LE CONSEIL D`ORIENTATION DES RETRAITES

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LE CONSEIL D`ORIENTATION DES RETRAITES
Retraite / institutions
LE CONSEIL D’ORIENTATION
DES RETRAITES : LE 6e RAPPORT
Le Conseil d’orientation des retraites
(COR) a adopté son 6e rapport le
17 décembre 2008. Consacré aux
droits familiaux et conjugaux en
matière de retraites, ce rapport avait
été préparé par des notes techniques,
dont la RFC a rendu compte dans
son numéro de novembre 2008.
Il constate les écarts de pension selon
le nombre d’enfants ; il s’interroge
sur « les objectifs poursuivis par les
droits familiaux et conjugaux en
matière de retraite » ; et il ouvre
des “pistes d’évolution”, en prenant
soin de préciser en introduction
qu’elles « n’ont pas nécessairement
donné lieu à accord au sein du
Conseil ». Ces trois points font
l’objet du compte-rendu ci-dessous,
forcément partiel s’agissant d’un
document de 353 pages.
Les écarts de pension
selon le nombre d’enfants
Concernant les femmes, le constat est clair :
« en 2004, les femmes nées en 1934 et
1938 avaient une pension de droit propre
d’autant plus faible qu’elles avaient eu des
enfants ». Le tableau ci-dessous fournit les
chiffres précis, obtenus à partir de l’échantillon interrégimes de retraités (EIR). Le
mot “pension” désigne la somme des
pensions perçues par la femme, exception
faite d’éventuelles pensions de réversion.
Pension moyenne mensuelle de droits
propres, femmes nées en 1934 et 1938
Nombre
d’enfants
Pension moyenne
mensuelle en 2004
0
1 122 €
1
1 029 €
2
818 €
3
703 €
4 ou plus
627 €
Ensemble
825 €
Il aurait été intéressant de disposer de
données analogues par niveaux de revenus professionnels ou de qualification, ce
que la taille de l’EIR aurait permis, et de
simulations prospectives, rendues aujourd’hui possibles grâce aux modèles de
microsimulation, mais il aurait fallu que le
rapport consacre à ce point plus de 1,5
page sur 373.
Concernant les hommes, on apprend seulement qu’en 2004, et pour les mêmes
générations, les pères de moins de trois
enfants obtiennent en moyenne 1 465 €
par mois, ceux de trois enfants ou plus
passant de 1 358 € à 1 476 € grâce à la
majoration pour famille nombreuse.
Les objectifs possibles
des droits familiaux
et conjugaux
Le rapport en liste huit :
1. Compenser les inégalités de fait entre
hommes et femmes à la retraite
2. Assurer une redistribution vers les bas
revenus
3. Donner plus de droits aux assurés ayant
eu un ou des enfants
4. Compenser les effets de l’éducation des
enfants sur les carrières professionnelles
5. Assurer un revenu au survivant qui
était dépendant financièrement de son
conjoint
6. Maintenir le niveau de vie antérieur au
décès
7. Garantir les droits acquis par le conjoint
8. Avantager les couples mariés
Les réflexions sur les principes de justice
ou d’efficacité qui pourraient ou
devraient être à la base des dispositions
analysées restent succinctes. Ainsi,
concernant l’objectif n° 3, après avoir, à la
manière de La Palice, dit qu’il « relève de
la volonté de donner des droits supplémentaires aux retraités ayant eu ou élevé des
enfants », le rapport affirme-t-il qu’il « revient
à opérer une redistribution horizontale entre
les assurés sociaux qui ont eu des enfants et
ceux qui n’en ont pas eu (ou moins) ».
Aucune analyse de la notion de redistribution, à la lumière de la façon dont fonctionne la répartition, n’est esquissée à ce
propos. Ce fonctionnement est pourtant
évoqué : « La principale raison mise en
avant est le fait que les enfants sont les
futurs cotisants du système de retraite ».
Mais le rapport ne pose pas les questions :
si cette raison est exacte, en quoi l’attribution de droits aux personnes ayant
élevé des enfants constituerait-elle une
redistribution en leur faveur ? Ne pourrait-on considérer, inversement, que l’attribution de droits au prorata des cotisations versées pour les retraités actuels
engendre une redistribution de ceux qui
ont davantage contribué à la formation
de futurs cotisants vers ceux qui y ont
moins contribué ?
Cet exemple parmi d’autres montre combien l’absence d’une réflexion approfondie sur le fonctionnement de la répartition, et sur la notion de droits contributifs, hypothèque l’intérêt de ce rapport : il
ne va pas au fond des choses.
Les pistes d’évolution
L’idée maîtresse est « une évolution des dispositifs existants, conduisant in fine à un
système combinant un dispositif compensant à un bon niveau des interruptions relativement courtes et un dispositif majorant
les pensions des mères ».
Dans cette optique, il est suggéré de « renforcer le lien entre l’AVPF [Assurance vieillesse des parents au foyer] et les interruptions
d’activité et de réduire la durée des interruptions compensées au titre de l’AVPF ».
Parallèlement, le salaire reporté au compte de l’assuré au titre de l’AVPF pourrait
n’être plus le SMIC, mais un montant
dépendant de facteurs tels que la durée
d’interruption (« report plus élevé pour une
interruption plus courte »).
Concernant la Majoration de durée d’assurance (MDA), son « ouverture aux pères
doit être étudiée ». L’une des trois pistes
indiquées dans ce but consisterait à « lier
le bénéfice de la MDA à l’accouchement »,
indique humoristiquement le rapport.
Enfin, les majorations pour famille nombreuse, actuellement calculées en pourcentage de la pension et non imposables,
pourraient soit être rendues imposables,
soit devenir forfaitaires.
Référence
6e rapport du Conseil d’orientation des
retraites (COR) : droits familiaux et conjugaux. Sur www.cor-retraites.fr. 353 pages.
■ Jacques BICHOT
Economiste,
professeur honoraire à l’Université Lyon 3
R.F.C. 418 Février 2009
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