Karim Wade, une tentation dynastique au Sénégal

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Karim Wade, une tentation dynastique au Sénégal
Karim Wade, une tentation dynastique au Sénégal ?
Popularisée par les événements du 23 juin 2011 qui virent le peuple sénégalais faire reculer le régime
d’Abdoulaye Wade, accusé de vouloir confisquer les élections présidentielles de 2012 tout en préparant
l’accession au pouvoir de Karim Wade, fils du Chef de l’Etat, une expression, « dévolution monarchique », est
aujourd’hui sur toutes les lèvres au Sénégal. Qu’en est-il ?
Il convient ici de revenir en arrière afin d’examiner la trajectoire publique de Karim Wade pour tenter d’en
comprendre le sens.
Chronologie d’une ascension
Avant 2002 - Dans la notice biographique que propose le site officiel du ministère dirigé par Karim Wade 1, il
est précisé que celui-ci « a travaillé pendant une dizaine d'années dans le département "Corporate Finance" de
la Banque d'Affaires "UBS Warburg" à Londres en qualité de Directeur Associé » 2.
Plus loin, le lecteur apprend également ceci : « En 2002, Karim Wade abandonne une carrière très prometteuse
de banquier pour mettre son expertise au service de son pays ».
Or, Karim Wade a obtenu un DESS en ingénierie financière en 1995, à la suite d’un mémoire cosigné avec sa
sœur 3, de quatre ans sa cadette, ce qui ne lasse pas d’étonner les amis de l’Université.
Selon l’information officielle, il faut donc comprendre, que M. Wade était employé chez UBS Warburg,
comme Directeur Associé, au moins trois ans avant l’obtention de son diplôme principal, ce qui est en tous
points remarquable. Malheureusement, aucun curriculum vitae n’est à ce jour disponible pour éclairer, avec
précision, le parcours du brillant esprit, de 1995 à 2002, pour être indulgent.
Les difficultés de l’héritier avec sa propre biographie commencent donc très tôt. Un tropisme familial 4 sans
doute. Cette imprudence grossière va signer le rapport au peuple sénégalais d’un homme devenu public dans le
sillage de son père, en ayant choisi de nier ses propres vulnérabilités par une fuite en avant.
2002 - Arrivée officielle de Karim Wade à la Présidence, comme Conseiller chargé de la mise en œuvre des
« grands projets ».
2004 - Nomination au poste de Président de Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique
(ANOCI) avec pour mission de préparer et d'organiser le onzième sommet de l'OCI 5, en remplacement du
1
Au 18 juillet 2011, le ministère de le Coopération internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie
Source : http://www.micatti.gouv.sn/index.php/le-ministre.html (Consulté le 16/07/2011)
3
Source : http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1/SET=2/TTL=1/CLK?IKT=1&TRM=Wade,Karim (Consulté le 17/07/2011)
4
L’âge officiel d’Abdoulaye Wade par exemple, 85 ans, laisse de nombreux observateurs expérimentés de l’histoire politique
sénégalaise, dubitatifs. L’expression « âge CFA » est souvent employée … Il en est de même pour les prétendues illustrations
familiales dont il se targue volontiers.
2
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Ministre des affaires étrangères, pourtant le plus indiqué avec ses services pour assurer la tutelle directe d’un
évènement diplomatique de cette ampleur 6. De mauvais esprits voient alors dans cette nomination, la volonté
du Chef de l’Etat d’offrir à son fils, grâce aux nombreux travaux d’infrastructures prévus dans Dakar et aux
financements subséquents, une vitrine et des moyens pour accéder à la mairie de Dakar, préalable à un plus
ambitieux destin7.
2006 - Création avec Abdoulaye Baldé, de l'association « Génération du concret », mouvement politique au
sein du Parti Démocratique Sénégalais, marquant l’entrée formelle sur la scène politique nationale du fils du
Chef de l’Etat. Il est essentiel de noter ici que si la langue officielle du Sénégal est le français, Karim Wade est
alors incapable de s’exprimer publiquement en Wolof 8, langue majoritaire dans les faits, comptant de loin le
plus grand nombre de locuteurs dans toutes les régions du pays. Sa parole politique devra par conséquent être
portée par d’autres pour toucher le plus grand nombre, et son écho lui être traduit pour en comprendre
l’essence. Dans un pays connu pour son amour du verbe, cette situation est incompréhensible.
