORIEGA
avait servi de garantie au compte prêt 140 00361.
Par ailleurs l’enquête américaine a permi de démontrer que les quatre comptes
de Manuel et Felicidad NORIEGA à la B.C.C.I. LONDRES précités avaient été
en grande partie directement et indirectement crédités à l’aide de versements
espèces (CASH) sur des comptes de Manuel NORIEGA ouverts à la B.C.C.I. de
PANAMA CITY.
Nous était aussi indiqué que le compte à la B.C.C.I. LONDRES agence Ldn Hall
numéro 010 10571 avait pour titulaire Manuel NORIEGA...
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# Le 18 septembre 1991 dans l’après-midi, un rendez-vous était obtenu à
l’U.S. DEPARTMENT OF JUSTICE de WASHINGTON, OFFICE OF
INTERNATIONAL AFFAIRS avec Mr David FORD, Trial Attorney, afin de
déterminer dans quelles conditions les documents examinés le matin pouvaient
être saisis.
Mr FORD nous a alors fait savoir :...
- que le tableau de synthèse sur les mouvements ayant crédité les quatre
comptes précités ouverts aux noms de Manuel et Felicidad NORIEGA à la
B.C.C.I. LONDRES pouvait nous être remis...
# Le 19 septembre 1991 un nouveau transport au Quartier Général du D.E.A.
était effectué au cours duquel Mme Lenora SOWERS nous remettait :
- Le tableau récapitulatif des mouvements ayant crédités les comptes numéros
030 01734, 030 01745, 030 16120 et 030 08864 ouverts aux noms de Manuel et
Felicidad NORIEGA à la B.C.C.I. LONDRES.
- La liste des transferts de fonds “NOIREGA” vers PARIS connue des
autorités américaines...
MISSION A NEW YORK DU 20 SEPTEMBRE 1991
# Dans la matinée, un rendez-vous avait lieu avec Mr Michael HOROWITZ,
Assistant U.S. Attorney du Southern District of NEW YORK de L’U.S.
DEPARTMENT OF JUSTICE, lequel nous indiquait qu’un “supplina” avait été
livré par les autorités judiciaires new yorkaises nous autorisant à nous faire
remettre tous les documents utiles par la MANUFACTURERS HANOVER TRUST
COMPANY (M.H.T) de NEW YORK.
En sa présence, contact était alors pris avec les responsables de la
MANUFACTURERS HANOVER TRUST COMPANY NEW YORK à savoir Mme
Maureen KINGSTON STEIN, Vice-Président and Senior Counsel et Mr Michael
DELLA JACOMO, Assistant Vice-President.
Nos demandes concernant l’ordre de virement en date du 8 septembre 1989 d’un
montant de 1.999.500 FF du compte 050005000 ouvert à la M.H.T PARIS au nom
de la M.H.T NEW YORK vers le compte 89 2500022-251FR 1513 ouvert à la
banque PARIBAS (PARIS) au nom de la DEUTSCHE SUDAMERIKANISCHE
BANK PANAMA (D.S.B), leur était à nouveau indiquées, étant précisé que le
donneur de cet ordre était la M.H.T NEW YORK sous la référence MTI F 641006.
Les représentants de la M.H.T s’engageaient à nous fournir toutes explications
utiles sur l’origine de ce mouvement dans les meilleurs délais.
# Dans l’après-midi, un second contact avait lieu avec les représentants de
la M.H.T lesquels déclaraient que l’opération avait pour origine la D.S.B
PANAMA CITY.
En effet, cette banque s’était adressée à une banque américaine, dont la raison
sociale est encore ignorée, afin d’effectuer une opération de change de U.S.
dollars en francs français pour un montant de 2.000.000 FF.
La banque américaine ne disposant pas de cette somme en francs s’est adressée
à la M.H.T NEW YORK qui a alors procédé au change et a transféré sur
instructions de la D.S.B. PANAMA les 2.000.000 FF sur PARIS à la banque
PARIBAS.
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Jugement n° 14
Pour les représentants de la M.H.T NEW YORK le donneur d’ordre de cette
opération est la D.S.B PANAMA. Ils prenaient alors l’engagement envers Mr
HOROWITZ de lui remettre dans les meilleurs délais les documents relatifs à cette
opération afin que ce dernier nous les communique par la suite.
MISSION A TAMPA LES 23 ET 24 SEPTEMBRE 1991
Au cours de notre déplacement à TAMPA nous nous sommes transportés au
FEDERAL BUILDING de la ville où il a été procédé à l’examen des documents
relatifs aux poursuites engagées contre Manuel NORIEGA dans cette cité...
A notre demande, nous ont été remis les documents suivants :
- Liste des comptes de NORIEGA hors des ETATS-UNIS connu des
enquêteurs américains.
- Liste des personnes et sociétés en relation avec Manuel NORIEGA.
- Identités complétes de Amjad AWAN et Nazir CHINOY, conseillers
financiers de NORIEGA.
Il nous a par ailleurs été précisé :
- que Nazir CHINOY, financier de NORIEGA et ancien responsable à la
B.C.C.I PARIS était actuellement incarcéré à TAMPA dans le cadre des
poursuites engagées aux ETATS-UNIS contre la B.C.C.I et que son audition était
impossible avant l’achèvement du procès de Manuel NORIEGA à MIAMI,
- que Syed AKBAR, financier de NORIEGA et ancien responsable de la
B.C.C.I LONDRES avait été interpellé à CALAIS (FRANCE) début septembre
dans le cadre de l’affaire B.C.C.I et qu’une demande d’extradition vers les
ETATS-UNIS le concernant était en cours. Syed AKBAR aurait antérieurement été
interpellé en GRANDE BRETAGNE puis remis en liberté début septembre d’où
il avait gagné la FRANCE directement,
- que les sociétés DIANDRA S.A, LORSANTHA S.A et CAPRINA S.A ayant
leurs sièges à PANAMA étaient directement ou indirectement des entreprises de
Manuel NORIEGA,
- que Amjad AWAN, ancien General Manager de la B.C.C.I PANAMA CITY
fut le banquier personnel de Manuel NORIEGA de 1982 jusqu’à son arrestation
à TAMPA en 1988. »
Dans le cadre de cette commission rogatoire internationale, les autorités
américaines faisaient parvenir au magistrat instructeur des résumés des
déclarations de témoins entendus dans le cadre de l’enquête américaine
(D1074 à D1077).
Les enquêteurs de la Brigade Financière chargés d’exploiter tous ces premiers
renseignements obtenus dans le cadre de l’exécution de cette commission
rogatoire internationale mettaient en évidence (D1094) :
• l’alimentation en versements “ cash ” des comptes B.C.C.I. de Manuel
NORIEGA au PANAMA ;
• le transfert de sommes à partir de ces comptes panaméens B.C.C.I. sur
des comptes NORIEGA WITTGREEN à la B.C.C.I. à PARIS ou au C.I.C à
PARIS.
Les policiers établissaient trois tableaux reconstituant le circuit
d’approvisionnement des comptes NORIEGA à partir des comptes londoniens
et panaméens, ces derniers alimentés préalablement et en partie par des
versements cash (D1095, D1096, D1097).
Ils concluaient (D1094) :
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Jugement n° 14
« De la lecture de ces tableaux annexés au présent procès-verbal, il ressort que
du 21.12.83 au 20.6.86 au moins 7 Millions de dollars ont été versés en “Cash”
sur des comptes panaméens NORIEGA qui ont alimenté eux-mêmes pour au moins
la somme de 4 Millions de dollars les comptes NORIEGA B.C.C.I. Londres et
notamment le compte N/ 03001734.
Ce compte a garanti un prêt de 400 000 dollars consenti par la B.C.C.I. Londres
pour l’achat d’un appartement à Paris 93 quai d’Orsay.
Ce prêt devait être remboursé par les intérêts des comptes 03016120 -03001734
-03008864. Comptes qui ont été approvisionnés après une série d’opérations
bancaires par de l’argent “Cash”.
Par ailleurs des sommes d’argent débitées de ces comptes londoniens ont été
créditées sur les comptes en France de Manuel NORIEGA, Sandra NORIEGA et
Gaspard WITTGREEN, pour un montant d’environ 5 M.F. »
Les services de police établissaient qu’ultérieurement cette somme de 5 MF
portée au crédit de ces comptes français avaient, entre le 4 août 1988 et le 13
décembre 1989, fait l’objet de divers virements sur des comptes qui avaient
fait l’objet d’un blocage (D1103, D1105).
Les enquêteurs se faisaient également remettre deux courriers du 19 janvier
1982 adressés à Amjad AWAN qui gérait les comptes de Manuel NORIEGA
à la B.C.C.I., l’un manuscrit en langue espagnole précisant les conditions de
fonctionnement de ces comptes sur lesquels sont versés les fonds secrets de
la Garde Nationale, l’autre dactylographié sur du papier à en-tête de la Garde
Nationale de la République de PANAMA, par lequel il est demandé que le
compte recevant les fonds secrets de la Garde Nationale sera ouvert à son nom
et géré dans une totale confidentialité et le plus parfait secret et sera ouvert
dans tout pays où cette possibilité existe (D1229).
