La problématique actuelle de l`état des droits des femmes après

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La problématique actuelle de l`état des droits des femmes après
La problématique actuelle de l’état
des droits des femmes après Pékin + 5 :
stratégies de défense et de promotion
FATOUMATA SIRÉ DIAKITÉ
Membre fondatrice du Réseau interafricain Francophone des Femmes
sur les Droits et la Lutte contre la Violence faite aux Femmes (RIAF/DLVF)
Membre du Haut Conseil de la Francophonie
La question de l’émancipation de la femme a fait l’objet de reconnaissance au niveau des Nations Unies à travers la tenue en 1975 de la 1ère Conférence internationale des Femmes à Mexico (Mexique) et la proclamation de
la même année (1975) comme Année Internationale de la Femme.
Cette Année Internationale fut suivie par la proclamation de la Décennie de la Femme (1976–1985) au cours
de laquelle furent organisées deux autres Conférences des Nations Unies pour les Femmes à Copenhague (1980)
et à Nairobi (1985).
La dernière Conférence sur les Femmes, intitulée 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes de Pékin 95, a
été une étape très importante dans la reconnaissance et l’affirmation des droits des femmes par les États mais aussi
et surtout par les femmes elles-mêmes.
Cela a été possible grâce à certains engagements historiques pris au cours de la Conférence Mondiale des droits
de l’Homme tenue à Vienne en 1993 et qui a reconnu que « les droits des femmes sont des droits humains » et que
« la violence faite aux femmes constitue une violation de leurs droits ».
Elle a aussi proposé la nomination d’un Rapporteur spécial en matière de violence faite aux femmes. Il est à
noter qu’il existe déjà un Rapporteur spécial sur la question des pratiques traditionnelles néfastes à la femme même
si les résultats de son travail ne sont pas bien connus et diffusés.
Un élément important en matière de droits des Femmes est la Convention des Nations Unies relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). À ce jour elle a été ratifiée par
165 États, le dernier État africain à l’avoir ratifié est le Niger en 1999.
Parmi les États l’ayant ratifiée, certains l’ont fait avec des réserves qui souvent sont en contradiction avec les
objectifs de la CEDEF. Le Mali a ratifié la CEDEF en 1985 sans aucune réserve. Néanmoins, il faudra noter qu’en
Afrique, sept États n’ont pas encore ratifié la CEDEF, en Europe ce sont huit États.
Afin de mieux compléter la CEDEF, le Protocole facultatif à la CEDEF a été adopté en mars 1999. À ce jour,
seul le Sénégal l’a ratifié en Afrique. Il fut aussi ratifié par la France au niveau de l’espace francophone. Il est
important que les États particulièrement ceux membres de la Francophonie mettent en place des mécanismes en
vue de la ratification urgente de ce Protocole en vue de sa mise en vigueur par les Nations Unies, principalement
les États qui ont déjà ratifié la CEDEF sans aucune réserve ; ex : le Mali. Un autre fait important est, d’une part,
l’examen de l’état des ratifications des Conventions relatives aux droits des Femmes dans l’espace francophone
et, d’autre part, la levée progressive mais définitive des différentes réserves formulées dans un délai raisonnable.
ÉTAT DES DROITS DES FEMMES APRÈS PÉKIN + 5
À la veille de la 4ème Conférence mondiale sur les femmes de 1995, il y eut une course des États aux ratifications des Conventions relatives aux droits des Femmes et des enfants, particulièrement la CEDEF et la CDE. Cette
dernière convention a reçu le plus fort taux de ratification du système des Nations Unies (environ 190 ratifications).
Cette course aux ratifications a constitué une bonne chose. Seulement, la seule ratification d’une Convention
n’est pas suffisante pour « donner » des droits aux femmes dans nos États, puisqu’à côté de ces Conventions ratifiées existent des lois internes qui sont discriminatoires à leur égard.
Est-ce à dire que les États se limitent à prendre des engagements internationaux simplement avec l’intention
d’être bien vus sur le plan interne, qu’il n’y a aucune volonté réelle de mise à jour des textes juridiques internes
relatifs aux droits des femmes, cela conformément aux engagements pris ?
En effet, l’existence de dispositions juridiques discriminatoires en matière des droits des femmes (et des enfants
aussi) est la preuve que les États continuent à traîner les pieds dès qu’il s’agit de mettre en œuvre lesdits engagements.
La problématique actuelle de l’état des droits…
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Face à cette situation, les États opposent des raisons « alibis » comme la religion, la tradition, la culture, le
manque de moyens économiques, les effets des programmes d’ajustement structurel et maintenant la mondialisation, pour ne pas appliquer et/ou respecter les droits des femmes.
Un autre argument souvent évoqué pour ne pas respecter les droits des femmes en Afrique est que la notion ou
le concept de droits des femmes est une idée occidentale, que le respect de la femme fait partie de la culture africaine.
Mais à la lumière de toutes les violences dont sont victimes les femmes en Afrique (et ailleurs) on est en droit
de se poser la question de savoir de quelle culture africaine parle-t-on, quand on l’évoque pour justifier la violation des droits des femmes.
Cela m’amène à parler des droits des femmes après Pékin + 5.
Le constat n’est pas tout à fait positif. Il y a environ 10 jours que nous avons clos à New York, au siège des
Nations Unies, la 23e session extraordinaire de l’Assemblée générale qui a porté sur l’évaluation de la mise en
œuvre des conclusions de la 4ème Conférence Mondiale sur les femmes tenue à Pékin en 1995.
En terme d’évaluation, nous avons plutôt vu une conférence bis, mais au rabais.
En effet certains acquis en matière de droits des femmes difficilement obtenus lors de la 4e Conférence de Pékin
95 ont été remis en cause par les mêmes États qui ont échoué dans leur tentative en 1995. C’est la question des
droits sexuels de la femme, de l’avortement, de l’orientation sexuelle, la question de la violence domestique, la
violence engendrée par l’État, etc.
L’adoption officielle du document final le samedi 10 juin 2000 dans l’après-midi au lieu du jeudi 8 juin 2000
date officielle programmée pour son adoption atteste de la difficulté de négociation. Cela est-il dû au fait qu’il
s’agit de questions relatives aux femmes ?
Devant cette situation, les questions que je me pose sont les suivantes :
Pourquoi les États sont-ils réticents à respecter le concept de l’universalité, et de l’interdépendance des droits
quand il s’agit des droits des femmes ?
Pourquoi voient-ils ou considèrent-ils la question ou le respect effectif des droits humains des femmes comme
une menace à leur souveraineté ?
Pourquoi les États sont tous d’accord qu’il n’est plus possible d’ignorer un peu plus de la moitié de l’humanité que constituent les femmes quand on veut atteindre un développement véritable, réel et durable et en même
temps pris individuellement, ces mêmes États deviennent réticents à respecter les droits de leurs « femmes » ?
Peut-il y avoir une démocratie effective et véritable quand les droits des femmes sont limités et/ou violés, entre
autres, par l’État et les institutions ?
J’invite les ateliers à répondre à ces différentes interrogations.
Enfin, je nourris l’espoir que le présent Séminaire fasse des recommandations au Symposium de Bamako afin
que la question des droits des femmes soit inscrite en bonne place dans son programme.
L’effectivité, l’accès et la jouissance par les femmes de leurs droits et de tous leurs droits constituent une condition sine qua non de la consolidation du processus de démocratisation en cours en Afrique depuis bientôt dix ans.