Synthèse de rapport La protection contre l`appropriation illicite des

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Synthèse de rapport La protection contre l`appropriation illicite des
Synthèse de rapport
La protection contre l’appropriation illicite des secrets
d’affaires et des informations commerciales
confidentielles
(Version française)
Rapport pour la Commission Européenne, remis par la Fondation pour le
droit continental et rédigé par Florence G’Sell et Pascal Durand-Barthez.
Cette étude a été commandée par la Fondation pour le droit continental, elle en
présente ici la synthèse. L’objectif est de promouvoir les techniques du droit continental au
plan international afin de faire valoir leur efficacité et la sécurité qu’elles apportent aux
relations d’affaires. La protection des secrets d’affaires constitue un enjeu stratégique dans le
contexte de la compétition économique internationale. La Commission Européenne mène
des études et des consultations dans la perspective d’une initiative législative éventuelle sur
cette question. La Fondation pour le droit continental a tenu à participer à cette réflexion afin
de proposer une vision de la protection des secrets d’affaires et des informations
commerciales confidentielles qui tire parti de l’héritage du droit français et de sa
tradition continentale en présentant les particularités et attraits du droit français. La
Fondation espère ainsi proposer certaines pistes d’évolution à la Commission.
Le rapport a été confié au Professeur Florence G’Sell, professeur de droit privé à
l’Université de Bretagne Occidentale et à Maître Pascal Durand-Barthez, avocat à la Cour
et ancien directeur juridique du groupe Alcatel Alstom.
A l’issue de ce rapport, la fondation identifie plusieurs points du droit français pouvant être
mis en évidence de manière à permettre à la Commission d’évaluer plus précisément la
faisabilité d’une initiative législative.
I.
La définition de la notion de « secrets d’affaires »
Il n’existe pas de régime de protection spécifique ni de définition des secrets d’affaires en
droit français. Si la notion de secret d’affaires est présente dans les textes et la jurisprudence,
le droit français ne dispose à ce jour ni d’une définition générale, ni d’un régime de
protection spécifique hors le domaine de la propriété intellectuelle et certains domaines
protégés pour des raisons d’intérêt public (secret professionnel, secret défense, etc.).
Une protection des informations sensibles non protégées à ces derniers titres étant
nécessaire, la création d’une incrimination pénale de violation des secrets d’affaire est
actuellement envisagée en droit français, à la suite d’une proposition de loi qui n’a pas fait
l’objet d’un vote définitif.
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Dans ce contexte, l’adoption d’une définition uniforme de la notion de secret des
affaires reprenant celle de la Convention ADPIC, ou inspirée par elle, permettrait de
clarifier la matière.
II.
La protection effective des secrets d’affaires
La protection effective des secrets d’affaire est réalisée, en droit positif, grâce au droit
commun. En droit civil (le droit pénal restant hors du champ de notre étude), la
confidentialité est fréquemment organisée par contrat, de même que la responsabilité civile
délictuelle de celui qui s’est livré à une divulgation préjudiciable est souvent invoquée.
1. La protection par un contrat
1.1. La protection par un contrat de droit commun
Les juristes français sont aujourd’hui accoutumés à stipuler des clauses de confidentialité
dont la principale difficulté tient à la détermination des informations protégées.
Le principal enjeu d’une réglementation en la matière serait probablement de dissiper ces
difficultés en précisant les conditions de licéité et le contenu éventuel de ces clauses qui
sont parfois difficiles à distinguer des clauses de non concurrence. En particulier, une
législation pourrait constituer une aide substantielle pour les négociateurs en fixant les
limites, dans le contenu ou la durée, de l’obligation contractuelle de confidentialité.
1.2. La protection renforcée dans le cadre d’un contrat de travail
La spécificité du contrat de travail permet une protection plus automatique de la
confidentialité contre les violations du secret des affaires imputables aux salariés. Ainsi le
droit français prévoit une répression pénale des violations du « secret de fabrication » en
matière technologique, une obligation de loyauté inférée du contrat de travail ou encore des
clauses de spécifiques qui peuvent s’appliquer après l’expiration de ce dernier.
On peut douter ici qu’une réglementation uniforme relative aux contrats de travail puisse être
adoptée compte-tenu des fortes disparités des législations étatiques en la matière. En France,
en particulier, le droit du travail fait l’objet d’une réglementation d’ordre public.
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2. La protection par la responsabilité quasi-délictuelle
2.1. La concurrence déloyale
Le secret des affaires bénéficie du principe général de la responsabilité quasi-délictuelle posé
par l’article 1382 du Code civil. Plus précisément, la notion jurisprudentielle de concurrence
déloyale permet de sanctionner les divulgations intempestives d’informations sensibles
portant préjudice à l’entreprise.
2.2. Le parasitisme
La notion, plus récente et plus large, de parasitisme s’est également développée et permet
notamment de protéger les informations échangées durant la période précontractuelle,
même lorsque les parties ne sont pas directement en concurrence.