Les enquêteurs effectuaient également une étude des résumés des déclarations
de témoins cités dans le procès NORIEGA aux ÉTATS-UNIS transmis par les
autorités américaines (D1106) :
« Relevons comme suit parmi ces témoignages les phrases concernant la
participation de Manuel NORIEGA a un trafic de drogue entre le Panama et les
USA.
1/ Témoignage de RICARDO BILONICK
qui a importé par Vol Inair de la Cocaïne aux USA le 15 juin 1984 avec
NORIEGA, il travaillait en 1975 à l’Ambassade du PANAMA à WASHINGTON.
En juin 1980 un avion confisqué pour avoir transporté de la drogue est vendu à
BILONICK qui verse à NORIEGA 20 000 Dollars en espèces et sans reçu ; il l’a
fait à 10 ou 12 reprises.
Ricardo transporte l’argent obtenu des ventes de cocaïne aux USA au PANAMA
; il rencontre MINOZ Pachita, homme proche de NORIEGA ; et effectue 4 vols
hebdomadaires représentant 15 à 20 Millions $ par semaine au début puis 50 à
60 Millions $ par semaine. L’argent est remis à Julio CESAR.
En 1981 Martha OCHOA soeur de Jorge et Fabito est enlevée. La famille
OCHOA prend contact avec MANUEL NORIEGA qui est en contact avec le M19
; RICARDO BILONICK est l’intermédiaire et propose 175 000 $ à Noriega ;
pendant ce temps la famille OCHOA quitte MEDELIN (Colombie) et se rend au
PANAMA ; la veille de la libération de Martha OCHOA il est remis à NORIEGA
1,2M $.
Le 23.12.81 BILNICK achète la compagnie aérienne INAIR 3M $.
Pablo ESCOBAR a un accord avec NORIEGA le 28.02.82.
Noriega doit laisser le libre atterrissage, le transbordement et le silence ;
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Jugement n° 14
plusieurs personnes du cartel ont rencontré NORIEGA à deux reprises au
PANAMA.
INAIR commence à assurer les vols à partir de novembre 1982 concernant le
rapatriement des dollars USA.
Le premier Vol-Cocaïne d’INAIR date de décembre 82, un vol par mois est assuré
jusqu’en juin 1984 ; 19 vols protégés d’INAIR passent par le PANAMA. Pablo
ESCOBAR et Jorge OCHOA indiquent que NORIEGA est payé 500 000 $ par
voyage, ces paiements garantissent un terrain d’atterrissage sûr et un transit sans
encombre dans les rues, routes, autoroutes panaméennes.
Noriega a reçu 500 000 $ pour arranger un problème de saisie au Panama par
la Police de 550 Kilos de Cocaine.
INAIR est utilisé pour transporter de l’Ether entre les Etats-Unis et le PANAMA,
deux chargements en février et avril 1984.
Fin 1984, la famille OCHOA se trouve au PANAMA avec Pablo ESCOBAR, Jorge
OCHOA avait obtenu de NORIEGA un passeport Panaméen.
Le 15 juin 1984 le département d’aviation civile suspend le certificat
d’exploitation d’INAIR et contre 2 M $ NORIEGA s’engage à autoriser à nouveau
les vols.
w w w w w
2/ Témoignage de Carlos LEHDER
Originaire d’Amenia ville proche de MEDELIN comme Pablo ESCOBAR et Jorge
OCHOA ; expulsé des USA il se lance dans le trafic de voitures de luxe et ainsi
rencontre en 70 ESCOBAR ; et devient un des chefs du cartel de MEDELLIN dans
les années 1980 se chargeant du trafic entre Colombie et USA de la cocaine.
Durant les années 70, les colombiens disposent d’opérateurs aux USA qui se
chargent de la réception et distribution de la cocaine, cela représente une route
précise qui passe par les BAHAMAS avec le chef de la police corrompu. Fin des
années 70 début 80, le PANAMA n’est pas utilisé comme un lieu de
transbordement de la cocaïne, mais beaucoup de trafiquants ont des intérêts
financiers au PANAMA ou société et comptes bancaires, à l’époque ils savent que
NORIEGA est un fonctionnaire de Police corrompu lié au “G-2” et à la Police
des Stupéfiants.
En novembre 1981 la soeur de Jorge OCHOA est enlevée par le M-19, à cette
époque la DEA a neutralisé le trafic via les Bahamas de LEHDER ; les
trafiquants découvrent une liste des 90 plus importants et riches trafiquants que
le M 19 veut enlever pour obtenir l’argent destiné à financer sa révolution
communiste ; ESCOBAR et LEHDER figurent sur cette liste. Les trafiquants sont
inquiets au sujet de ces enlèvements, cela a pour conséquence d’unir les groupes,
et ils créent un groupe dénommé “MAS” (Mort aux Ravisseurs) pour lutter contre
le M 19. Cette guerre entre le M-19 et les trafiquants n’est pas de longue durée
et une médiation se déroule à Panama-City, et NORIEGA amène son assistance
afin d’établir une trêve, et la famille OCHOA verse 200 000 $ à NORIEGA pour
son assistance ; la somme versée pour la libération de Martha OCHOA et de
1M$. Martha OCHOA est libérée le 17.02.82, indemne et les trafiquants sont
extrêmement reconnaissants avec NORIEGA. C’est ainsi que les trafiquants
unifiés ont été appelés “Cartel de MEDELLIN”.
La direction du Cartel est composée de 4 patrons de mafia et de 5 trafiquants
professionnels. Le volet Mafia est composé de Pablo ESCOBAR, Gustavo
GAVIARA, le Mexicain et Rafael CORDONA. Les trafiquants sont : Carlos
LEHDER, Pablo CORRERA, Jorge OCHOA, Alonso CARDENAS et Rodrigo
MURILLO.
En février 1982, Noriéga fait une proposition au Cartel pour la conduite des
affaires au PANAMA ; depuis la fermeture des Bahamas le cartel cherche
désespéremment de nouvelles routes de transbordement. La cocaine s’empile en
Colombie. Les chefs considèrent que le PANAMA est un bon endroit pour le
transit parce que le risque est moindre.
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Vers le 20.03.82, d’autres représentants du Cartel prennent l’avion à destination
de PANAMA pour rencontrer NORIEGA.
Le résultat de cette réunion est l’opération INAIR ; pour 1 000 Dollars par kilo,
NORIEGA accepte de permettre au cartel de transporter la Cocaïne à TOCUMEN
et à d’autres terrains d’atterrissage pour acheminer aux Etats-Unis sur INAIR.
Le “pipeline INAIR” permet au cartel d’acquérir nombre d’installations et de
biens au Panama, notamment des maisons sures, des véhicules. BILONICK a la
responsabilité d’INAIR au PANAMA. Lehder prépare les avions en Colombie et
BILONICH reçoit la marchandise pour le transbordement.
LEHDER estime qu’il y a eu 50 à 52 voyages, environ trois tonnes par mois
pendant plusieurs années, suite à la saisie d’un chargement en Floride INAIR
arrête les vols en juin 1984 parce que la situation devient “torp chaude”.
L’opération INAIR rapproche beaucoup le Cartel de NORIEGA.
Noriéga demande et le Cartel paye en espèces.
Une fois l’opération INAIR conclue, le cartel commence à discuter de l’utilisation
du PANAMA pour le blanchiment de l’argent. Le fait que le PANAMA utilise le
Dollar américain comme monnaie est attrayant. Le besoin de sécurité financière
rend la question du blanchiment cruciale. Entre Mars et juillet 82 des réunions
sont tenues entre les représentants les banquiers, comptables du cartel d’une part
et ceux de NORIEGA de l’autre. En juillet 82, une seconde délégation est envoyée
au PANAMA pour voir NORIEGA en personne. Un accord est passé. En échange
de l’autorisation d’apporter par avion l’argent du cartel à Panama, NORIEGA
reçoit 5% de commission.
La cocaine qui est destinée aux Etats-Unis transite par les Caraibes, par le
Panama, et par le Mexique. Environ 60% de la Cocaine du Cartel passe par le
PANAMA.
Suite à la réunion de juillet 82 avec NORIEGA et de l’accord relatif au
blanchiment d’argent ; le cartel obtient l’utilisation de l’aéroport de Paitilla pour
transiter la cocaïne vers les USA et le Mexique à partir du Panama.
A l’origine, NORIEGA est payé 150 000 Dollars par voyage quelque soit la
quantité transportée. Finalement le prix monte à 200 000 $ par départ effectué à
partir de Paitilla. Outre les envois INAIR qui sont encours, environ 1 000 Kilos
transitent mensuellement par l’aéroport de Paitilla.