2007 - Convocation par l’Assemblée nationale, pour s’expliquer sur les retards des travaux dédiés à l’OCI, et,
plus généralement, sur la gestion inquiétante de l’ANOCI. M. Sall, le Président de cette chambre, se fera
démettre brutalement de ses fonctions par Abdoulaye Wade, à la suite notamment de cette affaire 9.
2008 - Tenue de l’OCI, dans des conditions de gestion 10, d’organisation, de sécurité 11 et d’infrastructures 12
déplorables. A un point tel que les délégations étrangères significatives ne compteront à leur tête pratiquement
aucune personnalité politique de premier plan 13.
5
L’OCI dont le siège est situé à Djeddah en Arabie saoudite, est une organisation intergouvernementale créée le 25 septembre 1969
qui regroupe cinquante-sept États membres. Il s’agit d’une organisation intergouvernementale qui possède une délégation permanente
aux Nations unies. L’Organisation de la coopération islamique est la seule organisation au niveau supra-étatique et international qui
soit à caractère religieux. La XIe session de la Conférence au sommet de l’OCI se tiendra à Dakar, du 7 au 14 mars 2008, sur le thème
« La Oumma islamique dans le XXIe siècle ». Cette organisation compte un grand nombre de pays producteurs de pétrole.
6
En 1991, le Sénégal avait également accueilli un sommet de l’OCI, organisé, en toute logique, par le Ministre des affaires étrangères
de l’époque et son administration, avec un raisonnable succès, compte tenu notamment d’un environnement diplomatique rendu
complexe par la première guerre du golfe.
7
Amath - Les sept dérives d’Abdoulaye Wade, ou la descente aux enfers du « Sénégal qui gagne » - Octobre 2008. Source :
http://ia600503.us.archive.org/23/items/LesSeptDrivesDabdoulayeWade-Octobre2008/LesSeptDrivesDabdoulayeWadeOctobre2008.pdf (Consulté le 18/07/2011).
8
Une situation qui n’a pas évolué, en juin 2011.
9
La rancune, tenace, d’Abdoulaye Wade ne s’arrêtera pas là : en 2009, Macky Sall, ancien premier Ministre dissident de Wade, sera
accusé de blanchiment d’argent et menacé d’incarcération avant d’être relâché.
10
Les dérives financières de l’Anoci vont conduire le ministère du Budget à opérer des ponctions importantes sur les lignes
budgétaires de différents ministères et agences, en violation des règles élémentaires de la comptabilité publique. Le Ministre Ibrahima
Sarr, victime expiatoire de ces méconduites, devra démissionner sous la pression inquiète du FMI, en aout 2008. Voir à ce sujet :
Coulibaly, Abdou Latif. Contes et mécomptes de l'Anoci. Paris : L'Harmattan, 2009.
11
« Selon nos informations, l'ambassadeur du Sénégal en France, Doudou Diop, a été reçu le 30 janvier par Claude Guéant, le
secrétaire général de l'Elysée, en présence de Robert Bourgi. Le Sénégal a demandé l'aide de la France en matière sécuritaire pour la
tenue du sommet de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), les 12 et 13 mars à Dakar ». Source : « Sécurité française pour
l'OCI ? ». La Lettre du Continent, Paris, 07/02/2008, n°534. Des Israéliens se seraient installés dans l'immeuble Holding Kébé à
Dakar pour assurer une partie des écoutes téléphoniques du sommet de l'OCI. Source : « Services de renseignement pour l'OCI ». La
Lettre du Continent, Paris, 06/03/2008, n°536. La Jordanie, où des unités de sécurité sénégalaise iront se former, va envoyer au
Sénégal de petites délégations de policiers.
