Droit pénal_Prisons en Europe Part 2_Viabilité du

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Droit pénal_Prisons en Europe Part 2_Viabilité du
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
ETUDE SUR LES PRISONS EN EUROPE :
LES DROITS DES DETENUS
ET LA VIABILITE DU SYSTEME PENITENTIAIRE
DEUXIEME PARTIE : LA VIABILITE DU SYSTEME
PENITENTIAIRE
ALLEMAGNE, ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES, BELGIQUE,
ESPAGNE, FINLANDE, PAYS-BAS
NOTE DE SYNTHESE
Octobre 2007
NOTE DE SYNTHESE
ETUDE SUR LES PRISONS EN EUROPE.
ALLEMAGNE, ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES, BELGIQUE,
ESPAGNE, FINLANDE ET PAYS-BAS
DEUXIEME PARTIE. LA VIABILITE DU SYSTEME PENITENTIAIRE
1. La politique pénitentiaire
1.1. Dans la quasi-majorité des pays, les établissements pénitentiaires sont des
structures publiques. En Finlande, tout projet de privatisation du secteur pénitentiaire serait
même anticonstitutionnel. Toutefois en Espagne, certaines condamnations à exécuter en
milieu ouvert peuvent être confiées à des structures privées, alors qu’en Angleterre les
« prisons privées » se voient attribuer un rôle important notamment en matière de placement
des jeunes détenus.
Le financement de la construction des bâtiments est public. Les entrepreneurs privés
qui interviennent dans ce domaine sont sélectionnés après une mise en concurrence (suivant le
régime des « contrats publics » en Espagne). Récemment en Allemagne, le recours au créditbail a permis à l’administration des länder de financer trois nouveaux établissements.
La répartition des secteurs public et privé est plus nuancée lorsqu’on analyse les
diverses fonctions des établissements pénitentiaires.
Ainsi, la surveillance des détenus est en principe une fonction réservée à
l’administration pénitentiaire qui l’assure par un personnel qu’elle choisit, forme et dirige.
Dans les prisons privées anglaises, le « contrôleur » assure la direction de l’établissement et
représente l’ « œil » de l’Etat à l’intérieur de l’établissement.
L’intendance est assurée par les détenus, sous le régime du « travail pénitentiaire » et
sous la direction de l’administration, en Belgique, en Finlande et aux Pays-Bas. Ces services
sont privatisés dans certaines prisons allemandes, anglaises ou espagnoles, sans qu’il s’agisse
d’une pratique généralisée. Le coût des deux modes de gestion de ces services est un critère
de décision, ensemble avec la possibilité de faire de ces services un moyen d’occuper les
détenus.
Les activités éducatives et de formation destinées aux détenus sont partout confiées à
des structures extérieures.
1.2. L’Angleterre connaît le taux d’emprisonnement le plus élevé d’Europe (143
détenus pour 100 000 personnes). En Allemagne et aux Pays-Bas ce taux est de
respectivement 95 et 91 détenus pour 100 000 personnes. C’est la Finlande qui fait
véritablement figure à part avec 72 détenus pour 100 000 personnes en 2006.
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Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires permet d’avoir une image
statistique du problème généralisé de la surpopulation carcérale : 115,18% en Belgique, près
de 99% en Angleterre, 94% en Allemagne (mais jusqu’à 114% dans certains länder) et 90%
aux Pays-Bas. La Finlande, après avoir enregistré un taux d’occupation constant
d’approximativement 85% tout le long des années 1990, connaissait en 2004 un taux
d’occupation de 108%.
Le coût du maintien en prison, par détenu et par jour se situe aux alentour de 146 euros
en Angleterre et 180 aux Pays-Bas.
Des statistiques relatives à la condition du personnel pénitentiaire existent en
Angleterre ; elles montrent et font apparaître que les conditions de travail des personnels des
prisons privées sont moins bonnes que dans le secteur public : salaire et durée des congés
légaux inférieurs et temps de travail hebdomadaire plus long ; le nombre moyen de jours
d’arrêt-maladie est, en outre, inférieur à celui des personnels des prisons publiques.
