Latin vulgaire / protoroman / français?

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Latin vulgaire / protoroman / français?
Universität Würzburg
Dr. Martine Guille
Examenskurs Sprachgeschichte Französisch
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Latin vulgaire / protoroman / français?
1. Rappel1 sur l’histoire externe:
118 av. J.-C.: Provincia Narbonensis
58-51 av. J.-C.: Invasion de la Gaule du Nord par César
212 apr.J.-C.: constitutio Antoniana (Caracalla): Tous les habitants de l'empire
reçoivent les droits civiques romains (römische Bürgerrecht).
. Incursions germaniques à partir du 3e siècle
275: Invasion générale de la Gaule
313: Constantin reconnait le christianisme comme religion officielle de l’Empire
341-342: Les Francs Saliens occupent la Belgique
395: Partage de l’empire en deux.
< 407 : Grande invasion (Alains, Suèves, les Vandales, les Burgondes et les Francs)
412: les Wisigoths occupent le Midi
447: Déferlement mongol: les Huns
476: Prise de Rome par Odoacre, roi des Hérules et destitution de l’empereur romain
d’occident: Romulus Augustulus => fin de l’Empire romain d‘Occident
486: Victoire du Franc Clovis sur le gén´ral romain Syagrius `la bataille de Soissons.
Dynastie des Mérovingiens
496: Clovis se convertit au christianisme
507: Victoire des Francs sur les Wisigoths à Vouillé. Ceux-ci sont chassés vers
l’Espagne
534: Réunion du royaume des Burgondes à celui des Francs
Entre le 5e et le 9e siècle situation de diglossie
8e siècle: Renaissance carolingienne (Karolingische Renaissance)
842: Serments de Strasbourg
843: Traité de Verdun
987: Hugues Capet, fondateur de la dynastie des Capétiens est le premier roi à ne plus
maîtriser la langue franque
2. Rappel sur la chronologie de la langue latine:
Classification des époques latines
1. latin archaïque: depuis les origines > fin du 3e siècle av. J.-C.
latin préclassique: entre le milieu du 3e siècle et la fin du 1er siècle av. J.-C.
Caton l'ancien (Cato der Ältere) ; Plaute (Plautus); Terence (Terenz)
2. latin classique (LC) (Goldene Latinität) l’âge d'or: du milieu du 1er siècle > 14
ap. J.-C. (mort d’Auguste)
Cicéron (Cicero); César (Caesar) ; Horace (Horaz)
3. latin post-classique (Silberne Latinität) l’âge d'argent: de 14 apr. J.-C. à 117 (Arrivée au
pouvoir d'Hadrien (Hadrian)
Sénèque (Seneca); Tacite (Tacitus); Pétrone (Petron)
1
Rappel adapté d’après Perret 30
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Quintilien (Institutio Oratoria) inspiré de Cicéron (De oratore) formule, d‘après le modèle grec,
les principes de construction des textes:
Latinitas (correction idiomatique)
perspicuitas (clareté)
aptum (aptitude)
ornatus (la forme stilistique)
4. latin tardif (bas latin) (Spätlatein) : du 2e au 5e siècle apr. J.-C.
(grammaire de Donatus)
5. latin moyen (Mitellatein): 5e siécle > 1500
6. latin nouveau (Neulatein) < 1500 Renaissance
3. Rappel sur le latin vulgaire:
1. Définition du latin vulgaire :
latin populaire, latin familier, latin de tous les jours, vulgaris sermo, plebeius sermo
urbanitas (bon usage de Rome) vs. rusticitas (langage provincial);
sermo municipalis/cotidianus; Sermo urbanus vs sermo quotidianus
2. Délimitation du latin vulgaire
Début du latin dit vulgaire :
Pas d’unité d’opinion:
Position maximaliste: (Väänänen): pendant toute la latinité
Position moyenne: (Battisti, Herman): 200 av. J.-C. – 600 ap. J.- C.
Position minimaliste: (Coseriu): 100 – 400 ap.J.- C.
3. Les sources du latin vulgaire:
a) grammairiens:
Appendix Probi < nom du grammairien Probus dont le nom a été trouvé avec l'appendix.