12
« A la suite d'infiltrations d'eau, le tunnel sous le marché à poissons de Soumbédioune réalisé par le groupement CDE/Al-Kharafi a
dû être creusé à 12 m au lieu de 5,50 m, avec l'appui de la société Sacif. Le surcoût est de 5 milliards F CFA ». Source : « L'OCI,
toujours en mars 2008 ? ». Source : La Lettre du Continent, Paris, 08/11/2007, n°528. « […] C'est un peu la panique à Dakar dans le
domaine de l'hôtellerie pour accueillir tous les participants de l'OCI. Plusieurs complexes hôteliers en cours de construction ne seront
en effet pas opérationnels. Les travaux des cinq hôtels - dont deux par le groupe espagnol NH-Baobab et un par le groupe sénégalais
Thelium - sont ainsi loin d'être terminés. Aussi, l'Agence nationale de l'organisation de la conférence islamique (Anoci) a décidé de
louer un bateau de croisière de près de 1 300 chambres. Toutes les chambres ont été réquisitionnées pour les nuitées de la période
"OCI" à la grande fureur des tour-opérateurs. Plusieurs belles villas de riches hommes d'affaires libanais, pas toujours en règle avec le
fisc, ont également été confisquées. Les travaux d'agrandissement du Palais des congrès de 600 à 1 000 places à l'Hôtel Méridien
Président par le groupe Ben Laden ont également pris du retard. […] ». Source : « Sécurité française pour l'OCI ? ». La Lettre du
Continent, Paris, 07/02/2008, n°534
13
« […] Sans doute inquiets du retard pris dans la mise en place d'une hôtellerie haut de gamme, les principaux bailleurs de fonds de
l'Organisation de la conférence islamique (le roi Abdallah d'Arabie Saoudite et l'émir du Koweït Saad Al-Abdullah Al-Salim AlSabah) ont boudé et se sont fait représenter. Le colonel Kadhafi s'était aussi mis aux abonnés absents. […] ». Source : « OCI ». La
Lettre du Continent, Paris, 20/03/2008, n°537.
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Mars 2009 - Défaite du camp présidentiel aux élections régionales, municipales et rurales du 22 mars 2009.
Karim Wade, malgré son engagement personnel dans la campagne au sein de son mouvement « La Génération
du Concret », est sèchement battu dans son propre bureau de vote à Dakar, au Point-E. Le rêve de la mairie de
Dakar, marchepied vers le sommet, s’effondre. L’ascension, si elle doit se poursuivre, devra se faire sans
légitimité démocratique.
Mai 2009 - Deux mois après son échec politique retentissant, Karim Wade est fait Ministre d’Etat, Ministre de
la Coopération Internationale, des Transports aériens et des Infrastructures. Démarche inaugurale dans un pays
qui n’avait jamais vu depuis son indépendance, la descendance d’un Chef d’Etat en exercice dotée d’un
portefeuille ministériel. Symbolique d’une défiance à l’égard du peuple sénégalais mais aussi de sa propre
majorité présidentielle en proie à des luttes de pouvoir intestines, cette décision fut probablement la plus grave
erreur politique d’Abdoulaye Wade.
Juin 2009 - Introduction d’un poste de Vice-président, nommé par décret présidentiel, dans la constitution
sénégalaise. Présenté comme une avancée significative pour la démocratie par Abdoulaye Wade, ordonnateur
de cette réforme constitutionnelle votée sans délais par l’Assemblée, le poste de Vice-président n’a jamais été
occupé à ce jour. Pour quelles raisons ? Toujours est-il que cette fonction fantôme, jouet de la Présidence 14 et
sans nécessité aucune, va cependant évoluer d’une manière inquiétante dans un deuxième temps, comme on va
le voir.
Novembre 2009 - La représentation américaine au Sénégal fait état de rumeurs concernant la préparation d’un
nouvel amendement à la Constitution, dont l’objectif serait la suppression du second tour des élections
présidentielles, afin de permettre la victoire d’Abdoulaye Wade en 2012, compte tenu de la défaite de sa
majorité aux élections du 22 mars 15. La succession du Chef de l’Etat par son fils est directement évoquée, à
plusieurs reprises et dans différents documents, par l’ambassade américaine à Dakar.
Octobre 2010 - Il est ajouté aux nombreux portefeuilles ministériels détenus par Karim Wade, celui de
l’Energie. L’ancien responsable de l’ANOCI gère dès lors, suivant une évaluation prudente, le quart du budget
de l’Etat du Sénégal 16. Compte tenu de cette situation, des privilèges particuliers qui lui sont octroyés 17 et d’un
accès forcément hors normes au Chef de l’Etat, il n’est pas excessif d’avancer que Karim Wade devient alors
premier Ministre de fait.
Juin - 2011 - Abdoulaye Wade tente de faire voter une réforme constitutionnelle bouleversant la règle
électorale. Dans sa première version, celle-ci propose alors d’une part, le principe d’un « ticket » présidentiel
(Président/Vice-Président) éligible au premier tour avec seulement 25% des suffrages exprimés, et, d’autre part,
la succession du Président jusqu’au terme de son mandat par le Vice-Président, en cas de vacance du pouvoir.