2. Les actions de réinsertion des détenus
2.1. Pendant la durée de la détention
Différentes activités sont proposées aux détenus afin de leur permettre de retrouver la
vie sociale en réduisant le risque de récidive : enseignement et formation professionnelle,
travail pénitentiaire, programmes de désaccoutumance à l’égard de la drogue, programme dits
cognitifs. Le poids respectifs de ces activités n’est pas le même. En Finlande, par exemple,
environ 40% des détenus travaillent, alors que moins de 10% poursuivent des études ; parmi
eux, plus de la moitié suivent une formation professionnelle et un cinquième un enseignement
primaire ou de base. Dans d’autres pays (Allemagne, Angleterre, Belgique), les spécialistes
déplorent le fait que le choix, varié en théorie se trouve en pratique beaucoup limité du fait de
la surpopulation carcérale.
Partout, l’instruction scolaire proposée en prison est notamment tournée vers
l’alphabétisation et l’enseignement primaire. En Allemagne, l’instruction scolaire accessible
aux détenus ne dépasse pas le niveau du brevet des collèges français. Des enseignements de
plus haut niveau sont plus rarement accessibles : des conventions existent entre
l’administration pénitentiaire espagnole et certains établissements universitaires, y compris
ceux spécialisés dans l’enseignement à distance. Les spécialistes déplorent toutefois le fait
que ces enseignements sont dispensés par des organismes généralistes qui n’ont pas pour
vocation spécifique l’intervention dans le milieu pénitentiaire.
Le travail pénitentiaire est souvent le travail attendu d’une main d’œuvre non qualifiée
et à ce titre, il est peu motivant. Il y a toutefois des exceptions. Des formations dites de
« promotion sociale » (maçonnerie, soudure ou électricité) sont proposées dans les
établissements pénitentiaires belges. Sont encore à signaler l’agriculture biologique ou la
restauration de meubles anciens ou de bâtiments historiques, activités couramment réalisées
par les détenus finlandais.
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2.2. Après la libération
Dans la majeure partie des pays étudiés, des efforts sont déployés pour assurer une
coopération entre l’administration pénitentiaire, les services de la mise à l’épreuve, les
services sociaux du régime général et le secteur associatif.
Un rôle important revient aux agents de probation chargés notamment d’aider les
détenus à trouver un logement et un travail. Ainsi, en Angleterre, depuis 2005, tous les
détenus sont libérés sous condition et sous la surveillance d’un agent de probation. En
Allemagne, dans au moins un land, l’agent de probation prend contact avec le détenu avant sa
libération et l’accompagne lors des démarches de sortie de la prison. En Finlande, un
programme de préparation à la libération est élaboré par l’administration pénitentiaire, le
service de la mise à l’épreuve et les services sociaux du régime général.
3. Les mesures tendant à réduire la population carcérale
3.1. La libération conditionnelle
La mise en liberté avant la date de l’expiration normale de la peine est pratiquée par
tous les systèmes étudiés à la condition toutefois que soit exécutée une partie de la peine qui
varie entre la moitié de la peine en Angleterre et les ¾ en Espagne. Plusieurs systèmes exigent
qu’une partie plus importante de la peine soit obligatoirement exécutée en prison lorsque le
condamné est en état de récidive ou lorsqu’il a été condamné à une peine d’emprisonnement
dépassant un certain seuil.
L’octroi de la mesure suppose qu’un pronostique favorable à la réinsertion ait pu être
formulé après analyse du comportement et de la personnalité du détenu en Allemagne, en
Espagne et en Belgique. Dans ces trois systèmes, la libération n’est donc pas automatique. En
revanche, en Angleterre, en Finlande et aux Pays-Bas, la libération est de droit dès que le
condamné a subi la partie de la peine fixée par la loi (sauf circonstances véritablement
exceptionnelles). En Finlande, 99% des détenus bénéficient de la libération conditionnelle.
Selon la nature même de cette mesure, durant le délai d’épreuve (soit le restant de la
peine), le condamné est tenu de ne pas commettre d’infraction, ainsi que de tenir les
engagements ou remplir les obligations mises à sa charge : rencontrer régulièrement son agent
de probation ou des services administratifs ou judiciaires ; ne pas se rendre à certains endroits
ni auprès de certaines personnes (des mineurs, par exemple) ; suivre un traitement
ambulatoire, etc. Les Pays-Bas sont les seuls à pratiquer, depuis 1986, une « libération
anticipée », soit une libération pure et simple, avant la fin normale de la peine et sans
conditions supplémentaires à remplir par le condamné. Cette différence théorique marquée
avec les autres systèmes est toutefois à relativiser dans la mesure où, dans d’autres pays, du
fait de l’insuffisance des moyens investis dans le suivi des détenus, la libération
conditionnelle s’apparente en fait à une libération pure et simple. Ainsi, en Finlande,
seulement 1/5 des libérés sous condition sont placés sous la surveillance d’un agent de
probation. Il convient, en outre, de rajouter que le système néerlandais devrait sur ce point
évoluer dans un proche avenir.
