Culte du dimanche de Pâques 8 avril 2012

Transcription

Culte du dimanche de Pâques 8 avril 2012
Eglise française réformée Berne Prédication du dimanche de Pâques 8 avril 2012
Lectures bibliques: Marc 16: 1-8
Après l’agitation du vendredi-saint, il y eut le long silence du sabbat.
Samedi-saint: temps du silence de Celui qui avait accompli son parcours en mourant sur
la Croix, - comme il arrive qu’aux larmes, aux cris et aux questions sans réponse que
provoque la mort soudaine d’un proche succède un passage par le désert, écho silencieux
des paroles de l’autre et de nos paroles échangées, symphonie restée inachevée ou
dissonance interrompue sans parvenir à sa résolution …
C’est dans ce silence du samedi que se prépare en secret la parole inattendue du
dimanche à l’aube, dans le tombeau désormais déserté:
‘Il n’est pas, n’est plus ici: il est vivant, il est ressuscité !’
En vérité, - comme le suggérait Mireille Junod ici-même avant-hier -, Pâques commence
le vendredi saint, à l’heure où se déchire le rideau du Temple qui masquait Dieu au
commun des mortels, et où le sous-officier romain de garde devine l’identité secrète de ce
crucifié-là qui venait d’expirer:
‘Cet homme, vraiment, était Fils de Dieu …’
Quand Jésus meurt, c’est déjà une brèche qui s’ouvre: Dieu désormais se rend visible de
tous, - mais c’est un Dieu réduit au silence, défait, anéanti.
‘C’était …’, disait le centurion, - comme un regret ou, peut-être, un remords ...
Pendant que la foule de Jérusalem célébrait, selon la coutume, le grand sabbat de la
Pâque, un nouvel Exode survenait en silence, - une autre Pâque, dont nul encore n’avait
eu connaissance.
Qui donc aurait pu pressentir que ce Jésus, brutalement jeté dans la souffrance et dans la
mort comme dans les flots d’une Mer rouge, couleur de sang versé, traverserait les
vagues du trépas pour accéder aux rives inconnues de ce Royaume de vie qu’il n’avait
cessé d’annoncer ?!
L’Evangile de Pâques débute par une mort pour aboutir à une forme de naissance !
D’ailleurs, n’est-il pas étonnant de découvrir, prenant soin de ce corps torturé que l’on
mettait en terre, deux femmes qui se nomment justement Marie et un homme qui se
nomme Joseph, - même si ce Joseph-là ne venait pas de Nazareth, mais d’Arimathée ?!
Pâques devait passer par la mise au tombeau, - enfantement paradoxal à une vie nouvelle
dont les deux Marie et cet autre Joseph, sans le savoir, furent les sages-femmes !
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Et comme toute naissance, celle qui survint dans le silence de ce samedi n’était pas un
achèvement définitif, un terminus, l’arrivée à la destination dernière: Pâques, en vérité,
était un commencement, - un chemin à venir, à explorer encore …
Voilà pourquoi, passé le temps de silence et de mémoire du sabbat pascal, les femmes
qui, dès avant l’aube, se rendent au tombeau découvrent que la pierre est déjà roulée,
qui en fermait l’entrée: l’accès à leur maître et ami défunt leur est grand ouvert, - mais
Celui dont elles venaient parfumer la dépouille n’est plus là !
Elles n’ont plus même de corps à embaumer, à pleurer ou à honorer, - et c’est, dans un
premier temps, comme s’il leur était arraché une seconde fois …
Le lieu mémoire de leur passé perdu est désormais désert, et il faut une voix venue
d’ailleurs pour leur en indiquer l’issue, - du côté des vivants, sur les chemins à ciel ouvert
que parcourait naguère leur maître et leur ami:
‘Il n’est pas, il n’est plus ici, celui que vous cherchez:
il est vivant, il est devant,
il vous précède en Galilée ! Allez le dire aux autres !’
C’est dire que Pâques n’est pas un recommencement ni un prolongement à l’infini de ce
qui fut avant: Pâques est un retournement, un changement d’horizon.
Aussi les femmes du tombeau déserté doivent-elles faire demi-tour, tourner le dos à ce
tombeau vidé … et se remettre en route vers ces bourgades de Galilée où tout avait
commencé …
L’essentiel désormais n’est plus caché derrière les voiles du Temple ni de la mémoire, pas même celle de leur passé avec Jésus, dont elles auraient pu faire un pèlerinage de
fidélité: non, c’est ailleurs, au quotidien de la vie, qu’il s’agit désormais pour elles, comme pour chacune et chacun de nous -, d’inscrire nos traces derrière celles du Crucifié:
‘Allez dire à ses disciples qu’il vous précède en Galilée,
- il n’est plus ici, il est ressuscité !’
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L’évangéliste Marc aurait pu s’arrêter là, avec la proclamation de la victoire certaine de la
vie sur la mort, de la parole divine sur le silence humain du sabbat pascal et sur les cris et
les ‘folles’ du vendredi.
Mais le plus ancien des évangélistes nous réserve une surprise encore, une ultime remise
en question ! A propos de ces femmes fidèles qui eurent la force d’aller, à l’aube, jusqu’au
tombeau de leur maître et ami, et y reçurent le message de l’ange à aller annoncer aux
autres, Marc ajoute une dernière observation, aussi inattendue que le message lui-même:
‘Elles sortirent du tombeau et s’enfuirent, saisies d’effroi et hors d’elles;
elles ne dirent rien à personne, tellement elles avaient peur.’