Syllabus de 227 mots
vetulus non veclus
calida non calda
b) les glossaires latins:
Traduction monolingue de mots populaires:
Le lexicologue le plus connu est Isidore de Sevilla (ca 570/ 636)
Origines sive Etymologiae
- Les Gloses de Reichenau (<9e trouvé mais datent vraisemblablement du 8e s.)
pulchra :bella
arena: sabulo
gallia: frantia
in ore: in bucco etc.
- les Gloses de Cassel ca 9e.s.
Vocabulaire roman/bavarois, formes mi-latines mi-romanes:
indica mihi: dage mir
homo iste: deseerr man
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Inscriptions: Pierre tombales, actes notariés, graffiti: Pompei, Herculanum
Auteurs latins: Cicéron, Plaute, Pétrone
Littérature spécialisée: livres de cuisine, de médecine etc.
Livres de chronique historique: < 6e. ap. J.-C. ex: Grégoire de Tours (Gregorius von Tours) 538-594
(Historia francorum)
Lois et décrets (Edikte), en Gaule ceux des Mérovingiens
Auteurs chrétiens: Augustin (354-430): prêche d’utiliser les langues vulgaires pour être compris du
peuple: "Melius est reprehendant nos grammatici quam non intelligant populi".
4. Principales particularités
1. Phonétiques
Voyelles:
 "Quantitätenkollaps":
Latin classique : la quantité vocalique est phonologique:
lĕvis (leicht) vs lēvis (glatt) ; sŏlum (Boden) vs sōlum (allein)
 Disparition de voyelles non-accentuées: AURĬCŬLA(M) > vlt. ORICLA > fr. oreille.
Consonnes:
 Disparition de nombreuses consonnes finales: CĚNTUM > CENTU, GENŬCŬLUM > GENUCULU
 Nombreuses palatalisations: ex. ke,i et ge,i: LC. CĚNTUM ['kentum] vs. LV. *['tsεntu]
2. Morphologiques:
Structure analytique # structure synthétique
 Simplification des catégories grammaticales:
p. ex. dans le système nominal:
LC
LV
Numeri
2
2 (Singulier/pluriel)
Genera
3
2 (masculin/féminin)
Kasus
6
2 (rectus/obliquus)
 Formation des articles (à partir des démonstratifs ĬLLE/ĬLLA/ĬLLUD pour l’article défini et à
partir du numéral ŪNUS/ŪNA/ŪNUM pour l’article indéfini)
 comparatif et superlatif avec plus /magis
 futur à périphrase: cantare habeo.
 simplification de la conjugaison
3. Syntactiques:
 Relative fixation de l’ordre des mots avec tendance à l’abandon de la séquence SOV (LC) pour
celle de SVO (LV.)
 Abandon de nombreuses conjonctions du latin classique (CUM, NE, UT, etc.) pour la conjonction
multifonctionnelle QUOD (complétive, finale, consécutive, comparative, temporale etc.) en latin
vulgaire.
4.Lexicales:
 Beaucoup de mots expressifs:
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LC
emere
equus
flere
LV
comparare
caballus
plorare
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Esp.
comprar
caballo
llorar
Fr.
afr. comperer
cheval
pleurer
It.
comprare
cavallo
piangere
5. Le latin vulgaire dans la recherche linguistique
C'est Diez qui le premier a mis en évidence l'existence du latin vulgaire, dans sa grammaire
comparative de 1835. Il a montré que le LV se différenciait du LC sur le plan phonétique,
morphologique et syntaxique.
4. La différenciation du latin:
Idée latente chez les romanistes de cette époque:
- Une langue unique dans tout l'Empire.
- Une langue plus parlée par le peuple moyen (Mittlere Schichte)
La thèse d’une koiné unitaire du latin règne surtout chez les latinistes et en particulier chez : A.
Meillet, Chr. Mohrmann,J. Herman, D. Nordberg etc. (cf. Bouet 22).
Väänänen soutient lui aussi la thèse d’une relative unité de la langue latine.
Pourtant il a été démontré que, s'il s’agissait d'une langue (surtout) parlée, elle était loin d'être unitaire.