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3.2. Le placement sous surveillance électronique
Il existe, dans les pays étudiés, du point de vue de la technologie employée, trois
systèmes de surveillance électronique.
Le plus répandu, car utilisé actuellement dans tous les pays étudiés à l’exception de la
Finlande, comporte un dispositif émetteur (bracelet) placé au poignet ou à la cheville ; ce
dispositif émet des signaux en direction d’une unité centrale installée au domicile du détenu
laquelle envoie des signaux à un centre de surveillance. Si le détenu quitte le périmètre qui lui
est assigné, les signaux du bracelet n’atteignent plus l’unité de surveillance et le centre de
surveillance en est prévenu. Ces signaux transitent par le système GSM et par les lignes de
téléphonie classique.
Le second système, utilisé en Finlande, consiste dans la remise au détenu d’un
téléphone portable avec lequel il doit appeler régulièrement l’administration et un centre
gestionnaire et sur lequel il est à son tour appelé par ces derniers de façon aléatoire. Le
système permet de localiser le détenu et il est unanimement considéré en Finlande comme à la
fois moins coûteux que le bracelet électronique, moins stigmatisant et mieux accepté par les
détenus.
Enfin, un troisième système fait l’objet d’un projet pilote en Angleterre. Il emploie une
technologie GPS (système de positionnement global) et permet de localiser précisément le
détenu où qu’il se trouve. Le détenu doit porter un bracelet à la cheville et une ceinture à la
taille.
D’un point de vue juridique, ce n’est qu’en Espagne que le placement sous
surveillance électronique peut être prononcé à titre de peine contraventionnelle (jusqu’à 12
jours de mise sous surveillance à exécuter en une seule fois ou en plusieurs week-end
successifs). En Finlande est actuellement à l’étude la question de l’introduction d’une
nouvelle peine de mise sous surveillance électronique pour remplacer les courtes peines
d’emprisonnement (peine intermédiaire entre l’amende et l’emprisonnement).
Partout ailleurs, la surveillance électronique est une modalité d’exécution des peines
d’emprisonnement. En Angleterre, peut être exécutée ainsi tout ou partie des peines
d’emprisonnement de 4 mois à 3ans ; aux Pays-Bas c’est un 1/6ème des peines
d’emprisonnement qui peut être exécutée ainsi ; en Belgique peuvent être exécutée ainsi les 6
ou les 12 mois d’emprisonnement qui précèdent la libération conditionnelle ; en Espagne et
en Finlande, ce sont les détenus placés dans les établissements ouverts et qui travaillent en
dehors de la prison qui sont placés sous surveillance électronique pendant qu’ils se trouvent à
l’extérieur de l’établissement ; en Allemagne, la surveillance électronique accompagne le
sursis à l’exécution de la peine ou la suspension des mandats d’arrêt (depuis 2000, dans le
cadre d’un projet-pilote mis en place dans un land).
La mesure n’est généralement prononcée qu’après une évaluation des risques. Certains
détenus sont exclus par la loi du bénéfice de cette mesure : ceux condamnés pour des
infractions sexuelles (en Angleterre et en Espagne) ou de violence (en Angleterre) ainsi que
les toxicomanes (en Allemagne et en Espagne).
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En Belgique, le nombre de détenus ayant bénéficié de cette mesure en 2007 était deux
fois plus important qu’en 2006, s’établissant ainsi à 6% de la population carcérale. En
Angleterre, 16% des détenus placés sous surveillance électronique ont été rappelés en prison
pour ne pas avoir respecté les conditions de leur maintien en liberté.