Le marché conclu entre NORIEGA et le Cartel, donne aux proches de Noriéga la
possibilité de se faire de l’argent. CAR et FCC assurent le transport aérien de
Cocaine de Colombie au Panama pour le Cartel et pour le compte de Noriéga.
Exception faite des chefs du CARTEL et de NORIEGA personne n’est au courant
de l’étendue des opérations au PANAMA. “Personne d’autres n’était en mesure
d’assembler le Puzzle”.
Entre mai et Juin 1983, ESCOBAR rencontre NORIEGA suite à la saisie d’un
avion au Panama. Un mois plus tard, NORIEGA se rend à MEDELLIN pour
rencontrer les membres du Cartel et le Cartel lui verse 500 000 $.
Dans les registres du Cartel apparait le nom de NORIEGA associé à un paiement.
Lors de cette réunion NORIEGA fournit au Cartel les photos et renseignements
concernant des agents de la D.E.A. en mission au PANAMA. Pendant l’année 83
le “pipeline INAIR” continue de fonctionner.
En 1982, le cartel commence à faire transiter par le PANAMA d’énormes
quantités de produits chimiques destinés à la production de cocaïne. Avec la
protection assurée la le G-2 des DC-4 et DC-6 acheminent l’ether vers les
laboratoires colombiens.
Le 10.03.84 les forces militaires colombiennes font un raid sur un laboratoire
causant la destruction de 15 ou 20 tonnes de Cocaïne ; le cartel décide de passer
un nouvel accord avec “notre protecteur au Panama, l’officier NORIEGA” afin
de construire un laboratoire au Panama, une délégation du Cartel se rend au
Panama et LEHDER apprend que NORIEGA avait accepté la construction du
laboratoire moyennant 5 Millions de $ et 1 million supplémentaire pour utiliser
le PANAMA comme abri. Dans les douze jours suivants le Cartel installe le
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laboratoire au Panama à DARIEN, le laboratoire commence à fonctionner
immédiatement.
Le 30.04.84 le Cartel fait assassiner le ministre de la Justice Colombienne. Le
Gouvernement Colombien déclare la guerre au Cartel. Suite au meurtre 90 % du
cartel déménage à Panama City.
En mai 1984, 3 réunions ont lieu entre le CARTEL et NORIEGA au PANAMA.
Noriega manifeste son intention d’investir dans le Cartel pour prendre une part
plus importante dans les opérations cela rend ESCOBAR très inquiet parcequ’il
a l’impression d’être excroqué par NORIEGA.
Mi 84, des problèmes interviennent entre le Cartel et NORIEGA notamment un
raid sur le laboratoire de DARIEN au PANAMA, aussi plusieurs membres du
Cartel quittent le PANAMA pour la Colombie, le Nicaragua.
En juin 84 le différend entre le Cartel et NORIEGA fait l’objet d’une médiation
de La HAVANE, Fidel Castro Intervient pour NORIEGA et Alphonse LOPEZ pour
le Cartel, NORIEGA rembourse 2 Millions $ sur les sommes versées pour la
protection. Par la suite la Cocaine transitait par CUBA.
w w w w w w w w
3/ Témoignage de Floyd CARLTON
Il avait fait la connaissance de NORIEGA en 1967 ; travaille au Panama en 1972
pour “Aviones de Panama” dont l’un des propriétaires est BILONICK. Il a
l’habitude de servir de pilote à NORIEGA. En 1980 il assure des transports
d’armes pour le Salvador avec la protection de NORIEGA.
César et Carlton sont contactés par le Cartel pour transporter de la cocaine en
septembre 82, évoquant que NORIEGA était le “parrain” de Carlton. Floyd
rencontre Noriéga puis prend contact avec le Cartel (Pablo Escobar, Gustavo
Gaviria) et décident que 300 à 400 Kg par vol seront transportés de Colombie au
Panama, moyennant 400 $ par Kilos. Floy rencontre NORIEGA qui l’interroge
sur la part qui doit lui revenir. Le Cartel Propose 30 000 à 50 000 $ à Noriéga
pour autoriser les vols ; NORIEGA demande 100 000 $ par l’intermédiaire de
Floyd.
Pour le second voyage en début décembre NORIEGA demande 150 000 $ et
ESCOBAR proteste disant il y a toujours des problèmes avec le Panama.
NORIEGA donne son accord à Pablo ESCOBAR pour faire venir les dollars de
la drogue des USA au Panama par avion (Jet LEAR 25).
En mai 1983, NORIEGA fait saisir l’avion et reçoit pour sa restitution
250 000 Dolalrs.
En Mai 83, NORIEGA reçoit 150 000 $ d’avance pour un vol de 400 ou 500 K de
cocaine.
En Aout 1983, ESCOBAR régle 500 000 Dollars à NORIEGA pour Libérer un
chargement qui s’était effectué sans l’autorisation de NORIEGA et saisi par les
forces de défense du Panama.
Le 4/ Vol en décembre 84 : Noriéga dit que cela sera le dernier vol et NORIEGA
augmente le prix et passe à 200 000$.
NORIEGA souhaite stopper son activité depuis sa nomination comme Général et
commandant en chef des Forces Panaméennes.
En mai 1984, ESCOBAR dit à Floyd qu’il a payé 4 Millions $ à NORIEGA pour
acheter une protection pour les personnes du cartel de Cali et Médellin (75
personnes).
Fin mai 84, Floyd emmene ESCOBAR au NICARAGUA et la drogue est
déménagée au NICARAGUA.
Un vol a lieu en direction du Panama en Juin 84 pour 1500 Kg de cocaïne.
En juin 84 NORIEGA fait libérer BILONICK.
En février 1986, CESAR parle d’un bateau destiné aux USA qui a été saisi par
NORIEGA et contenait 700 ou 800 Kg de cocaïne.
NORIEGA serait le propriétaire d’un avion NK289/R qui transporte de la drogue.
Carlos WITTGREEN gére les affaires de NORIEGA.
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4/ Témoignage d’AMJAD AWAN
Il a commencé à travailler à la BCCI en 1978 ; c’est en 1978 ou 1979 qu’il fait
la connaissance de NORIEGA à LONDRES parce que la BCCI souhaite une
licence bancaire à Londres.
En 1981, il est envoyé au PANAMA et renoue des relations avec NORIEGA et
essaye d’obtenir des affaires auprès du gouvernement ; les comptes du
gouvernement sont à la Banco Nationale Panama (BNP) ; il faut un an pour
obtenir l’ouverture d’un compte auprès de NORIEGA. Amjad s’adresse également
à d’autres ministres du gouvernement pour faire ouvrir des comptes mais n’y
parvient pas.
Il ouvre un compte de gestion sur registre à numéro, il le met au nom de
NORIEGA, ce compte est fermé en juillet/aout 88 la date mentionnée est du
19.01.82.
NORIEGA n’ouvre qu’un seul compte, mais pour des raisons de comptabilité
bancaire interne, ce compte se subdivise en comptes ML 22 - ML 13 - ML 14 - ML
20. Le dépôt est de 45 000 $ en liquide.
Marcella TASON et les Officiers du PDF apportent des sommes d’argent, il se
souvient du Colonel JUSTINES. Il apporte une malette ou un paquet. Le dépôt le
plus important dont il se souvient est de 1 Million $ en liquide. Il est possible qu’il
y en ai eu de moins de 100 000 $ mais la plupart des dépôts sont plus importants.
Dans le courant de 1983, le compte est transféré de Panama City à LONDRES.
NORIEGA exprime le souhait d’une confidentialité totale et Awan lui indique
qu’il serait mieux de transférer à Londres, précisant que la confidentialité serait
plus grande qu’à Panama-City.
NORIEGA ne veut pas que le personnel de la banque soit au courant des
transactions. AWAN effectue des virements télégraphiques à Londres. Les quatres
comptes ML recoivent de nouveaux numéros et sont ouverts dans des succursales
différentes.
Awan contrôle les comptes et tous les documents lui sont adressés. Si on le lui
demande, il remet les relevés bancaires à NORIEGA et il en discute avec lui. Il y
a quatre comptes ML et d’autres comptes numérotés. Tous les 2 ou 3 mois, des
officiers du PDF apportent à Awan des dépôts en liquide.
Cette situation se poursuit jusqu’en 1988. Il maintient le contrôle jusqu’en 1988
à partir du Panama et à la fin du mois il montre les relevés de compte à
NORIEGA et lui remets des copies.
Des versements en espèces pour un montant de 3,4 Millions $ à la date du
19.12.1983. Le 27.12.1983, un crédit de 5,4 Millions est ouvert. Les dépôts sont
fait au PANAMA et transférés à LONDRES. Des comptes de la famille NORIEGA
sont ouverts mi-1983. Il existe des transferts du compte de NORIEGA vers le
compte de Felicidad. Des transferts sont effectués vers le compte de “Thays” (sa
fille) pour 308 599 $.