Sachant que, si toutefois, le Vice-Président élu sur le « ticket » présidentiel, frappé de mauvaise fortune, venait
à démissionner ou disparaître, alors, le Président serait en droit de nommer son remplaçant. Il en résulterait
donc pour ce dernier, à l’image de ce que fut l’accession à la présidence américaine de Gerald Ford, après les
démissions successives de Spiro Agnew et Richard Nixon, la possibilité, en cas de démission ou de décès du
Chef de l’Etat, d’être propulsé à la tête d’un pays sans jamais avoir été élu.
L’expression « dévolution monarchique » est alors sur toutes les lèvres dans la rue dakaroise alertée.
14
Le Président nomme et démet le Vice-président dont il détermine les prérogatives.
Cable 09DAKAR1376 - Senegal: Campaigning For The 2012 Is Already Underway, November 2009. Wikileaks (Cablegate).
16
Hofnung, Thomas. « Le Sénégal aspire au jasmin arabe ». Libération, 28/06/2011
17
L’utilisation fréquente d’avions d’affaires (le F-GUAJ par exemple) est souvent évoquée ici, s’agissant de destinations desservies
par des lignes aériennes régulières. A cet égard, le coût et les moyens aériens d’une présidence réputée pour son goût des voyages,
entre le retrait du 727 ADV (6V-AEF) (dont on aimerait connaître le statut actuel) et l’entrée en service de l’A319 CJ (6VONE)
restent un mystère à éclaircir. Par ailleurs, l’épisode désormais célèbre où Nicolas Sarkozy propulsant Karim Wade au-devant de
Barak Obama, visiblement surpris, pour une poignée de main photographiée sous l’œil attendri de son père, ne laisse aucun doute sur
un traitement de faveur au-delà du raisonnable réservé au fils du président.
15
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23 juin 2011 - Les Sénégalais estimant ce projet insupportable, font le siège de l’Assemblée nationale le jour
du vote, et, des scènes de violence éclatent partout au Sénégal. A la suite de débats houleux et sous la pression
de la rue, la majorité présidentielle, par la voix de son chef de file Doudou Wade 18, refuse d’endosser la
responsabilité du vote et s’en remet au gouvernement. Le pouvoir effrayé, recule : le projet de loi est retiré.
27 juin 2011 - Une nuit d’émeute éclate alors que certains quartiers populaires sont depuis trop longtemps
privés d’électricité. Elle va donner lieu à un échange téléphonique surréaliste, on va le voir plus loin.
3 juillet 2011 - Karim Wade, Ministre en charge de l’Energie, publie une lettre ouverte aux Sénégalais 19. Celleci est aussitôt raillée par la rue, l’écrasante majorité de la presse nationale et bien au-delà. M. Wade après avoir
d’emblée précisé que « pourtant rien ne m’a été donné » s’y présente comme une victime : « Jamais dans
l'histoire du Sénégal, un homme public n’a reçu, autant de coups, de propos diffamatoires et outrageants ».
N’ayant jamais goûté de sa vie à la matraque des GMI 20, ni connu l’emprisonnement que nombre des partisans
de son père expérimentèrent et sans dire les autres tourments qu’ils eurent à endurer alors qu’ils étaient dans
l’opposition, chacun jugera l’ego de l’héritier, historique lui aussi 21.
Par ailleurs, bon prince pour ses détracteurs, « conformément à nos valeurs sénégalaises, je leur accorde mon
pardon », Karim Wade repousse dans sa lettre ouverte, toute idée de « dévolution monarchique » dans son
esprit et celui de son père. Ce qu’évidemment n’ont pas pu comprendre de méchants contempteurs, qui vont des
« magiciens de la désinformation, aux adeptes de la propagande politique, aux manipulateurs de l’opinion
publique nationale et internationale ». Car, précise le martyr, « le pouvoir ne s’hérite pas, il se conquiert par la
voix des urnes. ». Tout dépend de la manière.
Vouloir être élu Président au premier tour avec les voix d’un Sénégalais sur quatre tout en introduisant un bien
étrange poste de Vice-Président, comme l’a essayé Abdoulaye Wade, à la stupéfaction d’un grand nombre de
ses propres partisans, relève, sans préjuger de l’inconstitutionnalité de sa candidature 22, d’une injure grossière
faite à la démocratie.