Voilà ce qu’était, sans doute, la fin première, originale, du plus ancien des évangiles !
Une fin tellement déconcertante que des communautés et des copistes n’ont pas tardé à
lui adjoindre quelques lignes, pour ne pas en rester à cet effroi et ce silence des femmes:
comme message de Pâques et dernier mot de l’Evangile, il leur fallait quelque chose de
plus grand, de plus convaincant !
Pour ma part, je considère que cette fin étrange et paradoxale est la plus authentique qui
soit, la plus fidèle aussi au sens de l’Evangile: elle souligne que Pâques n’est pas un
‘happy end’ glorieux, - Pâques n’est pas l’accord final parfait en do majeur après les
dissonances et les cris de la crucifixion.
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D’ailleurs, à en croire tous les Evangiles, c’est bien Jésus, le Crucifié, qui vit et nous
précède sur les carrefours du quotidien, dans toutes les Galilées du monde: lorsqu’il se
fait reconnaître des siens, c’est toujours aux marques de sa souffrance, à ses mains et à
son flanc percés.
En vérité, Marc nous rappelle que la Résurrection est un scandale, une mise à l’épreuve
de notre foi infiniment plus rude encore que la mort de Jésus sur la Croix, - et qui n’est pas
sans rappeler la parole biblique:
‘Il est terrible de tomber entre les mains d’un Dieu vivant !’ (Hébreux 10/31)
D’un Dieu mort, qu’aurait-on donc à craindre ?...
Avec nos certitudes fluctuantes et nos fidélités fragiles; avec les peurs et les silences qui
font de nous les sœurs et les frères cadets de ces femmes au tombeau, sommes-nous
vraiment prêts à proclamer qu’en Christ, ‘il n’y a plus esclave ni homme libre, femme ni
homme, fidèle ni mécréant’, mais des humains d’égale dignité, appelés à vivre solidaires
sous le regard d’un Dieu vivant, plus fort que la mort même et la violence et les jugements
expéditifs ?
Sinon, il vaudrait mieux que nous aussi gardions le silence, comme les femmes du
tombeau déserté, ‘hors d’elles et terrifiées’ par le message inouï de l’ange …
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Croire, … malgré l’absence du Ressuscité !
Croire, … malgré la vie et la résurrection !
Il n’est pas simple de croire, ni évident, justement parce que Dieu est vivant, et Jésus
Christ ressuscité.
La résurrection n’est pas la porte ouverte d’un paradis à notre portée, au terminus de la
ligne ‘Foi’ : sur la vie terrestre de Jésus comme sur la nôtre, sur nos liens et nos
engagements tout humains, sur nos chemins d’amis et de disciples, le messager divin du
matin de Pâques a inscrit : ‘à suivre …’
Ici et dès maintenant !
‘Il n’est plus ici: il est vivant et vous précède en Galilée ! ...’
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Ion Karakash
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Lazare
de Jacques Chessex: ‘Cantique’
(Edit. Bernard Campiche - 1996)
Donne-moi d’être Lazare à tout instant
Et que pas une journée
pas un fragment de ton Temps
Je n’oublie de sortir de la tombe
Qu’aucune heure ne s’écoule
seconde par seconde
Sans que je marche de l’ombre à l’air
Comme il fit
Je pourrais être mort comme lui
Non de maladie mais d’absence à la clarté
Mort d’aveuglement à la nécessaire nuit
des choses
De vanité devant le mystère
Mort de fausse faim
Ah que je sorte de mes puits du dedans
Comme Jonas de la Baleine
Que j’échappe aux rampements de l’envie
Que me soient épargnés le pourrissement
de la vraie chair
Si le regret devait la corrompre
Le durcissement du vrai cœur
Si l’effroi trop lui pesait
Que j’aille de l’ombre au jour
Ainsi Lazare se leva
Qu’à tout instant je quitte en moi
la part obscure
Et les fonds où je séjournais
Non pas trois jours comme tu fis
Toi qui ne connais ni haine ni erreur
Mais hors de ma nuit
Défait du fragment
Comme si j’étais déjà sans puits ni poids
Ayant lié la mort à la naissance
Au temps de l’Etre
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Confession de foi
(auteur inconnu)
Qu’autrefois, Jésus ait été relevé d’entre les morts,
je le crois.
Que demain, plus tard, nous soyons à notre tour relevés de la poussière et des tombeaux,
je l’espère et je le crois.
Mais ce qui m’importe, c’est aujourd’hui:
c’est qu’aujourd’hui, dans la vallée d’ossements où se dessèchent et pourrissent
des humains sans joie et sans espoir,
des humains piétinés et oubliés,
des humains salis et méprisés,
qu’aujourd’hui soit à l’œuvre la même force qui autrefois a relevé Jésus d’entre les morts
et qui demain nous relèvera de la poussière,
c’est qu’aujourd’hui, dans ta vie et dans la mienne, la même force soit à l’œuvre pour tuer
la mort,
la mort qui tue l’amour,
la mort qui tue la confiance,
la mort qui tue l’espérance,
et pour nous remettre debout.
Et cela, je le vois et le crois.
Le Vivant nous fait vivre de sa vie dès maintenant:
dès à présent, avec le Ressuscité, nous sommes passés de la mort à la vie.
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