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„Orientation des jeunes entre l'autonomie et le besoin de reconnaissance sociale: L’influence des réactions présumées des autres sur le choix professionnel" Mona GRANATO ALLEMAGNE Chargée d’études Communication orale :français / Oral presentation :French Nom des intervenants & Institutions d’appartenance / Name of contributors & Institutions belonging: Dr. Mona Granato, Bundesinstitut für Berufsbildung (Institut Fédéral de la Formation Professionnelle) Axe de la communication: La recherche en orientation Champ du thème: L’individu Line of thinking of the theme: Career research The main field of the theme: The Individual CIOM 2013- Career’s guidance International Conference, France, September 24th to 27th. p. 1 Mona Granato, Joachim Gerd Ulrich Bundesinstitut für Berufsbildung Institut Fédéral de la Formation Professionnelle [email protected] D - 53142 Bonn, Allemagne 26 02 2014 « Orientation des jeunes entre l'autonomie et le besoin de reconnaissance sociale : l’influence des réactions présumées des autres sur le choix de la profession »[1] Joachim Gerd Ulrich, Mona Granato Resumée Bien que les sociétés contemporaines poussent l’homme à vivre le « soi » individuel comme séparé du « nous social », le philosophe Arthur Schopenhauer, qui a contribué au développement de la psychanalyse, n’a aucun doute sur les motifs qui guident l'être humain : « C’est avant tout l’opinion d’autrui qui est pris en considération dans toutes nos actions ou abstentions » (Schopenhauer, 1950, 62). Le désir de l’homme de plaire aux autres afin de se rehausser dans leur estime influence considérablement ses décisions. « Lorsque l’on voit, cependant, que la plupart de ce que l'homme s'efforce inlassablement d’atteindre tout au long de sa vie, éprouvant mille dangers et épreuves, a comme fin ultime, de se faire valoriser dans l'opinion des autres (…) cela prouve, malheureusement, combien est grande la stupidité humaine » (Schopenhauer 1950, 60). Suivant cette argumentation philosophique, notre thèse se fonde sur l’idée que ce phénomène joue chez les jeunes un rôle majeur dans le choix d’une profession : dans quelle mesure les jeunes anticipent-ils l'opinion supposée des autres et excluent-ils les professions dont ils pensent qu’elles pourraient déplaire aux autres ? Cette thèse s’appuie également sur des théories sociologiques du développement de l'identité, en outre l'interactionnisme symbolique (Mead 1934), l’impression management theory (Mummedy 2002) ou les théories de l’orientation éducative et professionnelle (Gottfredson 1981). A l’aide d’une enquête réalisée en Allemagne nous vérifions cette hypothèse auprès de jeunes s’orientant à la fin de leur scolarité vers une formation professionnelle en alternance. Les résultats empiriques indiquent que si les jeunes pensent que leurs amis et leur entourage social ne voient pas une profession d’un bon œil, ils ne s’intéressent guère à elle, même si les activités exercées dans cette profession les intéressent (Ulrich et al. 2014). Schopenhauer avait-il raison ? Il semble, que le besoin de reconnaissance sociale rend difficile l’orientation professionnelle et le choix autonome d’une profession. Spinoza a CIOM 2013- Career’s guidance International Conference, France, September 24th to 27th. p. 2 souligné combien il est important pour une vie autodéterminée de ne pas suivre aveuglément ses sentiments et ses désirs (Spinoza, 2010), mais de les refléter de manière critique. Suivre sa propre voie et être en mesure de s’orienter soi-même sans recourir aux (pré)-jugés d'autrui devrait être un élément central du développement de l'identité personnelle. 