Il est difficile de trouver des traces de la variation car le latin écrit semble avoir gardé longtemps une
relative unité supradialectaledu fait de sa norme et de la tradition linguistique. (Stefenelli 75)
Les différences sont d’ordre dialectal ou social comme on le voit chez Cicéron et surtout chez Pétrone.
Variété de prestige vs variété vernaculaire:
La variété écrite et la moins soumise à des variations géographiques (Glessgen 313). On trouve dans
tout l’empire de grands écrivains latins:
- Espagne : Sénèque/Seneca (1er siécle ap. J.- C.), Lucain /Lukan1er siécle ap. J.- C.), Martial 1er /
2e siécle ap. J.- C.)
- Afrique du Nord : Apulée/Apuleius (2e siécle ap. J.- C.), Saint Augustin/Agustinus (4e /5e siécle
ap. J.- C.),
- Gaule ( < 4e apr. J.-C.) : Ausone /Ausonius (Dichter) 4e apr. J.-C.) , Sidoine Apollinaire
/Sidonius Apollinaris (Dichter), (5e apr. J.-C.).
Pourtant dans les écrits aucune marque diatopique.
Par contre dans le latin parlé, début de régionalisation (par exemple les différenciation des systèmes
vocaliques ou celle des futurs (voleo cantare # cantare habeo)2 dont il y a peu de traces dans les textes.
Variation et régionalisation du latin que l’on situe en gros pendant le latin dit tardif (2-5e)
(Glessgen 313).
Mais là non plus peu d’accord sur la datation (Stefenelli 75):
Positions extrèmes :
1. la différenciation est conjointe à la romanisation (Krepinsky 1958, cité par Stefenelli 75)
2
Notamment Herman, J. : Du latin aux langues romanes, cité par Glessgen 314
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2. Le latin s’est maintenu grâce à l’action conservatrice de l’église jusqu’au 8e siècle et ce n’est
qu’à partir du 9e siècle qu’il donne naissance aux langues romanes ( H.F. Müller 1945, cité par
Stefenelli 75).
Entre ces deux extrèmes, on trouve :
Diversification du latin parlé déjà depuis le 2e ou 3e s. apr. J.-C. selon Stefenelli (Stefenelli 75) au plus
tôt à partir des 2e et 3e siècle ap. J.-C.
Straka lui parle de 2e siècle (cf. Bouet et all. 22)
Selon certains philologues (lesquels ? Chaurand -p. 19-20 de sa nouvelle histoire du français ne le dit
pas), cela pourrait commencer à partir du 5e. siècle apr. J.-C. (Wuest 1979 in Stefenelli 75), allant
vers une fragmentation dialectale qui aboutit à la séparation entre langue d’oc et d’oil.
Selon Bouet et all., les forces de cohésion de l’empire (école, infrastructures routières, église et
religion) réduisent jusqu’au 5e siècle la dislocation. Et c’est l’arrivée des envahisseurs germaniques et
précipitent les différences régionales. Opinion qui correspond à l’attitude générale des linguistes
aujourd’hui.
Mais entre le 5e ou 6e et le 9e siècle, date indubitable de l’existence du proto-français, la marge est
grande.
Glessgen (121) part d’un « latin tardif régionalisé » du 4e au 6e siècle et ensuite passe à la période
protoromane en distinguant le « protoroman3» du 6e au 8e et les langues romanes archaïques (9e et 10e
siècles) (122).
La prise de conscience d’une langue différente diverge selon les régions :
En Gaule : 813 le concile de Tours invite les évêques à traduire leurs sermons en rustica romana
lingua ou en allemand (Bouet, 23) pour être compris des fidèles.
En Italie : c’est au 10e avec la charte du Mont Cassin (960-963) (Bouet 23 Note 4)
En Espagne : Glosas emilianenses (11e).
On peut dire qu'il y a eu une relative compréhension mutuelle dans l'empire > au début du 4e. s ap. J.C. Après le rythme de croissance augmente et certaines régions s'isolent (Dacie) < du 4e. s. on peut
commencer à parler de langues déjà différentes.
Darden distingue deux sortes de protoroman: le protoroman global (dont les traits sont présents dans
tous les parlers romans comme la chute de n devant s : mansionem => *masione=> maison) et le
protoroman fragmenté postérieur et dont les traits différent selon les régions (Darden 92).