Il existe un transfert du compte NORIEGA sur le compte Felicidad (signé 6.09.84)
concernant une transaction à savoir un emprunt de 400 000 $ pour l’achat d’un
appartement à PARIS pour la somme de 5,3 Mfrs. NORIEGA avait déjà versé une
somme de 150 000 $. L’emprunt doit être garantie par tous les dépôts de Londres.
Le remboursement doit se faire en transférant les intérêts accumulés sur ces
comptes. Awan croit que la somme empruntée a été remboursée dans un délai de
4 à 6 mois.
Il ignore comment NORIEGA a effectué le versement de 150 000 $ d’arrhes ;
Awad visite l’appartement en 1983, Felicidad y habite. Noriéga souhaite fermer
les comptes et tout envoyer au PANAMA ; ils disent que l’argent sera plus en
sécurité à la BCCI LUXEMBOURG. NORIEGA dit que c’est très bien. Le secret
bancaire est mieux gardé au Luxembourg.
L’argent reste au Luxembourg jusqu’en Aout 1988. En Aout NORIEGA demande
la fermeture de ses comptes BCCI. Il y a une enquête sénatoriale secrète sur la
BCCI ; le supérieur d’Awan lui en parle et il en discute avec NORIEGA. Les
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comptes sont transférés à des comptes de la National Bank of Panama. Toutes fois
des comptes se trouvent dans des banques en Suisse et en Allemagne.
Transfert du 26.07.88 de 3,4M$ à l’Union Bank à Zurich.
Transfert de 11,8 Millions $ à la SUDAMERIKANISH BANK à Hambourg du
compte NORIEGA BCCI Luxembourg, somme préalablement transféré de BCCI
Londres avec intérêts cumulés.
Transfert Felicidad NORIEGA de 8,1M$ à Union Bank à Zurich (Suisse) ayant
pour origine BCCI Luxembourg.
Ces opérations se situent entre le 7 ou 10 Aout 88.
Virement de 200 000 $ à la BCCI Paris, Awan ignore s’il est destiné à
l’Ambassade.
En Mars 1984 virement de 500 000 $ à SBS à Genève.
Le 26.02.1985 une somme de 50 000 $ est remise à Gaspar WITTGREEN
Ambassadeur du Panama à PARIS.
Paiement de 5 Millions de Dollars en espèces effectué le 27.04.1988.
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5/ Syed Aftab HUSSAIN
Il travaille de 1985 à 1988 pour la BCCI à PANAMA CITY.
En Aout 1988, il apprend que NORIEGA est titulaire d’un compte à la BCCI.
Marcella TASON avait l’habitude d’apporter entre 200 000 $ et 250 000 $
destinés à être déposés sur le compte et virés télégraphiquement à Paris. Une fois
Syad reçoit 1M $ qui sont apportés par un officier PDF, en octobre ou nouvembre
1985. C’est en 1986 que Marcella TASON livre de l’argent pour la première fois.
Bilgrami le directeur donne les instructions pour le transfert ; ceux-ci sont
destinés à la BCCI Paris ou LONDRES.
En 1988, Syad passe prendre l’argent chez NORIEGA, Felicidad lui remet une
malette de 250 000 $.
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6/ Lénora SOWERS
Elle travaille pour le DEA pendant 19 ans.
NORIEGA a transféré des fonds sur les comptes de Felicidad.
Felicidad par lettre du 26.07.88 au directeur de BCCI Luxembourg de 1 Million
de $ sur le compte de Bank Nationale of Panama à USB Zurich. Le total des
dépôts est supérieurs à 23 M $.
NORIEGA a effectué divers transferts sur le compte de sa femme Felicidad et de
sa fille, le 1/ date d’Avril 84 le dernier de février 1988. NORIEGA transfère 4,8M
$.
Le 26.02.88, 961 790 $ sont retirés du compte du Général NORIEGA ; le montant
est versé à WITTGREEN au CIC Paris et à la FAB WASHINGTON. En janvier
1987, 290 000 $ sortent du compte Félicidad pour être adressés à la BCCI PARIS.
Le montant des sommes déposées sur les comptes de NORIEGA est de 19,4
Millions $. Les espèces représentent 7,1 Millions $.
Tous les virements adressés à Gaspar WITTGREEN sont postérieurs à l’achat de
l’appartement parisien par Noriega effectué le 6 Septembre 1984.
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En résumé :
Il apparait de ces divers témoignages que Manuel NORIEGA était depuis 1982
à au moins fin 1984, directement lié au trafic de Cocaïne entre la Colombie et les
U.S.A. ; percevant sa dime sur chaque passage qu’il autorisait au Panama ; il
était en relation directe avec les dirigeants du Cartel de MEDELLIN ; Manuel
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NORIEGA leur a assuré sa protection, il a facilité le trafic de cocaïne, mais aussi
le rapatriement des produits de ce trafic dollars venant des Etats-Unis.
D’importantes sommes ont été déposées sur des comptes numérotés ouverts par
NORIEGA ou membres de sa famille à la BCCI Londres essentiellement, près de
20 Millions de Dollars.
Dans ces témoignages il ressort accessoirement qu’une partie des sommes de
NORIEGA gérées par la BCCI à Londres ont été transférées pour diverses raisons
de condidentialité à BCCI LUXEMBOURG, et dans des banques Suisses ou
Allemandes ; et concernant la France essentiellement l’acquisition d’un bien
immobilier en 1984. »
Ultérieurement les autorités américaines communiqueront au magistrat
instructeur français les témoignages sus-visés dans leur intégralité (Tomes 5,
6 et 7 en anglais, traductions tomes 8, 9 et 10).
En conséquence un résumé plus long des déclarations de ces personnes
figurent aux pages 8 et suivantes de l’ordonnance de renvoi.
Dans le cadre d’une seconde commission rogatoire internationale délivrée le
25 juillet 1995, le magistrat instructeur obtenait la copie de la décision rendue
le 21 juillet 1992 par le Tribunal du district Sud de Floride aux États-Unis
(D1380, D1501).
Il en résulte que Manuel Antonio NORIEGA a été déclaré coupable de
conspiration en vue d’une entreprise de racket, participation à une entreprise
de racket, conspiration en vue de la distribution de la cocaïne, distribution de
la cocaïne, déplacement entre États dans un but de racket.
Il a été condamné au total à 40 ans d’emprisonnement.
Cette condamnation est aujourd’hui définitive.
Manuel Antonio NORIEGA a purgé sa peine avant d’être extradé vers la
FRANCE.
Manuel NORIEGA était mis en examen le 30 novembre 1995 du chef de
participation à des opérations financières internationales mettant en jeu des
fonds provenant d’infractions à la législation sur les stupéfiants en l’espèce
pour avoir fait transférer entre 1982 et 1989 des fonds déposés sur des comptes
bancaires ouverts au PANAMA provenant du trafic de stupéfiants vers des
comptes ouverts à la BCCI LONDRES qui ont eux-mêmes alimenté des
comptes ouverts à son nom ou au nom de ses proches, faits prévus et punis par
l’article 415 du Code des douanes (D1552).
Il faisait une longue déclaration préliminaire :
« Pourquoi suis-je ici ?
À cause d’une conspiration politique ou d’une confrontation entre les ÉTATSUNIS et la République du PANAMA. »
Il expliquait qu’à partir de novembre 1987, les autorités américaines, surtout
l’administration Reagan et ensuite l’administration du Président Bush avaient
lancé des attaques économiques contre le Panama parce que les fonds
monétaires de la République du PANAMA (des dollars) se trouvent à la
Banque Fédérative de Réserve aux ÉTATS-UNIS.
Les américains avaient donc voulu mettre la main sur les fonds panaméens.
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Il soutenait qu’après la délivrance d’un mandat d’arrêt contre lui en février
1988, le gouvernement du Président Reagan lui avait fait trois propositions
d’abandon des poursuites s’il acceptait de démissionner de ses fonctions au
PANAMA. Il avait refusé et avait finalement été remis début 1990 par le
Nonce Apostolique du PANAMA aux forces armées américaines.
Il prétendait que lors de son procès à MIAMI ses droits avaient été violés.
Il expliquait longuement que, pour différentes raisons, les témoignages retenus
contre lui par les autorités américaines étaient dépourvus de fiabilité pour
avoir été manipulés par les américains ou le Cartel de Cali.
Il produisait des lettres de la DEA certifiant l’assistance et la coopération qu’il
leur avait fournie, son honorabilité et l’exemple qu’il donnait au PANAMA
dans la lutte contre le trafic et le blanchiment d’argent (lettres de 1978, 1983,
1984, D1777, D1787).
De même il faisait état des documents tendant à démontrer que son
administration, après avoir découvert des opérations illégales, avait annulé la
licence de la First Interamerican Bank qui appartenait au PANAMA au Cartel
de Cali (D1370).