Le législateur européen pourrait ici s’appuyer sur la jurisprudence française pour envisager
une disposition législative qui s’inspirerait de la définition du parasitisme et prévoirait que le
fait de s’approprier ou de tirer profit d’une information dotée d’une valeur
économique pour celui qui la détenait constitue une faute civile. Un texte législatif
pourrait également tirer bénéfice de cette jurisprudence pour encadrer le régime applicable
aux offres transmises durant la phase des pourparlers.
III.
La protection sur le plan procédural
Le droit français connaît des mécanismes procéduraux originaux, qu’il s’agisse d’établir la
violation du secret ou de protéger ce secret dans le contexte de certaines procédures.
1. La collecte des preuves en procédure civile
Le droit français dispose d’un instrument efficace de collecte des éléments de preuve dans
l’article 145 du Code de procédure civile qui donne au juge le pouvoir d’ordonner des
mesures d’instruction dites in futurum, avec une latitude suffisante pour lui permettre
d’écarter le risque que ces mesures soient utilisées afin de pénétrer les secrets de
l’adversaire.
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Un texte européen pourrait s’inspirer de l’article 145 CPC pour créer un mécanisme ad hoc
de collecte des preuves en matière de secret des affaires, à l’image de ce qui s’est fait en
matière de saisie-contrefaçon.
2. La protection du secret dans les procédures judiciaires et administratives
Il existe quelques mécanismes procéduraux spécifiques ayant pour objet d’assurer que les
procédures judiciaires ou administratives n’aboutissent pas à la divulgation indue de
secrets d’affaires : tel est le cas des procédures devant l’Autorité de la concurrence, ou des
procédures étrangères visées par la « loi de blocage » du 16 juillet 1980 (qui doit à notre avis
rester hors du champ d’investigation de la Commission).
La question reste posée de savoir si une législation uniforme en matière de procédure civile
devrait être adoptée de manière à organiser une protection des secrets devant les
juridictions internes. Dans l’affirmative, la procédure actuellement applicable devant
l’Autorité de la concurrence, qui se rapproche de la procédure menée devant les juridictions
européennes, pourrait probablement être adaptée de manière à ce que les justiciables puisse
bénéficier d’une certaine confidentialité dans les procédures de droit commun.
IV.
Le préjudice découlant d’une violation des secrets d’affaires
1. L’évaluation du préjudice et la réparation en dommages-intérêts
Le droit français est relativement élaboré quant à l’évaluation du préjudice découlant d’une
violation des secrets d’affaire. En effet, une fois la faute prouvée, il faut aussi établir et
évaluer le préjudice, ce qui est également délicat.
La jurisprudence a progressivement développé des règles quant à l’admissibilité du préjudice
qui doit être certain, mais peut consister en une « perte de chance », en particulier quand la
violation constitue un acte de concurrence déloyale.
Elle a aussi développé des méthodes d’évaluation du préjudice pour permettre la réparation
sous forme de dommages et intérêts.
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2. La réparation en nature du préjudice
La réparation en nature sous forme d’injonctions de « faire cesser le trouble » est aussi
possible – quoique pas toujours adaptée lorsque la violation du secret a eu des effets
irréversibles – et rendue plus efficace par le procédé du référé qui permet d’avoir une
réaction très rapide, et par le procédé de l’astreinte.
Conclusion : une initiative européenne bienvenue.
Une initiative européenne pour renforcer la lutte contre les détournements de secrets
commerciaux en Europe est cohérente avec les principes de la responsabilité contractuelle et
de la responsabilité quasi-délictuelle en droit français. Elle faciliterait sans doute le
comblement de certaines lacunes. Elle aurait aussi le mérite de définir un corps de règles
précis et uniforme, dont l'existence même aurait sans doute un effet dissuasif pour les
acteurs économiques indélicats. Elle est donc hautement envisageable et probablement
nécessaire.
Les propositions pouvant être retenues si les autorités européennes décident d’intervenir :
 Donner une définition des secrets d’affaires à l’instar de la définition retenue par
les accords ADPIC, de manière à préciser les informations sensibles de diverses
natures pouvant donner lieu à protection.
 Consacrer un principe général de protection des secrets d’affaire en érigeant en
faute civile le fait d’utiliser à son profit un secret d’affaire, à l’image de la
sanction du parasitisme dans la jurisprudence française.
 Encadrer les clauses organisant la confidentialité des secrets d’affaire en
prenant position sur les conditions de licéité et la portée de ces clauses,
notamment quant à la durée de la protection stipulée.
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 Prévoir un mécanisme spécifique de preuve de la divulgation ou de l’utilisation
illicite d’un secret d’affaire qui pourrait s’inspirer de la jurisprudence relative à
l’article 145 CPC et des règles applicables à la saisie-contrefaçon
 Prévoir les moyens de faire cesser le trouble et les modalités de réparation.
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