5. Causes de la différenciation:
Longtemps on a cherché une raison principale (monistisch = ein Erklärungsfaktor im Vordergrund)
pour l’évolution de la langue (Stefenelli 73):
- En gros : principe « évolutionniste » selon lequel chaque être et par conséquent les langues
évoluent (thèse déjà de Dante) (Stefenelli 73)
- Raison dite « ethnique » : notamment répandue du 15e au 17e siècles (cf. théorie de la
décadence du latin à cause des invasions barbares) , théorie correspondant aujourd’hui à celle
des substrats (Ascoli) et des superstrats (Wartburg).
- Une cause sociale différenciant la langue du peuple de la langue des élites
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Selon Darden, le protoroman est „une abstraction, tirée des parlesrs romans“ (Darden 91)
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Thèse de la « créolisation « du latin (théorie de Dardel citée et discutée par Glessgen 311)
Thèse de la chronologie des invasions (Gröber) combinée avec celle du développement des
aires linguistiques (Arealnormen von Bartoli), la différenciation des espaces linguistiques selon
les frontières romaines puis religieuses (limite des diocèses: Morf).
Aujourd’hui : consensus sur le fait qu’un conglomérat de causes est responsable du
changement et que chaque thèse monistique n’est qu’un élément parmi d’autres(« nur ein
Zusammenwirken einer mehrzahl von faktoren in Betracht kommt » Stefenelli 73).
La différenciation est favorisée par (Glessgen 313) :
- Les données géographiques
- Les données ethniques
- Les migrations
- La formation de centres culturels
- Les échanges économiques
- Enfin et surtout : la destruction de l’empire romain 476 => désintégration de l’infrastructure
romaine.
Il faut donc prendre en compte les facteurs diatopiques mais aussi diastratiques et diaphasiques. Ce
qui conduit Stefenelli à proposer une classification basée sur:
1. Innerlateinische Differenzierung im Zuge der sprachlichen Romanisierungsprozesses
2. Differenzierung aufgrund fremdsprachlicher Einflüsse
3. Divergierende Eingenentwicklung und areale Ausgliederung der regionallateinischprotoromanischen « Diasysteme » (Stefenelli 74)
Reprenons ce plan :
1. Différenciation interne due à la romanisation.
a) Chronologie et intensité de la romanisation (Stefenelli 76)
(Gröber-Theorie) aujourd’hui très critiquée. Selon Gröber la différenciation a commmencé dès les
premières colonisations. Meyer-Lübke formulait déjà une critique : « So kann also das verschiedene
Alter des Lateinischen in den einzelnen Gegenden zwar Verschiedenheiten in den romanischen
sprachen erklären, nicht aber die Verschiedenheit der romanischen Sprachen. » (cité in Stefenelli 77)
L’argument de Gröber peut ainsi expliquer les différences lexicales entre l’occitant et le français.
b) Origine géographique et sociale des colons.
Thèse soutenue en particulier par W. von Wartburg. Par exemple son critère : présence ou non du s
final pour séparer la Romania en est et ouest repose sur la prononciation populaire (sans s) et celle des
élites (avec s). Argument principal contre cette thèse : la conservation du s en sarde ! Cela semble pour
la Gaule et l’Espagne un fait acquis que les élites et l’école ont joué un rôle mais cela n’explique pas
tout et demande prudence.
2. Contact linguistique et fragmentation de la Romania (Glessgen 310 ff)
Diglossie avec des peuplades diverses, dans l’empire romain du 4e siècle apr. J.-C., on trouve des
témoignages de ces contacts dans les témoignages d’écrivains :
« Saint Jérôme compare la langue des barbares gaulois de Trêves avec celle des Galates (Celtes)
vivant prés d’Ankara ; Saint Augustin rapporte que dans son Afrique natale, les couches sociales
inférieures parlent punique en dépit de l’élite latinophone. » (Glessgen 310)
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Pourtant le latin ne s’impose pas partout: une grande partie de la Grèce ainsi que l’Orient hellénisé
n’utilisent le latin que comme langue véhiculaire et l’abandonneront ensuite ; même chose pour
l’Angleterre, les provinces germaniques et celtiques à l’est du Rhin (Germania II et Rhetia II),une
partie des Balkans et l’Afrique du Nord.