1 Introduction et références théoriques En Allemagne les recherches sur l’orientation professionnelle des jeunes ont souvent mis l’accent sur les intérêts professionnels et les capacités de l'individu, et donc fréquemment sur les différences individuelles, suivant les théories de Hollande (1966) et Super (Super et Bohn 1970). Les théories du choix de la profession basées sur la psychologie du développement et de l'identité (Haußer 1983; Haubrich et Preiss 1996) mettant en corrélation le choix de la profession avec les tâches biographiques de la construction sociale de l’identité ont également joué un rôle important. Celles-ci se concentrent sur la question de savoir comment l’orientation professionnelle et le développement de l'identité s'influencent mutuellement (Ratschinski 2009). Entre temps il existe en Allemagne un large consensus, que l’orientation scolaire et professionnelle ainsi que le choix professionnel des jeunes est influencé (1) par les facteurs de l’individu, facteurs psychologiques, facteurs associés à la personnalité, au développement de l’individu et à ses ressources culturelles, (2) par les facteurs de l’environnement social, comme la famille, les enseignant, les peers, l’origine social et ethnique autant que (3) par les facteurs de l’environnement institutionnel, comme l’offre de places de formation, les exigences professionnelles d’un métier etc.. Ces facteurs semblent essentiels pour comprendre les différences observées pendant le processus de l’orientation professionnelle et lors de la décision pour une profession. Selon les théories du développement et de l'identité cités ci-dessus, il importe également de savoir dans quelle mesure les professions contribuent à la construction d’un estime de soi aussi positive et stable que possible, estime de soi qui repose, entre autres facteurs, sur les interactions sociales. Néanmoins en Allemagne, l’importance de l’affirmation de soi concernant le choix de la profession est restée très longtemps largement ignorée. En vue de mesurer leur importance et leur position sociale, les jeunes se servent des réactions des autres sur leur propre personne comme un miroir (Haußer 1983). Selon l’impression management theory (gestion des impressions), un individu cherche à influencer la perception que les autres ont de sa personne, parce que les individus attachent une importance particulière à l’impression qu’ils laissent d’eux-mêmes à leurs semblables (Mummedey 2002 ; Tedeschi 1981). Cela sert à renforcer son identité sociale: ainsi les hypothèses de l’individu sur les images que les autres ont de sa personne déterminent CIOM 2013- Career’s guidance International Conference, France, September 24th to 27th. p. 3 l'image de soi de l'individu (Mummendey 1998). De la théorie de la gestion des impressions, il est aussi possible de tirer la conclusion que le choix d’une profession est d’une importance hautement stratégique pour l'affirmation de l’individu en tant qu’être, puisque l'exercice d'une profession ou l’appartenance à un groupe professionnel contribue en grande partie à la reconnaissance ou à l’exclusion sociale. En même temps la construction de l’identité d‘un individu a lieu à travers ses interaction avec les autres. Selon la théorie de l‘interactionnisme symbolique l‘interaction se produit à travers des symboles significatifs lesquels l‘individu partage avec d‘autres (Mead 1934). Il peut s’agir par exemple des noms de professions. Les intitulés des professions sont donc des symboles significatifs auxquels les individus attachent une importance commune (Eberhard, Krewerth et Ulrich 2010). Dans sa théorie de la circonscription et du compromis (circumscription and compromise theory) Gottfredson (1981, 1985, 2006) postule que les professions sont spécifiquement choisies pour servir le positionnement social de l’individu et que cet aspect est plus important que l'intérêt intrinsèque pour certains activités professionnelles. Selon elle, le choix de la profession est le désir « d’accomplir un rôle auquel on aspire dans un ordre social élargi » (Steiner, Kayser et Ziegler 2012, p. 2). Selon Gottfredson, l’orientation professionnelle des enfants grandissants passe par différents stades évolutifs entre la période préscolaire et la fin du premier cycle secondaire (Sekundarstufe I). Au cours de ces étapes, ils prennent d’abord conscience du rôle du genre et du statut social comme caractéristiques de différenciation du monde professionnel : les enfants développent le besoin d’opter pour une orientation professionnelle qui, selon eux, correspond à leur genre et au mieux au statut social qu’ils désirent atteindre à travers la profession. Ce n’est que plus tard qu’entreront davantage en jeu leurs intérêts, leurs aptitudes et leurs attitudes. Au cours de cette dernière étape le genre et le statut social influencent ces critères individuels de perception des professions : Le genre et le statut social désiré forment la plate-forme commune sur laquelle les jeunes précisent leur choix professionnel en fonction de leurs intérêts, leurs aptitudes et leurs attitudes (Gottfredson 1985). 