Il soutenait que d’autres lettres d’approbation décernées par la DEA à luimême, à la République du PANAMA, à son administration datant de 1986 et
1987, contredisaient les dates et les activités reprochées (D1779, D1781,
D1783).
Il produisait des documents, datant de 1990, se rapportant à des fonds se
trouvant en FRANCE, documents signés par trois procureurs présents à son
procès ; selon lui les procureurs admettaient que les éléments de preuve dont
ils disposaient n’établissaient aucun lien direct entre les fonds spécifiques sur
un quelconque compte bloqué particulier et une opération particulière sur
stupéfiants réalisée par l’accusé NORIEGA ou à laquelle ce dernier aurait
participé au PANAMA il y a quelques années ; aux termes de ces documents
le gouvernement des ÉTATS-UNIS demandait au gouvernement français de
débloquer les comptes puisqu’il n’avait pas de preuve directe établissait que
l’argent en question fût le produit de trafic de stupéfiants (D1634, D1636).
Manuel NORIEGA faisait également état d’une action en justice intentée par
le gouvernement de la République du PANAMA qui soutenait que l’argent en
question provient des fonds de la République du PANAMA. Selon Manuel
NORIEGA, cela contredisait les accusations selon lesquelles cet argent
proviendrait du trafic de stupéfiants, ce qu’avaient allégué les ÉTATS-UNIS
lors du procès et ce qui avait influencé d’autres gouvernements, celui de la
France par exemple (D1590).
Il soulignait les bonnes relations qu’il avait entretenues avec la FRANCE
depuis 1977, que ce soit au niveau politique, militaire, économique et culturel.
Il ne voulait pas répondre aux 56 questions figurant dans la commission
rogatoire internationale du 25 juillet 1995 (D1302) sous le prétexte qu’il ne
parlait ni le français, ni l’anglais.
De même il ne souhaitait pas répondre à des questions en rapport avec ce qu’il
venait de déclarer.
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Le 19 septembre 1986, l’avocat de Manuel NORIEGA faisait parvenir au
magistrat instructeur les réponses de son client aux questions de la
commission rogatoire internationale (D1374, D1375).
Il résultait de ces réponses à propos des déclarations d’Amjad AWAN les
éléments suivants :
Manuel NORIEGA avait connu Amjad AWAN à LONDRES. Il l’avait
également rencontré à PANAMA comme directeur de l’agence B.C.C.I.
Il n’avait jamais ouvert de compte à l’agence B.C.C.I. du PANAMA mais à
LONDRES. Il n’avait donc pas fait transférer de compte ouvert à la B.C.C.I.
du PANAMA à la B.C.C.I. de LONDRES.
C’était Monsieur AWAN qui prenait en charge les transferts de fonds et la
gestion des transactions de ce compte et d’autres comptes ouverts par d’autres
fonctionnaires du PANAMA.
À la question de savoir s’il était exact que comme l’avait déclaré Amjad
AWAN, les comptes ouverts par Manuel NORIEGA étaient des comptes ML
(manager ledger account) c’est-à-dire des comptes ouverts sur le registre du
directeur, c’est-à-dire des comptes comparables à des comptes numérotés,
dans la mesure où aucun nom n’apparaît dans les registres de la banque,
Manuel NORIEGA répondait n’avoir jamais connu la gestion interne donnée
à son compte et ignorer les termes techniques bancaires.
Tout était fait par Amjad AWAN. La division du compte initial de Manuel
NORIEGA en plusieurs comptes ML2, 13, 14 et 20 comportant eux-mêmes
des sous-comptes à numéros, était le résultat d’une procédure technique
bancaire décidée par Amjad AWAN.
À propos des deux lettres sus-visées du 19 janvier 1982 adressés à Amjad
AWAN, l’une manuscrite en langue espagnole précisant les conditions de
fonctionnement de ces comptes sur lesquels sont versés les fonds secrets de
la Garde Nationale, l’autre dactylographiée sur du papier à en-tête de la Garde
Nationale de la République de PANAMA par lequel il est demandé que le
compte recevant les fonds secrets de la Garde Nationale sera ouvert à son nom
et géré dans une totale confidentialité et le plus parfait secret et sera ouvert
dans tout pays où cette possibilité existe (D1229), il disait que Amjad AWAN
lui avait demandé s’il pouvait lui donner une lettre qui lui était nécessaire
comme attestation dans les dossiers internes à la banque. Il lui avait donné son
accord ; Amjad AWAN avait pris contact avec sa secrétaire à laquelle il avait
dicté les courriers.
Il ajoutait :
« Je veux préciser que les fonds de la Garde Nationale proprement dite, c’est à
dire le budget de la Garde Nationale (frais d’administration, militaires...), en y
incluant le département G2 “intelligence militaire”, étaient gérés par la division
G4 de cette même institution et sous le contrôle du contrôleur général de la
République du Panama, et non pas sous le seul contrôle du G2.
Cet argent déposé dans les comptes était à ma disposition en tant que chef du G2.
et servait pour les dépenses occasionnées par ma charge ( déplacements,
opérations secrètes, toutes missions relatives à mon poste).
Une fois devenu chef de l’Etat, ce compte a été clos, car il n’avait plus de raison
d’être.
Cet argent a été dépensé dans l’intérêt de mon pays. »
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Le magistrat instructeur note dans son ordonnance de renvoi (p. 25) qu’en
réalité l’ouverture de ces comptes secrets au profit de la Garde Nationale
Panaméenne n’était qu’un faux semblant car Manuel NORIEGA avait disposé
de cet argent comme du sien propre.
Manuel NORIEGA reconnaissait avoir effectué des dépôts en espèces à la
banque au PANAMA.
Il ne se souvenait pas si ces dépôts avaient lieu tous les deux ou trois mois
environ.
Il ne répondait pas à la question sur le montant de ces dépôts en espèces (de
45 000 dollars à 2 millions de dollars par dépôt).
Il ne se souvenait pas d’un dépôt de 3,4 millions de dollars le 19 décembre
1983 sur un compte ML20.
Ces espèces provenaient de l’Agence Centrale d’Intelligence (C.I.A.) au
PANAMA.
Manuel NORIEGA ne prévenait pas téléphoniquement Amjad AWAN qu’un
dépôt allait être fait et que quelqu’un allait apporter l’argent à la banque : les
espèces étaient remises personnellement à Amjad AWAN qui s’occupait du
transfert selon son propre système.
Si Amjad AWAN n’était pas au PANAMA, il désignait une personne à
laquelle il fallait donner les espèces.
Les transferts de fonds n’étaient pas effectués par des militaires de la Garde
Nationale dans une valise ou un attaché-case. Il s’agissait là d’une mise en
scène décrite par les procureurs américains, d’une histoire hollywoodienne.
Manuel NORIEGA reconnaissait que les fonds déposés en espèces au
PANAMA étaient ensuite transférés à LONDRES :
« L’argent était déposé au PANAMA, puis transféré ; le banquier AWAN a
toujours été la personne qui décidait de ces mouvements bancaires ; je ne
connaissais rien des sous-comptes, ni de leurs mouvements. »
Il reconnaissait avoir sollicité en septembre 1984 un prêt de 400 000 dollars
auprès de la B.C.C.I. de LONDRES pour acquérir à PARIS un appartement
d’une valeur de 2,3 MF ; il ne se souvenait plus comment le premier acompte
de 150 000 dollars (ou 150 000 F, il ne se souvenait plus) avait été réglé.
Il ignorait comment précisément cet emprunt était garanti, comment il devait
être remboursé, c’était Amjad AWAN qui s’était occupé de tout.
Manuel NORIEGA expliquait qu’Amjad AWAN lui avait conseillé d’ouvrir
plusieurs comptes pour chacun des membres de sa famille afin de faciliter le
paiement des études de ses enfants à l’étranger :
« Il est vrai que je faisais des transferts d’argent en faveur d’autres comptes
appartenant à mes filles et à ma femme lorsque ma famille et mes filles vivaient
et étudiaient là-bas. »
Sur le dépôt en espèces au PANAMA par sa femme, il expliquait que sa
femme avait travaillé pendant 5 ans comme professeur puis comme directrice
d’un institut offrant aux étudiants des bourses du gouvernement.
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Fin 1970, début 1980, le général TORRIJOS avait fait cadeau aux épouses de
son état major d’une somme d’argent qui avait été en partie déposée à la
Banque de Commerce du PANAMA.
Madame NORIEGA avait par ailleurs tiré des ressources de ses affaires
privées sur le marché local et d’exportation au travers de nombreuses sociétés.
Manuel NORIEGA expliquait que si en 1988, les comptes de la famille
NORIEGA à la B.C.C.I. LONDRES avaient été clôturés et que les fonds qui
s’y trouvaient, environ 20 millions de dollars, avaient été transférés à la
B.C.C.I. LUXEMBOURG, c’était sur les conseils d’Amjad AWAN, à cause
des problèmes que la B.C.C.I. commençait à avoir sur le plan international.
