INSAF _ Problématique du travail des ``petites bonnes``

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INSAF _ Problématique du travail des ``petites bonnes``
PROBLEMATIQUE DU TRAVAIL DOMESTIQUE
DES ENFANTS AU MAROC
29.01.2014
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Le travail domestique des enfants fait référence au travail réalisé par des enfants en-dessous de l’âge
minimum applicable dans des formes dangereuses de travail ou dans une situation proche de
l’esclavage. A cet effet, le Collectif pour l’éradication du travail des « petites bonnes » considère qu’il
est primordial d’inscrire le travail domestique parmi les travaux dangereux interdits aux moins de 18
ans.
1. Référentiel pour la protection des Droits de l’Enfant
Instruments internationaux de protection de l’enfance
La mise en œuvre de moyens de lutte efficace et vigoureuse contre l’exploitation économique des
enfants se fait toujours attendre bien que le Maroc ait signé et ratifié la quasi-totalité des conventions
et instruments internationaux relatifs à la protection de l’enfance notamment :
• Convention relative aux Droits de l’Enfant qui protège les enfants contre les actes discriminatoires
dont ils peuvent être victimes, elle exige des pouvoirs publics la prise en considération de leurs
intérêts, elle appelle à œuvrer pour leur survie et leur épanouissement et elle recommande qu'il
leur soit possible de s'exprimer dans les domaines qui les concernent.
• Convention 138, qui établit que les mineurs de moins de 15 ans ne peuvent être employés dans
aucun secteur économique.
• La Convention 182, qui statue sur l’interdiction absolue d’exposer les jeunes de moins de 18 ans
aux emplois dangereux ou nocifs comme les combats militaires, l’exploitation minière, la
pornographie ou la prostitution.
• Protocole facultatif à la convention des droits de l’enfant, relative à la vente, la prostitution des
enfants et la pornographie les mettant en scène
• Protocole facultatif se rapportant à la convention des droits de l’enfant, ayant trait à l’implication
des enfants dans les conflits armés (2002).
Dispositions nationales de protection de l’enfance
Différentes initiatives visant la promotion des droits de l’enfant ont été lancées parallèlement à
l’adoption par les autorités publiques marocaines de nombre de textes législatifs, dans un souci
d’harmonisation de la législation avec le contenu des instruments internationaux :
• Adoption de la loi 04.00 sur l'obligation de l'enseignement fondamental, le 25 Mai 2000
• Adoption de la loi 24.03 modifiant le code pénal qui apporte d'importantes innovations en
matière de statut des mineurs
• Adoption d’un nouveau code de travail, qui interdit le travail des enfants, juillet 2003
• Le Plan d’Action Nationale pour l’Enfance 2006-2015, baptisé « Un Maroc digne de ses enfants »
qui s’articule autour du droit à la vie saine, du droit à une éducation de qualité, de la protection
des enfants contre les mauvais traitements et qui accorde une attention particulière au travail
domestique des enfants.
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• L’initiation des Unités de Protection de l’Enfance dans les grandes villes en tant que réponse
intégrée aux problèmes de protection des enfants
• Mise en place de l’Observatoire National des Droits de l’Enfant (ONDE) chargé du suivi et de la
mise en œuvre de la Convention des Droits de l’Enfant.
• Lancement en 2007 de l’initiative ‘’INQAD’’ de lutte contre le travail des petites filles
domestiques, qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale pour l’enfance pour la décennie
2006-2015
• Création d’une cellule de suivi du travail des enfants par le Ministère de l’Emploi et de la
Formation Professionnelle au sein de la Direction du Travail.
• Programme national de développement humain Tayssir mené par le Ministère de l’Education
Nationale visant l’encouragement des familles à scolariser leurs enfants.
• Nouvelle constitution adoptée en 2011.
Pourtant, ces instruments ont montré leur limite dans la protection des enfants exploités comme
domestiques en l’absence d’une loi qui encadre l’interdiction du travail des moins de 18 ans, et plus
particulièrement dans ce champ clos qu’est la maison récipiendaire.
2. Ampleur du travail domestique des enfants au Maroc :
L'estimation globale diffusée en Septembre 2013 du Bureau International du Travail (BIT) indique qu’il y
a aujourd’hui plus de 168 millions d’enfants dans le monde impliqués dans le travail des enfants soit
près de 11% des enfants âgés de 5 à 17 ans, exerçant des activités qui nuisent à leur développement
mental, physique et émotionnel. 85 millions d’entre eux font des travaux dangereux.
L’OIT consacre une importance particulière à l’élimination du travail domestique des enfants et à la
protection des jeunes travailleurs contre l’abus et l’exploitation /Rapport OIT de la journée mondiale de
lutte contre le travail des enfants 12 Juin 2013.
Cette pratique sociale, contraire aux droits fondamentaux de l’enfant, touche, principalement, les filles
mineures pauvres de milieux rural et périurbain (Près de 60 à 70% des enfants en situation de travail
domestique / Rapport OIT en 2011).
Au Maroc, il n’existe pas de chiffres exacts sur le travail des « petites bonnes ». Il s’agit, en effet, d’une
pratique d’exploitation de filles mineures, dont une grande majorité est âgée de 8 à 15 ans, qui se passe
dans les maisons, dans le secret et la duplicité.
Le HCP, qui publie des statistiques à l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, ne
traite pas clairement de ce groupe d’enfants.
Selon les estimations de l’étude commanditée, en 2010, par notre Collectif associatif, elles seraient
entre 66 000 et 88 000 « petites bonnes » au Maroc, issues de régions rurales et périurbaines.