3.3. Le régime de la semi-liberté
Le régime pénitentiaire de semi-liberté permet au détenu de quitter l’établissement
pénitentiaire pour une durée déterminée (8 à 12 heures) tous les jours, généralement afin
d’exercer un travail ou de retourner dans la famille pour y exercer ses responsabilités (et
même pour une activité régulière de loisirs, en Allemagne). Ce régime est mis en place dans
des établissements spécialement conçus pour cela, dits établissements « ouverts ».
Le bénéfice de ce régime ne peut souvent être accordé qu’une fois exécutée une partie
de la peine. Ainsi, depuis 2003 en Espagne, il faut avoir exécuté un quart de la peine pour les
peines inférieures à 5 ans et la moitié de la peine pour les peines plus importantes. En
Belgique, pour les peines supérieures à 3 ans, la semi-libérté n’est accessible que 6 mois
avant la date à laquelle le détenu peut prétendre à la libération conditionnelle. En Angleterre,
même les condamnés à perpétuité en bénéficient dans les deux dernières années de leur
détention.
En Allemagne, 15% des places des établissements pénitentiaires sont des places
« ouvertes » ; en Belgique, ce taux serait de 5%.
3.4. Le travail dans l’intérêt général
Dans la plupart des pays étudiés, la peine de travail dans l’intérêt général semble
constituer une alternative viable aux courtes peines d’emprisonnement (peines d’un an en
Espagne et de 8 mois maximum en Finlande). Aux Pays-Bas, en principe, toutes les
infractions peuvent donner lieu à une peine de « travail dans l’intérêt général », prononcée
seule ou additionnée d’une peine d’amende ou d’emprisonnement.
Lorsqu’il prononce ce type de peine, le juge est le plus souvent tenu de réaliser une
« conversion » des jours d’emprisonnement en jours ou heures de travail. La « grille » de
conversion n’est pas la même d’un pays à un autre (une journée d’emprisonnement est
convertie en une journée de travail en Espagne et en une heure de travail en Finlande).
Il existe également des différences entre la nature du « travail » qui est à accomplir par
le détenu. Il peut s’agir d’un travail, généralement à effectuer auprès d’une personne publique
ou d’une association, mais aussi du suivi obligatoire d’un enseignement, d’une formation ou
d’un programme obligatoire.
Il existe quelques statistiques sur le taux d’échec dans l’exécution de ce type de peine :
sur l’ensemble des peines prononcées, 42% ne sont pas dûment exécutées en Angleterre ; ce
taux n’est que de 10 à 15% en Finlande et aux Pays-Bas.
Des circonstances particulières qui offraient la possibilité de prononcer une peine de
travail dans une partie du pays seulement (où cette peine avait été introduite pendant plusieurs
années avant sa généralisation à l’ensemble du pays), il a été fait en Finlande le constat
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suivant : pour les individus condamnés à l’exécution de travaux d’intérêt général, le taux de
récidive, sur une période de 5 ans, a été de 60%, alors que pour ceux condamnés à une peine
d’emprisonnement, ce taux a été de 72%.
3.5. Les peines d’emprisonnement suspendues
Dans la plupart des pays étudiés, le juge, en prononçant une peine d’emprisonnement
inférieure à une certaine durée (2 ans d’emprisonnement en Espagne et en Finlande et 5 ans
d’emprisonnement correctionnel en Belgique), a la faculté de suspendre l’exécution de la
peine pour une durée qu’il détermine (2 à 5 ans en Espagne, 1 à 3 ans en Finlande, 1 à 5 ans
en Belgique). Si le condamné ne commet pas de nouvelle infraction au cours de ladite
période, sa peine est « effacée ».
Souvent, la suspension de l’exécution de la peine s’accompagne de conditions telles
que l’interdiction de se trouver à certains endroits ou près de certaines personnes, la
comparution périodique devant une instance judiciaire ou administrative, le suivi de
programmes de formation, etc. En Finlande, la suspension de l’exécution de la peine peut être
assortie d’une condamnation additionnelle à une peine d’amende (courante pour l’infraction
de conduite en état d’ivresse) ou de travail dans l’intérêt général.
Toujours en Finlande, ce type de mesure alternative à l’emprisonnement est considéré
comme le principal outil ayant permis la diminution constante de la population carcérale.
Ainsi, en 1950, il y avait 30% de peines suspendues sur l’ensemble des peines
d’emprisonnement prononcées, en 1990, 60% et en 2000, 63%.
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