Interview de sœur Agnès*

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Interview de sœur Agnès*
 Interview de sœur Agnès* 5 Janvier 2011, Face à la triste actualité en Egypte, nous avons donné la parole à une sœur égyptienne pour nous parler de la situation des chrétiens dans ce pays. Sœur Agnès est directrice d’un collège de fille. L’école compte 1 200 élèves, dont 90% de musulmanes. Selon sœur Agnès, l’école est le meilleur moyen de lutter contre le fondamentalisme. Mais pour l’heure, le tableau reste sombre. Comment décrire la situation actuelle ? C’est de pire en pire. Nos enfants baignent dans une atmosphère de fanatisme. Depuis les récents attentats, nous sentons que le sens patriotique est très fort. Cela va‐t‐il pour autant éveiller un sentiment d’acceptation de l’autre ? Je l’espère. Nous sommes proches des familles musulmanes et chrétiennes. A l’école, nous avons vraiment senti un grand amour des élèves et des familles pour nous. Tous, notamment les anciennes, sont venues nous présenter leurs condoléances. Est‐ce une parenthèse avant que ça ne reparte de plus belle ? Nos jeunes professeurs ne veulent plus rester. Ils craignent pour l’avenir de leurs enfants. Ils voient qu’ils sont visés. Ils ne savent pas où va l’Egypte, avec la montée du fondamentalisme. Les chrétiens ne sont‐ils pas protégés par le gouvernement ? Le gouvernement est très faible. Les lois sont justes, mais ne sont pas appliquées. Le gouvernement veut montrer aux autres pays musulmans qu’il est « plus musulman que musulman ». Avec l’avènement de Sadate en 1970, l’Egypte a changé de visage. C’était un pays ouvert. Les femmes avaient les bras nus, ne portaient pas le voile. L’Egypte, à l’origine, est un pays laïc. Elle est en train de devenir un pays religieux. Nasser avait développé le nationalisme. Sadate a continué en ce sens, le fanatisme en plus. Nous entendons les prêches dans les mosquées le vendredi. Ce sont des incitations à la haine des chrétiens. Officiellement, le gouvernement interdit ce genre de prêche et punit le cheikh. En réalité il le laisse faire ! Beaucoup d’Egyptiens qui ont travaillé en Arabie Saoudite, au Koweït ou autre, imposent à leurs femmes ce qu’ils ont vu là‐bas lorsqu’ils reviennent. Comment définir l’exercice de liberté religieuse en Egypte ? Un cheikh peut parler à haute voix. Un prêtre ne le peut pas. A l’école, si une musulmane se convertit au christianisme, je lui défends de parler. C’est risqué pour nous et pour elle. Nous risquons la fermeture de l’école. La liberté de culte existe, mais pas la liberté religieuse, c'est‐à‐dire la liberté de pratiquer la religion choisie. Certaines jeunes filles sont contraintes à la conversion à l’islam. Les parents ont peur. Si elles portent des pantalons serrés, si elles marchent sans voiles dans la rue, elles sont critiquées. Si l’attentat récent donne au gouvernement l’occasion d’être lucide, il y a un peu d’espoir. Sinon, ce sera la fin de l’Egypte. Interview réalisé par Raphaëlle Autric pour l’Aide à l’Eglise en Détresse *Pour des raisons de sécurité, nous avons modifié son nom.