C’est Amjad AWAN qui avait procédé au transfert des fonds à la B.C.C.I.
LUXEMBOURG car c’est lui qui connaissait le système bancaire
international.
Manuel NORIEGA reconnaissait qu’en août 1988, il avait été décidé de
clôturer les comptes B.C.C.I. et de faire des dépôts sur des comptes ouverts
dans des banques panaméennes à l’étranger ; il s’agissait de soutenir
l’économie du PANAMA en difficulté à cause de l’embargo des ÉTATSUNIS sur le gouvernement du PANAMA.
C’était la raison des demandes de transferts du 26 juillet 1988 de
3 378 038 dollars et de 8 100 000 dollars de la B.C.C.I. LUXEMBOURG à la
Banco National de PANAMA ouvert à L’U.B.S. de ZURICH, de
11 838 836 dollars de la même banque à la Banco National de PANAMA
ouvert auprès de la Deutsche Sudamerikanische Bank de HAMBOURG.
S’agissant des virements effectués à partir des comptes bancaires de la
B.C.C.I. PANAMA au profit de Gaspar WITTGREEN, ambassadeur du
PANAMA à PARIS (50 085 dollars le 27 février 1985 et 38 100 dollars le 7
mars 1988), il disait :
« Je ne me souviens pas de tous ces détails, mais j’avoue que l’Ambassadeur
WITTGREEN, en sa qualité de chef de mission du Panama, a aidé beaucoup
d’étudiants du Panama à entrer dans les écoles de cuisine, de danse, d’économie,
de mode... à Paris et en Suisse.
C’est ainsi qu’il a pu faire entrer ma fille dans une école de gestion à Paris, après
son diplôme (équivalent au BAC) au Panama, en février 85.
Monsieur WITTGREEN nous a rendu le service de s’en occuper, tant en ce qui
concerne les frais d’inscription que les autres modalités. »
S’agissant des transferts de fonds des comptes NORIEGA ouverts à la
B.C.C.I. PANAMA à destination de la B.C.C.I. LONDRES pour un montant
de 400 000 dollars environ ensuite répartis au profit de l’ambassade du
PANAMA à LONDRES, de Thays, Felicidad et Manuel NORIEGA, il disait :
« Les ambassadeurs et consuls du Panama, de même que les membres du service
étranger, en ma qualité de chef du gouvernement du pays, me rendaient des
services.
En ce qui concerne ces 6 000 dollars, je ne peux pas me souvenir la raison de ce
transfert. J’imagine que cela doit correspondre à une somme que je devais à
l’ambassadeur.
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Dans un souci de plus grande clarté, il serait préférable que vous me fournissiez
des documents qui me permettent de m’expliquer.
En ce qui concerne les transferts faits à ma famille, des explications ont déjà été
données dans les questions antérieures.
Ma famille vivait selon un niveau de vie de famille de chef d’Etat ; mes filles
étudiaient, voyageaient et vivaient comme n’importe quelle autre famille du
monde qui se trouve à ce niveau social.
En 1986, Thays a été envoyée à Paris pour ses études et y a rejoint sa soeur. Nos
projets étaient de déménager pour Paris, à ma retraite. »
Des questions étaient posées à Manuel NORIEGA sur les mouvements
financiers des comptes de Manuel NORIEGA et de ses proches, à savoir le
versement entre le 21 décembre 1983 et le 20 juin 1986 d’au moins 7 millions
de dollars en espèces sur des comptes panaméens de Manuel NORIEGA,
comptes alimentant à hauteur de 4 millions de dollars les comptes ouverts par
Manuel NORIEGA à la B.C.C.I. LONDRES, comptes eux-mêmes débités au
profit des comptes ouverts en FRANCE par Manuel NORIEGA et ses proches
ainsi que par Gaspar WITTGREEN, comptes ayant fait l’objet de la décision
de blocage sus-rappelée à hauteur de 15 MF.
Il lui était précisément demandé si les sommes ayant crédité les comptes
bancaires dont les soldes avaient fait l’objet de la décision de blocage venaient
des comptes ouverts à la B.C.C.I. LONDRES et dans la négative d’indiquer
l’origine des sommes venues créditer ces comptes.
Manuel NORIEGA se contentait de rappeler que dans les années 1988-1989,
les ÉTATS-UNIS avaient autorisé une guerre ouverte à son encontre.
Le Président de la FRANCE avait offert l’asile à sa famille.
Il avait donc préparé l’installation de sa famille en FRANCE.
S’agissant des questions précises sur certains virements dans lesquels était
intervenue la B.C.C.I. PARIS, il répondait que tous les mouvements de fonds
avaient été faits par le banquier selon son propre jugement après que l’argent
ait été remis au PANAMA.
S’agissant du virement de la somme totale de 900 000 dollars entre janvier
1985 et octobre 1989 sur le compte de Gaspar WITTGREEN au C.I.C PARIS,
il disait n’avoir aucun détail sur les comptes de Gaspar WITTGREEN.
S’agissant des réponses de Manuel NORIEGA aux questions concernant son
patrimoine détenu en FRANCE, il disait que son frère Luis Carlos NORIEGA,
diplomate depuis les années 1960 et Président du Tribunal Électoral, pensait,
avant de décéder par crise cardiaque, être nommé en FRANCE où il désirait
prendre sa retraite.
Sa femme et lui avaient été les principaux bénéficiaires de son héritage.
Un mandat d’arrêt international était délivré le 8 novembre 1996 à l’encontre
de Felicidad SIEIRO épouse NORIEGA Manuel des chefs de blanchiment du
produit de trafics de stupéfiants et de participation à des opérations financières
internationales portant sur le produit de trafics de stupéfiants, recel de trafics
de stupéfiants, complicité de ces délits (D1787).
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Un avis de fin d’instruction était notifié aux parties le 20 novembre 1996
(D1789).
Après le rejet le 26 mars 1997 d’une demande d’annulation déposée par
l’avocat de Manuel NORIEGA (D1797 à D1837), ce dernier déposait le 23
avril 1997 une note aux fins de non lieu (D1839).
Il soutenait en particulier que les fonds litigieux provenaient principalement
d’une part des activités de son épouse, d’autre part d’un héritage et enfin des
relations privilégiées qu’il entretenait avec la C.I.A.
Il soutenait que les déclarations de Manuel NORIEGA sur ce point n’avaient
jamais été vérifiées par le magistrat instructeur.
Il produisait également deux décisions judiciaires qui étaient selon lui en
contradiction avec la procédure française :
- une décision du 12 septembre 1996 de la Cour municipale du District de
PANAMA condamnant Manuel NORIEGA pour “ corruption de serviteurs
publics ” et condamnant des membres de sa famille dont son épouse pour
“ profit de choses provenant du délit ” ; cette décision prononce la confiscation
de tous les biens immobiliers de la famille NORIEGA ; selon la défense, cette
décision définitive fait apparaître que la justice panaméenne a considéré que
les fonds utilisés par Manuel NORIEGA et sa famille à des fins personnelles,
et notamment pour l’acquisition de biens immobiliers, proviendraient de fonds
publics appartenant à l’État du PANAMA et non du trafic de stupéfiants tel
que l’information judiciaire en FRANCE tend à le considérer à tort.
Il est intéressant de noter qu’il ressort de cette décision que Madame
NORIEGA et ses deux filles avaient indiqué devant les juridictions
panaméennes que la première n’avait jamais travaillé contre rémunération, ni
dans le secteur public, ni dans le secteur privé (p. 8, 9, 24 et 27).
- une décision du 9 juillet 1993 rendue par la Haute Cour de Justice de
GRANDE-BRETAGNE jugeant que la République du PANAMA, plaignante,
était en droit d’obtenir du Manuel NORIEGA la somme totale de
44 723 822,80 USD ; selon la défense, cette décision reconnaît que Manuel
NORIEGA avait fait usage, à des fins personnelles, des fonds de la
République du PANAMA ; cet arrêt avait permis à l’État de PANAMA de
réclamer la restitution de fonds auprès des établissements bancaires détenant
des comptes au nom de la famille NORIEGA non seulement en
ANGLETERRE mais aussi dans différents pays d’EUROPE.
Cette décision avait été, selon la défense, exequaturée par un jugement rendu
le 14 février 1996 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, jugement non
produit.
Le dossier qui avait été communiqué au règlement le 2 avril 1997 était réglé
par le parquet le 20 juillet 1998 (D1845), l’ordonnance de règlement était
rendue le 11 septembre 1998.
Conformément aux réquisitions du Ministère Public, le magistrat instructeur
ordonnait en application du principe de la non rétro-activité de la loi pénale,
un non lieu pour les opérations financières effectuées entre 1982 et 1988 parce
qu’elles étaient intervenues avant la loi du 23 décembre 1988 qui édictait pour
la première fois en FRANCE l’incrimination prévue par l’article 415 du Code
des douanes.