En dehors de ces régions le latin était la langue majoritairement utilisée et devint la langue
maternelle.
a) Substrat : influence différente selon les contacts et les régions. On trouve surtout des traces
de ces peuplades pré-romaines dans les toponymes ce qui selon Glessgen (311) prouve une
continuité de peuplement. Le poids des substrats est encore aujourd’hui discuté. Ce qui est
sûr c’est leur trace dans le lexique et la toponymie (Stefenelli 80). La théorie des substrats
(Substrattheorie) est due à G.I. Ascoli. Il impute la palatalisation du u en ü aux Celtes et
base son observation sur 3 critères (Stefenelli 80) :
- La correspondance entre l’aire linguistique et l’aire géographique du phénomène
- La constatation du même phénomène dans les langues celtiques
- L’apparition du même phénomène dans les langues non romanes avec le même substrat (selon
Ascoli, le néerlandais)
Néanmoins si le substrat selon Stefenelli peut jouer une influence plus ou moins grande selon
le grade de la romanisation, il ne peut servir seul de critère distinctif pour la classification des
langues romanes (Stefenelli 81)
b) Superstrat : là encore même principe selon Stefenelli (Stefenelli 82) que pour les substrats :
seule l’influence est indéniable. La théorie des superstrats principalement représentée par W.
von Wartburg n’est aujourd’hui, toujours selon Stefenelli (Stefenelli 82), plus acceptable. Die
« Germanenthese » entspricht « in ihrer Formulierung und Verienfachung nicht mehr dem
heutigen Forschungsstand » (Pfister cité par Stefenelli 83). Selon Stefenelli qui résume les
idées de Pfister, les traits particuliers que Wartburg met au compte des Francs sont explicables
par l’evolution interne du latin régional protoroman central, traits que les invasions
germaniques n’ont fait que renforcer.
3. Rôle des aires linguistiques
L’unité relative du latin a été maintenue en gros jusqu’aux 2e et 3e siècles grâce au prestige émanant de
Rome. Ensuite commence une décentralisation qui favorise la dialectalisation du latin avec émergence
de centres urbains conccurents (par ex. Lyon=Lugdunum) et une différence, entre les zones latérales
(Randromania) qui attestent un latin plus ancien, et les zones centrales (Innere Romania) qui montrent
un latin innovateur. Naturellement les moyens de communication comme le réseau routier jouent un
rôle central dans le développement de la langue véhiculaire. Au contraire les obstacles naturels comme
montagnes ou régions fortement boisées ont ralenti l’expansion.
En outre les frontières linguistiques en Gaule correspondent aux anciennes frontières ethniques celtes,
qui ont été conservées par l’administration romaine et qui ensuite seront reprises dans la répartition des
diocèses de l’église (voir l’adéquation constatée par Morf entre la frontière linguistique du francoprovençal et celle des diocèses de Vienne et Lyon) (Stefenelli 85).
4. Conflit entre forces novatrices et tradition (Stefenelli 86)
La « Lockerung der Sprachtradition » est un phénomène dans lequel Coseriu (cité par Stefenelli 86)
voit la raison majeure de la différenciation du latin. Il est indéniable que les différences socioculturelles ont joué un très grand rôle dans l’évolution du latin dans les diverse régions (influence
lettrée dans le maintien du –s à l’ouest par exemple, rôle de l’école conservée plus longtemps dans la
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Gaule du Sud que dans celle du Nord). Stefenelli pense donc que les élements traditionnels observés
en occitan ou en ibéro-roman ne sont pas à mettre au compte d’une romanisation précoce et intense
mais relévent plutôt d’une tradition linguistique conservée plus longtemps. On trouve encore en
protofrançais un certain nombre de traits traditionnels du latin comme le système casuel, le futur du
verbe être latin esse (erit) (cf. AFr : ert), qui vont régresser pendant la domination germanique
(Stefenelli 87).