2 Questions de recherche et approche de l’étude En vue de théories mentionnées (voir chapitre 1), notamment de la théorie de la gestion des impressions (Mummedy 2002), de l'interactionnisme symbolique (Mead 1934) ainsi que de la théorie de la circonscription et du compromis (Gottfredson,1981 ; 1985) on pourrait conclure en ce qui concerne le choix professionnel du jeune : Pour un jeune il est important de quelle façon les autres pensent de lui. Cela fait parti de sa construction identitaire. Selon CIOM 2013- Career’s guidance International Conference, France, September 24th to 27th. p. 4 les théories mentionnées on peut supposer qu’en choisissant une profession, les jeunes anticipent l'opinion d’autrui dans leur processus décisionnel. Grâce à un certain choix de profession, ils essaient de se présenter sous une lumière positive devant l'autre (Ratschinski 2009, 184) ou de « monter dans l’estime d’autrui », comme l’avait supposé Schopenhauer. En même temps l‘individu choisit une profession pour servir son positionnement social et genré. Cela est plus important que l'intérêt intrinsèque envers les activités professionnelles de la profession (Gottfredson 1981, 1985). Le choix professionnel sert la construction identitaire de l‘individu: Ce que les autres pensent de la profession, du prestige social el du genre de la profession choisie est important pour le jeune et influence son choix professionnel (Ulrich et al. 2014). De suite notre thèse postule que l'opinion supposée des autres joue un rôle majeur dans le choix de la profession chez les jeunes: dans quelle mesure les jeunes anticipent-ils l’opinion des autres et excluent-ils les professions dont ils pensent qu'elles pourraient déplaire aux autres (quelle qu’en soit la raison) ? Une enquête écrite et représentative, envoyée par voie postale, effectuée en Allemagne 2010/11 nous a permis de réaliser notre étude. A l’aide de cette enquête qui porte sur des facteurs individuels, sociaux et institutionnels qui sont essentiels pour comprendre le choix d’une profession, nous avons vérifié nos hypothèses auprès de 4 600 jeunes s’orientant à la fin de leur scolarité vers une formation professionnelle en alternance (système dual) et ayant demandé aux agences pour l’emploi une place d’apprentissage. Les jeunes ont d'abord été interrogés sur les réactions qu’ils attendaient de leur entourage quant au choix de telle ou telle profession (Ulrich 2013). De suite la mesure dans laquelle ces réactions anticipées pesaient sur la décision des jeunes à envisager réellement les professions en question dans le cadre de leur recherche de place d’apprentissage a été l’objectif d’analyses (Ulrich et al. 2014). La question clé pour vérifier l’opinion supposée des autres était : « Les professions sont perçues différemment. Avec lesquelles faites/feriez-vous probablement bonne impression auprès de votre entourage ? ». Cette question a été suivie par la demande : « Veuillez répondre sans tenir compte du fait de savoir si vous souhaitez vraiment apprendre une telle profession ou non ! » (Ulrich et al. 2014). 3 Résultats Les jeunes supposent que les professions comme secrétaire, employé(e) de banque, concepteur/trice médiatique supports numériques et imprimés, concepteur/trice de marketing visuel font bonne impression auprès de leur entourage, ce qui en revanche est CIOM 2013- Career’s guidance International Conference, France, September 24th to 27th. p. 5 rarement le cas pour les professions comme vendeur/euse spécialisé(e) dans la production artisanale de denrées alimentaires, boulanger/boulangère, coiffeur/coiffeuse ou agent de nettoyage (Ulrich et al. 2014). Le classement des professions contient des agrégats visibles : parmi les professions que les jeunes voient d’un bon œil pour l’affirmation d’eux-mêmes, on trouve des professions de prestations de services. Les professions que