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S’agissant des flux constatés à partir du début de l’année 1989, le magistrat
instructeur estimait qu’ils répondaient aux exigences légales de l’article 415
du Code des douanes :
« Celui-ci dispose que seront punis “ceux qui auront, par exportation,
importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une
opération financière entre la France et l’étranger portant sur des fonds qu’ils
savaient provenir, directement ou indirectement d’une infraction à la législation
sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants”.
Le texte suppose réunies deux éléments :
- une opération financière internationale
- portant sur des sommes représentant le produit d’un trafic de stupéfiants.
L’article 415 ne précise pas le contenu exact de la première condition.
L’opération dont il s’agit peut-être simple ou complexe . Ses modalités ne sont pas
précisées. Il n’est pas dit par exemple que le mouvement financier doit être unique
et direct entre un compte d’origine et un compte d’arrivée.
Mais elle ne peut se comprendre comme un simple virement de fonds.
Les opérations de transfert succèdent obligatoirement à une opération de
“placement” c’est à dire de dépôts en espèces. Puis le plus souvent elles se
renouvellent et se poursuivent jusqu’à ce que des sommes parviennent à leur
véritable destinataire sans révéler celui-ci.
Les termes de l’article 415 sont généraux. Ils ne déterminent aucun sens
particulier du mouvement financier en cause (de la France vers l’étranger ou
l’inverse).
Dès lors les conditions d’application des dispositions de l’article 415 se trouvent
pleinement réunies dans cette affaire.
D’une part, parce que l’argent déposé en espèces aux guichets de la Banque
nationale du Panama et de la B.C.C.I. a pour contrepartie la participation de
NORIEGA aux trafics organisés par le cartel de Medellin.
D’autre part, parce que les fonds parvenus sur les comptes ouverts en France
proviennent des comptes du général NORIEGA ouverts au Panama en 1982 puis
en Angleterre à partir de 1983.
Si l’élément d’extranéité retenu vise à faire sanctionner le trouble apporté à
l’ordre public financier français, il présuppose au regard des textes sur le
blanchiment d’argent un concours d’infractions dont le nombre est selon le cas
plus ou moins élevé.
Le délit est consommé à chaque étape des opérations financières en se
renouvellant jusqu’à la remise des fonds au bénéficiaire ou jusqu’au moment où
celui-ci avait pu en disposer.
La succession des virements constatés après la date de promulgation de la loi du
23 décembre 1988 fait que l’ensemble des sommes en provenance des comptes
“ML” dont le général était titulaire tombe sous le coup de l’incrimination prévue
à l’article 415 du code des Douanes.
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Jugement n° 14
Cela s’applique évidemment aux sommes parvenues à Paris pour alimenter les
comptes bancaires ouverts au nom de NORIEGA , de son épouse, de ses enfants
et de ses proches .
Il ne pourrait être exigé sans rajouter à la loi, que dans les cas d’une succession
de virements effectués à l’intérieur de la France, l’argent doive obligatoirement
refaire un passage sur un compte étranger pour donner à l’opération le caractère
international tel que prévu par le code des Douanes.
En l’espèce les fonds virés à Paris provenaient pour l’essentiel du Panama et
d’Angleterre.
En conséquence, ils ne sont parvenus en France qu’après avoir franchi au moins
une frontière. Les fonds ayant donné lieu par la suite, à des virements à l’intérieur
du territoire national gardent néanmoins la même origine.
Ils justifient dès lors la prévention sur le fondement du délit douanier. »
Le magistrat instructeur établissait dans son ordonnance de renvoi des
tableaux permettant de déterminer le montant des opérations financières en
cause.
Il concluait :
« Total des sommes objet des opérations financières imputables en France à
Manuel NORIEGA sur la période du 28 décembre 1988 au 22 décembre 1989 :
<
Total des crédits (sur tous les comptes) :
72.636.717 FF soit environ 73.000.000 FF
<
Total des débits (sur tous les comptes) :
57.547.749 FF soit environ 58.000.000 FF
<
Soit un solde de :
15.088.968 FF »
Le jugement frappé d’opposition était ainsi motivé :
« Seul Manuel NORIEGA a été entendu au cours de l’instruction ; il a contesté les
faits reprochés estimant que les charges retenues à son encontre ne reposaient
que sur les déclarations mensongères des témoins recueillies par les autorités
américaines qui avaient passé un accord avec eux ; il considère avoir lutté contre
le trafic de stupéfiants et a expliqué que les fonds retrouvés sur ses comptes
avaient pour origine des versements par la CIA, l’héritage de son frère et la
fortune de sa femme. Par contre il n’a fourni aucune explication sur l’opacité de
mouvements financiers et les multiples précautions prises pour effectuer des
transferts d’argent sur de nombreux comptes du Panama vers des banques
françaises et étrangères.
Les infractions reprochées à M et Mme NORIEGA sont établies. »
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À l’audience du 29 juin 2010, Manuel Antonio NORIEGA confirmait ses
précédentes déclarations et réponses écrites.
Très prolixe sur le contexte géopolitique international dans lequel il avait été
à la tête du PANAMA de 1983 à 1990, il était beaucoup moins précis dans ses
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Jugement n° 14
explications sur les flux financiers litigieux se retranchant derrière des
décisions prises par son banquier Amjad AWAN et sur le caractère très
troublé de la période.
Il ne contestait pas les déclarations de ce dernier recueillies par les autorités
américaines les 9 et 10 décembre 1991 en particulier sur le montant des
sommes déposées en espèces au PANAMA et sur la périodicité de ces dépôts.
Il expliquait que ces espèces provenaient d’affaires personnelles, familiales,
de la C.I.A.
Les mouvements de fonds observés à partir de 1988 étaient la conséquence de
la décision des américains de “ capturer les dollars de tous les citoyens de
PANAMA ”.
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Le Tribunal considère que la condition relative à l’infraction d’origine, le
trafic de stupéfiants, prévue à l’article 415 du Code des douanes est remplie
puisque Manuel Antonio NORIEGA a été condamné définitivement le 21
juillet 1992 par le Tribunal du District Sud de la FLORIDE à 40 ans
d’emprisonnement pour conspiration en vue d’une entreprise de racket,
participation à une entreprise de racket, conspiration en vue de la distribution
de la cocaïne, distribution de la cocaïne, déplacement entre États dans un but
de racket.
Le Tribunal note que Manuel Antonio NORIEGA ne conteste pas l’existence
des mouvements financiers internationaux qui lui sont reprochés tels qu’ils ont
été établis par les enquêteurs américains, français et par le magistrat
instructeur français.
Il conteste que les fonds en cause proviennent d’un trafic de stupéfiants.
Le Tribunal estime qu’il existe suffisamment d’éléments au dossier permettant
d’établir que ces fonds proviennent pourtant du trafic de stupéfiants pour
lequel Manuel Antonio NORIEGA a été condamné définitivement par le
Tribunal du District Sud de la FLORIDE le 21 juillet 1992 :
- il résulte très clairement des déclarations précises, circonstanciées et
concordantes de Steven KALISH, Ricardo BILONICK, Carlos LEHDER et
Floyd CARLTON recueillies par les autorités judiciaires américaines entre
septembre et novembre 1991 que Manuel Antonio NORIEGA a perçu des
espèces pour des montants extrêmement importants en contrepartie de sa
participation active à un très important trafic de stupéfiants ;
- si les espèces déposées au PANAMA n’avaient pas pour origine sa
participation à ce trafic de stupéfiants, on voit mal pourquoi Manuel Antonio
NORIEGA les a déposées sur des comptes confidentiels, secrets, équivalents
à des comptes numérotés et les a ensuite fait cheminer par différents comptes
dans plusieurs pays ouverts sous des prêtes-noms, procédant ainsi à des
mouvements de fonds ne répondant à aucune logique économique ou
financière mais à celle du brouillage et de l’opacité, logique mise en place bien
avant la période troublée de 1988-1989 ;
- les explications fournies au magistrat instructeur par Manuel Antonio
NORIEGA sur l’origine des espèces en cause étaient soit par nature
invérifiables s’agissant des fonds prétendument versés par la C.I.A., soit
imprécises et donc invérifiables et de toute façon incohérentes : comment
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croire que les sociétés dans lesquelles sa femme avait prétendument des
intérêts aient remis à cette dernière des espèces, que les fonds provenant de
l’héritage de son frère aient été remis en espèces ? Pourquoi verser ces
sommes sur des comptes confidentiels numérotés ?
- l’argument tiré de l’absence de lien établi par la justice américaine entre
les fonds de Manuel Antonio NORIEGA et le trafic de stupéfiants est
inopérant car il se fonde sur des documents de 1990 antérieurs aux dépositions
des 4 témoins sus-visés et des banquiers Amjad AWAN et Syed Aftd
HUSSAIN ;
- la condamnation de Manuel Antonio NORIEGA par la justice
panaméenne n’exclut pas que l’origine des fonds litigieux provienne du trafic
de stupéfiants.