6 juillet 2011 - Au cours d’une interview, Robert Bourgi, figure emblématique et assumée de la Françafrique
boutiquière, affirme avoir reçu de Karim Wade, dans la nuit du 27 au 28 juin, alors que des émeutes font rage à
Dakar, un appel téléphonique affolé, lui demandant d’intercéder auprès des autorités hexagonales afin d’obtenir
une intervention de l’armée française 23. Une prérogative présidentielle 24 touchant à la souveraineté de l’Etat.
Une situation plus qu’embarrassante et qui pose bien des questions sur la stabilité psychologique du Ministre,
son rôle dans l’appareil d’Etat et la signification de ce lâchage en règle de son « neveu »25 par le missi dominici
des masques africains mal acquis.
18
Dans son intervention à l’Assemblée, celui-ci, en se désolant de devoir porter une pareille charge, après avoir remercié ses épouses
et enfants pour leur soutien, invoquera la protection d’un défunt dignitaire religieux avant de se tourner vers le représentant du
gouvernement. On n’est jamais trop prudent.
19
Source : http://www.seneweb.com/news/Societe/karim-wade-ecrit-une-lettre-ouverte-aux-senegalais_n_47549.html (Consulté le
18.07.2011)
20
Groupes Mobiles d’Intervention, unités chargées du maintien de l’ordre.
21
Par décence pour leur mémoire, on se gardera d’évoquer ici les figures historiques qui portèrent haut les couleurs du Sénégal face à
la colonisation et dans la tourmente de l’après-indépendance.
22
Abdoulaye Wade a précisé lui-même, au cours d’une interview, qu’il ne pouvait se représenter aux élections présidentielles pour un
troisième mandat, compte tenu de la règle constitutionnelle votée à son initiative en 2001. Source : http://www.politicosn.com/AudioWade-trahi-par-ses-propres-propos-C-est-pas-possible-je-ne-peux-pas-me-representer_a1381.html (Consulté le 23.08.2011)
23
Témoignage audio de Robert Bourgi. Source : http://xalimasn.com/audio-intervention-militaire-de-la-france-robert-bourgi-dementkarim-wade-et-raconte-son-entretien-avec-le-fils-de-letat/ (Consulté le 18/07/2011). Karim Wade démentira plus tard avoir fait cette
demande. Robert Bourgi réaffirmera son témoignage. Aucune suite judiciaire de M. Wade contre M. Bourgi n’existe à ce jour,
s’agissant pourtant d’une accusation extrêmement grave, mettant directement en jeu l’honneur du Ministre.
24
Sachant que le Président de la République lui-même, s’il doit faire appel à des forces étrangères sur le sol sénégalais, doit en référer
au Parlement. Source : http://www.rfi.fr/afrique/20110708-affaire-wadebourgi-opposition-senegalaise-envisage-poursuites-judiciaires
(Consulté le 18/07/2011)
25
M. Karim Wade appelle M. Robert Bourgi, selon le témoignage de ce dernier, « Tonton ».
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La mécanique infernale de l’enfermement familial
C’est donc à une montée en puissance ininterrompue du fils d’Abdoulaye Wade depuis 2002 à laquelle ont
assisté, médusés, les sénégalais, qui, dans la même période, ont vu croître sans relâche leur mécontentement à
son égard, jusqu’à en faire une figure honnie, en ce début d’hivernage 2011 26.
Tentation dynastique ou pas ? Les mêmes questions lancinantes demeurent, malgré les dénégations du pouvoir :
1/ Pour quelles raisons, un homme politique aussi expérimenté qu’Abdoulaye Wade maintient-il dans le
gouvernement, depuis aussi longtemps, un homme rejeté politiquement jusque dans son propre camp, et,
vivement critiqué sur sa manière de servir 27 ?
2/ Par quel mystère, à mesure que la crédibilité de son fils s’effondre, lui confie-t-il avec une sombre
obstination, de plus en plus de responsabilités gouvernementales, au point d’en faire le premier de ses
ministres?
3/ En conséquence, que privilégie le Chef de l’Etat : l’intérêt national ou l’intérêt familial ?
Tout porte à croire aujourd’hui, qu’Abdoulaye Wade, isolé et enfermé dans une stratégie familiale 28 sans issue,
ne sache surmonter seul la blessure narcissique que constituerait l’éloignement des affaires publiques d’un fils à
qui il a tout offert, afin d’en faire son successeur. Un désaveu aussi intime signerait sans doute à ses yeux un
bien trop douloureux testament politique.