les adolescents jugent moins utiles pour l’affirmation d’eux-mêmes relèvent principalement de la catégorie des métiers manuels. La plupart des jeunes femmes et des jeunes hommes conviennent que le choix d'une profession de prestations de services ferait bonne impression auprès de leur entourage, une présomption approuvée encore plus fréquemment par les jeunes femmes. Il existe pourtant dans le domaine technico-industriel et dans le domaine des soins infirmiers des différences selon le genre dans la manière de pereçevoire les professions qui feraient bonne impression auprès de l’entourage. Ces différences reflètent les différences genrées relevées par la recherche dans le cas d’un choix de profession réellement opéré (Hirschi 2009). Dans la catégorie intermédiaire de l’acceptation se trouvent donc les professions nécessitant un apprentissage dont seul les jeunes femmes ou les jeunes hommes s'attendent à des réactions positives de la part de l’entourage : on recense la profession d’employé(e) médicale spécialisé(e) chez les jeunes femmes, et celles de mécanicien/ne industriel(le), électronicien/ne de systèmes informatiques et mécatronicien/ne d’automobiles chez les jeunes hommes (Ulrich et al. 2014). Ici aussi se reflète la forte segmentation du système dual de formation en alternance, qui propose davantage de professions et de places d’apprentissage intéressantes pour les jeunes hommes que de professions et de places d’apprentissage intéressantes pour les jeunes femmes (Granato et Kroll 2014). La deuxième étape consiste à analyser si un jeune a postulé pour une des professions incluses dans l'étude, et si oui, dans quelle mesure ses candidatures correspondent aux effets qu’il présume que les professions ont sur son entourage social. Pour analyser les facteurs d'influence sur les effets présumés par les candidats, un modèle de régression à trois niveaux a été calculé (Ulrich et al. 2014). Les résultats empiriques indiquent: si pour une profession donnée les jeunes anticipent un effet « pas bon du tout » ou « pas très bon » auprès de leur entourage, alors ils ne cherchent que très rarement une place d’apprentissage formant à cette profession. Les jeunes cherchent souvent une place de formation dans une profession que lorsqu’ils présument un effet positif de ce choix de profession sur l’affirmation d’eux même (Ulrich et al. 2014). Cela est aussi le cas sous contrôle du nombre des places de formation en alternance proposé dans la région et du niveau du diplôme de fin d’études du jeune. CIOM 2013- Career’s guidance International Conference, France, September 24th to 27th. p. 6 4 Conclusion Les résultats empiriques indiquent que si les jeunes pensent que leurs amis et leur entourage social ne voient pas une profession d’un bon œil, ils ne s’intéressent guère à elle, même si les activités exercées dans cette profession les intéressent. Il semble ainsi évident que Schopenhauer avait raison : le besoin de reconnaissance sociale rend difficile l’orientation professionnelle et le choix autonome d’une profession. Mais est-il justifié de condamner l'homme en raison de ces motifs d’orientation et de décision, comme le fait Schopenhauer ? Peut-être pourrions-nous lui faire la remarque suivante : si l’homme aspire tant à la reconnaissance d’autrui, n’est-il pas justifié que ses orientations et décisions éducatives et professionnelles soient considérablement influencées par cette aspiration ? Spinoza en revanche a souligné combien il est important pour une vie autodéterminée de ne pas suivre aveuglément ses sentiments et ses désirs (Spinoza 2010), mais de les refléter de manière critique. Nous plaidons donc pour que les jeunes apprennent au plus tard dans le contexte de l’orientation éducative et professionnelle à faire face offensivement à leur besoin de reconnaissance sociale de la part des autres. Suivre sa propre voie et être en mesure de s’orienter soi-même sans recourir aux (pré)-jugés d'autrui devrait être un élément central du développement de l'identité personnelle. Littérature Boudon, Raymond. 1974. Education, opportunity and social inequality. Changing prospects in Western society. New York: Wiley. 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