Le Tribunal entre en conséquence en voie de condamnation à l’encontre de
Manuel Antonio NORIEGA.
Pour déterminer la sanction adaptée tant à la nature des faits qu’à la
personnalité du condamné, le Tribunal tient compte :
- du montant des mouvements financiers en cause ;
- de la toute particulière gravité de ce type d’agissements qui démontrent
une volonté délibérée de s’affranchir des lois en vigueur pour s’enrichir ;
- du quantum de la précédente condamnation déjà prononcée par la justice
américaine pour des faits connexes aux faits du présent dossier ;
- de l’âge du condamné.
En conséquence, le Tribunal prononce une peine de 7 ans d’emprisonnement
et ordonne le maintien en détention de Manuel Antonio NORIEGA afin de
garantir l’exécution effective de cette peine s’agissant d’une personne de
nationalité étrangère ne justifiant d’aucun domicile personnel en FRANCE et
d’aucune attache sur le territoire national.
Il convient par ailleurs d’ordonner la confiscation du solde créditeur des
comptes bloqués suivants :
- C.I.C. 88, rue de Breteuil PARIS 15ème
• compte BG 40 409-19 au nom de Mme NORIEGA
• compte joint BG 40 401 62 au nom de Melle Loréna NORIEGA et Mme
NORIEGA
• compte BG 40 4141 89 au nom de Melle Thays NORIEGA
• compte BG 40 056 08 au nom de Guillaume VEGA-TREJO
• compte BG 40 057 15 au nom de Gaspar WITTGREEN
- BANCO DO BRAZIL 49/51, avenue Georges V PARIS 15ème
• compte 27421 au nom de Sandra NORIEGA de BEAUCHAMPS
- BNP 59, rue de Saint Férréol MARSEILLE 1er
• compte 01534176 au nom de Nilza APARICIO-CROCU
- CRÉDIT LYONNAIS 25, rue Saint Férréol MARSEILLE 1er
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• compte 414572B au nom de Nilza APARICIO-CROCU.
SUR L’ACTION FISCALE DE L’ADMINISTRATION DES DOUANES ET
DROITS INDIRECTS
Par dépôt de conclusion, l’Administration des douanes et droits indirects, par
l’intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de condamner Manuel
Antonio NORIEGA à lui payer une amende douanière de 2 286 735 i, en
application de l’article 415 du Code des douanes.
Il y a lieu de faire droit à sa demande.
SUR L'ACTION CIVILE :
La République du PANAMA se constitue partie civile par voie de conclusions
déposées, par son avocat, la représentant, et demande au tribunal de
condamner Manuel Antonio NORIEGA à lui payer la somme de 15 944 902 i
à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral, celle de
11 073 396 i à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice
matériel et celle de 15 000 i au titre de l’article 475-1 du Code de procédure
pénale.
Le Tribunal considère que les agissements de Manuel Antonio NORIEGA ont
porté atteinte à l’honneur de la République du PANAMA de telle sorte qu’elle
justifie d’un préjudice moral qu’il convient de réparer en lui allouant la somme
de 1 M i.
S’agissant du préjudice matériel allégué par la partie civile, le Tribunal
considère qu’elle est mal fondée à demander la réparation d’un préjudice qui
découlerait du fait que l’argent tiré du trafic de stupéfiants auquel a participé
Manuel Antonio NORIEGA lui a échappé ; il convient en conséquence de la
débouter de sa demande de réparation de son préjudice matériel.
Il convient enfin de lui allouer la somme de 10 000 i au titre de l’article 475-1
du Code de procédure pénale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier
ressort et par jugement contradictoire à l'encontre de Manuel NORIEGA,
prévenu, à l'égard de l’Administration des Douanes et Droits Indirects, partie
intervenante, et de la République du Panama, partie civile ;
SUR L'ACTION PUBLIQUE :
DÉCLARE recevable l'opposition formée par Manuel NORIEGA, au
jugement en date du 1er juillet 1999 rendu par la 11ème chambre.
En conséquence, ce jugement est mis à néant et statuant à nouveau ;
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DÉCLARE irrecevable la demande de nullité de l’extradition.
REJETTE l'exception d'incompétence à raison de l’immunité de chef d’État.
REJETTE l'exception de prescription.
DÉCLARE Manuel NORIEGA COUPABLE pour les faits qualifiés de :
T RÉALISATION D'OPÉRATION FINANCIÈRE ENTRE LA FRANCE ET
L'ÉTRANGER SUR DES FONDS PROVENANT D'INFRACTION À LA
LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS,
faits commis à Paris ou à Marseille et sur le territoire national, du 28 décembre
1988 au 22 décembre 1989 et depuis temps non couvert par la prescription,
faits prévus et réprimés par l’article 415 du Code des douanes (loi n/88-1149 du
23 décembre 1988, promulguée le 28 décembre 1988).
Vu les articles susvisés :
CONDAMNE Manuel NORIEGA à 7 ans d'emprisonnement.
Vu les articles susvisés ; à titre de peine complémentaire :
ORDONNE à l'encontre de Manuel NORIEGA la CONFISCATION du solde
créditeur des comptes bloqués suivants :
- C.I.C. 88, rue de Breteuil PARIS 15ème
• compte BG 40 409-19 au nom de Mme NORIEGA
• compte joint BG 40 401 62 au nom de Melle Loréna NORIEGA et Mme
NORIEGA
• compte BG 40 4141 89 au nom de Melle Thays NORIEGA
• compte BG 40 056 08 au nom de Guillaume VEGA-TREJO
• compte BG 40 057 15 au nom de Gaspar WITTGREEN
- BANCO DO BRAZIL 49/51, avenue Georges V PARIS 15ème
• compte 27421 au nom de Sandra NORIEGA de BEAUCHAMPS
- BNP 59, rue de Saint Férréol MARSEILLE 1er
• compte 01534176 au nom de Nilza APARICIO-CROCU
- CRÉDIT LYONNAIS 25, rue Saint Férréol MARSEILLE 1er
• compte 414572B au nom de Nilza APARICIO-CROCU.
ORDONNE le MAINTIEN en DÉTENTION de Manuel NORIEGA.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant
de 90 euros dont est redevable le condamné.
Le président avise Manuel NORIEGA que s'il s'acquitte du montant du droit
fixe de procédure et/ou du montant de l'amende dans un délai d'un mois à
compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera
minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euros
conformément aux articles 707-2 et 707-3 du code de procédure pénale. Le
président l'informe en outre que le paiement de l'amende et du droit fixe de
procédure ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours. Dans le cas
d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé
de demander la restitution des sommes versées.
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Le prévenu présent à l'audience est informé de la possibilité pour la partie
civile, non éligible à la CIVI, de saisir le SARVI s'il ne procède pas au
paiement des dommages-intérêts auxquels il a été condamné dans le délai de
2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.
SUR L'ACTION FISCALE DE L'ADMINISTRATION DES DOUANES :
REÇOIT l’Administration des Douanes et des Droits Indirects en son action
fiscale.
CONDAMNE Manuel NORIEGA à lui payer une amende douanière de
DEUX MILLIONS DEUX CENT QUATRE-VINGT SIX MILLE SEPT
CENT TRENTE CINQ EUROS (2 286 735 euros).
SUR L'ACTION CIVILE :
DÉCLARE recevable la constitution de partie civile de la République du
Panama.
CONDAMNE Manuel NORIEGA, à payer à la République du Panama, partie
civile, la somme de UN MILLION EUROS (1 000 000 euros), à titre de
dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral, et en outre la somme
de DIX MILLE EUROS (10 000 euros) au titre de l'article 475-1 du Code de
procédure pénale.
DÉBOUTE la République du Panama de ses demandes au titre du préjudice
matériel.
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Lors des débats, aux audiences des 28, 29 et 30 juin 2010, 11ème chambre/1,
le tribunal était composé de :
Président :
Assesseurs :
Mme Agnès QUANTIN vice-président
M. Christophe VACANDARE vice-président
Mme Annie-Claude SELVI vice-président
Ministère Public :
M. Michel MAES vice-procureur de la République
Greffier :
Mlle Marie MÉLINE greffier, et Hélène SURINACH
greffier stagiaire
Fait, jugé et délibéré par :
Président :
Assesseurs :
Mme Agnès QUANTIN vice-président
M. Christophe VACANDARE vice-président
Mme Annie-Claude SELVI vice-président
Et prononcé à l’audience du 7 juillet 2010, de la 11ème chambre/1, par Mme
Agnès QUANTIN vice-président, en présence de M. Christophe
VACANDARE vice-président, de Mme Annie-Claude SELVI vice-président,
de M. Michel MAES vice-procureur de la République et assisté de Mlle Marie
MÉLINE greffier.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
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