6. La naissance du français?
La chute de l’empire romain a relâché le contact à la norme latine classique (Berschin/Felixberger180)
en établissant au pouvoir une caste non latinophone. L’enseignement du latin se simplifient au cours
des 5e et 6e siècles. Le résultat est un rapprochement de plus en plus marqué entre la langue parlée et la
langue écrite4. Au cours du 8e siècle se produit avec la renaissance carolingienne un retour à la norme
classique. Charlemagne fait venir d’Italie du Nord et surtout d’Angleterre des lettrés (Alcuin par ex.)
afin d’améliorer l’enseignement et de corriger les textes sacrés. Selon Banniard (2003) à partir de ce
moment (entre 750 et 850) la communication verticale (« communication orale adressée par un ou n
locuteurs de niveau culturel supérieur à un ou n auditeurs de niveau culturel inférieur ») (Banniard
2003, 546) a été rendue impossible et toujours selon Banniard, « au IXe s. la CV n’est plus latinophone
en Gaule du Nord. » (Banniard 2003, 548)5
Ce retour à la langue classique eut pour effet de faire prendre conscience de l’écart existant entre la
langue (vulgaire) parlée et la langue classique tout comme existait une profonde différence entre la
langue germanique parlée et le latin (Berschin/Felixberger 182-183).
Le Concile de Tours devint l’acte de naissance officielle du français en établissant en son canon 17 que
les homélies se feraient en langue vulgaire (romane ou germanique)6.
On peut résumer la question de la naissance du français en citant Cerquiglini: “ Depuis quand parle-ton français? Depuis qu’on l’écrit.”(Cerquiglini 42)
Bibliographie:
Banniard, M."Latin tardif et français prélittéraire: observations de méthodes et de chronologie." dans: Bulletin de la société
de linguistique de Paris. 1933. t. 1p. 139-159
Banniard, Michel: Du latin aux langues romanes. Paris:Nathan. 1997
Banniard, Michel: « Délimitation temporelle entre le latin et les langues romanes » In: Ernst, Gerhard; Gleßgen, MartinDietrich; Schmitt, Christian; Schweichart, Wolfgang (Hrsg.) (1), 2003, S. 544–555.
Berschin,H/Felixberger,J./Goebl, H.: Französische Sprachgeschichte. Hildesheim, Zürich : Olms. 20082
Bouet, P./ Conso, D./ Kerlouegan, F.: Initiation au système de la langue latine. Du latin classique aux
langues romanes. Paris:Nathan, 1975
Calboli, G.(ed.): Latin vulgaire- latin tardif. Actes sur le deuxième colloque international. Tübingen: Niemeyer. 1990
Cerquiglini, Bernard: La naissance du français. Paris, P.U.F.,1991
Chaurand, J. (éd.): Nouvelle histoire de la langue française. Paris:Seuil 1999
4
Selon Berschin et Felixberger de nombreuses formes non correctes apparaissent dans les textes mérovingiens (180).
Banniard établit le tableau de l’évolution du latin au roman de la façon suivante: Stade 0 latin parlé classique (-IIe-+IIes.);
stade 1: lat.parl. tardif 1 (III3 –Ve s.); Stade 2: LPT 2 ( Vie-VIIe s.) avec constance du monolinguisme latin mais une
modification du diasystème; Stade 3: Protoroman (VIIIe-IXe s.) fin de la communication vertical et établissement rapide
(sur moins d’un siècle) d’une nouvelle langue.(Banniard 2003,550)
6
“Et ut easdem omelias quisque aperte transferre studeat in rusticam Romanam linguam aut Thiosticam, quo facilius cuncti
possint intellegere quae dicuntur”. Cité par Berschin/Felixberger183
8
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90–100
Eckert, Gabriele: „Periodisierung“. In: Holtus, Günter; Metzeltin, Michael; Schmitt, Christian (Hg.): Lexikon
der romanistischen Linguistik. Bd. V/1: Französisch. Tübingen: Niemeyer, 1990, S. 816–829
Ernst, Gerhard / Gleßgen, Martin-Friedrich/ Schmitt, Christian /Schweickard, Wolfgang (Hrsg.): Romanische
Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen. Berlin, New York :
Walter de Gruyter, Bd.1 2003, Bd.2 2006, Bd.3 2008.
Felixberger, Josef: „Sub-, Ad- und Superstrate und ihre Wirkung auf die romanischen Sprachen: Galloromania.“
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