En guise de conclusion, voici deux extraits de ce que livrait au journal « La Croix », Abdoulaye Wade, le 22
juillet 2011, soit un mois après le retrait forcé de son projet de loi constitutionnel, sous le titre menaçant « Mon
départ créerait un chaos pire qu'en Côte d'Ivoire » :
« Le printemps arabe est-il en train de se lever au Sénégal ?
A. W. : Dans les pays arabes, les gens se sont mobilisés contre des dictatures. Leurs pays étaient caractérisés
par l'absence de liberté. Ici, c'est l'excès de liberté qui est à l'origine de ces troubles 29. Cet excès permet à
certains de dire et de faire n'importe quoi contre le régime. »
« Voyez-vous votre fils, Karim, comme votre successeur ?
A. W. : Comme mon successeur direct, non ! C'était stupide et insultant de penser que je voulais le proposer
comme candidat à la vice-présidence 30. Mais personne ne peut l'empêcher de se présenter à l'élection
présidentielle après ma mort. La perspective qu'il devienne un jour président du Sénégal ne me déplaît pas.
26
Rappelons que le ministère que Karim Wade dirige, comprend l’Energie. Or, la gestion erratique de la pénurie électrique - il n’y a
pas d’autres mots pour qualifier les interminables « délestages » liés à l’état de quasi-faillite de la Sénélec - au-delà des questions
ménagères, a un impact catastrophique sur l’économie du pays. En effet, en outre des acteurs de l’économie formelle dont on imagine
les tourments, sont touchés les « petits métiers » informels qui font vivre l’essentiel de la population : tailleurs, menuisiers, garagistes,
petite restauration, commerces, etc. : pas de courant, plus de travail pour la masse de ceux qui ne peuvent supporter l’investissement et
les charges d’un groupe électrogène, dans un pays où le chômage de masse est une maladie endémique.
27
Si les accusations de prévarication, portées contre des personnalités politiques, sont monnaie courante dans l’opinion publique
sénégalaise, il est plus rare de voir celles-ci confirmées par un diplomate d’importance, dans sa correspondance avec son
administration : Marcia Bernicat, ambassadrice des Etats-Unis au Sénégal, écrit ainsi : « Karim est aujourd'hui surnommé "Monsieur
15 %" alors qu'au début de 2007 on l'appelait "Monsieur 10 %" ». Source : Bernard, Philippe. « Corruption et divisions à Dakar ». Le
Monde, 11 décembre 2010.
28
Il faut rappeler ici qu’Abdoulaye Wade, en 2010, a choisi de confier à sa fille cadette, Sindiély Wade jusque-là discrète,
l’organisation du troisième festival mondial des arts nègres (Fesman). Cette dépense jugée somptuaire au regard de la crise
économique que traverse le Sénégal, va aboutir, sans surprise, à un résultat sans rapport avec l’ambition du projet. Par ailleurs, lâchée
par ses principaux sponsors, comme le Brésil par exemple, cette manifestation connaîtra, elle aussi, une dérive budgétaire. Voir à ce
sujet : « Festival des arts nègres : très chers imprévus », Les Afriques, http://www.lesafriques.com/actualite/festival-des-arts-negrestres-chers-imprevus.html?Itemid=89?articleid=27129 (Consulté le 18/07/2011)
29
Souligné par l’auteur.
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Mon fils a de grandes capacités. Personne dans l'opposition n'a la compétence économique et financière de
Karim. » 31
Paris, le 26 Aout 2011 32
Amadou Amath
Universitaire
[email protected]
30
On croit le Chef de l’Etat sur parole. Après avoir dit l’impossibilité constitutionnelle pour lui d’un troisième mandat avant de se
rétracter, il faut conserver à l’esprit qu’Abdoulaye Wade, depuis l’an 2000, a promis aux Sénégalais 7 rames de TGV, une centrale
nucléaire, un tunnel creusé unilatéralement sous la Gambie (Etat souverain), une Grande offensive pour la nourriture et l’abondance
etc. La liste des « waderies » est sans fin.
31
Larcher, Laurent. « Entretien. Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal : « Mon départ créerait un chaos pire qu'en
Côte d'Ivoire ». Dakar, reportage de notre envoyé spécial », La Croix, 22/07/2011.
32
Article mis à jour le 31 août 2011
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