CYCLISME Cette fois, plus de doute: le dopage mécanique - HE-Arc

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CYCLISME Cette fois, plus de doute: le dopage mécanique - HE-Arc
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Balint Hamvas/LDD
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UN MOTEUR DANS LE VÉLO
SPORTS
MARDI 2 FÉVRIER 2016 LE MATIN
LE VÉLO-MOTEU R, MODE D’EMPLOI
CYCLISME Cette fois, plus de doute: le dopage mécanique existe. Le gain peut se révéler énorme. Comme toujours, reste à ne pas se faire pincer.
e dopage mécanique, ça
peut se situer juste sous
les fesses, ou alors dans
une roue arrière. Mais, le
plus souvent, c’est audessus du pédalier, au cœur du
vélo, que se niche l’arme fatale (lire
encadré). Le cœur du vélo… Après
avoir déjà vécu bien des peines,
avalé tant de produits, le voilà qui
doit combattre un nouvel ennemi.
Un moteur qui fait avancer plus
vite, tout en obligeant l’éthique à
reculer encore. Un moyen de triche qu’on savait possible, devenu
réalité suite au cas de Femke Van
den Driessche ce week-end. A partir du moment où une Belge utilise
L
une méthode illicite aux Mondiaux
de cyclocross «espoirs», comment imaginer que le mal ne soit
pas plus répandu? «A la base, rappelle Clément Cid, mécanicien
chez Dom Cycle à Aigle, ce système est conçu pour permettre à
des cyclotouristes un peu «justes»
de pouvoir rouler avec d’autres.»
Une femme pour suivre son mari,
par exemple, ou alors l’inverse.
Très léger
«A la base», l’EPO était conçue
pour traiter le cancer: elle a vite
trouvé des utilités moins nobles.
Aucune raison donc que le monde
du cyclisme professionnel
n’ait pas – au moins – la
tentation de goûter à cette merveille
de soulagement. Car, comme le dit
Jean-Claude Ferrier, «la nature humaine est ainsi faite que certains
sont prêts à tout pour gagner».
Et tout, en l’occurrence, c’est
presque rien. Un mécanisme bien
planqué, qu’on peut aussi dissimuler par un changement de vélo opportun – genre quelques kilomètres avant l’arrivée. Rayon défauts,
on parle certes du poids, entre 1,5 et
2 kilos. Mais le Valaisan Julien Taramarcaz, coureur de cyclocross,
balaie l’argument: «Certains modèles de vélos sont descendus à
5,5 kilos. Sachant que l’UCI (ndlr:
Union cycliste internationale) a fixé
la limite à 6,8, on arrive au poids
parfait, batterie comprise.» Le
gain, lui, peut se révéler énorme.
Selon Jean-Claude Ferrier, pour les
fraudeurs, il existe deux tactiques
possibles. Celle du one shot, un apport puissant (entre 100 et 150
watts) qu’on utilisera pour «s’extraire du peloton et tuer le mental
de l’adversaire en le distançant»;
un peu comme Fabian Cancellara
lorsqu’il laissa sur place Tom Boonen dans le Mur de Grammont, sur
le Tour des Flandres 2010. Il y
aurait un mode plus diesel, pour un
bénéfice plus modeste (entre 10 et
30 watts), mais sur une plus longue
durée. Une durée propice à
l’échappée belle sur les 40 ou 50
derniers kilomètres; comme Cancellara sur Paris-Roubaix 2010.
De 10 à 15 petites attaques
Clément Cid n’a jamais entendu
parler de la seconde version. Mais il
connaît bien les avantages de la première: «Les batteries, pour des raisons de poids et de volume, ne durent pas longtemps, mais cela permet de placer entre 10 et 15 petites
attaques nerveuses», explique-t-il.
Julien Taramarcaz
Pour le Valaisan,
spécialiste
du cyclocross, le poids
n’est pas un problème
si un coureur veut
tricher.
A niveau égal d’excellence, le
coup de pouce peut potentiellement faire basculer une course.
L’UCI, consciente du souci depuis
un moment, a introduit début
2015 un article dissuasif sur le dopage mécanique: au minimum
6 mois de suspension et
20 000 francs d’amende. Mais les
contrôles ont pour l’instant du
mal à suivre – un peu comme ceux
qui n’ont pas mis de moteur dans
leur vélo.
● TEXTES: SIMON MEIER
[email protected]
C’est simple comme bonjour
MANUEL Point 1, disposer d’une
somme comprise entre 3000 et
4000 francs. Point 2, mettre la main
sur une personne compétente. «Au
niveau technologique, il n’y a rien de
compliqué, n’importe quel ingénieur
en mécanique peut installer ça, dit
Jean­Claude Ferrier, professeur
de confection
mécanique à
la Haute Ecole
Arc. C’est
d’autant plus
facile que, de­
puis qu’ils
sont en alu­
minium ou en
fibre de car­
bone, les ca­
g Certains
modèles
de vélos sont
descendus à 5,5 kilos. Sachant que l’UCI a fixé la
limite à 6,8, on arrive au poids parfait,
batterie comprise»
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g La nature humaine est ainsi faite que certains
sont prêts à tout pour gagner»
Jean­Claude Ferrier, professeur à la Haute Ecole Arc
dres des vélos de course sont beau­
coup plus volumineux.»
Suffisamment en tout cas pour glis­
ser, dans le tube quasi vertical qui re­
lie la selle au pédalier, des batteries
et un moteur réducteur. La première
active le second, qui, grâce à une
roue crantée, vient s’engrener sur
l’axe du pédalier pour le faire tour­
ner. Tout le monde y gagne: les pla­
teaux, les pignons, la chaîne et, bien
sûr, le cycliste.
Relier à un activateur au guidon, via
l’autre partie du «V» du cadre? Cela
se fait, mais, si on fraude, il s’agit
d’un risque inutile. Le système fonc­
tionne parfaitement bien avec du
wi­fi ou Bluetooth depuis la voiture
du directeur sportif.