Les résultats d’études menées par le Collectif soulignent que :
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Les « petites bonnes » sont à :
o 38% âgées de 8 à 12 ans, âge du premier cycle de l’enseignement fondamental
o 62% âgées de 13 à 15 ans, âge du second cycle de l’enseignement fondamental
o 49% en abandon scolaire,
o 30% jamais été scolarisées,
o 21% encore scolarisées et travaillent par intermittence (vacances scolaires).
Les Familles émettrices sont à :
o 47% pauvres,
o 28% très pauvres,
o 16% sans revenus irréguliers,
o 9% avec revenus réguliers.
Dans ces familles, 94% des mères et 72% des pères sont analphabètes.
Les Familles récipiendaires :
o 54% dans la catégorie ‘’classe moyenne’’,
o 20% dans la catégorie ‘’classe aisée’’,
o 23% des revenus irréguliers
Dans ces familles, 53% des mères et 68% des pères ont suivi des études supérieures. Seuls 5% ont
suivi des études primaires ou sont analphabètes.
3. Facteurs :
Les raisons à ce phénomène sont nombreuses et multiples mais on peut considérer que leurs causes
sont, principalement, d’origines socioéconomiques. En effet, les différentes études réalisées démontrent
que le travail des enfants est dicté globalement par les considérations suivantes :
• La défaillance législative notoire, notamment la non application de la loi sur la scolarisation
fondamentale obligatoire et l’inexistence d’une loi spécifique pour la protection des enfants
contre le travail domestique, qui encourage le travail précoce et illégal des enfants.
• La pauvreté : Les informations recueillies dans le cadre des études réalisées par les associations
qui travaillent sur la problématique confirment la relation quasi-directe entre la pauvreté et le
phénomène de travail des enfants, en général, et des petites filles domestiques, en particulier.
• L’analphabétisme et l’ignorance des familles : Les parents n’ont aucune connaissance des droits
de leurs enfants et sont inconscients des risques du travail domestique pour des mineurs. Ils
considèrent cette situation comme normale et une source structurelle de revenu
complémentaire pour la famille.
• Manque d’infrastructure de proximité : L’inexistence ou l’éloignement de l’école et des structures
d’accueil est un facteur qui joue contre l’accès des enfants à la scolarisation et accentue les
risques de leur travail précoce.
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• La permissivité sociale : Le phénomène est toléré et banalisé par la société marocaine.
4. Répercutions du travail domestique des enfants sur leurs droits :
Cette pratique touche des fillettes contraintes de travailler parce que leur survie et celle de leur famille
en dépendent. Les « petites bonnes » supportent des conditions de travail et de vie dégradantes, ne
correspondant ni à leur âge ni à leurs capacités physiques.
Pour le Collectif associatif pour l’éradication du travail des petites bonnes », le phénomène du travail
domestique des enfants constitue l’un des travaux précoces les plus dangereux :
• Derrière des portes closes, les enfants sont soumis au bon vouloir de leurs employeurs.
• Cette exploitation interfère avec leur éducation, leur santé et leur développement physique et
psychique.
En effet, les enfants travailleurs domestiques sont privés de leurs droits fondamentaux, notamment :
• L’affection et protection parentale directe : environnement d’affection et de sécurité morale et
matérielle.
• L’éducation et l’instruction : Perte de l’opportunité d’apprentissage et de développement de leurs
facultés.
• La santé : D’une part, malnutrition et dénutrition qui peuvent entraîner des perturbations
comportementales, et d’autre part, tâches ménagères dépassant les capacités physiques d’un
enfant et qui entravent son développement physique.
• La protection contre la maltraitance : Ces enfants subissent des violences et d’abus physiques,
psychologiques et sexuels.
• …
5. Exemples de Cas de violence :
Les exemples de maltraitance et d’homicides, ci-après, illustre le danger du travail des « petites
bonnes » dans notre pays :
Septembre 2009 : Maltraitances et violences extrêmes
Zineb - 11 ans - a été hospitalisée d’urgence à Oujda suite à la brutalité inhumaine de ses
employeurs/exploiteurs, dont un magistrat, au comportement barbare : coups de bâtons et de câbles
électriques, rasage de la tête, brûlures à l’eau bouillante et à l’aide de fer à repasser …
Août 2010 : Maltraitance
Le cas de F.R., « petite bonne » violentée a scandalisé les habitants de Derb Chorfa à Casablanca.
Agée de 12 ans, elle a été recueillie dans un état psychologique et physique alarmant, en pleine rue
après avoir fui la maison de ses « patrons tortionnaires ». Confiée à la police judicaire, la fillette a été
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ballottée entre plusieurs lieux tous aussi inadaptés, avec des populations dont les problématiques
sociales n’ont rien à voir avec sa situation, faute de centres dédiés et de procédures de prise en charge
spécifique.
Juillet 2011 : Homicide
Khadija AGDAM - Age 11 ans - Lieu d’origine Chichaoua - Lieu de travail domestique Casablanca
Date de décès suite à maltraitance : 26 Juillet 2011 - El Jadida
Janvier 2013 : Tentative de suicide
N. N., longtemps exploitée comme domestique, travaillait dans une famille de médecin au Quartier
Bourgogne à Casablanca, s’est jetée de la terrasse de ses employeurs pour mettre fin à sa vie de femme
physiquement exploitée et psychiquement martyrisée. Le jeune du quartier qui a tenté de la rattraper en
bas de l’immeuble est décédé des suites du choc avec le corps de N. N. Faute de centre d’accueil, elle a
été prise en charge par une association qui s’occupe des femmes victimes de violence
Mars 2013 : Homicide
Fadma, âgée de moins de 14 ans, exploitée comme domestique, est décédée, le dimanche 24 Mars 2013
à l’hôpital Hassan II en Agadir des suites de brulures de 3ème degré et d’actes de violence caractérisée.
Son employeuse est condamnée à 20 ans de prison.
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